La transformation de l'âme, sa félicité et sa sagesse sont bien une seule et même chose. Cela requiert seulement -mais c'est insurmontable le plus souvent- de savoir tourner son regard dans la bonne direction, ce qui va de pair avec une nouvelle façon de penser et de se conduire...
Le passage, souvent long et difficile, de l'ignorance à la connaissance constitue également l'avancée lente, éprouvante et décisive, vers une nouvelle et sage façon de vivre.
Prêter attention à son intériorité, à ses propres changements, spirituels et émotionnels, c'est en effet découvrir que la réalité dite extérieure est animée d'un même dynamisme. L'intuition métaphysique en effet - la dilatation de l'esprit dans la chose qu'il étudie - précède le travail conceptuel, mais elle unifie aussi le soi et ce qu'il perçoit. Elle est une conversion, un retournement vers une source de vie dont l'homme, contrairement à ce qu'il croit souvent, n'est pas séparé.
"C'est pourquoi je lui donne (à Pinhas) mon alliance de paix." (Nombres 23.12)
La paix véritable n'est pas une renonciation mais une paix qui advient après un long combat. Une telle paix est durable.
P. 85
On mentionna au rabbi de Kotzk l'existence d'un Juste qui affirmait avoir la force de ressusciter les morts. Il répondit : - Ressusciter les morts, c'est l'affaire du Saint, béni soit-il [Dieu], un Juste doit ressusciter les vivants.
p. 72
Il pensait que la conversion -le retournement du faux soi vers une source qui l'appelle à la vie créatrice- pouvait seule, ultimement, apporter un réel espoir aux hommes, chacun devant trouver sa voie pour y parvenir. Jamais Merton ne ressembla aux convertis dogmatiques qui croient à l'unicité du chemin vers Dieu. De là viennent sa grande ouverture d'esprit, sa profonde et insatiable curiosité à l'égard des autres religions.
(1942)
Les pleurs et la tristesse que l'homme ressent seulement en lui-même et pour lui-même peuvent le briser et le faire tomber au point qu'il ne peut plus rien faire. Mais les pleurs qu'il verse avec le Saint, béni soit-Il, le renforcent. Il pleure et il retrouve de la force, il est brisé mais il retrouve le courage d'enseigner et de servir Dieu.
Il est difficile de se relever une fois, deux fois, etc. de toutes ces souffrances. Mais quand quelqu'un fait un effort et relève la tête, qu'il se met à s'occuper de la Torah et à prier, alors il pénètre dans les lieux secrets où le Saint, béni soit-Il, pleure et se lamente avec lui, si l'on peut s'exprimer ainsi. Il retrouve même la force d'étudier la Torah et de servir Dieu.
p. 147
Tant qu'un homme vit, il ne peut penser avoir terminé d'étudier.
P. 72
"Qui augmente son savoir, augmente sa souffrance." (Eccl. 1.18)
Et malgré cela, il vaut la peine de savoir, et la souffrance elle-même y conduit aussi.
Quelqu'un dit au rabbi de Kotsk :-Ne vaudrait il pas mieux que je sache moins de choses, puisque "Qui augmente son savoir, augmente sa souffrance"?
Il lui répondit : au contraire, il est bon de savoir beaucoup de choses, même si on souffre.
Il vaut mieux continuer d'augmenter beaucoup son savoir plutôt que de souffrir pour un petit savoir.
P. 92
Séparer l'amour de la connaissance et de la crainte incite à confondre le premier avec un sentimentalisme qui, voué à Dieu ou aux êtres humains, manque presque toujours de clarté intérieure, et la seconde avec la peur au sens le plus banal du terme. Or, priver les femmes de l'étude, c'est les vouer à cette dissociation et les exclure de la possibilité d'être éclairées intérieurement par les versets d'une façon qui serait liée à leurs questions propres.
p. 139
La philosophie a, depuis longtemps médité la conversion. Elle ne l'a pas pour autant relié à une foi religieuse ou à un secret propre à telle ou telle personne, puisqu'elle a surtout vu en elle la possibilité d'un retour vers une vérité proposée à quiconque la cherche en avançant sur un chemin spéculatif, partageable avec autrui même s'il culmine dans une intuition ou une contemplation où, semble-t-il, la solitude est de mise.