Citations de Catherine L. Moore (24)
Être obligé de dire "monsieur" à une machine faite de métal et de plastique, c'était trop contraire à l'ordre des choses.
("Androïde")
– Crois-tu à l’imprégnation psychique des objets inanimés ? questionna Phil (…)
– Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? répondit Melton (…)
– Une vieille théorie, énonça Phil paresseusement. Si un homme vit longtemps dans un lieu, les murs finissent par absorber ses émanations psychiques…
(Il se passe quelque chose dans la maison)
— Mais Jirel, je ne crois pas que vous compreniez. C'est un sort pire que les plus terribles tourments de l'enfer. C'est... c'est au-delà de toutes les bornes des enfers que nous connaissons. Et je crois que les flammes les plus ardentes de Satan seraient le souffle du paradis comparées à ce qui peut se passer là-bas.
— Je sais. Croyez-vous que je me risquerais à y descendre si je n'en étais pas sûre ? Où trouverais-je ailleurs l'arme qu'il me faut, sinon hors du royaume de Dieu ?
("Le baiser du dieu noir")
Il ne pouvait plus douter que, d’une certaine façon, la vie de Clarissa empiétait sur un autre monde que le sien. Et, chaque fois que les deux mondes entraient en conflit, l’autre monde affirmait sans effort sa suprématie.
("L'heure des enfants")
Contemplant vaguement par la fenêtre l’endroit où aurait dû se trouver sa cour, Gallegher sentit là nausée lui tordre le ventre à la vue du trou béant, de ce trou ridicule et invraisemblable. C’était un gros trou. Profond. Presque assez pour contenir la gueule de bois un tantinet colossale de Gallegher.
("Gallegher bis" - 1943)
Pratiquement toutes les œuvres de maturité de Henry Kuttner ont été écrites en collaboration avec sa femme, Catherine L. Moore. Il semblait rarement y avoir quelque chose de préconçu dans cette collaboration, spécialement dans ses dernières années ; l’un d’eux laissait simplement une nouvelle en train sur la machine à écrire, pour ainsi dire, et en revenant la retrouvait avancée de plusieurs milliers de mots par l’autre.
(Préface d'Alain Dorémieux)
La beauté est aussi concrète que le sang, d'une certaine manière. C'est une force séparée, distincte, qui habite le corps des hommes et des femmes. Vous n'avez pas été sans remarquer le vide qui accompagne une beauté parfaite chez de nombreuses femmes... La force est si puissante qu'elle chasse toutes les autres et vit comme un vampire aux dépens de l'intelligence et de la bonté et de la conscience et de tout le reste.
(La Soif Noire.)
Pendant un long moment il resta à la contempler en silence, le regard baissé sur ses yeux mi-clos. Puis avec le détachement aisé de quelqu’un qui se meut dans un rêve, il se pencha, répondant à l’invitation de ses bras levés. Le sable était frais et doux, et sa bouche avait un imperceptible goût de sang.
Il se souviendrait toujours, dans ses cauchemars, jusqu’à sa mort, de l’instant où la chevelure de Shambleau l’avait enveloppé. Une odeur nauséeuse, suffocante de vers gras, visqueux s’emparant de son tout corps, leur tiédeur moite passant à travers ses vêtements comme s’il avait été nu sous leur étreinte.
- Vous êtes ma suzeraine, je vous donnerai la bénédiction de Dieu, mais elle ne vous servira à rien... là-bas.
(Père Gervais à Jirel)
Il était une fois un polygraphe prolifique, un bâcleur acharné, qui fourmillait d'idées astucieuses mais les exploitait n'importe comment, qui écrivait à la chaîne et à la commande des histoires en série pour des magazines populaires, et dont l'oeuvre se caractérisait par un manque certain d'ambition et de recherche.
Il rencontra un jour une jeune femme attirante, à la fois introvertie et pleine de magnétisme, qui avait vécu une adolescence recluse peuplée de fantasmes morbides qu'elle traduisait avec préciosité en des récits captivants, au style élaboré, aux images flamboyantes.
Ils se marièrent, furent heureux, et faute d'avoir beaucoup d'enfants devinrent à eux deux, en unissant leurs talents respectifs, un seul auteur protéiforme, qui à visage découvert ou sous le masque des pseudonymes tint, pendant des années, une place de premier plan sur la scène de la science-fiction américaine.......
(extrait de la préface du volume paru dans la collection "le livre d'or de la science-fiction" en 1979)
A la vérité, elle ressemblait tout à fait à une créature en armure, avec ses membres délicatement blindés et sa tête dépourvue de traits, comme un heaume avec une visière de verre, et sa tunique mailles. Mais aucun chevalier en armure ne se mouvait comme Deirdre ou ne portait son armure sur un corps aux proportions si inhumainement belles. Seul un chevalier d'un autre monde, ou un chevalier de la cour d'Obéron, aurait pu avoir cette allure délicate.
Qu'est-ce qui est plus fort que l'amour ? La réponse lui vint quand il sombra dans l'oubli : la Mort.
(Le Dieu Gris).
Elle remua les lèvres en un chuchotement qui s alliait intimement au silence et à l affreux ondoiement de......sa chevelure,murmurant tendrement,passionnément : Je te parlerai.....maintenant......dans mon propre langage.....oh! bien aimé ! Elle venait vers lui.Il en frémissait d horreur,mais c était une répulsion perverse qui désirait ce qu elle haïssait.Il passa ses bras autour d elle sous le manteau moite et chaud,hideusement vivant.Le corps adorable fut contre le sien ;elle noua ses bras à son cou-et,dans un bruissement soudain,l horreur indicible se referma sur eux. Il se souviendrait toujours,dans ses cauchemars.jusqu à sa mort,de l instant où la chevelure de Shambleau l avait enveloppé.
Smith n'avait pas vu son visage, mais c'était une femme, bien faite et en danger. Bien qu'il n'eut pas la réputation d'un homme chevaleresque, quelque chose dans cet abandon à ses pieds, toucha la corde sensible qui vibre en tout Terrien pour l'opprimé.
(Shambleau)
Elle ne répondit pas à cette question, mais sa bouche s’incurva en un lent sourire. Avec une femme, c’aurait été une réponse suffisante, provocante, audacieuse. Avec Shambleau, cela avait quelque chose de pitoyable et d’horrible si humain sur le visage d’un demi animal
Les mots pénétrèrent dans sa conscience avec la violence d'un coup de canon ; à cet instant, il sut. Il comprenait le langage qu'utilisait l'homme, il se souvenait que ce langage avait été autrefois le sien et se rendait compte de ce qu'il était devenu. Il réalisa aussi que ces hommes - quels qu'ils soient - couraient le même danger qui l'avait vaincu, et la nécessité urgente de les avertir assaillit son mutisme. Jusqu'alors, il n'avait pas su clairement, avec des pensées humaines, qu'il n'avait pas d'existence. Il n'était pas réel : il n'était qu'une mémoire de loup errant dans l'ombre. Il avait été un homme. Maintenant, il n'était qu'un loup - une bête - dépouillé de son humanité jusqu'à ce fond même de barbarie qui réside en tout individu. La honte l'envahit. Il oublia les hommes, le langage qu'ils parlaient, la faim. Il se réduisit à l'immatérialité d'un souvenir de loup et de honte humaine.
Il y a eu des dieux qui étaient vieux quand Mars étaient une planète verte,et qu'une Lune verdoyante tournait autour d'une Terre bleue aux mers bouillonnantes , et que Vénus en fusion tournait autour d'un Soleil plus jeune.
Lorsque le dernier cheval passa près d'elle, tout couvert de sueur et trébuchant, elle le vit redresser la tête, faisant voler son écume, et lancer un hennissement strident vers les étoiles. Et il lui sembla que ce cri était étrangement articulé. Elle entendit presque l'écho d'un nom : "Julienne, Julienne !" dans cette clameur aiguë. Et cette incongruité cette amère désespérance lui étreignit le cœur si durement que pour la troisième fois en cette nuit des larmes brûlantes lui vinrent aux yeux.
L'épouvantable humanité de ce cri résonnait encore à ses oreilles alors que le tonnerre de la galopade s'éteignait au loin. Elle reprit son chemin, luttant contre sa pitié envers cette créature superbe et aveugle, chancelante de fatigue, et qui criait désespérément un nom de femme dans la nuit vide où elle était à jamais perdue.
Il y a beaucoup de pays de rêve, dit-elle, beaucoup de pays nébuleux, irréels, où errent les âmes des dormeurs. Des lieux qui ont une existence réelle, ténue, si l'on en connaît le chemin...
(Songe Vermeil)