Dans une nature malmenée par les hommes, il ne reste parfois plus beaucoup d'options. Comment survivre lorsque l'équilibre a été rompu ? Que reste-t-il aux enfants des générations futures pour reconstruire sur les cendres d'un monde à l'agonie ? Dans ces multiples interrogations sur notre rapport à l'environnement, la littérature nous montre que tout est encore possible.
Antoine Desjardins, Catherine Leroux et Matthew Neill Null
La nature était si belle et volatile.
Les gens qui lisent ont de drôles d'idées, mais ils ne font pas grand-chose.
Le vent balayait la montagne comme pour la dépouiller de ses souvenirs et je me suis surprise à désirer une promenade sur ces sentiers mal balisés qui menaient tous au même endroit.
Je ne veux rien avoir à transmettre.
Elle rejoint leur propre potager, impeccablement entretenu au milieu de la prairie échevelée. Sur le sentier, ses pas soulèvent une onde vivante, celle de dizaines de sauterelles qui bondissent, de centaines de mouches qui s'élèvent. De loin, la maison lui apparaît sous un jour différent. Ses angles jaunes et blancs offrent une lumière douce. C'est une maison-lanterne, un œil de chat qui éclaire les friches. À son arrivée, elle prend le panier à lessive. Francelin l'a aidée à installer un tendoir au milieu de la cour. Ses blouses tremblotent dans le vent et le secret des criquets. Il y a des voix partout, à Fort Détroit ; tout parle et chuchote, tout soupire tout le temps. Il lui a fallu un mois et demi pour commencer à entendre et assimiler ce qui n'est ni un récit ni une incantation, mais plutôt une sorte de liste dont les termes mis bout à bout arrachent au monde son opacité.
« Madeleine n’ajoute rien. Elle ne trouve pas les mots pour dire que la vie n’est pas ainsi faite, pour expliquer à son fils encore si jeune que le monde n’est pas une immense balance où les mauvaises actions se répondent, où les fautes sont systématiquement punies. Le monde est un endroit injuste où les bons deviennent mauvais de n’être jamais récompensés, où les véritables méchants ne sont que rarement châtiés et où la plupart des hommes zigzaguent entre les deux extrêmes, ni saints ni démons, louvoyant entre les peines et les bonheurs, les doigts croisés, touchant du bois. Chaque être divisé en deux, chacun avec sa faille autour de laquelle s’agitent le bien et le mal. » (p. 210)
Gloria reste figée, les poings serrés. Des larmes à la texture de pétrole collent à ses paupières.
Tout a déjà explosé, le monde a été anéanti. C'est l'avantage de survivre à l'apocalypse : il ne reste plus rien à protéger ni à craindre.
Les oies entraînèrent avec elles l'été, puis le froid ralentit le quotidien, le gel laqua la terre et tout s'arrêta.
Marie inspira profondément avec l'impression qu'un arbre essayait de pousser à l'intérieur de sa poitrine. Elle se dirigea vers le centre de la pièce. C'était ici, sous ce toit en pente, qu'Ariel et elle avaient vu le jour à quelques minutes d'intervalles. Elle se mit à pleurer. Ici , ils avaient pris leur première respiration, poussé ensemble leurs premiers cris. On les avait lavés, emmaillotés et sans doute couchés l'un contre l'autre quelques heures avant qu'on emporte Marie, tirant ainsi sur une corde invisible, un élastique qui n'attendait que le bon moment pour se tendre et projeter les jumeaux l'un vers l'autre dans un mouvement aussi inévitable que l'orbite des planètes.