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Avec Stoyan Atanassov & André Comte-Sponville Rencontre animée par Catherine PortevinTzvetan Todorov, né en 1939 à Sofia, arrivé à Paris au début des années 1960, a vécu la plus grande partie de sa vie en France et écrit son oeuvre en français. Mais il se voyait toujours comme un « homme dépaysé ». Cette expérience a nourri son intérêt pour le dialogue entre les cultures et sa vigilance à l'encontre de toutes les tentations totalitaires. Quelle part bulgare avait-il gardé en lui, quelles relations entretenait-il avec son pays natal ? Comment aujourd'hui ses livres sont-ils lus et perçus en Bulgarie ? Pour évoquer les passages de Todorov entre Sofia et Paris, sont réunis pour la première fois ses amis et spécialistes de son oeuvre, des deux côtés de la frontière qui fut naguère rideau de fer : Stoyan Atanassov, Professeur de littérature romane à l'Université de Sofia et traducteur en bulgare de l'oeuvre de Todorov et André Comte-Sponville, philosophe, grand lecteur et ami de Todorov, préfacier de son livre posthume Lire et Vivre (Robert Laffont/Versillio, 2018). Une édition augmentée de son fameux Dictionnaire philosophique est paru en 2021 aux PUF. À lire – Tzvetan Todorov, Lire et Vivre, Robert Laffont / Versilio, 2018 – Tzvetan Todorov, Devoirs et délices. Une vie de passeur, Entretiens avec Catherine Portevin, le Seuil, 2002, rééd. Points 2006.

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Catherine Portevin
À plusieurs reprises, note Michel Serres-, LaFontaine « fait descendre aux gros l’échelle des deux infinis, mises en place par Pascal » : une « grosse force, énorme et sotte » dort tandis qu’une petite, « vive, frétille et s’agite ». Comme annoncé par La Fontaine, Le Lion et le Rat est suivie de La Colombe et la Fourmi, construite sur le même canevas : la Colombe « usa de charité » en sauvant la Fourmi de la noyade, qui la sauva à son tour en piquant le talon du « Croquant » qui s’apprêtait à tuer la Colombe qu’il voyait déjà « en son pot ». Dans le même LivreII, Le Lion et le Moucheron, inspirée du fabuliste grec Ésope, propose une autre version de la rencontre entre le gros et le petit, mais cette fois, dans la guerre : le Lion chasse le Moucheron comme un « excrément de la terre », celui-ci l’attaque en retour, le rend fou, triomphe en « invisible ennemi »… avant à son tour d’être pris dans une toile d’araignée. Dans ces retournements de la puissance et de la faiblesse, « les plus à craindre sont les plus petits », conclut La Fontaine.

De nombreuses autres fables montrent la force des faibles ou l’avantage du handicap (Le Lièvre et la Tortue, Le Chêne et le Roseau–« je plie mais ne romps pas »…), mais aussi la brutalité de « la raison du plus fort » (Le Loup et l’Agneau) ou la prétention des petits à se prendre pour des gros (La Grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le Bœuf–« la chétive pécore enfla si bien qu’elle creva »).

Mais Michel Serres a tôt fait de balayer les interprétations scolaires, sociales et politiques, qui replacent l’auteur dans son époque pour reconnaître le Roi Soleil dans le Lion, les nobles « sous la peau du Loup » et tous les autres, petits, faibles, grugés, mais parfois résistants et vengeurs, dans les ânes, les rats, les mouches et les agneaux. Ce qui intéresse le philosophe chez La Fontaine, c’est d’y reconnaître déjà les conditions de ce que lui-même théorisa comme « Contrat naturel » .

“La Fontaine voit, avec la tradition, ce que les philosophes, avec Hegel, ignorent”
Michel Serres
Selon lui, La Fontaine ne décrit pas du tout une morale de l’entraide, à peine une conduite naturelle, puisqu’il oppose l’extrêmement grand à l’extrêmement petit dans des animaux qui, dans la nature, sont indifférents l’un à l’autre, si indifférents qu’il ne saurait être question de contrat entre eux. « Quelqu’un aurait-il jamais cru qu’un lion d’un rat eût affaire ? », écrit Michel Serres, en enchaînant sa propre fable : « Quelqu’un aurait-il jamais cru que l’homme au microbe eût affaire,/ que le pain au levain eût affaire,/que le vin aux ferments eût affaire, / que la bombe atomique à un signal eût affaire, […] / et cependant le signal, un jour, dicte sa conduite à la puissance,/ ou la délivre du filet mortel où elle se trouve prise. »

C’est ainsi que Michel Serres subvertit la dialectique du maître et de l’esclave de Hegel en remettant dans la rivalité la question de l’échelle : « Hegel a-t-il jamais tenté de penser l’opposition entre raisin et diastase ou entre roi et virus ? » La Fontaine« voit, avec la tradition, ce que les philosophes, avec Hegel, ignorent ».

Quant à Serres, philosophe des sciences, il voit aussi la découverte, depuis Pasteur, de ces vivants « plus petits », archéobactéries ou monocellulaires, sans lesquels il n’y a ni monde ni vie. Et repère aussi ces « plus petits »d ans l’inerte de la matière, dans l’atome, les particules, les sons et les signes, les chiffres et les lettres : « Il y a du nano dans toute l’échelle des êtres. »

C’est ainsi qu’avec Michel Serres, Le Lion et le Ratdevient une fable cosmique.


Philosophie Magazine, 1er juin 2021
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Catherine Portevin
Michel Serres lit dans les Fables le Grand Récit de l’hominisation, qu’il résume ainsi : comment les bêtes sont-elles devenues des humains ? S’il est un plan général des Fables de La Fontaine, c’est celui-ci : elles « décrivent et prévoient l’évolution » Dès lors, si les animaux parlent chez La Fontaine, ce n’est pas tant par un anthropomorphisme naïf et désuet, mais parce qu’ils sont les témoins de ce que furent les hommes avant qu’ils n’acquièrent la parole : des bêtes parmi les bêtes.

“Qui a chance de naître homme meurt souvent insecte sec ou pieuvre grippe-sou ; chacun crève de sa propre bête”
Michel Serres
MaisLes Compagnons d’Ulysse, qui ouvre le dernier livre du fablier de La Fontaine, inverse le mouvement.LesFablescommencent par des animaux sauvages (fourmi, cigale…) pour finir par des hommes… mais par des hommes qui préfèrent rester Lion, Ours, Loup… et qui forment le bestiaire des fables précédentes : « Nous redescendons à l’aise l’arbre des espèces d’où nous émergeâmes difficilement, note Serres. Qui a chance de naître homme meurt souvent insecte sec ou pieuvre grippe-sou ; chacun crève de sa propre bête. » Les Compagnons d’Ulysse est la « fable-souche » de ce programme inversé, et le constat pessimiste et amer d’un « échec de la métamorphose ».

Car, l’hominisation a un coût exorbitants’il s’agit de s’élever au-dessus de l’instinct d’une seule espèce pour les embrasser toutes. Même si « l’homme est un loup pour l’homme », il n’est jamais que cela et peut toujours faire mentir cet adage deThomas Hobbes. Car si chacun peut porter en soi l’avarice de la Fourmi, la ruse du Renard, la vantardise du Corbeau, la cruauté du Loup ou la « dominance sanglante » du Lion, l’humain, dit Serres, est l’espèce « déspécialisée » : « nous ne jouissons pas d’une griffe qui déchire ni d’une pince qui serre, mais d’une main qui sert à tout en ne servant de rien tant qu’elle n’a rien appris[…]. Quel travail que l’entendement, quel repos que l’instinct ! ». D’où, « l’aspiration à redevenir stable, dans le trou de l’instinct, le puits de l’animalité[…]. Voilà donc l’aspiration au totémisme ou aux fétiches, voilà l’inspiration première et tout humaine des Fables ».

Et Serres de conclure, avec La Fontaine : « Combien inutile et nuisible se révèle ce verbe être dans la question “Qu’est-ce que l’homme ?“, puisque nous ne cessons d’avancer vers lui, douloureusement, et de rechuter, soudain et de volonté gaie, vers la bête. »


Philosophie Magazine, 31 mai 2021
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