Catherine Thomas-Anterion

Biographie :

Née en 1961, Vit à Caluire et Cuire.

Un jour, dans une toute petite ville du sud du Japon, égarée, sous une pluie battante, j’ai cherché une maison où Sôseki séjourna comme l’indiquait mon guide de voyage. Une femme sortit de chez elle en tablier, et vint à ma rencontre sous un grand parapluie. Je devinais sur la poche du vêtement quelques restes de farine. Non sans mal, j’expliquai ma quête. Nous partîmes dans la rue détrempée, sans mot dire, serrée l’une contre l’autre. Devant une première porte, l’inconnue me fit signe que non. Puis elle s’arrêta devant un portail et reprit notre route pour finalement dans un cri de joie m’indiquer une maison somme toute assez banale qui semblait éclairée. Un panneau écrit en kana indiquait je ne sais quoi. Mon accompagnatrice sembla très déçue lorsque la vieille femme rabougrie aux yeux rieurs qui gardait l’endroit, lui apprit qu’elle n’avait aucun document en anglais. Je la remerciai avec grande vigueur et sentis qu’elle était heureuse de m’avoir visiblement rendu grand service. S’enhardissant, elle articula quelques mots d’anglais : « why ? why ? » Comment lui dire ? J’articulais : « Söseki…. because I am a french poet ». Et dans ce pays où la poésie est si bien traitée et où il est logique et recommandé qu’un neurologue docteur en neuropsychologie consacre une part de ses écritures à la médecine et l’autre part à l’insaisissable partie invisible des choses, mon accompagnatrice comprit ce que je voulais dire. J’aurais aimé savoir énoncer comme Söseki que la pâte a toujours besoin d’être bien malaxée car « à la fin, la pâte, sans qu’on ne le demande, colle aux baguettes. Faire de la poésie, c’est justement cela. » La poésie libre, la poésie libérée, les haïkus et les waka sont mes farines.