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Critiques de Catherine Webb (485)
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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Beau, réjouissant et brillant, ce premier tome de la Maison des jeux m'a totalement charmée et m'a amenée dans la Venise du XVIIème siècle, lagune envoutante avec ses ruelles embrumées au charme suranné, ses effluves de marais et ses canaux, cadre idéal pour se perdre et pour observer, caché derrière un masque à long nez ou des voiles d'argent tressé, un jeu à l'échelle de la ville. Un jeu combinant Échecs et Tarot où les pièces et les atouts sont… humains, vivants, pièces de chair, de sang, et de sentiments, des pièces « d'entrailles et de douleur ».

La collection Une heure-Lumière des éditions du Belial' n'en finit pas de me surprendre. Parmi les titres découverts, si je ne les ai pas tous aimés de façon égale, tous ont eu le don de m'étonner…et ce livre-là, décliné en 3 tomes, a sans conteste pour l'instant ma préférence.



Ce tome du Serpent démarre avec l'histoire, tragique, d'une jeune femme juive dénommée Thene, mariée par arrangement et convenance au vieil Jacamo de Orcelo, un vénitien mauvais, alcoolique, coureur de jupon et endetté. Il mène à sa femme, par qui il a eu une dot épongeant ses dettes, une vie dénué d'amour, une vie d'humiliation, de brimades et de violence, se vengeant par là des moqueries de ses pairs qu'il subit pour ce mariage arrangé avec une juive.

Thene endure son calvaire avec résignation et patience ne laissant rien paraitre de ses émotions, impassibilité qui le don d'énerver au plus haut point Jacarmo.

Afin de lui montrer avec ostentation la façon dont il dilapide l'argent du ménage, argent qui provient de la famille de sa femme, afin, pense-t-il, de la faire souffrir enfin, il l'emmène un jour avec lui à la Maison des jeux, établissement vénitien réputé où se terrent dans les coins sombres les prostituées, où le son de la musique et des brouhahas, le bruit des dés lancés et des cartes rabattues le disputent aux odeurs de viande. Alors que son mari ne cesse de se ridiculiser, perdant chaque soir au jeu totalement ivre, Thene se découvre un véritable don pour le jeu. Soirée après soirée, elle joue, elle gagne, est observée, repérée puis invitée à la Haute Loge, salle réservée aux invités, derrière la Porte d'Argent. Là, dans cette alcôve secrète et élégante, l'énigmatique Maîtresse des jeux propose aux rares élus de jouer beaucoup plus grand, de jouer pour leur voeu le plus cher, quel qu'il soit. Pour Thene, le voeu le plus cher est la liberté et l'affranchissement.





« Pourquoi jouez-vous ?

– Pour être libre

– de quoi ?

– Mon mari . Ma famille. Mon sang. Mon nom. Tout cela. Pour être…puissante. Je ne parle pas du pouvoir pour le pouvoir, mais plutôt en tant que force. La force d'être reconnue pour moi-même, de vivre pour moi-même, d'être moi-même comme on ne me l'a encore jamais permis. Voilà pourquoi je joue ».



Ils sont 4 joueurs élus, un seul sera choisi pour une place dans la Haute loge. Pour cela, ils doivent gagner une partie du jeu des Rois consistant à placer le premier, ou la première, leur Roi qui leur a été désigné par la Maitresse de jeu. Il s'agit d'une personne puissante à Venise qui doit prendre la place d'inquisiteur au Tribunal Suprême, celle-ci venant d'être vacante. 4 candidats de force plus ou moins égale vont briguer ce titre. Il faut donc être le ou la plus rapide à faire accéder son Roi à cette fonction, ou être celui ou celle qui écarte le plus rapidement les autres Rois, en les affaiblissant ou pourquoi pas en les tuant.

Des Atouts ont été également choisis et mis à leur disposition pour les aider, savoir les jouer au moment opportun s'avère capital. Chaque Atout est un personnage ayant eu des déboires dans le passé avec la Maison des jeux et ayant une dette envers celle-ci. de ce fait, ils lui sont redevables, doivent payer leur dette en devenant un Atout du jeu que le joueur joue à sa guise lui demandant des services précis. Il s'agit de savoir utiliser ses spécificités et ses forces. Les Atouts sont des cartes de Tarot personnifiées.

Thene arrivera-t-elle à placer son Roi, le fameux Seluda, chef d'une maison commerçante, soixante et un ans, cheveux gris et barbe longue, membre du Collegio ? Quelle stratégie va-t-elle déployer pour parvenir à la victoire ?



La Maison des jeux est un récit sensoriel et le sens mis en valeur dans ce livre tout particulièrement est celui du regard…regards volés, regards louvoyant derrière un joli loup, regards en miroir lorsque sous un masque de carnaval des yeux nous regardent en train de les regarder, regards de biais, caché et masqué, le narrateur semble observer Thene avec nous, nous invitant, par le biais de susurrements et de murmures, à bien observer cette femme, cette stratège hors pair, à notre tour. Oui, nous sommes nous-mêmes observateurs, lecteurs pris à partie, en duo avec le narrateur, nous-mêmes cachés et masqués…D'où l'utilisation régulière de ce « Nous » qui, dès l'incipit, nous implique, en tant que témoins et juges, nous fait plonger dans cette ville tentaculaire avec Thene, observateurs en arrière-plan, derrière les piliers de certains palais, au détour d'une ruelle, depuis une gondole…Cette prise à parti d'observation masquée crée une ambiance feutrée et mystérieuse apportant beaucoup de singularité au récit.



« Venez. Observons ensemble, vous et moi. Nous écartons les brumes. Nous prenons pied sur le plateau et effectuons une entrée théâtrale : nous voici ; nous sommes arrivés ; que fassent silence les musiciens, que se détournent à notre approche les yeux de ceux qui savent. Nous sommes les arbitres de ce petit tournoi, notre tâche est de juger, restant en dehors d'un jeu dont nous faisons pourtant partie, pris au piège par le flux du plateau, le bruit sec de la carte qu'on abat, la chute des pions ».



Je suis impatiente de lire le second tome de cette trilogie particulièrement novatrice et originale à l'ambiance délicieusement désuète. Pensez à noter, au cours de votre lecture, les Rois en présence, leurs forces et leurs faiblesses, ainsi que les Atouts...cela rendra le jeu plus clair, la stratégie plus limpide. Mais sinon perdez-vous avec délice dans cette Venise labyrinthique ourdie d'alliances étonnantes, de corruption, de coups stratégiques, de rumeurs plus ou moins fausses, de chantages, et surtout observez bien et tous les mystères vous seront révélés…



"Les pièces vont et viennent, seul le jeu est éternel !"
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Sweet Harmony

Quand on parle de nanotechnologie, je pense au Iron Man d'Infinity War et je me dis que ce serait vraiment incroyable de parvenir à faire cela. Je pense que l'armée adorerait parvenir à ce niveau de technologie. Est-ce que ce serait bien ou mal?



Quand on parle de nanotechnologie, je pense également au grand progrès de la médecine : pouvoir soigner les cancers, le diabète, les problèmes cardiaques, les défauts oculaires, les maladies génétiques, prévenir les AVC... Est-ce que ce serait bien ou mal?



Les nouvelles technologies sont très fascinantes et comme tout ce qui est proche de la robotique, de l'intelligence artificielle, la biotechnologie possède la même réflexion éthique : le choix de ce que l'on va en faire.



Imaginez un monde où les femmes pourraient avoir le corps d'une danseuse sans faire de sport, une chevelure épaisse et soigneuse, des ongles toujours parfaits, des dents toujours blanches, des peaux lisses de tout imperfection, où les hommes pourraient choisir le corps d'un boxeur ou d'un marathonien, pourrait développer ses phéromones pour séduire les femmes, agrandir la taille de son pénis, un monde superficiel que tout le monde pourrait acquérir? Tout cela grâce à la nanotechnologie? Imaginez ce monde... Certains adoreraient, je sais qui, ils sont plus nombreux que vous ne le pensez, ils se filtrent en permanence sur les photos des réseaux sociaux, alors s'ils pouvaient le faire en vrai... Ce pouvoir de perfection superficielle aurait-il une limite? Comment seraient les relations entre ses personnes? Comment serait le monde du travail?



Imaginez ce monde

ou lisez celui d'Harmony.





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Le chant des déesses, tome 1 : Pénélope, Reine ..

Entendez ce choeur antique chanter la patience de Pénélope attendant le retour du Roi Ulysse . Ils sont bien 100, plus de cent prétendants avinés et se roulant par terre comme des ... Nettoyer après ces porcs, c'est comme nettoyer les "écuries d'Augias"...

Ils veulent devenir Roi d'Ithaque et pénétrer la couche de Pénélope...



Pénélope, enveloppée dans ses voiles, est devant sa tapisserie

- "Tuer les prétendants?" Demande Médon, le vieux conseiller d'Ulysse.

- Ah...Non, pas encore."

Tuer une centaine d'hommes, une Reine ne le peut, à cause des lois de l'hospitalité. Car toute la Grèce envahirait Ithaque pour la tuer, elle! Ce serait ouvrir la "Boîte de Pandore"...



Le Roi Ménélas débarquerait aussi pour revendiquer l'Ile...

Caché dans l'ombre, un des prétendants a envoyé des pillards, pour tester Pénélope, et l'obliger à le choisir, car il a une proposition...

Il n'y a plus d'hommes pour former une armée ( à cause d'Ulysse qui a réclamé pendant 10 ans, des hommes et des armes, des vivres et des porcs)

Et son fils Télémaque, "un jeune coq", n'a jamais combattu.

-"Tais toi , Télémaque!" Jette un conseiller.



Alors, Pénélope a demandé de l'aide à Priène, une guerrière du Nord. Priène va former des femmes à combattre la cinquantaine de pillards qui envahissent l'Ile, à chaque pleine lune.



Le vieil Homère ne parlait que des hommes, des guerriers qui tuent et violent, sous prétexte de délivrer Hélène de Troie. A Ithaque, Pénélope a besoin de l'aide de ses servantes ( Eos, Autonoé, Léanira...)

Et aussi d'Héra, la femme de Zeus, puis il y a Athéna la guerrière et Artémis, la chasseresse. Quand les Déesses de l'Olympe rôdaient sur la Terre..



Devant tous les prétendants, Eupithès, saoul et fourbe accuse Pénélope de défaire sa tapisserie ,tous les soirs! "Menteuse, traîtresse..."

"- OU EST CETTE SOI-DISANT REINE D'ITHAQUE ?



"Pénélope était la dernière épreuve qu'eut à subir Ulysse à a fin de son voyage"Homère, L'Odyssée.
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La Maison des jeux, tome 3 : Le Maître

Loin, très loin, de la magnificence, de l’originalité et de l’élégance des deux premiers tomes, ce tome 3 de la Maison des jeux m’a déçue.



Voici le dernier opus, celui, nous le devinions dès le tome 2, qui devait être LE grand jeu clôturant cette incroyable trilogie de Claire North.

Alors que le tome 1 se déroulait dans la mystérieuse et brumeuse Venise au début du 17ème siècle, et que le tome 2 nous invitait à une frénétique partie de cache-cache à travers la Thaïlande de 1938, l’auteure agrandit le terrain des réjouissances prenant pour plateau le monde dans son entièreté et pour jeu une partie d’échecs se déroulant sur une décennie. Ouverture, milieu de jeu et final.

Un jeu d’échecs particulier cependant car il constitue une synthèse des deux jeux précédents : il y a en effet également, dans cette partie, la nécessité de se cacher, comme dans le Voleur (tome 2), et la présence de cartes détenues à abattre au bon moment comme dans le Serpent (tome 1). Les protagonistes : Argent, déjà entrevu dans le tome précédent et La Maitresse des jeux. Les deux plus grandes figures emblématiques de la Maison des jeux obligeant d’ailleurs la Maison à fermer ses portes pendant toute la durée de cette partie.



« Venez à la Maison des Jeux ; Venez vous disputer la maîtrise d’une ville, la conquête d’un pays, la richesse d’une civilisation, l’histoire d’un palais, des secrets d’espions et des trésors de voleurs. Notre échiquier est ici un quadrillage posé sur la Terre ; un coup de dés et des inconnus meurent ; des cartes s’abattent, le denier tourne, tourne, tourne, et, quand nous aurons terminé, des armées seront décimées, le niveau des océans aura monté, et nous aurons gagné, nous vivrons, ou bien nous aurons perdu, nous mourrons ».



Figures emblématiques en effet car la Maitresse des Jeux semble terriblement puissante, crainte, respectée. Elle joue aussi, elle joue les joueurs, elle les utilise pour façonner le monde, et, par leurs actes, ils s’acquittent de la tâche désirée par elle seule. En créant des rois, en en renversant d’autres, en détruisant les idées, en provoquant des rébellions, en poussant la société vers le changement. Argent est derrière, comme en filigrane, la relation entre les deux est trouble, il semble tirer les ficelles derrière elle. Dans ce tome 3, c’est lui qui lance le défi. Son objectif : détruire la Maison des jeux qui aboutit selon lui à trop de morts, qui fait peser trop d’enjeux au sein de la société, décidant du destin du monde.



J’avais aimé dans les deux premiers tomes ce mélange fascinant de jeu grandeur nature totalement haletant et complètement novateur, et de poésie, d’ambiance onirique crée grâce à l’atmosphère du lieu dans lequel avait lieu la partie. Ici, même si plusieurs régions fort différentes sont traversées et présentées, parfois très joliment, le scénario est tellement haletant que c’en est trop. Trop d’attaques et de contre-attaques incessantes, trop d’actions, trop d’impacts sur le monde au point de devenir non crédible. Et pas assez. Pas assez de temps consacré à chaque région, à chaque coup permettant de bien en comprendre le sens, de ressentir les émotions des personnages, de s’attacher à eux, d’être touché par la poésie des lieux. J’avais le tournis et suis restée totalement spectatrice, ayant vite l’envie d’en finir, trouvant même paradoxalement le temps long.

Ce troisième tome aurait mérité un véritable développement, il aurait mérité de prendre son temps, de nous immerger davantage dans chaque région présentée ici très succinctement pour passer rapidement à une autre région. Il y avait d’ailleurs par moment des énumérations d’actions ad nauseum…



« Un sous-marin sombre dans l’Antarctique. Un avion de ligne est abattu au-dessus de la Géorgie. Le Mexique balance au bord de la guerre civile. Des nationalistes extrémistes arrivent au pouvoir en Espagne et commencent à expulser ou emprisonner leurs ennemis. Une guerre de religion se déclenche au Mali. La Russie interrompt la fourniture de gaz à l’EU. Trois attentats-suicides coûtent la vie à deux cent onze marines américains dans l’Etat de Washington … ».



Pourtant que de belles régions traversées dans lesquelles j’avais envie de m’arrêter juste un peu. La Mongolie notamment, vaste, plate, sauvage, terrifiante, sans fin, un « désert d’herbe où l’on pourrait errer à jamais sans cesser de saigner, sans cesser d’avoir mal, et pratiquement sans âme qui vive », conçue seulement pour les pèlerins et pour le ciel.



Oui, nous sommes loin, très loin, de la poésie contemplative des deux premiers tomes que j’avais tant aimé, amplifiant d’autant plus ma déception.



Quant au jeu d’échecs proprement dit, l’auteure semble parfois faire des efforts pour l’évoquer dans certains débuts de chapitres, mais cela semble artificiel, comme s’il lui revenait qu’elle devait évoquer des termes échiquéens pour prouver que nous avons bien affaire à ce jeu, le roi des jeux. Je n’ai pas trouvé cela original et novateur mais tiré par les cheveux. Mais quid des différentes pièces et leurs spécificités, des calculs des coups ?…mis à part les pions qui meurent à tour de rôle, et des rois qui tentent de se cacher comme ils peuvent, la complexité et la subtilité du jeu d’échecs ne sont pas vraiment relatés.

J’ai aimé cependant l’idée du roque, interversion de la tour et du roi, permettant à ce dernier de se cacher, ce qui, transposé grandeur nature, donne matière à un déplacement dans les coins les plus reculés de la planète.



« Le moment était venu de roquer. Aux échecs, cela consiste à déplacer le roi pour le mettre sous la protection d’une tour et, tandis que je traquais la Maîtresse des jeux, j’acquis le soupçon croissant qu’elle avait déjà effectué ce coup, qu’elle s’était retranchée dans une base permanente d’om elle pourrait aisément coordonner des assauts contre moi qui restais errant et vulnérable. Le roque était-il la sécurité ou un piège ? Les deux, peut-être ».



Vous l’aurez compris, je n’ai pas aimé ce tome alors que les tomes 1 et 2 m’avaient enchantée…Quelle déception ! Pourtant il boucle bien la série et la toute fin est surprenante, je n’ai juste pas aimé la façon que déploie Claire North pour raconter cette partie d’échecs, j’aurais vraiment préféré un tome plus épais, plus abouti, à la hauteur de ce jeu final.

Si je suis sévère avec cette fin, l’ensemble de la trilogie cependant a été une très belle découverte pour moi que je ne suis pas prête d’oublier. J’ai aimé découvrir cette combinaison un jeu-un territoire-un joueur, combinaison retrouvée dans chaque volume, j’ai aimé cette façon de découvrir des lieux à des époques différentes, j’ai trouvé original ce jeu grandeur nature qui met en valeur qu’il existe, à toute bataille, une histoire alternative et que nous sommes tous des pions manipulés par les plus grands.



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La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur

Prenez garde à ce que vous acceptez lorsque vous êtes totalement ivre…



Nous voilà de nouveau debout devant les portes de la Maison des jeux. Pas celle de Venise que nous avions quitté au tome 1, non. La Maison des jeux d’une autre ville, à une autre époque. Pourtant ce sont les mêmes portes d’argent derrière lesquelles, à l’intérieur, les murs, épais, étouffent les bruits extérieurs de la ville et la lumière tamisée éloigne l’idée que nous pouvons nous faire d’un vulgaire tripot. Nous tombons également immédiatement sur les joueurs de la Basse Loge qui se défient pour de l’or, du temps, des faveurs et des secrets. Gare à celles et ceux qui vont trop parier, trop perdre, ils deviendront alors des pièces. Oui, des pièces des différents jeux qui se jouent à la Haute Loge, séparée de la première par une double porte d’argent sur les panneaux desquelles rugissent des lions. Ici se trouvent les vrais joueurs, « hommes et femmes qui savent que le monde est un plateau », de rares élus. Nous allons assister de nouveau à une partie entre deux membres de la Haute Loge où tout peut être misé, vraiment tout… « Enjeux de vie et de sang, de vue et d’âme », l’amour d’une femme, le gout pour les fraises, une maladie, la mémoire…



La jeune britannique Claire North a troqué la mystérieuse et brumeuse Venise pour l’exotique et chaude Bangkok, l’année 1610 pour l’année 1938, le jeu d’échec pour une partie de cache-cache. Une simple partie de cache-cache me diriez-vous, beaucoup moins ambitieuse et passionnante que le roi des jeux…pas si simple que ça en réalité, une partie de cache-cache effrénée que Rémy Burke a accepté une nuit, complètement ivre, le défi ayant été lancé par un certain Abhik Lee, joueur réputé et redouté. Le plateau du jeu : la Thaïlande toute entière. Celui qui cherche l’autre le plus longtemps a gagné. Les gains mis en jeu sont énormes : Si Rémy Burke gagne, il gagne 20 ans de vie et si Abhik Lee gagne il vole tous les souvenirs de Rémy qui deviendrait alors totalement amnésique.

Il va s’avérer que la partie est inégale, notamment en termes de pièces maitresse mises à la disposition de chacun des joueurs, alors que les enjeux sont énormes, à se demander d’ailleurs si la Maison des jeux gagnerait quelque chose à la défaite de Rémy Burke…Rémy va s’avérer être le plus faible a priori des deux, handicapé par le fait d’être un Anglo-français d’un mètre quatre-vingt donc repérable immédiatement dans ce pays, et la partie va lui être très éprouvante. Dans l’épreuve il va ainsi être capable de choses incroyables, transformant son errance en pèlerinage, apprenant beaucoup sur lui, ce qui donne au récit un chemin étonnamment philosophique.



« Comment pouvez-vous être en pèlerinage si vous n’êtes pas un saint homme ? – Selon moi, les pèlerinages ont pour but de rendre les hommes saint ».



Cette partie de cache-cache sur tout le territoire de la Thaïlande est l’occasion pour l’auteure de déployer ses talents de conteuse et de nous offrir des peintures magnifiques. Le dépaysement est total, la poésie des descriptions envoutante. La Venise avait été mise à l’honneur dans le tome 1, ses ruelles embrumées, ses effluves de marais, ses canaux mystérieux avaient été l’échiquier du jeu…Ici nous côtoyons la flamboyance des villes, mélanges cosmopolites de cabanes en bois fragiles, de longues barques vermoulues, de grandes ambassades et de manoirs européens, d’antiques temples, de sanctuaires bouddhistes, avec la nature luxuriante de la campagne siamoise remplie de rochers et de palmiers aux feuilles tombantes dont les couleurs se font plus vives à la saison des pluies. Lieux urbains et lieux sauvages où trouver des cachettes mais où laisser des traces aussi. Nous palpitons avec Rémy, souffrons avec lui, avons peur pour lui…d’autant plus qu’il rencontre de multiples personnages dont nous ne savons jamais s’il faut se méfier ou pas, des personnages pour certains inoubliables que Clara North décrit avec humanité.



« Un vieillard approche. Presque aussi mince et fibreux que le bâton sur lequel il s’appuie, la peau comme de l’écorce, les cheveux comme des toiles d’araignée ».



De nouveau le narrateur - qui est-il d’ailleurs ? - nous interpelle, nous prend à témoin, nous rendant plus observateur que lecteur, nous plongeant dans le décor, nous mettant même parfois dans la connivence, complice de ce qui se noue au sein même du récit.



« Jetterons-nous un coup d’œil en douce ? Oh, très bien, allons-y. Regardons les cartes de la main d’Abhik. Ouvrant délicatement la poche de sa veste tandis que d’autres tâches l’occupent, nous y glissons les doigts pour saisir l’étui à cigarettes en argent où il les a si discrètement rangées, et que nous sortons pour en feuilleter le contenu. Mon dieu…mon dieu, mon dieu ! Quelle main lui a été distribuée ! ».



Ce tome 2 nous fait également mordre dans une tranche d’histoire, celle de ce territoire convoité par différents empires coloniaux, comme coincé entre les mâchoires des requins que sont l’Angleterre, la France et le Japon. C’est ainsi une ville cosmopolite, colorée, bigarrée, où plusieurs mondes entrent en collision, mondes occidentaux et orientaux.



Le voleur parvient donc à magnifier cette partie de cache-cache qui pouvait sembler à priori moins intéressante que la partie d’échec du tome 1. Il n’en n’est rien tant l’auteure sait rendre son récit haletant. Haletant par la fuite incessante et éprouvante de Rémy. Haletant par la complexité que nous entrevoyons derrière le défi lancé. Haletant quant aux personnages rencontrés et aux faits historiques entrelacés avec subtilité dans le récit. De plus, elle parvient à nous dépayser totalement et à nous faire voyager à travers toute la Thaïlande. Je ne suis pas loin du 5 étoiles, il me reste à découvrir le tome 3 pour savoir si cette trilogie est pour moi un véritable coup de cœur dans toute sa globalité. A noter la superbe couverture d’Aurélien Ponce et la traduction excellente de Michel Pagel. Que de belles pépites dans cette collection des éditions du Belial’ !

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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

J'ai lu La Maison des Jeux - le serpent, premier tome de la trilogie et j'utiliserai une expression rarissime chez moi, ce fut un gros coup de coeur.

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Pour tout vous dire, j'ai dû retirer un Stephen King des livres à emporter sur mon île déserte pour y placer cette novella.

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Pourquoi ai-je donc choisi ce roman alors que la couverture et le titre nous annonce clairement qu'il s'agit d'échecs et que de ce jeu de stratégie, je ne connais que le nom des pièces... même qu'il y a un cheval (n'est-ce pas, Éric ?) ?

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Eh bien ma Cricri (Hordeducontrevent) m'a saisie dans les fils de la toile de son retour et je l'en remercie.

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Nous sommes à Venise en 1610, et un "observateur" nous narre l'histoire de Thene, fille d'un marchand d'étoffe et d'une Juive, qui fut mariée à 15 ans à Jacamo de Orcelo, lequel disposait d'un titre à défaut d'argent.

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Simili noblesse contre dot, c'était courant à l'époque.

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Non seulement ce mari était trop âgé pour elle (38 ans), mais il avait à peu près tous les défauts du monde. Odieux avec sa jeune femme, il picole, joue et la trompe à tout va.

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C'est un soir où Thene le suit qu'elle découvre la Maison des Jeux...

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L'observateur nous entraîne avec lui et utilise le "nous", ce qui accentue encore l'implication du lecteur dans l'histoire.

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Comme dit plus haut, nous sommes donc à Venise, cité magique et mystérieuse, avec ses ruelles tortueuses, son eau pas vraiment propre (mais c'est un détail), ses habitants qui portent un masque la nuit.

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Claire North / Catherine Webb (c'est la même) a un remarquable talent pour nous décrire l'ambiance qui règne dans la ville et je m'y suis d'autant plus immergée que c'est ainsi que j'imagine Venise, moi qui ne suis jamais allée en Italie.

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Pour résumer, entre la plongée dans Venise que je ne connais pas, les échecs et le tarot, auxquels je ne sais pas du tout jouer, je suis allée de ravissement en ravissement en parcourant ces pages.

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Il y a du mystère donc, du suspense... les personnages sont remarquablement décrits, on s'attache à certains, on en déteste d'autres, peu importe mais on ressent énormément de choses.

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Justement d'ailleurs, à propos des personnages, j'avais craint de ne pas m'y retrouver et ai noté les noms au fur et à mesure, mais ça ne m'a servi à rien parce que l'auteure rappelle habilement qui est qui chaque fois qu'on en rencontre un et moi qui suis perdue dès qu'il y a plus de 3 pékins, je n'ai rencontré aucun problème.

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Pour résumer, je conseille vivement ce livre à tout le monde.

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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

La qualité des couvertures des éditions Bélial sont souvent à la hauteur de la valeur littéraire des romans qu’elles entourent. Pourtant cette fois-ci, j’ai été assez déçu par le tome 1 de la maison des jeux de Catherine Webb tout en appréciant l’illustration de couverture d’Aurélien Police. En effet, cet habituel illustrateur de couverture de roman a sublimé la cité des doges tout en respectant l’idée principale du livre à savoir l’univers des jeux et ses règles.



Le décor de ce roman avait tout pour nous plaire. On se retrouvait au cœur d’une Venise du XVIIe siècle avec une ténébreuse maison de jeu peuplée d’une multitude de joueurs masqués. On pouvait ainsi espérer découvrir un « Eyes Wide Shut » façon roman littéraire. Mais n’est pas Kubrick qui veut, et Catherine Webb a encore du chemin à faire avant de pouvoir côtoyer le style baroque du grand cinéaste. Je recherche encore une esquisse de cette bâtisse, ce temple du jeu et je me heurte désespérément à une porte en argent incrustée de deux têtes de lion et c’est tout. De même, je m’attendais à une superbe représentation de la place Saint Marc et de sa basilique, du palais des Doges, du pont du Rialto ou du Grand Canal… De la Sérénissime, je n’eus droit qu’à des rues sombres et à la brève apparition d’une gondole nécessaire pour l’action dans cette ville qu’il faut avoir vu avant de mourir…



En ce qui concerne les personnages, leur multitude devons-nous dire ; on s’y perd vite. Cette pléthore de figurants/figurines nécessite une bonne mémoire ou un retour incessant dans les chapitres précédant pour savoir qui est qui et qui fait quoi. Heureusement qu’il y a une femme héroïne de l’histoire et aussi son fil d’Ariane. Elle se nomme Thene et semble être la seule à posséder une âme. C’est peut-être aussi parce qu’elle est vraiment la seule à bénéficier d’une vraie description physique et morale, les autres acteurs n’étant pour la plupart que des faire-valoir. Enfin pour ce qui est des jeux traditionnels abordés dans l’aventure, on n’en connait d’eux que le nom : les échecs et le tarot. Point de règles et point de représentation, seul le nom du gagnant ou du perdant est noté. Un avantage qui est indéniable pour les néophytes de ces jeux qui peut sembler rébarbatif pour les aficionados.



Heureusement qu’il y a le scénario pour sauver le livre et trouver grâce à mes yeux… Malgré une narration en spectateur (usage intempestif du nous) qui installe une certaine distance, voire une froideur sur l'ensemble de l’intrigue ; Catherine Webb arrive quand même à sublimer son roman. En effet, on découvre au coin d’une page la présence d’un jeu dans le jeu. Sans trop divulgâcher l’intrigue, on s’aperçoit au fur à mesure de la lecture que les joueurs deviennent les jouets/joués et que le jeu annoncé n’est pas forcément celui qu’on croit. La vie étant peut être un immense échiquier où tous les coups sont permis. Un immense jeu de rôle où les pions semblent être la gente humaine avec ses forces et ses faiblesses et Venise devenant à son tour un immense plateau de jeu.



Merci à mes trois amies Babeliotes que je ne présente plus, de m’avoir entraîné dans cette aventure. Si j’ai été sévère dans mon billet qu’elles me pardonnent car je leur dois cet aveu : celui à mon corps défendant, d’avoir déjà remis les pieds dans cette maison des jeux en ouvrant le tome 2. Mais c’est une autre histoire…



« Pardonnez-moi, dit-il, je m'exprime mal. Voulez-vous jouer ? »

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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Etrange ambiance, à la fois si confortable et délicieusement troublante, que celle de ce premier opus en forme de thriller fantastique, où le jeu se mêle à la réalité pour nous plonger dans une réalité virtuelle : un plateau de jeu grandeur nature que l'on croit être Venise mais qui pourrait, les tomes suivants nous le révéleront peut-être, s'avérer être bien plus vaste et se constituer du monde entier voir même, pourquoi pas, représenter symboliquement la vie entière.





« Les jeux, au contraire de la vie, ont une structure, un motif, un ordre à respecter. Jouez, et tous les mystères seront révélés. »





Venise, donc, 17ème siècle. Un homme ordinaire échange son titre contre l'argent de la femme Thene, qu'il épouse sans amour. Son malheur en amour le rendra-t-il heureux aux jeux, dans lesquels il noie son oisiveté et dépense l'argent qu'il n'a pas pour tenter d'exister ? Rien n'est moins sûr. Car comme tout joueur compulsif, il ne sait pas s'arrêter et finit toujours par perdre. Et pour faire souffrir sa femme autant qu'il souffre lui-même, il l'oblige à l'accompagner dans la Maison des Jeux où il joue l'argent de leur ménage.





Nous découvrons alors avec avidité une Venise secrète, faite de sombres ruelles enchevêtrées et de masques troublants, de confidences et de mystères, de pouvoir et de convoitises… Nous comprenons vite, avec Thene, que l'argent n'est pas le seul enjeu de ce lieu énigmatique : ici nous sommes observés, nous sommes jugés, estimés et évalués. Et si nous sommes assez bons, alors la Maîtresse du Jeu vient nous trouver, et nous enrôler. Thene, qui finira par jouer, se fera remarquer. le jeu de rôle qu'on lui proposera alors suppose de manipuler des pions de chair et d'os. Son plateau de jeu : Venise. Son jeu ? le jeu des Rois. le but ? Faire élire le pion qui lui a été attribué, un notable du coin, au poste convoité de Tribun au lieu des quatre autres pions notables en vue, joués par d'autres joueurs sélectionnés. Les règles ? Elles tiennent dans une petite boîte en argent, abritant également les cartes qu'elle aura en main et pourra décider d'abattre le moment venu. Ces cartes représentent des acteurs politiques, économiques, religieux ou populaires de Venise, mis à disposition de Thene par la Maison des Jeux pour accomplir la mission qu'elle voudra leur confier. Mais qui sont ces gens et contre quoi acceptent-ils de jouer leur propre vie ?





Ce n'est pas la seule question à résoudre. Bien vite, nous nous sentirons tout petits dans ce jeu qui nous dépasse. Il se murmure en effet que le « jeu politique » dont la partie se déroule sous nos yeux, ce plateau de jeu grandeur nature, n'est lui-même qu'un petit aperçu de ce qui se joue à échelle réelle dans le monde entier. Car qui d'entre nous est absolument certain de n'être pas qu'un pion supplémentaire sur l'échiquier ? Mais alors qui dirige tout cela ? D'où ? Et pourquoi ? Si le jeu des rois s'achève en apothéose à la fin de ce premier tome, obtenir les réponses à toutes nos questions demandera de poursuivre avec les suivants.





En première ligne : Quel est ce « nous » qu'on nous a collé en guise de narrateur, que Thene semble « voir » à la fin de sa partie mais dont on ne nous révèlera rien pour le moment ? On lui doit en tout cas une fière chandelle puisqu'il nous trimballera, durant tout le récit, d'alcôves les plus secrètes en gondoles les plus isolées, nous détaillera les faits, gestes et mimiques révélatrices de chaque personnage. Enfin, ce pronom mystérieux nous intègre au jeu en nous permettant de nous identifier à ceux qui sont derrière, espionnant ou tirant les ficèles de que l'on appelle « destin »… Et si derrière toutes les guerres, toutes les peines et chaque victoire, il n'y avait en réalité que des joueurs qui s'affrontaient uniquement pour gagner, au détriment de tous les autres pions innocents que nous sommes ? Qui nous manipule, nous place et nous déplace ? Nous fait nous élever… ou mourir ? Sommes-nous le jouet de quelqu'un ? Se joue-t'on de nous ? Autant de questions désagréables qui interrogent notre propre place dans la société et dans l'univers en mêlant, avec habileté et une finesse tout juste dérangeante, le réel (on plonge sans mal dans les rues de Venise, on visualise et transpose aisément les jeux politiques, maçonniques et de réseaux que l'on connaît) et l'imaginaire (quelle puissance se cache en réalité derrière la maîtresse des jeux...?) - avec lequel je ne suis pourtant pas toujours à l'aise en littérature.





En vérité, « Quel destin n'est pas pendu entre le caprice d'un inconnu et le mépris de l'univers ? »





« La vie est vécue au fil de choses qui ne sont pas vraies. (…) Nous sourions à ceux que nous voulons détruire, nous nous allions avec ceux que nous ne respectons pas, nous admirons notre propre intellect et cherchons toujours la récompense suprême. Nous désirons la gloire, tous autant que nous sommes, et, pour l'obtenir, nous ne nous soucions pas de regarder ceux que nous avons détruits en chemin. Un jeu est tout cela et plus encore, plus noble, car ceux qui jouent à tout le moins se transcendent, voient à la fois les conséquences de leurs choix et le plateau dans son ensemble. Je ne crois pas qu'il y ait de plus noble vocation que le jeu, et je voudrais vous permettre d'y participer. »





« Et toujours la Maison des Jeux, la Maison des Jeux qui vit, qui tourne, la Maison des Jeux qui attend.

Et mon amour également.

Le denier tourne.

Le denier tourne.

Et nous voilà enfuis. »





C'est le jeu de la vie.



Merci Chrystèle pour cette idée de lecture, sur un thème classique mais bien réalisé ! Une agréable et pertinente utilisation de l'imaginaire mettant en relief les dérives et turpitudes humaines.
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La Maison des jeux, tome 3 : Le Maître

Après un tome 1 moyen et un tome 2 qui m’avaient enchanté, qu’est-ce que le tome 3 allait pouvoir me réserver ? J’étais en droit de me demander si le Grand Jeu, promis dans cet opus, allait comme on le dit valoir enfin la chandelle… Un jeu grandeur nature, qui devait avoir lieu sur l’ensemble de la planète entre la Maitresse des jeux et son prétendant à la direction de la fameuse « Maison des Jeux » j’ai nommé : le joueur Argent. Un combat qui s’annonçait titanesque entre deux joueurs hors pair. Sur un échiquier planétaire où tous les coups étaient autorisés et qui devaient se succéder crescendo du piège diplomatique à l’assassinat politique, de la cyberattaque au guet-apens terroriste et du tir de missiles aux combats de chars. La présence d’un scénario original, la découverte de nouveaux personnages et la réponse aux énigmes posées dans les tomes précédents, devaient nous permettre de conclure en apothéose cette trilogie commencée sous les meilleurs auspices.



Je connais un minimum sur le jeu d’échecs tout en avouant être un joueur amateur. Je sais tout juste pousser du bois. Je connais mes limites dans les ouvertures, j’utilise la prise en passant ou le roque. Bref, j’aime m’immiscer dans les subtilités de ce jeu et profiter des faiblesses ou forces d’un adversaire. En un mot, j’aime passer un bon moment à ce jeu considéré comme un sport dans certains pays du monde. Et là, quand j’ai vu ou cru que Catherine Webb ferait le parallèle entre les coups des deux joueurs et ce qui se passait dans le monde : révoltes sociales, terrorisme, guerres ; je me suis dit chouette en étant certain de passer un bon moment.



Et bien non, je me suis ennuyé… j’ai trouvé le roman long et lassant. Je n’ai pas réussi à découvrir le lien qu’il y avait entre le déplacement des pièces du jeu et leur correspondance dans le monde réel. Je suis toujours à la recherche du cavalier, du fou ou des tours dans les personnes ou personnages de l’histoire. J’ai tout juste compris l’analogie du roque, coup très spécial aux échecs car on peut jouer le roi et la tour à la fois, avec le bunker imprenable du livre. Hormis les pions qui nous représentent sur cet échiquier mondial, l’auteur nous a laissé sur notre faim et n’a pas su sublimer l’intérêt qu’il y avait à superposer la complexité du jeu aux rouages de la vraie vie.



Je ne vais pas vous faire un dessin mais vous avez compris que je n’ai pas aimé ce tome. Je n’ai pas aimé la répétition des actions, ni la description superficielle des pays visités par notre héros. J’ai regretté aussi les apparitions rapides de Thene et de Remy Burke qui étaient censés faire le lien avec l’ensemble de la trilogie. En ce qui concerne la fin de l’histoire, je l’ai trouvée bâclée et bien loin de ce que le lecteur était en droit d’attendre. Pour le premier coup d’essai de cette jeune auteure dans le domaine du thriller, je pense que c’est encore loin d’être un coup de Maître…mais avec Catherine Web et à la lecture de son tome 2, tous les espoirs sont encore permis.

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La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur

Emballée comme je l'étais à la lecture du tome 1 de La Maison des Jeux, c'est avec une impatience non dissimulée que je me suis jetée sur le suivant, ayant pour titre Le voleur.

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Ambiance tout à fait différente, puisque c'est la Thaïlande qui nous accueille cete fois, en l'année 1938.

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Point de personnages multiples, les joueurs ne sont que deux pour cette partie de cache-cache. Pas tendre, la partie, pour ne pas dire impitoyable..

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Abhik Lee, un blanc-bec au regard de l'ancienneté de certains autres joueurs, veut à tout prix défier un certain Rémy Burke.

Ce dernier est plutôt tiède, alors son adversaire se débrouille pour le faire boire jusqu'à la perte de conscience... mais avant de rouler sous la table ou jusqu'à son lit, il a fait la folie de miser quelque chose de très important, sans aucune certitude de gagner.

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Le plateau de jeu, toute la Taïlande, aucun soutien pour Rémy puisque les règles du jeu lui interdisent de se servir de pions et d'aides en dehors du pays, alors que Abhik a les mains plus que pleines d'atouts non négligeables.

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L'auteure nous entraîne dans une course-poursuite haletante, où Remy doit déjouer une infinité d'obstacles, sans amis, sans argent, n'ayant que les vêtements qu'il porte sur lui, et en se méfiant de tout le monde. Pour corser encore la difficulté, notre héros est franco-anglais, autant dire que physiquement, il ne se fond pas vraiment dans le décor.

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Je dois avouer qu'à mon grand regret, je n'ai pas vraiment palpité à la lecture de ce tome 2, contemplatif et très descriptif, où les rebondissements se font très rares. Je me suis donc ennuyée sur environ 85 % du récit.

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Par contre, la plume est toujours aussi belle et si vous aimez les paysages et coutumes locales parfaitement détaillés, vous trouverez votre bonheur.

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J'ai néanmoins très hâte d'attaquer le tome 3.

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Sweet Harmony

Nous sommes à Londres, dans un futur qui nous paraît si proche à bien des égards.

Elle s'appelle Harmony Meads, elle est jeune et belle, elle est promise à un avenir radieux. Sur le plan professionnel, tout lui réussit, elle mène une carrière fulgurante d'agente immobilière, gravissant tous les échelons. Côté sentimental, c'est le même son de cloche, elle file le parfait amour avec Jiannis, avec lequel elle forme un couple qui offre une image harmonieuse et qui fait sensation dans les soirées.

Tout cela, elle le doit à elle-même, enfin presque...

Mais un matin dans la salle de bain, devant son miroir apparaît l'innommable : un petit bouton sur son menton lisse et immaculé. Ce détail pourrait paraître anodin, après tout, mais dans le monde dans lequel vit Harmony Meads, cela est impossible puisqu'elle s'en est prémunie, certes en y mettant des moyens forts et coûteux.

En effet, dans la société anglaise où vit Harmony Meads, tout est régenté pour le plus grand bonheur des personnes. C'est un fournisseur de santé, Fullife, qui offre ce bien-être. Finis les fesses molles, les seins tombants, les ventres rebondis... Mieux, Fullife s'occupe de votre libido en berne, de votre stress à parler en public, de votre mauvaise tenue de l'alcool en soirée.. Harmony Meads a confié son corps à divers abonnements qui prennent ainsi en charge sa beauté, sa santé, ses performances sexuelles et tutti quanti... Des nanomachines injectées dans l'organisme permettent de faire en permanence des bilans de santé et de prévenir les malaises à venir.

« Prenez le Contrôle - votre corps, votre choix. Ne vous inquiétez plus jamais de grossesses non désirées ni de maladies sexuellement transmissibles. Avec Prenez le Contrôle, vous pouvez faire votre propre choix pour votre corps et votre style de vie. Ce mois-ci, 10% de réduction sur le contrôle des règles pour tout achat dans la gamme « Mon Corps, Mon Choix » : plus jamais de menstruation les jours fériés ! Si des saignements vaginaux ou des sécrétions par les mamelons persistent plus de 3 jours, consultez votre fournisseur de santé. »

En vérité, vous l'aurez compris, la jeunesse insolente d'Harmony Meads, sa réussite sociale et sentimentale, elle le doit à Fullife. C'est comme cela qu'elle est devenue la compagne d'un homme aussi parfait qu'elle...

Harmony Meads se laisse de plus en plus griser par toutes les extensions qu'offre ce prestataire de santé, elle y cède. Mais tout ceci a un coût, bien sûr et Harmony Meads se retrouve vite endettée. Alors tout son monde se dérègle peu à peu... D'un coup, ses extensions sont coupées, le surendettement la prend peu à peu en otage, ici un bouton apparaît sur son menton, bientôt ce sera autre chose, son odeur corporelle par exemple...

J'ai été totalement embarqué dans cette dystopie satirique brillante, même si on pressent par avance tout ce qui va se dérouler. L'autrice britannique Catherine Webb qui signe ici sous le pseudonyme de Claire North, et que j'avais eu l'occasion de découvrir avec bonheur dans la Maison des jeux, s'en prend avec inspiration à la société des apparences et à la marchandisation de la santé et ce qui nous sidère ici, c'est bien ce futur proche qui nous paraît hélas si réaliste, presque ancré dans les prémices d'un futur déjà en train de se réaliser.

Claire North construit ce court roman sur les dérives déjà existantes d'un système de santé qui ne pense que rentabilité et sacrifie les soins premiers à la marchandisation. La force du roman se situe aussi dans les relations entre les personnages, déréglées par cette absence désormais de lucidité, de capacité à approcher l'autre, le comprendre, mais aussi le tenir à distance lorsqu'il devient malaisant, puisque le système dénoncé ici favorise l'emprise d'un être sur un autre...

Publié dans la très belle édition le Bélial et sa collection inspirante Une heure lumière, Sweet Harmony nous offre une implacable fable pas si futuriste que cela et c'est ce qui rend ce récit inquiétant.
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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Je vous invite à venir dans la Venise du XVIIème siècle, précisément en 1610.

C'est le décor de ce premier opus, La Maison des Jeux, tome 1 : le serpent, écrit par Catherine Webb.

C'est une Venise insolite, mystérieuse, envoûtante...

Un observateur nous raconte une histoire et j'ai eu l'impression déstabilisante que peu à peu, cet observateur, c'était moi. Je prenais sa place, j'empruntais ses pas, j'entrais dans le récit, j'étais dans cette Venise du XVIIème siècle. Une jeune femme juive du nom de Thene me prenait déjà la main pour ne plus la lâcher jusqu'à la fin du récit...

Mes premiers pas sur les pages de ce récit m'ont fait découvrir cette jeune fille fragile, déjà humiliée, violentée alors qu'elle est à peine mariée avec ce vieil homme endetté, falot, aigri, Jacamo de Orcelo qui s'apprête à dilapider la dot de sa jeune femme dans l'alcool et le jeu...

Venise, XVIIème siècle, comme si le monde n'avait jamais changé depuis...

Tandis que les fortunes se font et se défont autour des tables de jeux, là où précisément Jacamo de Orcelo se saoule, se ridiculise et s'endette, il est un endroit supérieur où d'autres enjeux se tiennent.

Au coeur de cette Venise indomptable et rebelle, honnie de la papauté, j'ai vu cette femme changer de visage et le cacher brusquement derrière un masque, ses pas étaient déjà loin, fuyaient pour se réfugier dans cet étrange lieu qu'on nomme la Maison des Jeux.

Qui a-t-il derrière les portes dorées de cet étrange endroit où des joueurs venus de tous les horizons viennent jouer ? Mais jouer à quels jeux ?

Backgammon ? Dames ? Échecs ? Ici il serait question que les pièces soient de vrais personnages réels, bien vivants et que la scène de jeu soit la vie, la vraie vie telle qu'elle se joue, c'est une partie qui se joue où la vie, le temps et l'âme servent de monnaie, où le jeu met en scène le monde, ses protagonistes et ses vertiges.

En franchissant les portes de ce lieu, Thene est prête à tout accepter, qu'aurait-elle à perdre d'ailleurs ? Elle sait que les règles du jeu sont dangereuses. Elle a, au contraire, tout à gagner. Son quotidien est sordide. Son horizon ne connaît pas de limite.

Pour cette femme bafouée, je suis entré en empathie, j'aurais tant voulu la protéger, prendre soin d'elle. Je savais qu'elle prenait des risques. Mais peser un enjeu, c'est aussi savoir ce que l'on peut perdre, ce que l'on peut gagner dans cette histoire, soupeser, faire un choix, prendre un risque...

Alors, je me suis perdu dans les mirages de la ville historique de Venise, dans ses rues sombres et solaires, dans ses méandres insoupçonnées.

« Venise, la nuit.

Peu de villes sont à la fois plus belles et plus laides dans le noir. »

J'ai revêtu alors le masque de celui qui observe...

Car Venise sans les masques, c'est un peu comme un dessert sans chocolat.

Je suivais Thene, je la voyais sans cesse s'enfuir, dans l'esquive, comme une ombre se fondant dans l'ombre de la ville...

Et puis je l'ai vu jouer, se prendre au jeu, j'étais si proche d'elle que je sentais les battements de son coeur, je les entendais presque, tandis qu'elle jouait. J'étais si proche d'elle que je pouvais désormais recueillir ses confidences...

Ici, la vie à Venise ressemble sans cesse à un denier qu'on jette en l'air et selon le côté où il retombe il peut entraîner la vie ou la mort, que l'on soit fou ou que l'on soit sage. C'est un jeu simple qui laisse libre cours au hasard.

Venise est un territoire aux rivages insensés.

Ombres et lumières.

Eaux et vases.

Beauté et sang.

Venise est une cité soumise aux marées, à celle des eaux, à celle des âmes.

Eaux sans fond, ténèbres, vase, limons, lagunes...

Que deviennent les visages lorsque les masques tombent ?

Est-ce que la vase des lagunes les emportent ?

J'ai aimé le personnage de Thene, son abnégation, sa volonté, sa dignité.

J'ai aimé plonger avec elle dans un récit qui ne cesse d'être intrigant, tandis que les rues de Venise n'en finissaient pas de me perdre...

Des rayons de soleil traversent en oblique les hautes fenêtres du palais du doge, c'est le moment propice où j'ai perdu de vue Thene qui continuait de s'enfuir, toujours. Je la savais peut-être enfin délivrée de ses sortilèges.

Plus tard, plusieurs siècles plus tard, je suis revenu refermer ce livre qui était resté ouvert par mégarde durant tout ce temps-là, comme abandonné. J'avais l'impression que son parfum était encore là. Lorsque j'ai refermé le livre, il s'est transformé en sable et le sable a glissé entre mes doigts comme un serpent...

Vite ! le deuxième opus...

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La Maison des jeux, tome 3 : Le Maître

Terminus, tout le monde descend !

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Le très attendu tome 3 de la Maison des Jeux a enfin pu être ouvert par mes doigts fébriles.

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Mais que vois-je ? La coquine s'est installée à New York. On dit qu'elle s'y plaît beaucoup à cause de la proximité du pouvoir.

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Entrez, faites comme chez vous... mais ne vous y attardez pas, car la bâtisse va disparaître aussi vite qu'elle est apparue sur la 39e rue.

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Je me demande d'ailleurs ce qu'il arrive aux joueurs qui perdent leur chemise ou en gagnent une autre à l'intérieur, quand elle "déménage".

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D'ailleurs quelqu'un a-t-il aperçu l'observateur / narrateur des deux premières histoires ? À ma grande surprise, il n'est plus là.

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Mais alors qui va me raconter la fin de l'épopée ?

Ouf ! Argent s'y colle !

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J'en suis ravie, je l'ai toujours bien aimé, celui-ci, quand il faisait des apparitions dans les autres tomes.

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Je savais bien qu'il préparait quelque chose et qu'il allait se remettre à jouer un jour ou l'autre, et le voilà qui se décide.

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Mais il ne va pas jouer n'importe quoi avec n'importe qui.

Que nenni !

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Argent défie ni plus ni moins que la Maîtresse des Jeux.

Ce n'est arrivé que trois fois depuis la création de la Maison.

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Je ne me suis pas demandé longtemps quel jeu serait choisi, ça coulait de source : après le tarot et cache-cache, c'est parti pour les échecs.

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Argent prépare l'événement depuis des siècles. Cela fait si longtemps qu'il joue qu'il ne connaît même plus son nom, qu'il a perdu évidemment, puisqu'on peut perdre tout et n'importe quoi.

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Et dans quel pays l'échiquier va-t-il se poser cette fois ? Mais voyons, un pays, c'est trop petit pour une telle partie.

Nos adversaires vont donc se combattre pendant des dizaines d'années sur toute la surface de la terre.

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Cette fois, les morts vont s'accumuler. Ça tombe comme des mouches de tous les côtés. Les pions volent bas, il faut dire.

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J'ai beaucoup aimé ce dernier tome, qui clôture habilement la trilogie, même si je le rappelle, chacun peut se lire séparément.

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Mon préféré reste néanmoins le premier. J'étais très attachée à la joueuse et la voir préparer ses coups m'a passionnée.

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Dans ce dernier tome, vu la fréquence des actions de grande envergure, l'auteure fait moins dans la dentelle et les mouvements sont moins détaillés.

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J'ai fait un voyage passionnant, Thene et Argent vont me manquer.

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Les quinze premières vies d'Harry August

Bon livre terminé et dans l'ensemble une superbe intrigue avec une idée de départ originale qui vaut le détour dans l'ensemble.



Le concept d'avoir un personnage mortel, mais possédant la capacité de se souvenir de ses vies passées est vraiment sympa et nous change des histoires d'immortels tels que vampire ou autres. La période choisie est également idéale de mon point de vue : Harry August né dans une période où l'industrialisation se développe, il connaît la Seconde Guerre mondiale et toutes les avancées négatives comme positives qui vont en découler.

La plongée dans l'Histoire : Nous suivons également les changements des différentes sociétés que cela soit en Europe avec l'instauration de la paix, de la Russie avec la montée du communisme et sa chute, en Chine avec une société qui peu à peu plonge dans le communisme puis la dictature, les États-Unis avec émergence des droits civiques. Bref, nous avons un panel historique varié et assez bien décrit des évolutions de notre monde.



Les gros HIC !

1) Comme dit plus haut par beaucoup d'entre vous.... des chapitres avec trop de bla-bla qui casse vraiment le rythme de l'intrigue. Je pense que c'était un désir de l'auteure de nous montrer que les décisions de Harry sont logiques puisque dans telle ou telle vie il a essayé un autre choix et que celui-ci n'a pas porté ses fruits... mais c'est soûlant !!!!

À chaque fois, on se retrouve dans le même système de lecture : Intrigue passionnante.... FEU ROUGE, car flash-back sans grand intérêt....... Intrigue passionnante.... FEU ROUGE de nouveau... On a vraiment l'impression de ne pas avancer et cela ne donne pas envie de pousser plus loin.

Comme certains, j'ai été contrainte pour le terminer de faire des pauses en passant à d'autres livres sinon je ne l'aurai pas terminé. Ce livre aurait été meilleur avec une rythmique plus étudiée, des chapitres en moins qui sont des parenthèses dans l'intrigue. À la rigueur, un ou deux paragraphes résumant les chapitres parenthèses insérées dans les chapitres n'auraient pas fait de mal.



2) Une aberration dans le récit. Si vous avez lu, vous savez que les Kalachakras renaissent constamment et se souviennent de leurs vies passées. OKI, là je suis. Par contre, je trouve illogique la manière dont l'auteure se débarrasse définitivement d'eux Résumons, pour se débarrasser de l'un d'eux, il faut faire disparaître le bébé avant sa naissance donc par un avortement. Il suffit d'une fois et le Kalachakras meurt pour de bon... Eh bien, là moi je ne saisis plus Le temps est décrit comme linéaire par l'auteure .... DONC... rien n'empêche la mère du Kalachakras d'être de nouveau enceinte dans la vie précédente et de donner naissance à cet enfant .. à moins qu'à chaque fois quelqu'un intervienne C'est complètement illogique par rapport au concept de l'auteure.



Trop de bla-bla.... trop de chapitres inutiles par moment..
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La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur

Après avoir suivi la joueuse Thene à Venise, nous voici en Thaïlande avec un joueur qui répond au doux nom de Remy Burke. Catherine Webb nous fait quitter la Sérénissime pour nous transporter au pays du sourire avec un nouveau défi inscrit au programme de la Maison des jeux : une partie de cache-cache. Cette simple activité ludique existe depuis des siècles mais elle va prendre ici une dimension particulière : celle d'un pays tout entier.



Avec ce tome 2, Catherine Webb nous dresse enfin un magnifique tableau, celui d'une Thaïlande de 1938, à la veille de son invasion par le Japon. Nous commençons notre pérégrination par la grande ville de Bangkok. Une cité bigarrée et cosmopolite où se mélangent l'occident colonialiste et l'orient traditionaliste. Où les grandes bâtisses européennes côtoient les boutiques et tripots siamois. L'auteure nous fait également sortir des villes pour nous entraîner dans la moiteur des campagnes et la luxuriance de la jungle asiatique. Nous parcourons tour à tour des rizières, nous visitons des sanctuaires bouddhistes et croisons des éléphants, serpents et autres animaux sauvages et cela à pieds, à bicyclette, en camion et en train. Une traversée complète du pays qui nous mènera jusqu'à Chiang Mai la grande ville du Nord, connue pour ses paysages montagneux et ses anciens temples.



A l'inverse du tome 1, la jeune britannique a su aussi limiter ces personnages à deux joueurs : le jeune Remy Burke et l'expérimenté Abhik Lee. le premier va jouer le rôle de la proie et le second celui du chasseur. Ils vont évoluer tout au long du roman comme on le fait lors d'une quête qui se veut initiatique. L'enrichissement des personnages est ici plus important et plus profond. La complexité de leurs sentiments va de pair avec la qualité du récit. Les acteurs sont finement décrits et analysés. La dualité entre le gentil Remy et le méchant Abhik est conduite de main de maître et Catherine Webb nous montre enfin toutes ses qualités de romancière.



Le scénario de ce deuxième opus est tout simplement incroyable. Il faut dire qu'il est porté par une prose aussi limpide qu'efficace. Si le tome 1 s'appuyait sur les échecs et le tarot, nous sommes ici en présence d'un simple jeu de cache-cache. Mais cette simplicité trouve son paroxysme dans la dureté des épreuves subies par Remy (un héros malgré lui). Si on souffre avec lui, on ressent aussi toutes les difficultés que peut éprouver un européen à se cacher dans un des plus grands pays d'Asie du Sud-Est. Les multiples rebondissements de cette histoire en font un page-tuner digne des meilleurs romans de courses poursuites actuels. L'épilogue est original et il réussit à donner tout son sens au titre de l'ouvrage : le Voleur.



Un petit regret pourtant à signaler, c'est l'impossibilité de savoir si Remy Burke qui est un joueur invétéré, réussira à rejoindre sa veuve éplorée une fois l'aventure terminée… Mais ceci est une autre histoire et Catherine Webb avec ce deuxième tome nous invite déjà à poursuivre sans rechigner la suite de sa trilogie. En route donc pour le tome 3 !!!



« Il la regarda alors avec plus d'attention, remarquant ses vêtements masculins, son chapeau à large bord, sa peau durcie par le soleil. Avec un peu de travail, elle aurait pu passer pour un jeune garçon, mais elle ne faisait aucun effort en ce sens, ni en sens inverse, et l'effet était étrangement séduisant. Remy détourna le regard. Un temps, ils marchèrent en silence. »

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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

Il existe une Maison des jeux, dont l'influence s'exerce partout dans le monde. Les joueurs peuvent y jouer des années de vies, des talents, des souvenirs... n'importe quoi.



Les jeux sont politiques. Dans ce premier tome, un poste prestigieux s'ouvre dans la Cité État de Venise au 17e siècle. 4 candidats sont en lice. 4 joueurs se voient donc donner un candidat à faire gagner. Le candidat est leur roi, et le joueur qui fera gagner son candidat gagnera la partie. Tout les coups sont permis : assassinat, pot-de-vin, chantage, etc.



Chaque joueur a un ensemble de cartes (de tarot), et chaque carte leur donne le droit d'obtenir une faveur de divers personnages de la ville, et de les jouer comme des pions sur un échiquier.



Notre protagoniste est Thene, une femme juive désaffranchie prise dans un mariage malheureux. Gagner le jeu est sa seule façon de regagner sa vie, sa dignité.



La narration est intéressante : le narrateur omniscient s'adresse directement à nous et nous raconte les scènes comme si nous en étions des témoins invisibles sans gêne. De vulgaires voyeurs.



J'ai bien hâte de lire la suite. Sans savoir s'il s'agit simplement de la même chose dans une autre lieu et une autre époque, ou si on explorera plus en détail les conflits internes de la Maison des Jeux.
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La Maison des jeux, tome 3 : Le Maître

Après deux tomes très prenants pour des raisons différentes, c'est avec beaucoup de hâte que je me suis dirigée vers le troisième tome de la trilogie de la maison des Jeux.



Pourquoi jouer ?

Est-ce par vengeance ? Par goût du risque ? Par amour ? Par arrogance ? Par mépris des autres ? Par cupidité ?



*

La maison des jeux, une institution qui se joue des hommes, des pays, des gouvernements, des économies depuis de nombreux siècles.

Quelques élus, choisis pour concourir dans la Haute Loge, disputent des parties réelles où les hommes meurent, les fortunes se défont, les pays s'effondrent, les empires tombent. Ces joueurs ne ressentent plus d'émotions. Coupés d'eux-mêmes, ils ont perdu depuis longtemps le sens de certains mots, comme l'empathie, l'amour, l'amitié, la culpabilité, le regret.

Seule, la victoire compte.



« Ils sont devenus de simples… attributs… à jouer sur une pièce pour obtenir une victoire, et cette victoire était plus puissante, plus addictive que n'importe quel opiacé. Gagner — être plus astucieux que tout le monde et gagner —, telle est la plus grande joie d'un joueur, la plus vraie, quand toutes les autres se sont perdues. »



*

Une troisième partie est sur le point de débuter, la plus audacieuse, la plus périlleuse, la plus coûteuse, avec l'un de ses joueurs les plus anciens et les plus puissants.

Ainsi, nous marchons dans les pas d'Argent, entraperçu dans les deux novellas précédentes. Joueur émérite, fin stratège, il manoeuvre en coulisse depuis fort longtemps, rassemblant le maximum de cartes fortes afin de défier la Maîtresse de la maison des Jeux elle-même et prendre sa place à la tête de cette maison.



Dans le New York d'aujourd'hui, Argent est enfin près à relever ce défi de taille. Son jeu est bon, sans être excellent. En revanche, l'enjeu est immense : la vie ou la mort, la liberté ou la captivité.

Les deux adversaires choisissent de jouer une partie d'échecs à l'échelle mondiale, un jeu qui avantage incontestablement la Dame des jeux.



Les deux joueurs sont en place, protégés par les nombreuses pièces amassées au fil des siècles, prêtes à se sacrifier le moment voulu.



« Ce n'est pas ta mort qui m'inquiète, là, même si je suis certain de te voir mourir — c'est celle de tous les pions, de toutes les tours et les reines que vous allez vous jeter mutuellement à la tête au cours de la partie. Les règles du Grand Jeu imposent que vous fournissiez vos propres pièces. Combien de temps lui faudra-t-il pour sortir la grosse artillerie, à ton avis ? Vas-tu laisser des nations s'effondrer, des gens mourir, des économies partir à vau-l'eau, simplement pour avoir une meilleure chance de la trouver et de la capturer afin de gagner cette partie ? »



La maison des Jeux ferme ses portes, attendant l'issue de la partie.



*

À mesure que les pièces entrent en jeu, se déplaçant, attaquant ou protégeant leur roi, tombant, l'échiquier se découvre, laissant place à des ouvertures réfléchies, osées où les pièces sont sacrifiées pour préparer le coup suivant. Les pertes humaines sont énormes, mais qu'importe, au final, seule la victoire compte. La partie est très sanglante, mais l'autrice n'entre jamais dans les détails.



Jusqu'au face à face final.



« La chance est parfois miséricordieuse ; le jeu jamais. »



*

Catherine Webb a choisi un style plus vif, plus empressé, moins poétique également, pour décrire les déplacements des pièces du jeu sur l'échiquier mondial. Les chapitres sont courts, rythmés.

Tout en déployant ses ramifications avec les deux premières histoires, le scénario dévoile les enjeux de ce combat et les intérêts à manipuler les grands de ce monde ; il met à nu les motivations de chaque joueur, allant même jusqu'à raconter la naissance de la Maison des Jeux.



*

J'ai aimé l'évolution du jeu, l'échiquier s'étendant sur des surfaces de plus en plus grandes : j'ai été séduite par l'atmosphère envoûtante de Venise avec son dédale de canaux et sa mosaïque de palais à l'architecture byzantine. J'ai adoré le cadre exotique et dépaysant de la Thaïlande, avec ses rizières, ses forêts de bambous, et le multiculturalisme de Bangkok.

Dans ce nouvel opus, les deux joueurs se déplacent sur toute la surface du globe, évoluant dans le monde moderne tel que nous le connaissons aujourd'hui. Les cases de l'échiquier sont donc des pays dans lesquels Argent ne reste jamais longtemps. Mais l'autrice, en quelques mots, parvient avec beaucoup de talent, à sculpter des paysages, à restituer l'atmosphère des lieux, en particulier la Mongolie et la Chine.



Mais dans l'ensemble, je dois avouer que ce dernier tome m'a moins séduite que les précédents.

Je me suis lassée de ces déplacements incessants, de ces scènes de combats dans lesquels je n'ai vu aucun intérêt.

J'espérais une évolution dans l'intrigue, plus de complexité dans le scénario, un dénouement surprenant, mais il était devinable dès le départ de ce troisième tome.



*

Une autre déception pour moi, le personnage d'Argent.

Je le trouvais intrigant, mystérieux dans les tomes précédents et je me faisais une joie d'en apprendre davantage sur son passé, la façon dont il avait intégré la maison des Jeux.

Mais, en définitive, sa psychologie étant assez peu développée, ses pensées et ses sentiments étant peu exprimés, ce personnage reste malheureusement dans l'ombre trop longtemps et crée une distance émotionnelle qui me l'a rendu peu touchant.



En parlant de distance, dans les tomes précédents, j'avais aimé le choix de l'autrice d'emmener ses lecteurs dans l'intrigue, les faisant participer en tant qu'observateur du jeu, les mettant dans la confidence. Cela créait une proximité et une empathie spontanée avec les deux joueurs, Thene et Remy Burke.

Dans ce dernier volume, le lecteur est absent de l'intrigue, ce qui m'interroge sur l'intérêt de nous utiliser auparavant.



Pour finir, la fin trop ouverte et ambiguë à mon goût n'a pas réussi à me convaincre totalement.



*

Pour conclure, ce dernier tome est pour moi une déception. J'attendais un final étonnant, inattendu, au vu des deux premiers tomes qui m'avaient emportée tant par l'intrigue que par les deux échiquiers. J'ai l'impression d'avoir été mise à l'écart et de n'être jamais véritablement entrée dans le récit.

Ce n'est bien sûr qu'un avis parmi d'autres. Beaucoup de lecteurs ont aimé "le maître", mais cela n'a pas fonctionné pour moi.
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La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur

Ce livre souffre d'être le deuxième volet d'une trilogie. L'essentiel de la création de l'univers s'est déjà fait dans le précédent. La satisfaction de tout comprendre et de clore les arcs narratifs se trouveront (j'imagine) dans le suivant.



On a donc ici une histoire qui, sans être mauvaise, peut donner des airs de remplissage. L'intrigue ressemble au premier : un joueur fait un pari important, et se retrouve piégé dans une partie inégale, arrangée pour qu'il perde.



On est ici en Thaïlande, au début du 20e siècle. Le jeu : la cache-cache. Le terrain de jeu : le pays au complet. L'enjeu : tous les souvenirs du protagoniste, qu'il prendra en cas d'échec.



Encore : ce n'est pas mauvais. Si la trilogie vous intéresse, lisez là! Le livre pourrait très bien se lire seul, et c'est tout court. C'est seulement répétitif après le premier.
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La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur

La maison des jeux, une institution ésotérique, secrète qui lie à jamais à elle ses joueurs.

Elle assouvit les ambitions, participe à créer des empires et à façonner L Histoire.

Elle élève les plus forts, construisant leur fortune.

Elle fait chuter les plus faibles, décidant de leur destin, brisant leurs rêves, ruinant leur vie.

Les enjeux sont immenses. Les gains sont aussi impressionnants que les pertes sont abyssales.



« Tous les jeux ont un sens. Tous jusqu'au dernier. »



Après un premier tome qui m'avait plu par son originalité et son écriture, je n'ai pas tardé à lire ce deuxième tome : une nouvelle partie débute avec de nouveaux joueurs expérimentés appartenant à la Haute Loge, une nouvelle plateforme, une époque différente et des enjeux très élevés.



*

L'histoire se déroule à Bangkok dans les années 1930. Un joueur de ligue supérieure, Rémy Burke, après avoir été enivré, est défié à une partie de cache-cache.



« Tu ne devrais pas miser ce qui ne t'appartient pas, Remy.

Tu ne devrais pas miser ce que tu ne peux pas te permettre de perdre. »



Les frontières du plateau de jeu sont immenses, puisqu'il s'agit de la Thaïlande. Chaque joueur, à tour de rôle, doit se cacher pendant que l'autre joueur le cherche. Après quoi, les rôles sont inversés, le vainqueur étant celui qui reste caché le plus longtemps possible.

Comme pour le jeu des Rois du premier tome, le chercheur a à sa disposition des cartes humaines, qui ont été préalablement distribuées entre les deux joueurs, pour les aider à traquer leur proie.



Avec peu de ressources à sa disposition, Rémy Burke devra vite dessouler et rester à distance de son adversaire autant que possible.



Mais quelles options se présentent à lui ? Se cacher dans Bangkok ne risque-t-il pas de se transformer en piège ?



« J'ai fait un pari que je n'aurais pas dû faire. Il est possible que cela me coûte cher. Je crois qu'on m'y a poussé déloyalement, que l'alcool n'est pas seul responsable de mon erreur — c'est du moins ce que disent mes amis. Mais c'était tout de même moi, c'est ma bouche qui a accepté, et il m'appartient donc de jouer la partie. »



*

Contrairement au premier tome, l'histoire est plus centrée sur le personnage principal que sur la stratégie de jeu. Lorsque le lecteur fait sa connaissance, il n'est pas au meilleur de sa forme, mais petit à petit, on découvre un joueur né. Normal me direz-vous, puisqu'il a été invité à jouer dans la Haute Loge.



« J'aime la victoire. Le… défi. Mes journées ne sont pas banales. »



Tout au long de cette partie, le lecteur ne détient pas toutes les clés pour comprendre les enjeux de cette partie, ni les intérêts à voir Rémy perdre. Alors qu'il est accablé par la fatigue, la chaleur, la soif et la faim, son adversaire déplace tranquillement ses pièces, sûr de sa victoire. Alors forcément, on s'attache à ce personnage dérouté plutôt sympathique qui n'a pas les cartes en main.



Mais à ce propos, pourquoi le jeu semble-t-il défavorisé Rémy Burke ? Que cherche la Maison des Jeux en n'intervenant pas pour rétablir l'équilibre entre les deux joueurs ?



« Dans la maison des Jeux, rien n'est laissé au hasard. »



*

Dans sa fuite éperdue, le lecteur est emporté dans Thaïlande des années d'avant-guerre. Les descriptions des paysages thaïlandais sont magnifiques. On a la sensation de courir avec lui au milieu des rizières du Siam, de patauger dans la boue, de s'épuiser dans les forêts montagneuses, de découvrir les multiples visages de Bangkok.



« À l'aube, les nuages bas caressent les montagnes puis s'évaporent à mesure que le soleil se lève. Au crépuscule, les ombres ont tourné, un grand entrelacs gris balaie la terre, et le vent chuchote à travers les forêts, au-dessus des rivières, apportant l'odeur des feuilles pourries et la fragrance des fleurs qui s'ouvrent quand les pluies cessent. »



*

Catherine Webb a une imagination débordante et surtout elle a su se renouveler pour ne pas proposer une deuxième novella identique à la première, tant au niveau du scénario que de l'écriture, moins distante dans ce tome-ci.



Si ce second tome est indépendant du premier, il s'inscrit tout de même dans une suite qui se révèle au cours de la lecture. Sans en dire davantage, les deux récits sont imbriqués et se rattachent à un troisième tome dont les enjeux se devinent insensiblement.

L'autrice semble jouer un double jeu, déplaçant des pièces à notre insu, de sorte que se devine un jeu dans le jeu. C'est comme si le lecteur était lui aussi une pièce de cette trilogie et jouait alors qu'il ne connaît pas encore tous les enjeux.



« Jouer des gens est un talent bien plus élégant qu'un simple calcul. »



Du coup, il me tarde de débuter le troisième tome pour comprendre comment toutes les pièces vont se déplacer, s'agencer jusqu'au moment où un des joueurs mettra les autres rois adverses échec et mat.



« Une grande partie va s'entamer, Remy. Voilà des siècles qu'elle se prépare, mais l'heure est presque venue. Quand elle commencera, regardez bien où tomberont les pièces. »
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La Maison des jeux, tome 1 : Le serpent

« le monde entier est une scène, hommes et femmes, tous, n'y sont que des acteurs, chacun fait ses entrées, chacun fait ses sorties, et notre vie durant, nous jouons plusieurs rôles. »

William Shakespeare



*

Avez-vous l'esprit joueur ? Que seriez-vous prêt à miser pour pimenter votre vie, vous divertir, obtenir une récompense ou bien rembourser une dette ? Mettriez-vous en jeu des années de votre vie, vos souvenirs, votre santé, la vie d'un de vos proches, … ?



« Miseriez-vous votre bonheur ? Joueriez-vous votre amour-propre ? Au nom du ciel, ne jouez pas pour le plaisir, pas encore ; pas alors qu'il existe tant d'enjeux moins importants en lesquels investir ! »



*

Après « 24 vues de Mont Fuji, par Hokusai » de Roger Zelazny, j'ai eu envie de piocher à nouveau dans la très jolie collection de novellas, « Une heure-lumière », aux éditions le Belial.

Mon choix s'est fixé sur le premier volume d'une trilogie intitulée « La maison des jeux » de l'autrice Catherine Webb, plus connue sous le nom de Claire North.

Cette jeune autrice amène beaucoup de fraîcheur à la littérature de l'imaginaire. Elle a un talent certain pour nous entraîner dans des histoires aussi inattendues que fascinantes.



Ce premier court récit, « le Serpent », nous convie à entrer à l'intérieur la Maison des Jeux, un endroit mystérieux, réservé aux seuls initiés. Au cours des siècles, cette organisation secrète a joué sur de nombreux territoires, manipulant les hommes comme s'ils étaient de vulgaires pièces d'un jeu, favorisant leur ascension, ou au contraire, les renversant sans aucune pitié.



« La Maison des Jeux est… ancienne. Elle n'est pas limitée à un seul lieu mais possède des portes dans le monde entier. Cette partie livrée à Venise est l'une des centaines, peut-être des milliers, qui se jouent en des lieux dont vous ne rêvez même pas… »



En ouvrant ce roman, le lecteur réalise qu'il fait partie intégrante de l'intrigue en tant qu'observateur. Cela lui donne l'impression d'être témoin, figurant, arbitre ou même parfois conspirateur.



« Venez.

Observons ensemble, vous et moi.

Nous écartons les brumes.

Nous prenons pied sur le plateau et effectuons une entrée théâtrale : nous voici ; nous sommes arrivés ; que fassent silence les musiciens, que se détournent à notre approche les yeux de ceux qui savent. Nous sommes les arbitres de ce petit tournoi, notre tâche est de juger, restant en dehors d'un jeu dont nous faisons pourtant partie, pris au piège par le flux du plateau, le bruit sec de la carte qu'on abat, la chute des pions. »



Cette histoire nous emmène au XVIIème siècle dans la très romantique ville de Venise. Elle va devenir le plateau d'une immense partie de jeu à ciel ouvert, dont l'enjeu est la place d'inquisiteur au Tribunal Suprême, suite au décès d'un de ses membres.



*

Thene est une jeune femme intelligente, récemment marié sans amour à un homme de plusieurs années son aîné, joueur compulsif qui dépense sa dote en ivrognerie et en dettes de jeu.



« Pardonnez-moi, dit-il, je m'exprime mal. Voulez-vous jouer ? »

Thene considère le dos de son mari, les verres vides à son côté, les pièces de monnaie sur la table ; elle se rend compte qu'elle a de la colère sur les lèvres, une tempête au creux du ventre, et les mains douloureuses — se retenir de les crisper les rend brûlantes. Aussi, avec dans la voix la douceur d'une brume hivernale, elle répond simplement : « Oui. »



Tous les joueurs ne se montrent pas dignes de concourir dans la ligue supérieure.

Remarquée alors qu'elle accompagne son mari dans la partie basse de la Maison du Jeu, Thene est invitée à accéder à la Haute Loge pour des enjeux beaucoup plus importants. La Maîtresse des Jeux lui propose de participer au jeu de rois avec trois autres candidats.

Si elle gagne, elle obtiendra ce qu'elle désire le plus au monde. On peut aisément comprendre ce qui va pousser la jeune vénitienne à accepter. Bien sûr, la récompense est proportionnelle à la mise en jeu.

La vie semble être un divertissement !

Le jeu semble être une métaphore de la vie !



Chacun des quatre compétiteurs reçoit une boîte en argent contenant les règles du jeu, des informations concernant le roi qu'on leur a attribué et des cartes de tarot qui ont été préalablement distribuées entre les joueurs de manière aléatoire.

Pour gagner, le candidat au poste d'inquisiteur doit remporter le vote du Sénat.



Les cartes partagées sont comme les pièces des échecs : au joueur de les utiliser avec discernement et de les placer au bon endroit au bon moment pour protéger son Roi ou placer le Roi adverse en situation d'échec et mat. Mais à la différence d'un jeu traditionnel, ces cartes sont de véritables personnes.



« … les pièces de ce jeu ne sont pas aussi simples que des pions sur un plateau : elles ont des secrets, des fiertés, et, quoique les règles du jeu stipulent qu'elles lui appartiennent, elles aussi doivent être façonnées pour devenir quelque chose de plus. »



Les leviers sont nombreux pour jouer et accroître l'influence de son Roi : l'argent, l'amour, la honte, l'amour, la menace, la jalousie, la vanité, la manipulation, le meurtre, …



« … ce qui compte, c'est la victoire — gagner. le reste n'est qu'une cage. »



*

Ce qui est particulièrement prenant, c'est le fait que la stratégie de ses adversaires nous soit totalement dissimulée, le lecteur étudiant uniquement le jeu de Thene.

De cette manière, en tant qu'observateur, on la voit évoluer, mûrir et prendre de l'assurance à travers son habileté à choisir et déplacer ses pièces.

Cependant, comme nous restons à distance, nous ne pénétrons que superficiellement ses pensées. Cachée derrière son masque, la jeune femme garde ainsi une part de mystère, entretenant notre envie de suivre l'évolution du jeu, nous s'attachant à elle.



« L'assassinat est un coup grossier. Tuez une pièce trop tôt et les autres joueurs se voient renforcés par son absence. Avec quatre joueurs, il y a un équilibre, des forces qui s'exercent dans toutes les directions, des ressources qui s'épuisent. Ma pièce paraît… plus faible que je ne l'aimerais, mais il peut s'agir d'un avantage. Que les autres joueurs dépensent des cartes à se combattre, les forts se déchirant les uns les autres jusqu'à devenir assez faibles pour que je puisse m'en prendre à eux. Un assassinat immédiat détruirait cet équilibre — qui devra bien s'effondrer un jour, mais il est encore trop tôt. »



J'aime lorsque la psychologie des personnages est bien développée. Ici, elle n'est pas fouillée, sans que cela m'ait gênée.

Au contraire, j'ai trouvé que cela renforçait le mystère autour de la maison des Jeux, du jeu des rois et de ses participants. L'autrice s'est en effet surtout concentrée sur un scénario que j'ai trouvé de qualité, sans pour autant négliger des réflexions philosophiques ou politiques.



*

Chaque avancée dans le jeu, chaque utilisation d'une pièce du tarot par la jeune femme donne lieu à un chapitre. Il en résulte que le lecteur n'est jamais perdu dans les nombreux personnages qui ont chacun leur personnalité et un rôle bien défini à jouer en fonction de leur attribut. En outre, le choix de chapitres courts donne un rythme très plaisant à la lecture, les rebondissements s'enchaînant sans aucun temps mort.



Si Catherine Webb mène de main de maître la mise en scène, les interdépendances entre les personnages et la construction du récit, elle a une corde de plus à son arc, celui de l'écriture, irréprochable.

Je l'ai trouvé très visuelle, fluide, simple tout en étant très agréable à lire. A cela, j'ajouterais une petite pointe d'originalité supplémentaire par la narration à la première personne du pluriel, comme si l'histoire était racontée par des observateurs invisibles dont nous ferions partis.



*

Il faut d'autre part souligner l'esthétique du livre, comme celui du plateau de jeu sur lequel les candidats évoluent.

L'autrice donne un design actuel et immersif à son récit en mélangeant astucieusement l'atmosphère romantique et surannée de Venise et l'univers très actuel du jeu de rôle, comme si nous étions conviés à une sorte d'Escape Game grandeur nature.



J'ai adoré me balader dans cette ville pleine d'un charme baroque, désuet et pittoresque à la fois. Je me suis laissée emportée par la magie et le mystère de la lagune vénitienne, la magnificence des palais bâtis à fleur d'eau, malgré la crainte des ruelles sordides et sombres des quartiers mal famés.



« Elle court, elle court, elle court ! Il est heureux qu'elle connaisse bien cette cité car, à Venise, il est parfois difficile de trouver le soleil, les rues se tordent et s'enchevêtrent, les canaux sinuent de-ci de-là et leurs lents méandres trompent le voyageur innocent. »



*

Pour conclure, ce premier tome est une belle entrée dans la trilogie de la « Maison des Jeux ». Il s'achève en ouvrant une porte sur le second volume. Il ne m'en faut pas plus pour vouloir m'engager sur un nouveau plateau de jeu encore plus vaste, avec de nouveaux compétiteurs.



Si vous aimez les thrillers fantastiques originaux, les beaux décors, les intrigues complexes et prenantes, ne passez pas à côté de cette petite novella.



« Tout est hasard. La nature est hasard. La vie est hasard. La folie des hommes est de chercher des règles là où il n'y en a pas, d'inventer des contraintes là où aucune n'existe. Tout ce qui compte, c'est le choix. Alors choisis. Choisis. »



***

Merci à mes deux compagnons de route, NicolaK et Patlancien, observateurs à mes côtés.
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