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Critiques de Catherine Wihtol de Wenden (13)
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Migrations en Méditerranée

Dans l’imaginaire populaire, les migrations en Méditerranée se présentent spontanément sous un mode misérabiliste et sensationnaliste : le cadavre du petit Eylan sur le rivage turc, les pateras surchargées de migrants subsahariens au large des côtes espagnoles, l’espace Schengen qui se claquemure derrière des fils barbelés… Sans rien nier de cette dimension tragique, les actes du colloque « Le modèle migratoire méditerranéen dans la tourmente » qui s’est tenu à Rome en mai 2014 restituent l’espace, le système et le régime migratoire méditerranéen dans toute sa complexité, loin des idées reçues.



La première erreur serait de considérer la Méditerranée comme un espace homogène. Bordée de vingt Etats, la Méditerranée est en fait constituée de trois ensembles aux profils migratoires très différents : l’ensemble Maghreb/Europe occidentale avec en première ligne l’Espagne et l’Italie qui accueillent des migrants maghrébins et des migrants subsahariens, l’ensemble balkanique où se mêlent des migrations intra-européennes et des migrations extra-européennes via la Turquie et la Grèce, l’ensemble proche-oriental qui connaît sur la longue durée des flux de réfugiés massifs, palestiniens, irakiens, syriens…



La deuxième erreur serait la symétrique exacte de la première : refuser de considérer l’espace méditerranéen dans son unité. Car les trois espaces qui constituent la Méditerranée ne sont pas étanches les uns aux autres. Lorsqu’une route se ferme, les passeurs en ouvrent une autre. Lorsque la Libye de Kadhafi ferme l’émigration, les flux se reportent à l’ouest vers l’Espagne ; lorsque l’Espagne parvient à endiguer l’arrivée des cayucos de Sénégal, les flux se reportent à l’est. Cette adaptabilité des réseaux condamne par avance la réponse sécuritaire à l’échec : le renforcement de contrôle sur tel ou tel point de la frontière européenne n’aura d’autre effet que de reporter la pression sur le point le plus faible de la frontière.



La troisième erreur est sociologique. Elle consiste à assimiler la foule des émigrés à une masse indéterminée, poussée à l’exode par la misère économique et/ou la répression politique. Or, les plus pauvres n’émigrent pas, faute d’avoir les ressources – financières, relationnelles – pour le faire. Le profil type de l’émigré est un jeune diplômé, sans opportunité professionnelle dans son pays, en quête d’une vie meilleure au nord de la Méditerranée où le PIB par habitant est 14 fois plus élevé qu’au sud. A-t-il joué un rôle dans l’éclatement des printemps arabes ? Réconciliant les catégories « exit » et « voice » , Nicholas Van Hear suggère dans sa postface que ces émigrés ont d’une part, par leur défection, signé l’échec des régimes autoritaires nord-africains à donner du travail aux jeunes générations et d’autre part, via leur prise de parole dans les réseaux sociaux, semé le grain de la révolte dans l’espace social.



La dernière erreur serait de réduire les échanges migratoires à leur seule dimension Sud-Nord. Les contributions de cet ouvrage collectif évoquent des flux Sud-Sud ou Nord-Sud ignorés mais bien réels. La multiplication de ces flux contribue à brouiller les cartes. Les pays du Maghreb par exemple ne sont pas seulement des pays d’émigration, mais aussi des pays d’immigration et des pays de transit (Mehdi Alioua dénonce avec justesse l’usage de ce terme et lui préfère celui « d’étape »). Idem pour la Turquie dont on voit aujourd’hui le rôle crucial qu’elle joue – et qu’elle instrumentalise – dans le régime migratoire européen. Ils sont une terre de départ pour leurs propres ressortissants « brûleurs de frontières » et pour des étrangers qui ont fait étape, plus ou moins longtemps sur leur territoire. Mais ils doivent aussi se penser, non sans mal, comme une terre d’accueil : pour des populations d’Afrique subsaharienne ou du Moyen-Orient qui souhaitent, mais pas toujours, gagner l’Europe, pour des émigrés illégaux réadmis en vertu d’accords bilatéraux, voire pour des Européens, binationaux ou pas, à la recherche de leurs racines ou d’une retraite ensoleillée.
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Atlas des migrations : Un équilibre mondial à i..

Lassée d’entendre tout et n’importe quoi sur l’immigration, j’ai choisi ce titre de l’excellente collection Atlas de l’éditeur Autrement pour avoir une vision d’ensemble.

Cette collection mêle textes avec cartes et diagrammes, chaque double page étant consacré à un point du sujet traité. Ici ils sont regroupés en cinq grands chapitres :

Migrations, les grandes caractéristiques

L’Europe : un pôle de grande attraction

Le Sud en mouvement : Monde arabe, Afrique, Asie

Le nouveau monde : terre d’immigration

Des enjeux politiques pour demain



Outre sa clarté et sa simplicité, j’ai apprécié d’y trouver des définitions sur des notions qui pour moi se recoupaient un peu, par exemple étranger et immigré. Et d’y trouver des informations qui contredisent les médias (non pas que je me fasse de grandes illusions sur leur objectivité). Ainsi j’y ai lu que « la plupart des enfants d’immigrés ont un bagage scolaire supérieur à celui de leurs parents et, selon l’enquête « Trajectoires et origines » de l’Ined (2010), ils jouissent d’une meilleure ascension sociale que les Français non issus de l’immigration de milieu équivalent ».

A noter que la cartographe, dont le nom n’est pas sur la couverture est Madeleine Benoit-Guyod.

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Faut-il ouvrir les frontières ?

L’ouvrage de Catherine Wihtol de Wenden est militant et ne s’en cache pas. Il se lit comme un plaidoyer vibrant en faveur, sinon d’une ouverture absolue des frontières, du moins d’un assouplissement significatif de la politique d’immigration menée, en France, par la droite comme par la gauche, depuis 1974.



Alors que l’Europe de Schengen dissout les frontières intra-européennes mais renforce les frontières extra-communautaires, alors que le consensus se consolide dans la classe politique autour d’une impossible « immigration zéro », l’auteur, spécialiste du phénomène migratoire, ose quelques questions iconoclastes. Dans un monde où circulent librement les capitaux, les biens, l’information, pourquoi les hommes ne circulent-ils pas librement ? Le Nord, avec sa croissance restaurée, mais sa démographie toujours atone, n’aura-t-il pas à nouveau besoin de main d’œuvre à l’horizon 2020-2030 ? L’ouverture des frontières aurait-elle des effets aussi déstabilisateurs qu’on se plaît à les dépeindre ?



À l’appui de sa thèse, l’auteur s’emploie d’abord à montrer les défauts d’une politique de fermeture des frontières. Cette politique, nous dit-elle, est inefficace. La pression migratoire est si forte, les moyens de contrôle, quelle que soit la volonté politique, si faibles, que rien ne peut entraver l’entrée, même illégale, des étrangers qui le souhaitent sur le territoire national. Chaque année, par la voie du regroupement familial ou à travers la reconnaissance du statut de réfugié politique (lequel constitue comme une « voie de rattrapage » pour tous les miséreux de la planète), des dizaines de milliers d’étrangers utilisent des « portes de services » pour contourner l’entrée principale close (pour reprendre la métaphore d’Aristide Zolberg : The Main Gate and the Back Door). Dans ces conditions, la politique officiellement proclamée de fermeture des frontières depuis 1974 doit être réduite à ce qu’elle est vraiment : une politique essentiellement déclaratoire.



La fermeture des frontières ne diminue pas l’immigration. Au contraire, elle la vicie, en produisant son lot de clandestins. La thèse de Catherine Wihtol de Wenden confine ici à la lapalissade : si les frontières étaient ouvertes, nous dit-elle, il n’y aurait plus de clandestins ! C’est rappeler que la frontière est une source de profits pour ceux qui s’en jouent. Qu’une frontière est toujours contournée, violée, instrumentalisée. Qu’aucune frontière n’est réellement étanche et aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation, encore moins qu’hier.



De façon provocatrice, l’auteur souligne que la frontière, qui n’empêche guère l’entrée, bloque parfois la sortie : nombreux sont les immigrés qui préféreraient pratiquer des allers-et-retours et, à terme, repartir chez eux, mais qui restent en France par crainte de perdre leurs droits.



Pour limiter l’immigration, il a pu sembler pertinent de fixer les candidats au départ dans leur pays d’origine en encourageant le co-développement. C’est le sens, au niveau communautaire, des mécanismes de Lomé avec les pays ACP et de Barcelone avec les pays du bassin méditerranéen. En France, le co-développement a connu son heure de gloire en 1998 avec la création d’une mission interministérielle confiée à Sami Naïr. Catherine Wihtol de Wenden dénonce les illusions de cette politique : « ce n’est pas en diminuant la propension au départ dans les régions d’origine », écrit-elle, « que l’on agira sur les flux migratoires de façon significative » (p. 23). Les études de l’OCDE démontrent en effet que le développement d’une région conduit, au moins à court terme, à une augmentation de l’émigration. Ce constat paradoxal peut se comprendre : le « décollage » d’une économie suscite des aspirations, tant culturelles qu’économiques, peu susceptibles d’être satisfaites dans le pays. C’est seulement à long terme que le développement freinera l’émigration : c’est ce qu’ont connu l’Italie et la péninsule ibérique, et plus près de nous, le Maroc et la Tunisie dont le taux d’émigration se stabilise pour le premier et se réduit pour le second.



Si la fermeture des frontières se réduit au symbole, si elle ne freine pas les mouvements migratoires, parfois même les vicie, si le co-développement ne portera ses fruits qu’à long terme, Catherine Wihtol de Wenden en vient logiquement, au terme de sa démonstration, à plaider en faveur d’une ouverture raisonnée. Une telle ouverture entraînerait ipso facto la résorption des clandestins, et la fin d’une politique policière à la fois inefficace et attentatoire aux droits de l’homme. Elle ne devrait pas conduire à un afflux massif : l’invasion des pays de l’Est, fantasme récurrent au lendemain de la chute du mur de Berlin, n’a pas eu lieu malgré les facilités de circulation en Europe. Elle n’entraînerait pas de déséquilibre sur le marché du travail, les immigrés occupant souvent des postes que la main d’œuvre nationale refuse. Elle serait enfin porteuse d’une meilleure intégration ; car – et c’est la conclusion de l’ouvrage – le XXIe siècle n’appelle aucun repli identitaire frileux, mais bien un dépassement de l’ordre westphalien et un métissage des cultures.
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Faut-il ouvrir les frontières ?

Ce court essai de vulgarisation, réédité et actualisé pour la 3ème fois en 2017, ne contient guère de nouveautés pour ceux qui sont familiers de la pensée de Catherine Withol de Wenden et en général, des études scientifiques sur le phénomène des migrations internationales et sur les politiques publiques de contrôle des frontières. Il s'articule autour de trois chapitres : « Une globalisation contradictoire », « La frontière dans tous ses états » et « L'émergence d'un droit à la mobilité ». Les deux premiers ont le mérite de renverser les idées reçues, mais leurs arguments sont bien connus des spécialistes ; par contre le dernier comporte des contenus juridiques internationaux qui sont les plus informatifs pour tous, car ordinairement difficiles d'accès et sujets à de rapides changements, même si l'auteure avait déjà consacré une monographie à cette question juridique.

Ainsi ai-je appris ici les développements du Forum Mondial sur la Migration et le Développement (FMMD), évolution du Global Migration Group lancé à New York en 2006 ; le FMMD se réunit désormais chaque année, dans des lieux différents et avec des membres divers – représentants étatiques, d'organisations internationales, mais aussi d'ONG, de syndicats, du secteur privé, du milieu associatif de défense des droits humains –, sous le patronage des Nations Unies ; si ses conférences n'ont pas vocation à créer du droit international, si les thèmes traités sont chaque fois différents, et bien qu'on lui reproche « l'absence d'un véritable bilan des acquis des forums successifs » (p. 106), il n'en demeure pas moins que ses travaux ont certainement le mérite de dégager une connaissance partagée dans le milieu diplomatique, une doxa, une sensibilité scientifique qui serviront peut-être, en cas de volonté politique, de méthode d'élaboration de politiques publiques harmonisées (éventuellement régionales) et enfin, sait-on jamais, de résultats juridiques négociés.

Tout cela est bien loin, on s'en doute, des vociférations imbéciles des hommes d'État, surtout en campagne électorale... Spécifiquement, l'approche s'impose qui consiste à considérer la migration comme un facteur promoteur d'avantages économiques et de développement, celui-ci comme un accélérateur et non un ralentisseur des migrations, et enfin la velléité de créer des obstacles frontaliers comme une preuve de vulnérabilité de la souveraineté nationale et non de son renforcement.

Ces affirmations, corroborées pourtant par des dizaines d'études scientifiques établies depuis plusieurs décennies, sont déjà en elle-mêmes contradictoires avec la vulgate identitaire du discours politico-médiatique dominant dans de si nombreux pays du monde actuel. La simple lecture de l'Introduction et des Conclusions de l'ouvrage semble consister, à chaque phrase, dans la négation des fausses évidences que nous avons l'habitude d'entendre serinées à longueur de journée, à droite comme à gauche, dans un consensus électoraliste de sornettes dont le caractère inhumain, anti-éthique et anti-juridique finit, par pure répétition de court-circuits de la pensée et sous un simulacre de réalisme, par dissimuler sa simple fausseté, alors que, naturellement, d'autres enjeux sont en présence.
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Atlas des migrations : Un équilibre mondial à i..

Cette collection de livres sur l’état du monde est plutôt intéressante, bien réalisée, bien organisée et va à l’essentiel.

Je n’ai toutefois pas complètement accroché au sujet malgré mon intérêt pour la géopolitique. La faute peut-être à des cartes pas assez visuelles ou des thématiques qui ne m’ont pas attirés.

J’ai pioché, ici et là, quelques infos intéressantes pour moi, mais dans l’ensemble je n’ai pas réussi à y trouver des cartes qui accrochent l’œil ou des infos frappantes.

Comme je le précisais, cette collection est intéressante mais mériterait un format plus adéquate pour ce type de publication.
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Migrations, une nouvelle donne

J'ai enfin trouvé en ce livre, étrangement édité par une maison mineure au lieu que par les PUF, en 2016, ce que je cherchais depuis longtemps : pas un essai sur une thématique ponctuelle relative aux migrations (pas non plus un pamphlet comme l'auteure en a déjà publiés), mais ce qui ressemble le plus à un traité, c-à-d. un exposé systématique et didactique de l'ensemble des sujets qui composent la matière. Avec cela, l'étude n'est pas longue – moins de 200 p. -, sa lecture reste très abordable et les références (notes et bibliographie) sont extrêmement succinctes : la lecture idéale à recommander à un étudiant ou à un lecteur non spécialiste qui souhaite, en un seul livre, mettre à l'épreuve critique ses idées reçues sur une problématique dont la couverture médiatique et le discours politique sont aussi prolixes qu'absolument inadaptés – sinon délibérément idéologiques et mensongers.

En effet, la déconstruction de la vulgate sur les migrations, mais aussi sur l'octroi de l'asile, sur les politiques européennes d'immigration, sur l'histoire migratoire française (y compris la question des « générations » issues de l'immigration), enfin sur les questions juridiques de droit public et international concernant la citoyenneté, les frontières, l'émergence d'un « droit à la mobilité » et d'une « gouvernance globale des migrations », ci opérée, se fonde sur la démonstration de la péremption des anciennes caractéristiques des migrations, et donc des connaissances, croyances et politiques afférentes. S'il y a inadéquation des politiques aux réalités contemporaines – le cas le plus flagrant étant la nécessité périodique d'opérer des régularisations de sans-papiers dans un régime de fermeture des frontières – c'est d'abord parce que les réalités ne sont pas comprises, les problématiques refoulées ou leur lecture idéologisée à des fins électoralistes ou pour servir des intérêts particuliers – tels ceux de l'industrie de la sécurité.

Ainsi, dans le chap. Ier, « La mondialisation des migrations, une nouvelle bipolarité », ce sont les aspects systémiques du phénomène, dans une nouvelle temporalité, une nouvelle géopolitique, de nouveaux acteurs et intérêts en concurrence avec les États, de nouvelles caractéristiques des migrants, de nouveaux enjeux globaux et régionaux, enfin dans une dialectique mal comprise entre migration et développement qui sont étudiés.

Le chap. II, « La "crise" des réfugiés », se penche sur le droit d'asile, qui a explosé depuis les années 1990, dans sa perspective européenne et se demande si le réfugié est « un élément de désordre dans l'ordre international », de même qu'il se pose la question des déplacés environnementaux – « les migrants de demain ? » - catégorie encore inconnue du droit international.

Le chap. III, « L'Europe, un continent d'immigration qui tarde à se reconnaître comme tel », donne dans ce titre la raison de la faillite des politiques européennes : ainsi, l'espace euro-méditerranéen est en passe de devenir « l'une des plus grandes lignes de fracture au monde », et les instruments de sa politique entièrement sécuritaire montrent leurs limites alors qu'ils engloutissent d'énormes ressources.

Le cap. IV, « La France et ses migrations internationales » se compose à la fois d'un rappel historique sur ses « Cent soixante ans d'immigration » et d'une courte étude sur ce qu'on a coutume d'appeler la question de « l'intégration » des descendants des migrants.

Suivent enfin deux chapitres juridiques, qui synthétisent d'autres travaux plus connus de Wihtol de Wenden : « Citoyenneté, État-nation et migrations » - une étude de l'évolution de la notion de la citoyenneté, au niveau international et français dans ses influences réciproque avec le droit européen, et « Vers un droit à la mobilité ? » - sur l'évolution des frontières et « l'émergence d'une gouvernance globale des migrations ».

Une synthèse donc de multiples sujets, efficace et indispensable à appréhender le phénomène migratoire de façon actuelle et dans la complexité qui le caractérise.
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Atlas des migrations dans le monde : Réfugiés o..

un petit ( au sens du nombres de pages) atlas de géopolitique facile a lire, avec enormement d'informations.
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La question migratoire au XXIe siècle : Migra..

Longtemps, la discipline des relations internationales a été dominée par les doctrines réalistes et néoréalistes qui, sous l'influence du droit international et d'une longue tradition historiographique, ne reconnaissaient que les États (et éventuellement les organisations internationales) comme uniques sujets ou acteurs politiques. Depuis la fin de la bipolarité, certains politologues – par ex., en France, Bertrand Badie – ont commencé a mettre en doute la primauté du « concert des nations » dans l'analyse politique internationale, en leur adjoignant ou remplaçant des acteurs transnationaux, publics ou privés, ou infranationaux, jusqu'à l'individu : ce livre a pour objet d'étudier comment le phénomène migratoire, tout en « introdui[san]t une anomie dans l'espace étatique et international », ainsi qu'un élément paradoxal à l'intérieur du libéralisme, dans la mondialisation tout entière, questionne les principales fonctions régaliennes (la souveraineté, la citoyenneté), comment il met à mal leur symbole, les frontières, enfin comment surgit une « diplomatie des migrations internationales », bi- ou multilatérale et fondée sur une tripartition d'intérêts éventuellement non contradictoires : entre pays (régions) d'accueil, pays de départ et migrants.

Dans le premier chapitre, les migrations internationales sont caractérisées comme un enjeu mondial : inscrites dans une globalisation contradictoire, non seulement elles revêtent un aspect bien plus général et complexe que ne le montre notre perspective habituelle, mais elles nous somment de modifier les catégories des migrants, elles impliquent la question du développement économique et humain à l'échelle mondiale lié au transfert de fonds, les problématiques démographiques des deux rives, l'exportation du chômage et des revendications démocratiques, les conséquences des bouleversements climatiques.

Face à la régionalisation des flux, l’État est menacé dans ses frontières, ses politiques s'avèrent dérisoires et antinomiques avec ses propres valeurs, tout d'abord celles des droits humains, contradictoires aussi avec l'économie de marché, les deux réclamant un droit à la mobilité qui commence à poindre timidement en droit international. Dans les pays d'accueil la démocratie devient prétexte ou instrumentalisation de la répression de la migration, tandis que dans les pays de départ celle-ci se transforme progressivement en instrument de pression ou d'ingérence diplomatiques (le roi du Maroc s'exprimant à la télévision française sur le port du voile à l'école dès 1989, politiques diasporiques, double nationalité, chantages dans les accords de réadmission des déboutés, etc.). L'échelle de l'Union européenne – Schengen, Dublin I, Dublin II – fondée sur le dénominateur commun du tout sécuritaire-répressif brille pour son inadéquation [mortifère, criminelle].

Les migrations rendent le concept de citoyenneté « évolutif », pour les migrants dont la « double absence » d'Abdelmalek Sayad s'est transformée en son inverse, pour les réfugiés, les apatrides, les double-nationaux, mais aussi dans toutes les sociétés hier encore multiculturelles et aujourd'hui traversées déjà par des « citoyennetés transnationales », avec leur propres valeurs.

L'émergence d'une « diplomatie des migrations internationales » (et non des « relations internationales » - coquille évidente qui se répète sur 60 p.) tient compte de la gouvernance mondiale onusienne, depuis l'analyse méritoire de Kofi Annan, jusqu'au « Forum mondial sur la migration et le développement » (Bruxelles, Manille, Athènes, etc.), depuis 2007 ; elle n'oublie pas les influences de la société civile et des ONG ; elle reprend la coopération régionale, les politiques diasporiques, les limites des accords bilatéraux.



Cet essai très pédagogique et apportant des lumières originales, autant dans la discipline que dans l'analyse de l'actualité, ne possède cependant pas la structuration ni l'exhaustivité d'un traité. Certaines redites auraient été évitables, certaines idées auraient gagné à être étoffées davantage, les références et la bibliographie sont intéressantes, la conclusion résume opportunément sans suggérer « d'ouverture », le style présente des lourdeurs.
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Les liens sociaux en question : Précarités

Moi qui pensais être tombée au trou par une sorte d’erreur de l’Histoire…



Précarité de l’emploi, du travail et des droits. « La précarité n’est donc pas un état transitoire, exceptionnel, mais un phénomène permanent, nouveau par son ampleur, sur lequel nous devons réfléchir ». Si la précarité est inhérente au rapport salarial et à la division sexuelle du travail, les formes prises par celle-ci sous le capitalisme néolibéral demandent des analyses approfondies et des réponses émancipatrices.



Denis Clerc, « Pauvreté laborieuse, fruit de la précarité » insiste, entre autres, sur l’emploi paupérisant. A l’insuffisance des emplois (j’ajoute, ou plus exactement au temps de travail trop long affecté à ces emplois), il convient de prendre en compte la « mauvaise qualité des emplois créés ». Il existe donc une « pauvreté laborieuse »…



Je regrette que l’auteur parle de « familles monoparentales » invisibilisant les femmes ou de « classes moyennes » pour des salarié-e-s subordonné-e-s.



Margaret Maruani, « Travail féminin : les dommages de la précarité », souligne que la précarité touche plus et différemment les femmes que les hommes, qu’il y a des précarités « réservées aux femmes », que l’emploi féminin croit « à l’ombre du chômage et de la précarité ». Sur-chômage, sous-emploi, bas salaires, temps partiel, et retraite amoindries…



L’auteure montre que « le surchômage féminin n’a jamais été considéré comme un problème social » et parle de tolérance sociale au chômage des femmes.



Elle insiste aussi sur les horaires désordonnés et perturbants, ces horaires imprévisibles, extensibles, décalés ; la division sexuelle du marché du travail ; la fable « du retard » masquant la construction sociale des inégalités…



« Un jour, je suis tombée dans un trou ».



Hélène Crouzillat, « Interstices » raconte ses rapports avec le « trou de la Sécurité Sociale » et revient sur l’histoire de cette conquête des salarié-e-s vidée de sa substance. Un texte alliant humour et précision…



Le titre de cette note est « empruntée » à l’auteure.



Catherine Wihtol de Wenden, « Inégalités et migrations » analyse l’inégalité du droit à la mobilité, des situations migratoires. Elle parle aussi des déplacé-e-s environnementaux, des apatrides, des sans-papier-e-s, des discriminations, des 240 millions de migrant-e-s internes en Chine et rappelle que le droit à la circulation et à l’installation est un droit des êtres humains.



Enfin, Sophie Béroud, « Quelles stratégies syndicales face à la précarisation de l’emploi et du travail », souligne la fragmentation des collectifs de travail, la réalité massive de l’a-syndicaisation, la migration des emplois d’exécution (hier au sein des grandes entreprises et aujourd’hui externalisés dans des PME, voire les entrepreneur-e-s individuel-le-s), vers le secteur des services… Intérim, Cdd, Cdi à temps partiel (forme dominante de l’emploi des femmes)…



L’auteure insiste, à jute titre me semble-t-il, sur l’inadéquation des structures syndicales, basées le plus souvent sur l’entreprise, qui ne répondent pas/plus au fractionnement des entités productives, aux chaines de sous-traitance, aux établissements franchisés (dans certains secteurs), aux contractuel-le-s dans les fonctions publiques…



Il y a donc des réflexions et des actions à mener sur l’adaptation au site de production ou de zone commerciale, les conditions d’emploi, les situations de travail et les contenus de celui-ci, sans oublier la division sexuelle du travail…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Atlas des migrations : Un équilibre mondial à i..

Cet atlas impeccablement à jour, richement illustré de cartes et de graphiques, permet d'échapper aux caricatures et aux mensonges qui infectent le débat politique. Il évite l'européocentrisme : les migrations intra-africaines, d’Extrême-Orient, des Amériques et de l'ex-URSS sont massives et décisives pour l’avenir. Toute l’information est utile.



Deux points m’ont particulièrement retenu : l’importance des transferts de fonds des migrants vers les pays de départ, soit 401 milliards de dollars (quatre fois l’aide internationale au développement) ; et le silence de l’auteure sur les ONG. Le fondateur d’une des plus célèbres me disait récemment que le romantisme, au mieux, les frais massifs de gestion, au pire, avaient perverti le système.

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La beurgeoisie : Les trois âges de la vie ass..

etat sociopolitique
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Atlas des migrations

Autrice de « Atlas des migrations » et professeure à Sciences-Po, Catherine Wihtol de Wenden invite à déconstruire l'image du migrant comme autre indésirable et à sortir de la peur pour valoriser l'interdépendance du monde.
Lien : https://www.la-croix.com/Cul..
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La question migratoire au XXIe siècle : Migra..

Il ne s’agit pourtant pas d’un essai partisan, mais bien d’une volonté de prendre de la distance et de restituer notre connaissance de la situation et les impacts qu’elle a sur notre fonctionnement politique et social.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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