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Citation de Ledraveur


C’est ainsi que le bouddhisme, fer de lance du nationalisme tibétain au Tibet et en exil a pu être instrumentalisé à des fins politiques : la volonté de préservation de la culture et de la religion tibétaine, priorité de la politique du gouvernement tibétain en exil, va passer par la diffusion et la promotion du dharma ; le combat politique d’un Tibet libre offrant une large tribune aux acteurs du bouddhisme tibétain.
La logique missionnaire s’est révélée efficace si on en juge par la présence mondiale de lamas tibétains ayant mis en place des centres et des groupes d’études permettant la propagation de leur religion. Ces lamas, notamment ceux qui occupent un rang hiérarchique important dans l'institution ont conservé leur autorité traditionnelle en exil et demeurent les détenteurs et les dépositaires du pouvoir. D’autres étaient peu connus et ont acquis une réputation internationale en venant en Occident, comme Trungpa ou Namkhaï Norbu. Plus de la moitié de ces lamas exilés se sont installés aux États-Unis, au Canada, en Europe de l’Ouest, en Angleterre, en Australie ou encore en Nouvelle-Zélande -39-. La création d’organisations transnationales dépendant de l’autorité d’un maître en particulier en est un des principaux résultats -40-.
Précisons d’emblée que la clé de voûte de l'édifice religieux bouddhiste tibétain est le lama (tib. bla ma). Sans lui, il n’y a pas de progression spirituelle possible. En effet, le maître est l’intermédiaire exigé qui donne l’accès à l’Éveil. Ce dernier (l’Éveil) est donc subordonné à l'appartenance à une lignée de transmission par moyens sacramentels (les lamas). Le lama agit comme catalyseur, il est à la fois objet de conversion, de respect et de dévotion. Essentiel, il est celui autour duquel se structurent des communautés de fidèles, le sangha (au départ, le sangha ne concernait que la communauté monastique). Comme l’écrit F. Jagou, « Sans le bla-ma, qui est le digne ambassadeur des Bouddhas dans le monde phénoménal, il n’y a pas de Dharma -41- ». D’ailleurs, alors que tous les bouddhistes prennent refuge -42- dans les « Trois Joyaux » que sont le Bouddha, le Dharma, le Sangha (le Bouddha historique, la voie qui mène à la libération et la communauté de ceux qui suivent l’enseignement du Bouddha), le bouddhisme tibétain ajoute à cela les « Trois Racines » : le lama, le yidam (déité d’élection) et la dakini (messagère de l'espace). Philippe Cornu souligne que les trois joyaux du refuge sont inclus dans le maître, dont le corps est le Sangha, sa parole étant le Dharma et la Dakini, et son esprit étant à la fois le Bouddha et la déité -43-. Cependant, il ne faut pas confondre le maître tantrique Vajracarya (« maître de vajra ») avec les différents types d'enseignants religieux qui peuvent être appelés lamas. Ainsi, comme dans l’aire culturelle tibétaine où l’emploi de lama est multiple -44-, il en est de même dans le contexte européen.
Dans la tradition bouddhique tibétaine, le politique et le religieux sont inextricablement liés.

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39 - G. Coleman, A Handbook of Tibetan Culture, London, Orient Foundation, I993.
40 - Comme les organisations suivantes : Dzogchen community, Rigpa International, Karmapa Charitable Trust, La Fondation pour la préservation du Mahayana, La Nouvelle Tradition Kadampa, etc.
41 - « La politique religieuse de la Chine au Tibet », op.cil., p. 40.
42 - L‘entrée dans la voie bouddhique. Le terme sarana traduit par refuge, désigne un point d’appui. Prendre refuge implique la confiance et la foi dans la véracité du Bouddha, l'efficacité du Dharma et l'honnêteté du Sangha. Lors de la cérémonie de refuge, l'aspirant est à genou et récite la formule de refuge par trois fois et se voit couper une mèche de cheveux par le maître. Ce dernier lui remet un cordon de protection, un livret de pratique et un nom tibétain.
43 - Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, Seuil, Paris, 2001, p. 633.
44 - Cf. G. Samuel dans Civilized Shamans, Buddhism in Tibetan Societies, Smithsonian Institution Press, Washington and London, 1993.

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D’ailleurs, au Tibet avant l’invasion chinoise, la fusion du pouvoir temporel et spirituel était totale avec l'exemple connu de l’institution des Dalaï-Lamas -45-. On peut alors s'interroger : comment une religion riche et complexe, largement idéalisée, constituée de façon bureaucratique et même « aristocratique », « ce qui est opposé à la représentation démocratique qu’en ont la majorité de ses adeptes occidentaux -46- » a pu trouver un si large écho en Occident ?
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45 - « Maître Océan de Sagesse », titre donné par Altan Khan à Sönam Gyatso, abbé de Drepung.
46 - R. Liogier, Le bouddhisme mondialisé, op.cit., p. 5l.

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