Puis, tandis qu'elle dormait, perdue dans un isolement qu'il n'avait jamais vu chez personne d'autre, il resta longuement étendu à la regarder, s'interrogeant sur son avenir. Elle portait maintenant trois masques l'un sur l'autre, le masque de l'Asie, celui de sa propre impénétrabilité, et le troisième, non moins dissimulateur, l'écran du sommeil. Autrefois, chez ses parents, il y avait sur le dressoir une sculpture, une tête de jeune fille. C'était, lui avait expliqué son père, le masque mortuaire d'une inconnue qui s'était noyée dans la Seine. Nul ne savait son nom. Voilà quelqu'un qui avait existé, qui n'existait plus, et dont on ignorerait toujours qui elle avait été. Ce masque lui avait fait peur, et c'était encore de la peur qu'il ressentait en ce moment. Il aurait aimé la photographier, mais n'osait pas. La lueur des torches qui vacillait au-dehors caressait son visage comme si elle avait voulu l'éveiller de nouveau à la vie. Doucement, il couvrit les épaules rondes et luisantes et se détourna. Quelque chose venait de commencer qui l'occuperait sa vie durant.