Découvrez en librairie le nouveau chef-d'oeuvre de Celeste Ng, « Nos coeurs disparus », traduit par Julie Sibony ! Un roman publié par Sonatine Éditions.
https://www.lisez.com/livre-grand-format/nos-coeurs-disparus/9782355849831
Pour un parent, un enfant n’est pas une simple personne : c’est un endroit, une sorte de Narnia, un lieu vaste et éternel où coexistent le présent qu’on vit, le passé dont on se souvient et l’avenir qu’on espère.
Elle faisait toujours ça, lui raconter des histoires. Ouvrir des brèches par où la magie pouvait s’insinuer, faisant du monde un lieu de tous les possibles.
Les souvenirs d'un être aimé se lissent et se simplifient toujours, et on se débarrasse des complexités comme d'écailles.
Les gens décident comment tu es avant de te connaître.
On ne brûle pas nos livres, poursuit-elle. On les pilonne. Beaucoup plus civilisé, n'est-ce pas ? On en fait de la pulpe et on les recycle en papier toilette. Ça fait longtemps que ces livres ont servi à torcher les fesses de quelqu'un.
Ah, lâche Bird. Voilà donc ce que sont devenus les livres de sa mère. Tous ces mots écrabouillés en une pâte grisâtre, puis emportés par une chasse d'eau dans un tourbillon de pisse et de merde. Il sent un liquide chaud mouiller ses yeux.
On sait d’où c’est venu, commençaient à dire les gens. Posez-vous la question : qui profite de notre déclin ? Les doigts se tendaient fermement vers l’est. Regardez comme le PIB de la Chine est en hausse, comme leur niveau de vie s’améliore. Là-bas, vous avez des cultivateurs de riz équipés de smartphones, fulmina un député à la Chambre des représentants. Ici, vous avez des Américains qui font leurs besoins dans un seau parce qu’on leur a coupé l’eau pour défaut de paiement. Ne me dites pas que vous trouvez ça normal.
La Crise était l’œuvre des Chinois, se mettaient à affirmer certains ; toutes leurs manipulations, leurs droits de douane et leurs dévaluations. Peut-être même qu’ils avaient reçu de l’aide de l’intérieur pour démanteler le pays. Ils voulaient notre peau. Ils voulaient prendre possession des États-Unis d’Amérique.
Marilyn prit le menton de Lydia dans sa main et pensa à toutes les choses que sa mère ne lui avait pas dites, ces choses qu'elle avait tant voulu entendre pendant toute son existence.
Quelques jours auparavant, à quelques centaines de kilomètres de là, un autre couple s'était également marié - un homme blanc et une femme noire qui partageaient un nom des plus appropriés ; Loving. Quatre mois plus tard, ils seraient arrêtés en Virginie, la loi leur rappelant que le Seigneur tout puissant n'avait jamais eu l'intention que les Blancs, les Noirs, les Jaunes et les Rouges se mélangent, qu'il ne devait pas y avoir de "citoyens bâtards, aucun effacement de la fierté raciale". Quatre ans s'écouleraient avant qu'ils ne protestent , et quatre de plus avant que le tribunal ne leur donne raison, mais de nombreuses années passeraient avant que les gens autour d'eux ne fassent de même.
La lettre arrive un vendredi. L’enveloppe ouverte et refermée par un autocollant, bien sûr, comme toujours : inspecté pour votre sécurité – PACT. Elle a semé une certaine confusion au bureau de poste, l’employé dépliant la feuille à l’intérieur, l’examinant, la transmettant à son superviseur, puis au chef. Mais finalement, jugée inoffensive, elle a fini par être expédiée à son destinataire. Pas d’adresse de retour au dos, seulement un cachet de la poste de New York, daté de six jours plus tôt. Au recto, son nom – Bird –, et c’est grâce à cela qu’il sait que ça vient de sa mère.
(Incipit)
Un énorme merci à mes lecteurs – aussi bien de ce livre que du premier. À ceux qui m’ont adressé des e-mails, écrit des lettres, tendu des mots pendant des lectures, ou qui ont discuté avec moi lors de dédicaces : merci. Je ne peux pas vous dire à quel point je suis reconnaissante. De nombreux mercis à mes amis sur Twitter : vous me rappelez chaque jour combien les gens peuvent être intelligents, drôles et gentils.