"Bienvenue aux éditions P.O.L", un film de Valérie Mréjen. Pour les 40 ans des éditions P.O.L, quelques un(e)s des auteurs et des autrices publié(e)s aux éditions P.O.L écrivent une carte postale et laissent un message aux éditions P.O.L.
Avec par ordre d'apparition de la carte postale: Violaine Schwartz, Jean-Paul Hirsch, Lucie Rico, Emmanuel Lascoux, Jacques jouet, Philippe Michard, François Matton, Frédéric Boyer, Catherine Henri, Suzanne Doppelt, Lamia Zadié, Marianne Alphant, Suzanne Duval, Laure Gouraige, Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Elisabeth Filhol, Célia Houdart, Nicolas Fargues, Nicolas Bouyssi, Louise Chennevière, Frédérique Berthet, Marie Darrieussecq, Jocelyne Desverchère, Jean Frémon, Kiko Herrero, Julie Wolkenstein, Emmanuelle Bayamack-Tam, Liliane Giraudon, Frédéric Forte, Pierric Bailly, Valère Novarina, Hélène Zimmer, Nicolas Combet, Christian Prigent, Patrice Robin,, Emmanuelle Salasc, Alice Roland, Shane Haddad, Mathieu Bermann, Arthur Dreyfus, legor Gran, Charles Pennequin, Atiq Rahimi, Anne Portugal, Patrick Lapeyre, Caroline Dubois, Ryad Girod, Valérie Mréjen / Dominique Fourcade, Marielle Hubert, Robert Bober, Pierre Patrolin, Olivier Bouillère, Martin Winckler, Jean-Luc Bayard, Anne Parian, Nathalie Azoulai, Julie Douard, Théo Casciani, Paul Fournel, Raymond Bellour, Christine Montalbetti, Francis Tabouret, Ryoko Sekiguchi,
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Manoj avait en effet connu le temps où s’étendait, à l’est de Calcutta, un vaste réseau de canaux débouchant sur 12 000 hectares de marais : The East Calcutta Wetlands. De grandes étendues humides, où alternaient les zones de filtrage ouvertes, et les bheri, des mares à poissons qui occupaient des espaces plus circonscrits. Le tout était alimenté quotidiennement par les égouts de la ville. Là prospéraient les roseaux, les nénuphars, les jacinthes d’eau et diverses espèces de poissons. Les jacinthes d’eau captaient les métaux lourds pendant que certains poissons, principalement les tilapias et les carpes, eux, consommaient le phytoplancton. Autrement dit, les plantes et les poissons nettoyaient ensemble, dans des proportions notables, les eaux polluées. Manoj avait appris, grâce à une étude menée par le ministère de l’Agriculture dix ans plus tôt, que les vingt tonnes de poissons ramassées quotidiennement dans les filets des pêcheurs étaient moins toxiques que bon nombre d’espèces pêchées dans le golfe du Bengale. Ces captures fournissaient ainsi largement Gariahat et Park Circus Markets, les deux grands marchés alimentaires de Calcutta. Sans compter les étals de quantité d’autres revendeurs, couvrant ainsi un tiers de la consommation en poisson de la mégalopole. Cette chaîne originale et peu coûteuse faisait vivre au total près de cent mille personnes, à travers neuf coopératives, tout en apportant une vraie réponse au problème du traitement des eaux polluées.
De la plage, la villa apparaissait comme un navire blanc mis en cale sèche à flanc de colline. Gréco admira longuement les lignes, les ouvertures, les jalousies de bois, le balcon-coursive qui ressemblait à un bastingage, l’étrange verrière comme une cheminée de paquebot dépassant du toit, l’équilibre du tout. Même abandonnée, un peu délabrée, la villa l’émerveillait encore. P 31
" Leurs rires craquaient comme des pommes de pin qu'on écrase .
Les aloès et les lauriers palpitaient doucement dans le crépuscule ....."

Comme il y avait du monde sur le parvis, Chandra préféra entrer tout de suite.
L'intérieur de Notre-Dame, avec ses très hautes voûtes, ses colonnes entourées de chandelles de pierre, qui surgissaient d'une sorte de demi-jour, laissa Chandra un moment figé. Malgré les touristes qui déambulaient au pied des tribunes ou encombraient les travées, et une messe dite dans l'une des chapelles, un grand calme merveilleux émanait du lieu.
Chandra se sentit dans le ventre d'un animal ancien, un corps dont il découvrait le squelette à la fois très solide et très fin. La lumière que filtraient les vitraux était comme un jaillissement chaud, éclaboussant de bleu et de rouge les pavements et les fûts des colonnes. Des taches de jaune produisaient sur les zones qu'elles touchaient l'effet d'un rehaut à la feuille d'or, d'autres, celles d'un acide corrodant.
Chandra suivait une ligne, un enchevêtrement, et soudain une autre ligne le soulevait.
Il fixait un point de la nef centrale, ou une circulation aérienne, et là encore quelque chose le soulevait.
Comme toutes les conductrices, Roshan essuyait quotidiennement des jurons et des obscénités, empruntés à un registre plus ou moins imagé ou cru, toujours très explicite (...) .
Apostrophes charmantes auxquelles Roshan réagissait avec fermeté, mais en s'efforçant à chaque fois de rester courtoise, faisant même, si possible, preuve d'invention et de culture.
par exemple, en plein College Street, à un rickshaw qui, en la doublant, lui avait lancé par le vitre baissée de la portière, le mot : "period", elle vait répondu, tout en accélérant et en maintenant une vitesse suffisante pour rester quelques secondes au moins à sa hauteur : strange times, ce qui laissa un moment son interlocuteur figé, avec dans les yeux un air aussi furieux que déconcerté.
Tandis qu'il déambulait dans les allées du marché aux fleurs, ces images hantèrent Chandra. Paris et Calcutta. Réalités lointaines et incomparables, mais qui à cet instant, dans la pensée et la sensibilité de l'étudiant bengali, mystérieusement, se superposaient.
Le vent se leva, soufflant par bourrasques. Une camionnette se gara dans un petit passage qui séparait les pavillons. On entendait des pépiements, tout un raffut de ménagerie à l'intérieur du véhicule. Un homme en sortit des caisses remplies d'accessoires en plexiglas, des cages en forme de cloche, des sacs de graines. Sur l'épaule de l'homme était posée une perruche verte.
C'était mercredi, le jour où le marché aux fleurs accueillait aussi un marché aux oiseaux.
À la gare de Carrare des blocs de marbre et de granit étaient posés sur des wagons plate-forme le long des voies de triage. D’autres attendaient sur des palettes au bout d’un quai. Ce qui avait d’abord frappé Léa, la première fois qu’elle était venue, c’était la variété des pierres en transit et la forêt de grues. Alentour s’étaient installées des entreprises de découpe et d’import-export qui, depuis le premier choc pétrolier et la chute du marché saoudien, travaillent au ralenti.
Je lis dans le numéro 623 de La NRF un entretien avec Jean-Yves Tadié, le spécialiste de l'oeuvre de Marcel Proust, qui cite une phrase de l'auteur d'À la recherche du temps perdu : "Là où la vie emmure, l'intelligence perce une issue".
Gil se rapprocha du piano et joua un do. La note se décrocha du silence. Gil tâcha de conserver en lui le son.
Il revint à sa place. Posa les mains sur ses côtes et respira un moment par le ventre.
Il fixa un point sur un mur en face de lui pour se concentrer.
Il inspira. L’air comprimait ses poumons. La sensation était celle qu’il éprouvait lorsqu’il bloquait sa respiration pour chasser un hoquet. Il effectua une première série de vocalises. Il trouva les sons trop volatils ou trop durs.
Gil s’arrêta à un la, très voilé, presque blanc, avec le sentiment qu’il s’agissait pour lui d’un cap infranchissable.
L'heure où les persiennes restituaient la chaleur du jour était l'heure où les carpes se décidaient à mordre.