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Critiques de Céline Minard (456)
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Bacchantes

« Bacchantes » : des braqueuses de bacchanales



Avec son nouveau roman, Céline Minard nous plonge dans un univers gangster extravagant au style maîtrisé et convaincant



À Hong Kong, les caves de garde ECWC sont parmi les plus sécurisées au monde. Un véritable bunker, où sont conservées dans les meilleures conditions des centaines de milliers de bouteilles de vin.

Valeur du stock : 350 millions de dollars. Des grands crus uniquement, confiés par leurs riches propriétaires à M. Coetzer, ancien ambassadeur reconverti dans le marché de services aux milliardaires.

La cave est imprenable, grâce à son système de sécurité ultrasophistiqué : « la plus grande forteresse des vins d'Asie du Sud-Est ».

Et pourtant, c'est bien ce tweet qu'il recevra un beau matin : « Vous ne pouvez plus entrer. Nous avons tout ouvert. Nous avons tout relié ». Des intrus se sont introduits dans sa place forte.



La police est convoquée. Jackie Thran, la cheffe de la brigade, veut faire sauter la porte blindée et donner l'assaut. le négociateur, Marwan Cherry, préfère attendre et voir.

Voir quoi ? Un escarpin déposé devant l'entrée, puis une bouteille de grande cuvée, vidée de son contenu mais remplie d'urine.

Ce ne sont pas des braqueurs, mais des braqueuses, et elles ont décidé de se faire un grand banquet digne de Bacchus. Une bacchanale.



La menace d'une explosion cyclonique.

Alors que le puissant typhon Shanshan menace la baie de Hong Kong, un véritable festin devait accueillir les clients milliardaires de M. Coetzer pour « vivre un moment de totale sécurité, chez lui, dans l'oeil du cyclone, dans sa pupille ». Car sa forteresse de vin offre une meilleure protection que toutes les habitations des hommes.



Subversif ? Pas seulement. Même si ces trois braqueuses atypiques, qui n'auront pas assez de leurs vies pour boire tout ce précieux nectar, compte bien prendre leur part de gâteau et de sécurité réservées aux plus riches.



Absurde ? Totalement. Leurs exigences : un nécessaire de maquillage, pied de nez d'une dérision volontaire, cachées derrière leurs masques de clowns et leurs communications excentriques.



Dans l'ivresse ? Absolument. « le temps de la sidération » est venu... C'est ce cocktail explosif, absurde et aviné au rythme échevelé qu'il faut absolument découvrir.



Un millésime 2019 à lire sans modération !



Lu en décembre 2018.



Retrouvez ma chronique complète sans le conseil des libraires Fnac :
Lien : https://www.fnac.com/Bacchan..
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Faillir être flingué

« Faillir être flingué » sera ma pépite de l'année. Je sais, je sais, on n'est qu'au mois de février et je vais peut-être un peu vite en besogne, mais c'est comme ça, les coups de coeurs ne font pas bon ménage avec la pondération…



Un coup de coeur ça ne s'explique pas. À la rigueur ça se raconte :

C'est un soir de janvier, le temps n'est pas aux bols d'air (plutôt aux bols de bouillon), mais je me décide quand même pour une petite escapade livresque, un cadeau qu'on m'a fait, une histoire de « souffle qui parcourt les prairies du Far-West » et de « vibrante célébration des frontières mouvantes de l'imaginaire ». Je me demande quand même un peu où je mets les pieds…



Donc je me rends à mon rendez-vous arrangé et dans la vraie vie ça donnerait quelque chose comme ça :



Un bar. A priori, pas trop mon style.

Assis à une table, un gars. A priori, pas trop mon style.

Mais j'ai rendez-vous et je ne suis pas du genre à me défiler, alors j'y vais.

On commence à parler. Enfin, surtout lui.

Et là, surprise, il est doué le garçon. Un magicien qui manie les mots comme des incantations, et ça déroule comme du velours, ça coule de source, ça fait du bien aux yeux, à la tête et au coeur.

Attention, point de déclarations sirupeuses ni de douces fadaises sucrées, c'est du brut du tranchant, du grave avec juste ce qu'il faut de poésie et de grâce pour vous cueillir et vous faire chanceler.

Ça parle de vastes plaines, d'une grand-mère mourante, d'une femme sans peuple, d'un voleur de chevaux et d'un mec en colère qui veut retrouver le voleur de chevaux, de scalps et de bandits de grands chemins, de solitudes qui se rencontrent et de destins qui s'entremêlent…



Céline Minard convoque dans son Far-West l'humanité toute entière.

Alors je fais durer les pages, comme un dernier verre qu'on sirote par petites gorgées, histoire de ne pas arriver trop vite à la fin de la bouteille. Durer les pages, durer les mots, durer le plaisir.

C'est de la magie, une alchimie subtile, quelque chose qui ressemble au bonheur.



Ma pépite de l'année je disais…



Challenge Multi-défis 2017
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Le Grand Jeu

Peut-on " vivre hors jeu" ?

C'est-à-dire retirée du monde, isolée ici en pleine montagne dans un refuge accroché à une paroi, conçu pour cette quête singulière par une femme. L'hypothèse de l'isolement reste relativement classique et a déjà été posée par d'autres auteurs, le déroulement de l'expérience et la forme du texte le sont nettement moins. C'est ce qui m'a plu dans ce journal intime de survie.



Confrontée à la faim, la fatigue, l'isolement prolongé et d'une façon plus large aux conditions parfois brutales qu'impose la montagne, une femme très entraînée, dont le lecteur ignore à peu près tout - ce qui facilite sans doute l'identification - tente de survivre tout en livrant ses questionnements existentiels au fur et à mesure de ses péripéties.



La première partie, très introspective, centrée sur son installation et sa nécessaire adaptation devrait plaire aux amateurs de montagne familiers des efforts, de l'humilité requis par le milieu montagnard mais aussi de sa beauté fascinante. Une étonnante impression de retrouver des sensations de randonnée en montagne, une justesse de narration, m'ont permis de savourer toutes les questions qui émaillent le récit, comme une façon d'aller plus loin que le bout du chemin...vous savez, ce besoin de savoir inlassablement ce qu'il y a après le prochain virage.

Interessante expérience de lecture !



La seconde partie, plus insolite et plus animée, ménage un suspense qui évite au roman de n'être qu'un récit de montagnard-philosophe en élargissant le postulât de départ : la narratrice découvre dépitée un autre être humain aux alentours de son refuge.

Solitude écornée et confrontation instructive !



Le style, précis et direct, sans fioritures ni effets de style, colle bien je trouve au caractère austère d'une telle expérience de survie en milieu hostile. En revanche, beaucoup de questions et fort peu de réponses déconcertent à la longue et j'aurais apprécié par moments que l'auteur aille un peu plus loin dans sa quête existentielle.

Je sors donc de ce roman à la fois emballée et légèrement frustrée, mais globalement conquise par l'écriture et le propos de Céline Minard que je découvre avec La Grande Expérience...pardon Le Grand Jeu.
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Faillir être flingué

Des cow-boys, des indiens, des voleurs de chevaux, des chariots dans la plaine, des danseuses de saloon… Brad, Josh, Jeffrey, Elie, Zébulon, Sally et les autres. Une multitude de personnages convergeant volontairement ou pas vers une ville champignon sortie de nulle part : « Une rue longue d’environ 600 mètres, bordée de part et d’autre de tentes et de baraques en planches plus ou moins solides. » La naissance d’un monde neuf ou chacun aura sa chance, quel que soit son turbulent passé.



Tous les clichés possibles s’empilent (attaque de la diligence, saloon tenu par une maquerelle, chinois blanchisseurs…) et pourtant l’image mythique du western ne cesse d’être bousculée. Céline Minard a à l’évidence pris beaucoup de plaisir à tricoter cet univers à la fois décalé et respectueux des codes du genre. Et c’est surtout parce qu’elle maîtrise à la perfection ces codes qu’elle peut se permettre de les chahuter comme bon lui semble. Elle est tellement à l’aise dans cet environnement si cloisonné que l’on a parfois envie de hurler : « Dorothy M. Johnson, sors de ce corps ! ». Il suffit de voir la facilité déconcertante avec laquelle elle parvient à installer une ambiance « typiquement western » : son saloon a l’odeur du tabac froid et du whisky bon marché, sa prairie verdoyante résonne du bruit des sabots des chevaux indiens et quand on s’assoit sur le fauteuil du barbier, on sent la douceur de la mousse à raser et la pression du coupe-chou sur notre carotide. Une écriture descriptive à la précision diabolique qui plonge le lecteur en pleine immersion. Que ce soit dans les passages contemplatifs où lors de scènes d’action trépidantes, tout sonne terriblement juste. Même le final, nerveux à souhait, que l’on attend crépusculaire et tragique, se termine sur une pirouette inattendue.



Du souffle, un hymne poétique à la nature sauvage, des personnages incarnés et des destins croisés… pas de doute, Céline Minard est bien une virtuose.
Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Faillir être flingué

Une curiosité que ce livre...



Céline Minard aurait-elle été sqaw-chamane ou danseuse de bastringue dans l'ouest au cours d'une autre vie, pour si bien transporter le lecteur dans les grands espaces américains, sur les pas des cowboys, prospecteurs, émigrants et indiens de tous poils?



On peut parler ici de mythe fondateur d'une nation, par une épopée vers des terres vierges, dans une nature omniprésente, avec faune et flore généreuses ou dangereuses, un voyage qui se décline entre violence humaine et sérénité.



Plaines desséchées et caillouteuses, mirages sur prairies moites de chaleur, paysages à l'infini parcourus à cheval ou à pied interminablement, nuits à la belle étoile enroulés autour d'un fusil, survie par la chasse ou la recherche de l'eau, combat contre les éléments déchaînés en étant simplement des hommes fragiles mais teigneux. Tout est à dompter, à conquérir, en sauvant sa peau, nécessairement!

Avec l'esprit d'entreprise typiquement américain, partant de rien pour construire ou reconstruire une vie...



Une aventure humaine d'une autre époque racontée avec un réalisme lyrique : attaques de tribus indiennes ou de diligence , transhumance de chariots brinqueballants, vols de chevaux, bagarres de saloons, commerce avec les indiens, villes éphémères faites de bois ou de toiles...(le réveil d'un troupeau de moutons laineux est à lui seul une pépite )



Le quotidien de l'Ouest se décline, brutal, dans les vies entremêlées de personnages variés, dans leurs savoir-faire en débrouillardise et autonomie, dans leurs talents de pisteurs, de fermiers, de cavaliers en communion avec leurs montures, dans les rapports rugueux et suspicieux où la confiance est une denrée rare. Tout un monde disparu mêlant blancs, chinois et indiens, décrit avec minutie et précision du détail, dramaturgie et poésie, violence et humour.



Si on m'avait dit qu'un plaisir littéraire viendrait d'un western, je n'y aurais pas cru!

Et pourtant, ce fut une belle surprise.

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Faillir être flingué

Céline Minard est talentueuse. Indéniablement. Les critiques élogieuses sur ce bouquin en sont une preuve certaine. Et bien moi, je me suis perdu dans ces grandes prairies du Far West, ma boussole a merdé sévère très rapidement. J'ai pas accroché non plus aux personnages, le western n'est pas ma tasse de thé (café pour moi), l'ennui m'a gagné très vite. "Faillé être flingué" confirme mon désintéressement pour ce genre. Tant pis !
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Bacchantes

Prenez un ancien ambassadeur, Ethan Coetzer. Laissez-le aménager une douzaine de vieux bunkers britanniques de la Seconde Guerre mondiale à Hong Kong en super caves à vin ! Attention ! Pas n'importe quelles caves ! Non ! Non ! Une cave forteresse aussi bien sécurisée que les banques les plus sécurisées peuvent l'être. Pas n'importe quels vins, non plus ! Pas de la bibine à cent ou deux cents euros la bouteille ! Voyez grand ! Plus grand ! Plus grand encore ! Vous y êtes ? Des bouteilles à quelques centaines d'euros comme entrée de gamme, c'est le minimum, mais un tel chef-d'oeuvre d'ingéniérie mérite d'abriter les plus grands crus ! Des bouteilles uniques où les dizaines de milliers d'euros sont seuls dignes de les fréquenter… Ah ! Les clients ! Ils viennent de partout dans le monde : milliardaire suisse, riches Arabes, acteur américain… Ils confient à l'ancien diplomate leurs plus précieux breuvages pour qu'ils soient gardés à l'abri dans des conditions de maturation parfaites…



Imaginez qu'au moment où un terrible typhon menace l'île… Il est en route… Il va frapper… Ce n'est plus qu'une question de jours… Imaginez que ce soit là le moment choisi par des braqueurs pour… prendre en otage le stock des bouteilles de vin confiées à la vigilance de monsieur l'ancien ambassadeur ! Mais c'est impossible ! Comment ont-ils fait ?

Ils ? Vous avez dit « ils » ? Vous avez tout faux ! Elles ! Et elles sont trois : les trois folles du bunker !



Par respect pour ses soixante-sept printemps, commençons par la Bombe : Jelena Drogan La Bombe ? Oui ! N'y voyez rien de sexuel, encore que… La Bombe parce que cette dame est une formidable spécialiste des explosifs ! Et une meneuse d'hommes… Enfin… dans ce cas-ci, je devrais dire de femmes…



Tiens ! Justement ! Présentons les deux autres… Bizzie, la clown, hyperactive, une vraie tarée ! Et puis, il y a Silly, la brune… Que dire, sinon qu'elle a de très beaux escarpins et que les vêtements ne semblent guère être familiers avec sa peau…

Ces trois dames semblent bien s'y connaître en (grands) vins…



Mais comment sont-elles entrées ? Quel est leur objectif ? … Des tarées, je vous dis…



Pensez à cette pauvre Jackie Tran qui commande les opérations de police… Elle en perd son latin (pas grave, elle n'en a probablement jamais eu) mais si cela continue, elle va perdre son anglais et son chinois ! Grave !



Et puis, ce fameux négociateur, ce Marwan Cherry que Jackie Tran étriperait volontiers, à quoi sert-il ? Franchement ? Mais à quoi sert-il, Monsieur l'Expert en Expertitude ?





Critique :



Vanté comme un des quinze livres incontournables de la rentrée, je me suis précipité pour l'acheter. D'habitude, je me fiche des rentrées littéraires, mais devant les commentaires dithyrambiques et la 4e de couverture, je me suis laissé posséder !



Verdict : Beaucoup de bruit pour pas grand-chose ! Ouille ! Mais… Mais, je me fais caillasser ! M'enfin ! Bande de fans, laissez-moi une chance de m'expliquer !



L'histoire est vendue comme étant un mélange d'escroquerie de haut-vol, une histoire d'un cambriolage hors du commun, de l'humour à gogo… Et j'ai le sentiment de me retrouver avec un synopsis de cette histoire, un roman incomplet manquant cruellement de détails et à l'humour plus que limité.



Si vous avez compris la fin, faites-moi signe car mon demi-neurone n'a pas suivi !



Par quel miracle les trois cambrioleuses ont-elles réussi à s'introduire dans des bunkers mieux protégés que la Banque de France ? Mystère et chocolat ! Quel est l'objectif poursuivi ? Secret Défense !



Bref ! Une ENORME déception ! Deux étoiles, c'est vraiment bien payé pour un livre très cher vu la taille, le nombre de pages et la qualité de l'histoire…



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Le Grand Jeu

"Un bain de lune" dans une baignoire, en pleine nature, à 1600 mètres d'altitude. Une soirée à la belle étoile sur "une vire de vingt mètres carrés accrochée à désert vertical". Une petite séance de slackline sur une sangle tendue entre deux pitons rocheux, face au coucher du soleil. Trois moments de vie intense qui marquent le quotidien de la narratrice dans : Le grand jeu de Céline Minard.

Décidée à abandonner pour quelque temps le monde civilisé, elle a acquis deux cents hectares de roches, bois et prés au coeur d'un massif montagneux, sur lesquels elle va accrocher au dessus du vide ce qu'elle appelle "son tube de vie" ou "son tonneau". Et pour cause ! Dans ses bagages, un questionnement existentiel qui la poursuit et qui balaie tout le roman : quel est le fondement de toute relation humaine ? Qu'est-ce qui se joue lorsque nous allons à la rencontre de l'autre ? S'en suivent, des questionnements posés en rafales et qui versent parfois dans l'hyper intellectualisme.

Mais heureusement notre héroïne n'est pas une philosophe désincarnée , c'est aussi une montagnarde aguerrie. Et passionnants sont les passages où elle décrit avec brio le nouveau rapport qu'elle va instaurer avec un environnement totalement "déshumanisé". Retour à des techniques primitives de survie : chasse et pêche. Longues marches à la fois exploratoires et initiatiques. Ses repères au monde basculent et tous ses sens se mettent en éveil pour la mettre en phase avec le monde animal, végétal ou animal. Son corps lui-même devient un moyen de connaissance comme elle le dit si bien : "j'ai senti le fil de mon chemin passer dans mon ventre et se tendre au-delà de mon point de mire jusqu'au sommet que je ne voyais pas".

Mais la rencontre avec l'Autre à laquelle elle voulait momentanément se soustraire va pourtant avoir lieu sous la forme la plus inattendue qui soit : "une boule noire est tombée à mes pieds". C'est ainsi que se présente, celle qu'elle nommera par la suite, dans ses moments de colère "le tas de laine". Une sorte d'ermite, un compromis entre une vieille bergère oubliée dans une cabane, par certains côtés et une yogini pour d'autres. Va s'en suivre entre la narratrice et ce personnage détonnant une vraie querelle de territoire, avec des passages jubilatoires où le comique se marie avec le réalisme le plus cru... Rituels d'intimidation, d'agression ou de bienvenue vont se succéder et ont constitué pour mon plus grand plaisir une sorte de contrepoint parodique des questionnements métaphysiques qui jalonnent le début du roman. La narratrice fait preuve dans ces passages d'un humour décapant avec un sens de la formule qui fait mouche.

L'écriture est d'ailleurs un des points forts du roman. Polyphonique, elle s'adapte à chaque tempo. Précise, méticuleuse lorsqu'il s'agit de décrire au plus près un environnement ou autre, elle devient ample, fougueuse voire houleuse dans les envolées lyriques ou émotionnelles.

Bref, ce court roman a été pour moi un vrai bonheur de lecture.
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Le Grand Jeu

Il y a de cela quelques années, il existait une petite librairie indépendante pas très loin de la rue de Siam, à Brest, qui s'appelait le Grand Jeu, tenue par une certaine Isabelle. La librairie a fermé en septembre deux mille. J'aimais cette librairie, j'y entrais parfois sans idées précises, le hasard faisait toujours bien les choses et Isabelle savait toujours proposer un auteur, un livre, un rendez-vous, un chemin nouveau hors des sentiers battus ; dire qu'elle a forgé ma conscience de lecteur serait peut-être prétentieux, mais cet endroit m'a donné le goût des livres et c'est déjà immense...

Ceux qui ont fréquenté cette librairie se souviennent d'une très belle aventure.

Je crois savoir que depuis, Isabelle a repris avec d'autres personnes une librairie du côté de la rue Mouffetard à Paris...

Pourquoi cette librairie s'appelait le Grand Jeu ? Je ne sais pas, peut-être une allusion à cette revue littéraire des années vingt, expérimentale, hors des sentiers battus elle aussi...

Mais je m'égare sans doute ou peut-être pas, revenons à ce livre de Céline Minard, qui s'appelle justement le Grand Jeu et qui m'a fait connaître cette auteure.

Peut-être suis-je venu inconsciemment vers ce livre comme une manière de revenir sur mes pas lorsque j'étais un jeune lecteur... Peut-être n'y a t-il jamais de hasard dans nos vies, dans nos gestes ? Simplement des rencontres, des rendez-vous...

Mais alors, pourquoi ce roman atypique s'intitule-t-il ainsi ? Peut-être pour les mêmes raisons qui avaient conduit Isabelle à baptiser ainsi sa librairie...?

Ce roman devrait donner envie aux amateurs de montagnes d'y venir, il les fascinera sans nulle doute. Les déconcertera aussi, j'en suis sûr.

J'adore les randonnées en montagne, sans forcément être un adepte des grandes hauteurs. Marcher longtemps, de préférence en solitaire, est déjà pour moi une forme de voyage intérieur. Côtoyant l'océan quasiment tous les jours, la montagne me fascine d'une tout autre manière. Marcher en montagne accentue, je ne sais par quel magie, cette sensation, cette grâce.

Ici c'est le récit d'une femme qui décide de quitter provisoirement son quotidien, le bruit du monde, prendre de la hauteur au sens propre comme au sens figuré, coller au plus près de la nature...

Un bivouac à même la paroi de la montagne, dans un endroit escarpé inaccessible à pied, une paroi rocheuse de haute montagne, à trois mille quatre cents mètres d'altitude. C'est d'ailleurs par hélicoptère qu'on l'aide à installer son bivouac.

Un bivouac sophistiqué.

Elle doit y rester quelques jours, quelques semaines, peut-être quelques saisons, observer, noter.

Une façon de de réapprendre à vivre, renaître ailleurs.

Ou tout simplement apprendre à vivre pour la première fois.

La narratrice nous présente avec moultes détails cette préparation, une organisation high-tech qui sort le grand jeu et où rien n'est laissé au hasard ; mais ce n'est doute pas ici que réside l'intérêt du roman, même si j'ai totalement adhéré au questionnement initial de l'auteure.

Rebondir,

apprendre,

apprendre à accueillir.

C'est une quête de sens, un chemin philosophique, un texte qui nous questionne sur ce qu'est notre existence, notre relation à nous-même, nos proches, nos sensables, notre rapport avec le monde.

C'est une vie en ermite que s'invente la narratrice.

Le Grand Jeu, est-ce être hors jeu, hors du temps, hors du monde...?

Il y a ici une esthétique de l'isolement, non pas la solitude, mais la survie, le retrait provisoire, le pas de côté, la marge, être brusquement hors-jeu, se regarder ainsi, s'observer, s'étudier méticuleusement, laisser infuser....

Tout est prévu dans l'organisation de cette expérimentation comme du papier à musique... Il y a même un potager à proximité du bivouac, c'est dire...

C'est un isolement volontaire en milieu hostile.

Et brusquement, une note discordante survient, ou plutôt une note inattendue s'invite dans la partition...

Sur cette paroi, elle n'est plus seule. Quelqu'un d'autre est là tout près, montre des signes d'existence, jette ici et là des indices, des traces d'une autre vie.

Ami ? Ennemi ? Élément perturbateur dans ce rouage trop bien rodé ? Prédateur ?

Moi aussi j'ai été perturbé par ce grain de sable...

C'est la confrontation avec l'autre, l'intrus forcément au premier abord, tout autre est souvent cela...

C'est un questionnement qui se poursuit dans ce rapport à l'autre.

Une solitude minérale qui se transforme en traque animale.

Mais la narratrice n'est-elle pas d'ailleurs l'intruse pour cet autre peut-être déja là avant elle ?

Le récit va alors prendre une tout autre dimension.

Que serait Robinson sans Vendredi ?

Que serait la cabane de Sylvain Tesson au fond de la Sibérie sans le surgissement du visiteur imprévu au bord du lac Baïkal, animal ou semblable, invitant le narrateur à des lendemains qui déchantent, où la vodka continue de cogner aux tempes.

Ici c'est le rhum...

L'intérêt du récit ne réside donc pas dans cette expérience high-tech de l'isolement volontaire, mais dans le surgissement de quelqu'un d'autre qui vient modifier le comportement de la narratrice dans cette aventure verticale.

C'est l'expérience d'un isolement où l'inattendu s'invite.

Je ne sais que penser de ce roman totalement déconcertant.

C'est un livre qui m'a fasciné, étonné, rendu perplexe.

Je reste sur tant de questionnements au final.

Mais c'est peut-être là ce que voulait l'auteure, laisser la part belle au lecteur, se retirer de cette paroi abrupte, pour laisser celui-ci imaginer le vertige, agir à son tour.
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Le Grand Jeu

"Le grand jeu"... ou plutôt devrais-je dire "le grand JE"; tout un programme... La 4ème de couverture nous parle d'une auteure "considérée comme l'une des voix les plus singulières de la littérature française actuelle". Là-dessus, je n'irai pas dire le contraire. Niveau singularité, on est amplement servis! Mais je m'attendais clairement à autre chose... et j'ai été déçue. Le résumé est tourné de telle manière qu'il en devient presque mensonger. On s'attend à une sorte de voyage initiatique qui tournerait presque au thriller! Enfin, moi, c'est comme ça que j'avais compris l'entrée en scène de "la mystérieuse ermite". Au lieu de quoi on se retrouve avec un livre extrêmement froid (on ne connaît même pas le nom de la narratrice!), bourré d'analyses cliniques et de descriptions futiles vues qu'on ne sait même pas où se situe l'action (dans les "montagnes", mais encore?) Si le but était de donner au récit une dimension universelle, pour moi c'est un plantage en beauté!



Je l'ai lu jusqu'au bout par curiosité, mais sans aucune passion ni même le moindre intérêt. 180p des préoccupations métaphysiques d'une femme anonyme sur laquelle on ne saura au final pas grand chose, si ce n'est qu'elle est un véritable couteau-suisse humain et qu'elle ne se prend pas pour la moitié d'une abrutie... A force de ne parler des autres êtres humains qu'en ces termes: "un envieux, un ingrat, un imbécile" (et on y a droit un sacré paquet de fois!), on se demande ce qu'ELLE peut bien avoir de si extraordinaire.



Alors oui, sur le plan technique Madame est très forte, et dans beaucoup de domaines (d'ailleurs la pléthore de termes d'alpinisme employés tout au long du livre nuit clairement à la lecture des pauvres profanes que nous sommes...) Sur le plan humain par contre, c'est morne plaine... Et j'ai envie de dire heureusement qu'elle s'est exilée dans la montagne car je n'aimerais pas l'avoir pour voisine... De +, ses penchants pour la bouteille et les substances illicites tendent à démontrer qu'elle n'a pas une vie si parfaitement contrôlée qu'elle voudrait bien le dire: comme tout le monde, elle cherche à s'évader de la réalité, et + souvent qu'à son tour...



Je m'attendais à suivre le cheminement psychologique (voire les réflexions philosophiques) d'une personne en quête d'épanouissement, d'accomplissement personnel. Mais en fait c'est très différent. Des interrogations, "elle" s'en pose à la pelle, mais peut-être pas les bonnes, ni de la bonne manière. Tout est sur-intellectualisé, et toujours biaisé par la (trop?) haute estime qu'elle a d'elle-même, et son mépris affiché à l'égard du reste du genre humain. Ca m'a laissé perplexe, et à la limite du mal de tête. En tous cas, si je suis maintenant beaucoup + calée en matière de noeuds, mousquetons et autres cordages, on n'a pas avancé d'un iota sur le chemin de la sagesse.



On nous parle de "journal de bord"; je l'attends toujours. Parfois, quand un livre est très différent de l'image qu'on s'en était faite, on est agréablement surpris. Là, malheureusement, c'est un flop total. C'était bien la peine de coller dessus un énorme bandeau "Rentrée littéraire 2016"! Toujours se méfier des livres et des auteurs "tendance"... Ce livre est totalement plat et linéaire, malgré la hauteur des pics qui entourent la narratrice: il n'y a pas de fil rouge, pas d'intrigue. Aucun repère temporel si ce n'est les saisons. On n' a donc pas la sensation d'avancer, de partager une tranche de vie. Mais plutôt celle d'observer une personne qui écrit pour elle-même et ne s'adresse à personne d'autre. Il n'y a pas d'enseignement à tirer de ce récit qui m'est apparu avant tout comme un "trip égotique".



Pas trace ici non plus de la moindre poésie: la narratrice étouffe dans l'oeuf tout ce qui fait la beauté de l'instant. Ainsi, observant des nappes de brume pareilles à de la crème fouettée, elle ne songe qu'à la composition atomique du brouillard... Tout est si froid et impersonnel! On lit les péripéties d'une personne dont on ne sait RIEN; comment, dans cette situation, ressentir ne serait-ce que de l'empathie? La seule "relation" qu'elle entretient, avec "l'ermite", est extrêmement déroutante, et parfois même à la limite du malsain. Peut-être n'ai-je pas su saisir le message sous-jacent, mais cela m'a laissée plutôt mal à l'aise, et dubitative: tout cela est-il réel? Ou après tout n'est-ce qu'un effet des substances que la narratrice ingère en quantité? Le livre se termine sur une perturbante considération: "mais elle est complètement défoncée, ou quoi?" Je n'ai toujours pas bien compris en quoi consistait son "entraînement général", et rien dans ce livre ne m'a donné envie d'en savoir +...
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Faillir être flingué

Voici un livre au titre aussi étrange que son contenu, qui ne m’aurait pas attirée spontanément, s’il n’avait fait partie de la sélection pour le prix des Libraires en Seine 2014. Moi qui n’aime pas particulièrement les westerns, j’ai dû en LIRE un. Avouez que c’est cocasse.



Dès les premières pages, l’écriture à la fois forte et précise de Céline Minard a été une bonne surprise. Toutefois, comme beaucoup de lecteurs, j’ai eu du mal à repérer les personnages, qui arrivent directement en situation sans être présentés un tant soit peu. Et comme l’auteur saute de l’un à l’autre à chaque chapitre, cela n’aide pas. Apparaissent d’abord deux frères qui trainent leur vieille mère malade sur un chariot. Puis une jeune indienne chamane, à moins que ce ne soit la jeune fille chinoise que les deux frères recueillent. Quant à Elie et Zeb, qui a volé le cheval de l’autre ? Et cette femme qui voyage en diligence avec sa contrebasse, que vient-elle faire par là ? A l’écran, il est plus facile de mettre un visage sur un nom, mais dans un livre, comment faire, surtout quand tous les noms s’embrouillent ?



Heureusement, les différentes pièces du puzzle finissent par s’assembler et à produire du sens dans la dernière partie du livre, lorsque tous les protagonistes se retrouvent dans une ébauche de ville du Far-West organisée autour du saloon de Sally et du nouvel établissement de bains de Zeb. Dire que j’ai aimé ce western à la française serait un peu exagéré. Mais j’ai apprécié la très belle qualité d’écriture et la puissance des personnages féminins comme Sally, la forte tête de l’histoire, ce qui renouvelle les codes du genre. Avec en prime un peu d’humour façon Maverick - ou tel est pris qui croyait prendre - qui crée des étincelles dans le récit.



Il est dit dans la quatrième de couverture que Céline Minard « est considérée aujourd’hui comme l’une des voix les plus originales de la littérature contemporaine. » Je confirme.
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So Long, Luise

Si j’étais au terme de ma vie, quatre-vingts bonnes années passées, que souhaiterais-je laisser à l’amour de ma vie ? Ce que j’ai de plus cher : mes mots ! Tous là réunis dans un testament d’un genre nouveau. Les arrangements notariés seraient déjà signés depuis belle lurette, car la mort ne rapproche pas toujours les êtres, surtout quand il y a à la clef de jolies sommes bien rondelettes. Pouvoir partir tranquille sans craindre de te voir jeter dehors par une horde d’héritiers brandissant leur ADN. Voilà pour les gribouilles de clercs…



J’écrirais notre rencontre, nos regards attirés comme des aimants, à peine frôlée la peau et déjà fébrile, électrise. Je te dirais tout ce que tu ignores : comment j’ai apprivoisé le mensonge et la mystification, pour ne jamais plus les quitter. Je t’apprendrais comment j’ai grugé le fisc, les honorables et honorés – s’ils savaient, les incrédules ! –, pourquoi je ne me suis jamais sentie aussi vivante, aussi vraie que dans tes ateliers, invitée perpétuelle témoin privilégiée de ta folie créatrice.



Je t’éblouirais encore une dernière fois en te contant comment j’ai apprivoisé l’art de la jactance. Je te rêverais à mes côtés plongeant au centre d’une fourmilière, ignorant tout de mes plus beaux larcins ou détournant le regard et les vaines interrogations. J’avouerais ma jalousie aussi et ma vengeance entre des bras, des corps différents chaque soir, et ces compteurs remis tacitement à zéro, les plaies cautérisées dans l’instant, comme par enchantement, sans un mot, sans un cri, sans rien. Juste nous deux. De nouveau…



Je te léguerais ma plus belle demeure ; je peuplerais son lac, sa cave et ses bois d’un monde de fées, de pixies et autres gnomes anglo-saxons, bastion de mon univers fantasque. Je te dévoilerais les pas de leurs danses les plus endiablées et t’apprendrais à traverser le miroir pour venir t’asseoir à leur côté.

Là où tu iras, je serais alors toujours avec toi…



Je mettrais tout cela dans un livre-testament pour que toutes les nuits tu me prennes dans tes bras, que tous les jours je sois entre tes mains, et que chacun de mes mots t’accompagne et te berce jusqu’au jour où nous serons de nouveau. Juste nous deux…



Mais je ne suis pas Céline Minard. Alors je pose mon stylo sur le coin de cette feuille et tourne doucement les pages de So long, Luise…
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Le Grand Jeu

Tout retranchement est-il une fuite plus ou moins assumée du risque que comporte toute relation humaine? Toute relation humaine ne peut –elle reposer que sur une promesse compromettante ou une menace intimidante ?



L’enjeu est-il de rester hors jeu ou de se mettre tout entière en jeu ?



Ce sont les questions, lancinantes, retournées dans tous les sens comme des gants mouillés ou des vêtements qui grattent, par la narratrice du Grand jeu, retranchée dans sa montagne et son abri high tech, équipée de tous les outils qu’il faut pour pourvoir à sa survie en milieu extrême – la haute montagne alpine- et nantie de l’équipement le plus sophistiqué d’escalade pour lui permettre de défier l’ennui.



Le face à face avec le milieu, le climat, les saisons, la faune et la flore occupent une première partie du livre : on robinsonne allègrement dans une sorte d’enfance retrouvée ou de paradis perdu, avant l’arrivée de l’homme – ou de la femme.



Mais déjà des questions existentielles hantent cet espace concret, elles viennent régulièrement rompre, pour la narratrice, la prise en main de son « domaine », mettent parfois en doute sa méthode (cartésienne), ou à l’épreuve son désir d’ataraxie…ah ce terrible divertissement (pascalien) qui vous tire insidieusement hors de toute contemplation des deux infinis ..et ce doute qu’il faut endormir à coup de rhum, cette subjectivité de la peur qui se réveille , comme, chez Montaigne, le vertige du sage suspendu entre les tours de Notre-Dame…



Non, je ne vous joue pas les pages roses de la philosophie scolaire : Céline Minard est philosophe de formation et son Grand Jeu est une sorte de pari pascalien, non sur l’existence de Dieu, mais sur la nécessité de la relation humaine.



Car tout est là : Robinson, le refuge, le potager, la baignoire improvisée, les terrasses conquises sur la paroi, plus près du ciel , tout cela cache, un temps, la raison profonde de cet érémitisme forcené : fuir les autres, fuir l’autre.



En effet, mieux vaut endurer la grêle, la foudre, la brûlure du vent ou du soleil, l’humidité sournoise des brumes ou la lessive radicale des pluies que risquer de croiser un idiot, un imbécile, un fou, un prédateur. Et d’y perdre son intégrité, son identité.



C’est pourtant l’autre, une autre, - un peu folle, un peu nonne, un peu bonze, un peu chamane, un peu stylite, un peu funambule- , que notre narratrice va rencontrer, après l’avoir épiée, pistée, approchée, comme à la chasse. Et qu’elle « rencontre » finalement comme un animal en rencontre un autre- incroyable scène, farouche et forte.



Une autre qui va l’entraîner dans un Grand Jeu, audacieux, vertigineux. Vital ou mortel. Mais sans l’enjeu d’une promesse, sans la contrainte d’une menace.



Un Jeu gratuit, librement consenti, excitant et féroce comme la vie.



J’ai lu d’une traite le livre encore une fois extrêmement original et très bien écrit de Céline Minard. Il m’a laissée à la fois fascinée et perplexe.



Dans Faillir être flingué, on assistait à la lente émergence d’une vie sociale, à partir d’un chaos, d’un imbroglio de personnages, d’un fouillis d’existences individuelles – on assistait à la naissance d’une ville du wild, wild west- , et on s’arrêtait au bord du cliché- le western.



Dans Le Grand Jeu, c’est l’inverse.



On part d’un cliché : la régression infantile de la « cabane" isolée, du refuge perdu - le retour volontaire à la vie « sauvage » mais avec tous les atouts de la technologie et de la civilisation- et on aboutit à une relation primitive, originelle, presque mutique, animale, qui met tout en danger, au bord du vide et du chaos, mais qui donnera peut-être LA réponse aux questions…



En revanche, cette méthode qui mène du très ordonné, très maniaque, très obsessionnel au border line absolu –rhum, shit, voltige et lâcher-prise – si elle fascine davantage, met la narratrice, comme le lecteur, en porte-à-faux.



Il faudrait plus en dire, ou en dire moins- les questions m’ont souvent paru une redite, voire même un « truc »… la pensée n’y progresse guère, et notre compréhension non plus.



Petit défaut de construction ? Ou travail de sape volontaire ?



Reste une écriture incroyablement maîtrisée- parfois un peu trop technique pour qui n’est pas un familier de l’alpinisme de haut niveau - une langue belle et captivante, même si elle nous lâche cruellement dans le vide final, après nous avoir séduits.



Ecriture-promesse et rupture-menace…en parfaite osmose avec le sujet !

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Olimpia

« Je n'ai jamais vendu qu'une seule chose, ni biens, ni colliers, ni crucifix, ni bassins et toutes fanfreluches d'autel, une seule chose, mon autorité. Non pas mon influence, je dis bien mon autorité, qui d'être achetée ne fait que s'accroître. »



C'est violent comme une éruption volcanique. Ça percute de mille feux et vous transporte dans un temps lointain grâce à cette écriture si particulière de Céline Minard. Ce livre en deux parties évoque la vie d'Olimpia Maidalchini, égérie du pape Innocent X, son beau-frère. La seconde partie dresse en quelques pages sa vie, mais j'avoue que je m'en suis presque balancée tant la première partie m'avait arrachée les tripes et donnée tout l'important de sa vie au travers des mots d'Olimpia. Cette ouverture est magnifique car l'auteur fait parler Olimpia et c'est d'une virtuosité incroyable. On comprend sa vie et ses pensées, la bio qui suit ne fait que conforter le ressenti après la lecture de ce morceau de bravoure. On aime ou pas le style de Céline Minard mais il a du chien. J'admire sa capacité à me plonger dans une époque révolue, dans l'esprit d'une personnalité incroyable, d'un tempérament de feu. J'ai retrouvé ce qui m'avait déjà fortement plu dans So long, Luise. Ça arrache.



« Je ne suis pas romaine, je suis de Viterbe, je ne vomis pas à la fin des orgies. Je conserve et je garde, je travaille, je garde, et si je dois lâcher quelque chose à Rome, ce sera sur elle pour sa perte un vent de peste dans un pet dans un rot. »
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Plasmas

Ce n’est pas un recueil de nouvelles, en tout cas ce n’est pas annoncé comme tel, et pourtant ça y ressemble.

Chaque « chapitre » est une histoire indépendante des autres. Le fil rouge est qu’elles traitent toutes d’un futur de l’humanité et que quasi toutes envisagent une humanité en survie, sur Terre ou ailleurs… des changements majeurs dans la vie des êtres vivants.

Ces histoires sur le fond avaient tout pour me plaire, d’ailleurs certaines m’ont plu « Boues à neige »,« Grands chiens », « Grands singes »… et pourtant…

Cela fait une semaine que je réfléchis à mon manque d’adhésion. Je pense que ce qui m’a profondément gênée c’est la construction en quelques pages d’un univers complexe terrestre ou spatial, à l’aide de termes techniques, scientifiques ou de fictions, très allusifs (à mon sens bien sûr), qui, alors qu’on a l’impression d’enfin comprendre où on met les pieds, est déjà achevé.

J’aime assez les nouvelles.

J’adore la SF, je l’adore notamment parce que j’aime que l’on me propose des univers différents, des organisations vivantes différentes dans lesquels j’aime m’immerger. Mais là, pas d’immersion possible. A peine commence-t-on à pénétrer dans un monde, à en percevoir les contours, que c’est déjà fini.

Un loupé pour cette fois. Cela ne m’empêchera de retourner vers Cécile Minard..

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Bacchantes

À l'image de ces cuisiniers cathodiques qu'on nous inflige constamment et qui trouvent dans la "revisite" la quintessence de leur art, Céline Minard continue de passer en revue ses gammes de genres littéraires. Sauf que dans son cas, c'est plutôt réussi !



Ainsi, après le western ou l'épopée en montagne hier, elle nous livre avec Bacchantes et beaucoup d'adresse, une "revisite" du livre de braquage, dont elle reprend les codes en y ajoutant sa marque personnelle, la profondeur.



Alors qu'un typhon menace Hong-Kong et que ses habitants s'apprêtent à se calfeutrer pour de longues heures, 3 femmes, la Bombe, la Brune et la Clown sont retranchées dans le bunker alpha. C'est la plus grande cave à vin du monde imaginée par Ethan Coetzer et remplie des bouteilles les plus illustres pour une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars. Une flic, Jackie Tchan et un consultant-négociateur Marwan Cherry, tentent d'en finir au plus vite avant que le typhon n'empêche toute intervention.



Chacun de ces personnages est caricaturé à l'extrême, de la flic sur les nerfs et pressée d'intervenir, au consultant dépassé, en passant par ces 3 Bacchantes, adoratrices de Bacchus autant que femmes exubérantes et débauchées.



Céline Minard réussit à la fois à nous plonger dans son atmosphère tendue dès ses premières lignes, puis à nous inviter à une approche hédoniste et jouissive de la vie et de la possession, où l'ivresse transcende et transforme. Le tout en une simple petite centaine de pages où chaque mot compte et joue son rôle : chapeau !
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Faillir être flingué

J’avoue j’ai toujours eu un faible pour les westerns, les bons évidement, mais moi que voulez-vous quand j’entends Dean Martin dans Rio bravo je fonds totalement et je peux rester coller à l’écran pour voir Redford Jeremiah avancer dans les neiges du grand ouest américain.

Une faiblesse bien sûr mais qui ne m’a pas quitté, alors voyez un peu ma joie et mon excitation après les dix premières pages du roman de Céline Minard.



Je fais acte de contrition, je râle fréquemment contre le peu d’imagination et de souffle des écrivains français, et bien là chapeau bas (de cow-boy) Madame Minard.

Bon je vous la fait courte car vous avez dû déjà lire cela dix fois.

Nous voilà dans une grande plaine mais avec juste les montagnes à main droite, genre le Wyoming ou le Montana.

Des migrants avancent péniblement, chariots, hommes et bêtes, bien portants et mourants, à quelques pas de là des indiens, des hommes en fuite, des voleurs, des grigous et d’autres au grand coeur.



Pour faire bonne mesure il y a la quête de nourriture, la chasse, la recherche d’un abri pour la nuit, la traversée des rivières..........

Si vous êtes comme moi ces mots là ont dû faire apparaitre des images oubliées, de piste suivi par les troupeaux, de campements sous la lune, de danger dans l’ombre.

Allons un peu plus avant, une ville vient de se créer, sa quincaillerie, son saloon au piano mécanique, ses filles et la tenancière derrière le bar. Il y a le barbier qui fait la peau douce, et celui qui loue tout (ouais ça existait déjà).

Que ce passe t-il lorsque les uns rencontrent les autres, des duels au pistolet ? des verres de whisky échangés ? ou des plaies recousues ........

Voilà je n’irai pas plus loin, si vous hésitez à lire ce livre, regardez Règlement de compte à OK Corral ou alors Eldorado et ouvrez le livre, vous y êtes ..........




Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Le Grand Jeu

J'ai joué et j'ai perdu. Jusqu'ici, aucun roman de Céline Minard ne m'avait tentée malgré les louanges et les prix. Mais ce thème, une femme qui décide de s'isoler et de vivre en autarcie loin du monde et de ses paillettes a suffisamment éveillé ma curiosité pour que je franchisse le pas. Non, pour être honnête, c'est l'entretien avec l'auteure relaté sur trois pages dans Télérama qui m'a définitivement convaincue.



Sauf que... Sauf que je me suis faite une idée fausse de ce livre. Je l'ai imaginé bien autrement qu'il n'est en réalité. Je ne m'attendais pas à cette approche si intellectuelle. Je ne m'attendais pas non plus à ces longs descriptifs liés à l'alpinisme... Alors en refermant le livre, je suis restée perplexe. Consciente de l'intelligence du propos, mais totalement hermétique à ce que je venais de lire. Peut-être parce que le cérébral prend le pas sur l'émotion, éloignant toute possibilité d'empathie.



C'est une sorte de misanthropie qui a mené la narratrice à se retirer du monde et à tenter une expérience, un Grand Jeu comme elle le nomme. Elle a fait construire un refuge de montagne high tech, autonome en énergie et entreprend d'y vivre seule, avec quelques provisions, du matériel de montagne et de bricolage, de quoi cultiver quelques arpents de terre et produire ce dont elle a besoin.



"J'ai investi cet environnement et ces conditions qui me permettent de n'être pas dans l'obligation de croiser tous les matins un ingrat, un envieux, un imbécile."



Observation de la nature, randonnées et escalade, elle explore son territoire, tente de faire corps avec les éléments pensant n'avoir pour compagnie que quelques représentants de la faune sauvage. Jusqu'à une rencontre insolite avec une ermite, une très vieille femme qui semble directement sortie d'un livre de contes et légendes. La solitude est brisée. Peut-il encore y avoir un Jeu ?



"J'ai essayé. On ne peut pas jouer seul aux échecs. On ne peut pas s'oublier au point de se surprendre. Peut-on s'oublier au point de s'accueillir ?"



Au rythme de ses journées d'isolement et tandis qu'un lien muet finit par se tisser avec la vieille femme, la narratrice reconsidère son expérimentation à l'aune de sa relation avec les autres et avec elle-même. Et se pose la question de la liberté à laquelle elle aspirait. Se couper des autres rend-il plus libre ?



"Et si la retraite n'était pas du tout, au fond, une réponse sauvage mais une erreur de calcul, un calcul erroné ? Si se retrancher c'était s'enfermer avec un ingrat, un oublieux, un imbécile ? Si s'éloigner des humains c'était céder à l'affolement ? Refuser de prendre le risque de la promesse, de la menace."



Comme je le disais un peu plus haut, il y a des questionnements intelligents, qui interpellent car nous avons tous eu au moins une fois la tentation de fuir, disparaître, casser tous ces liens sociaux contraints. Mais ces courts passages viennent entrecouper de très longues pages qui racontent en détail (techniques) les marches et les ascensions de la dame et qui ne peuvent qu'ennuyer quiconque n'est pas féru d'alpinisme. Au final, ce sont ces courts passages que je retiens et je regrette que la démonstration de son propos ne se fasse pas de façon plus fluide, plus agréable, plus émotionnelle.



Bref, j'ai fait ma propre expérience et c'est raté, il m'a manqué le plaisir d'une intrigue, l'intérêt d'une histoire, l'évasion tout simplement.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Faillir être flingué

Si vous aimez les western, mais la je vous parle d'un temps que les moins de...etc...

John Wayne, Kirk Douglas, Richard Widmark, Charles Bronson... Enfin, ces films de cowboy comme on les appelaient à l'époque, des cowboys donc, des indiens, des chevaux, des voleurs de chevaux, un saloon, des filles de joie, des bagarres, des diligences , et même un barbier, tout y est, et c'est une femme qui nous raconte cette histoire d'homme.

Nul doute qu'à l'époque, caméra en main elle aurait donné le change aux Hattaway, Aldrich, ou Ford... Mais c'est la plume (si l'on peut dire...) qu'elle a choisi comme mode d'expression, et elle s'en sort plutôt bien, il faut le reconnaitre.

Certe, l'histoire n'a rien d'exceptionnelle, mais on s'attache aux personnages, on les suit avec plaisir tout au long de leurs aventures. On les découvres les uns après les autres et tous finiront par avoir une histoire commune, Céline Minard, sait aussi nous raconter les paysages et les mœurs de l'époque. Et, comme dans ces films d'antan que je citais plus haut, c'est à la fin que ça s'emballe...

Un bon moment de lecture en tous cas.

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Bacchantes

Au fur et à mesure de la parution de ses romans, on découvre Céline Minard avide d’explorer tous les genres, de se servir de leurs codes pour nous faire passer un message à sa sauce. Après la science-fiction dans Le dernier monde, le roman moyenâgeux avec Bastard Battle ou encore le Western avec Faillir être flingué, voici le roman noir avec cette histoire de braquage mené par trois intrépides amazones.

Nous sommes à Hong Kong à quelques jours de l’arrivée d’un typhon. Autant dire que la tension est déjà grande quand on apprend que l’un des endroits les mieux protégés de la ville, l’ancien bunker des forces anglaises reconverti en gigantesque cave à vins, vient d’être braqué.

Quand s’ouvre ce court roman, voilà déjà près de trois jours que la police a pris position autour du bâtiment, sans pouvoir pour autant intervenir. Elle manque tout simplement d’informations sur ce qui se trame derrière les portes blindées. Soudain, la porte s’ouvre et une jambe fuselée, terminée par un talon-aiguille, dépose une bouteille avant de s’éclipser. Un romanée-conti de 1969.

Quel message les braqueurs ont-ils voulu transmettre?

Jackie Thran, qui est en charge des opérations au sein de la police essaie d’en savoir davantage, veut analyser chacun des faits et gestes, suivre les caméras de surveillance, tenter de comprendre. À ses côtés, un ancien diplomate sud-africain est dans tous ses états. C’est Ethan Coetzer, gérant de ce stock estimé à quelques 250 millions de dollars et que les braqueurs menacent de faire exploser. Le message initial envoyé par tweet ne laisse guère de doutes sur leur professionnalisme: «Vous ne pouvez plus enter. Nous avons tout ouvert. Nous avons tout relié. ECWC 21h 18». Il faut désormais tenter de répondre aux trois questions qui? comment? Pourquoi?

Au fil des pages qui suivent, la première va trouver au moins partiellement une réponse: trois femmes occupent le bâtiment : Silly, Bizzie et Jelena. Avec elles, Illiad, un rat dont le rôle est loin d’avoir été anecdotique dans la prise de contrôle du bâtiment et qui répondra en grande partie au comment. À la question du pourquoi, il faudra se rappeler le titre du roman. Les Bacchantes désignant, on le rappellera, les femmes qui rendent un culte à Dionysos (devenu Bacchus dans la mythologie romaine et dieu du vin).

Voici donc un petit bijou passablement subversif – attendez l’épilogue! – et un tantinet alcoolisé pour commencer joyeusement l’année.

Notons enfin, pour ceux qui auront aimé la plume élégante de Céline Minard, la parution simultanée de son précédent roman «Le grand Jeu» en Rivages/Poche.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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