Céline Tillier

Mais pourquoi il est tout en long ce jardin, c’est infernal !!
⁃ Dis-lui que je la rappelle plus tard et que si elle veut
m’appeler qu’elle m’appelle sur mon 06 !!
⁃ Bon ben je raccroche alors ?
⁃ Arrête de crier Michel, tu lui dis ce que tu veux mais s’il te
plait arrête de crier, supplie ma mère.
⁃ Bon alors je lui dis quoi ?
Ma mère se lève, ses cheveux sont légèrement aplatis derrière sa tête, elle
tire un peu sur sa jupe pour la défroisser et se dirige vers la fenêtre du
salon :
⁃ Michel, arrête de crier s’il te plait et passe-moi Hélène
Et je vois le combiné qui change de main, je n’entends pas ce que dit ma
mère, elle parle plus doucement, elle a cette tendresse naturelle qui donne
envie de se laisser bercer. Mon père attend, il regarde ma mère, il ne bouge
pas, il écoute la conversation... Mon père est un solitaire qui parle fort, à
cause du vent sur le bateau, à cause des vagues et du bruit du moteur. Mon
père c’est un navigateur à la peau burinée, quelqu’un de fort, qui n’a peur
de rien... Enfin je crois, mais je n’en suis pas si sûr. Il a ses peurs à lui. A-t-il peur lorsqu’il est seul face à la mer déchainée ? Non je ne pense pas, il
n’a pas peur, c’est un marin. Non mon père il a toujours eu peur de perdre
ma mère... De revenir au port et de ne pas la voir l’attendre sur le banc au
bout du pont comme elle le fait depuis 40ans. Il a peur de voir le banc vide
et de perdre pied... tout à coup...
Et moi je ne serai jamais marin, et personne ne m’attendra sur un
banc.
- Luc tu viens au marché ?

Pour ne plus avoir peur, il faut danser, danser dans la nuit, danser toutes les nuits jusqu'à l'ivresse. Il faut lâcher les espoirs, les doutes (...), il faut aimer beaucoup, beaucoup, beaucoup. Il faut aimer autant que tu danses.

Un sifflement traverse le silence et le vent. Comme une étoile filante, la
flèche vient se planter dans son cou. Un léger sursaut et puis un
effondrement lourd. Elle est tombée sur Simon, elle a posé sa tête sur son
torse, son souffle encore chaud lui caresse le visage et il sent le sang couler
comme un petit ruisseau entre ses jambes. Ses oreilles ne frétillent plus,
elle dort, ses yeux noirs se ferment à jamais.
Et les siens restent ouverts sur la beauté de cette gazelle morte dans la nuit.
Il entend les pas de Bwerani qui court dans le sable.
« T’as vu je l’ai eue un seul coup !!