Quand il a découvert la peinture, l'homme n'était plus un simple prédateur. Pour la première fois, il exprimait un univers intérieur, plein de rire, de jeu et d'imagination. Comme un petit matin après la nuit des temps.
- Toi alors, t'es jamais contente.
- Pourquoi je serais contente alors que bientôt, on va mourir ?
- Tu vois tout en négatif ; on ne peut pas être plus loin de la mort que toi : tu es enfant.
- J'ai dix ans, il me reste que six fois à vivre ce que j'ai déjà vécu. C'est pas beaucoup. Et tout le temps où j'étais bébé ne compte pas : c'était nul.
- Tu sis qu'on a le droit de désapprendre à compter...

De prime abord, ce livre ne semble pas très accessible : le choix de la peinture, des textes imposants et "fondus" dans l'image... Il s'agit plus de "poésie en prose illustrée" que de véritable bande dessinée.
Pourtant, aucune difficulté à rentrer dans ce récit. Une mise en scène fluide et élégante, une narration sensible et ressentie et, surtout, une écriture intelligente et juste.
L'auteur, loin de tomber dans la facilité d'un nombrilisme évaporé qui parerait l'enfer de la drogue de couleurs romantiques, fait preuve d'un beau recul, qui ne crée pas de distance avec le lecteur mais, au contraire, l'emporte dans la réalité de cette expérience, sans dramatiser ni se dédouaner.
Seul (petit) bémol : un style parfois inutilement ampoulé (la plupart du temps c'est très bien géré, mais à quelques moments ça rend le propos plus compliqué que nécessaire, et moins précis).
Mais, outre ce défaut qui relève aussi de mes goûts personnels, ce livre est une réussite !
L'être humain a le sentiment de ne pas avoir vécu lorsqu'il a oscillé sa vie entre l'amour et l'indifférence, sans jamais n'avoir su pencher pour l'un ou pour l'autre.
...le marchand n'a pas voulu tuer le rat, il a voulu donner à manger au serpent, c'est pas pareil.
Quelle que soit la maigreur d'un éléphant, ses couilles remplissent une marmite, répétait Sese. Il insistait pour qu'Anthelme se laisse pas aller à la saleté. Vas te laver mon frère, il y a de l'eau dans les cimetières.
Tout le monde a droit à une seconde chance, même si tuer des vieux, c'est monstrueux.