AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de César Vallejo (16)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

"Cela n'est pas possible, et pourtant, cela est."

(J. L. Borges, "Livre de Sable")



Si vous me dites : "fantastique latino-américain", je vous réponds : "Macondo".

Marquez représente sans doute le mieux ce que j'imagine sous le terme "réalisme magique", et sa "magie" restera toujours connectée avec la chaleur humide et l'odeur des bananiers qui se dégagent des pages de "Cent ans de solitude" : cet air qui ondule en créant toutes sortes de mirages qui transforment le réel en irréel, féerique ou inquiétant.

C'est comme une bulle de savon colorée qui flotte dans un monde rationnel, et il ne faut pas appuyer dessus, sinon elle explose et toute la magie est brisée.



Bien sûr, cette anthologie ne serait pas complète sans un récit de Marquez. J'ai appris dans un petit médaillon, dédié à chaque auteur, que Macondo de Marquez doit beaucoup à Yoknapatawpha County de Faulkner... mais oui ! Mais tandis que Faulkner utilise le procédé classique du "courant de conscience", pour créer des histoires aussi inquiétantes qu'"Une rose pour Emily", les auteurs de l'Amérique latine vont créer quelque chose à part, en distordant la réalité et en y rajoutant des éléments absurdes et oniriques. La géographie aidante, nous nous sentons subitement à mille lieues des auteurs à l'héritage européen.



Toutes les histoires du recueil (une bonne trentaine) ne sont pas du "réalisme magique", mais elles sont toutes "étranges" ou "fantastiques". Que vous préfériez un conte plutôt classique dans le style de Poe, une bizarre histoire humoristique, une terreur pure et dure ou un récit psychologique, vous y trouverez toujours votre bonheur. Les auteurs comme Quiroga, Borges, Marquez, Bioy Casares, Cortazar, Vargas Llosa et bien d'autres sont à votre service... donc, à lire de préférence dans une confortable chilienne avec un gros verre de mocochinchi à la main.



Forcément, chacun ses goûts (ce qui est aussi valable pour le mocochinchi; à ne surtout pas confondre avec Monchhichi !), alors je vais dresser mon propre palmarès, en commencant par "Anaconda" d'Horacio Quiroga. En général, les histoires d'animaux m'ennuient profondément, mais il y avait quelque chose de paralysant, voire venimeux, dans ce récit sur un Grand Conseil de serpents de la jungle, qui vont se liguer contre leur ennemi commun, l'homme.

En me disant qu'il n'y aura probablement pas mieux, j'ai relu avec plaisir "L'Aleph" de Borges et l'histoire de Marquez sur le plus beau noyé du monde, avant de tomber sur le "Retour aux sources" d'Alejo Carpentier. Son histoire m'a fait penser au "Masque de la mort Rouge" de Poe par son esthétisme baroque, sauf que Carpentier s'y prend autrement. Don Martial va se lever de son lit de mort pour vivre sa vie à l'envers, et l'histoire réserve plein d'images insolites, comme ces bougies qui se consomment en grandissant, le piano qui redevient clavecin, et don Martial qui oublie la musique pour ressortir ses soldats de plomb. Un voyage d'un néant à l'autre, assez dérangeant, somme toute...

Pour vous détendre, vous pouvez enchaîner sur "L'Aiguilleur" de Juan José Arreola, une histoire qui décrit d'une façon tout à fait drôle et tout à fait absurde le fonctionnement des chemins de fer au Mexique. Cela vous amusera d'autant plus que même dans notre beau pays, à un moment ou à un autre nous avons probablement tous vécu les mêmes tourmentes que le pauvre voyageur d'Arreola.

Si vous voulez quelque chose de plus costaud dans le style "terreur classique", prenez "Aura" de Carlos Fuentes. Pour les amateurs de récits psychologico-bizarres, l'histoire de chiens d'Elena Garro devrait faire l'affaire.

Et pour finir vraiment en beauté, pourquoi pas "L'homme aux champignons" de Sergio Galindo, une des histoires les plus étranges que je n'ai jamais lues.

Seulement, méfiez vous des enfants trouvés dans une belle clairière pleine de champignons. Vous ressentez d'abord une grande euphorie, et le reste n'est plus qu'un rêve... D'ailleurs, saviez-vous en quoi consiste le métier d'un "homme aux champignons" ?



Il est toujours précaire de noter une anthologie qui regroupe tant d'auteurs difficilement comparables. Certaines histoires m'ont laissée de marbre (je m'excuse notamment auprès de João Guimares Rosa !), mais ce fut un beau voyage, et 4/5 devrait convenir.
Commenter  J’apprécie          7347
Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

Je suis un anaconda. J'ai avalé cette anthologie de 505 pages avec grand plaisir et je ne suis pas repue, je vous préviens. Vous aurez droit à de petits billets sur certaines histoires que je compte bien relire ou écouter.

Claude Couffon un très grand spécialiste a réuni en 1989 la crème de la crème, d'un continent formidablement divers et prolixe (voir la liste complète dans "résumé"). Une trentaine d' histoires signées des plus grands écrivains hispanophones et lusophones du XXe. Tous désormais classiques. Tous ont écrit de superbes textes étranges ou fantastiques. Ne me demandez pas quelle est la différence, je vous goberais tout cru sur votre oreiller de plumes ce soir. Ces définitions varient tous les ans et sont toujours indigestes tant il y a d'exceptions. Je suis bien davantage sensible à la maîtrise du cuento ou conto, qui est considéré là bas comme un des beaux arts.

« J'ai lutté, écrit Quiroga, pour que le conte n'ait qu'une seule ligne, tracée d'une main certaine du début jusqu'à la fin. Aucun obstacle, aucune digression ne devait venir relâcher la tension de son fil, le conte est, au vu de sa fin intrinsèque, une flèche soigneusement pointée qui part de l'arc pour aller directement donner dans le mille. »



Ces fins archers sont tous les héritiers de plusieurs traditions écrites et orales amérindiennes, africaines, européennes. Ils ont le don de vous faire gober le surnaturel comme si de rien n'était. On l'accepte d'autant plus volontiers qu' on aime entendre des histoires, entre plaisir et horreur, qui nous sortent littéralement de l' ordinaire pour mieux l'interroger.



J'ai savouré des histoires qui sont indisponibles à ma connaissance en français actuellement :

-Oscar Cerruto : Les Vautours***** un voyageur croise le regard magnétique d'une femme dans un tramway et plonge dans un cauchemar.

-Juan Bosh : La Tache indélébile*** : un conte fantastique civique...si, si.. qui vous fait perdre la tête (voir citation).

-Juan Jose Arreola : L'Aiguilleur***** : un voyageur cherche en vain son train et dialogue avec l'aiguilleur. Une nouvelle absurde et drôle.

-Elena Garro : le Jour où nous fûmes des chiens****La cruauté du monde vue à travers l'imagination innocente d'une petite fille.

-Virgilio Diaz Grullon : au-delà du miroir*** Un homme à la recherche de sa véritable identité.

-Sergio Galindo : L'homme aux champignons ****Une terrible fricassée familiale.



Merci beaucoup Bobby.

Commenter  J’apprécie          4615
Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

A l'exception de quelques rares romans, dont le célèbre "Cent ans de solitude", je dois avouer que la littérature d'Amérique latine, m'est à peu prés inconnue.



C'est pourquoi, quand je suis tombé sur ce recueil dans une bourse aux livres d'occasion, j'ai saisi la chance de la découvrir par un biais qui me passionne : le fantastique.



Ce livre présente un panorama de la littérature sud américaine, vu au travers du prisme déformant, mais aussi parfois révélateur, de l'étrange, de l'insolite...



Les auteurs présentés ici, sont originaires de l'Uruguay, du Mexique, du Brésil, de République Dominicaine, et autres contrées exotiques.

Citons, entre autres, José Luis Borges, Adolfo Bioy Casarès, Julio Cortázar, Gabriel Garcia Marquez, Jorge Amado pour les plus connus.



Autant le dire, nous sommes fort loin du fantastique anglo-saxon par exemple, dont les grands auteurs ont imprimé un style devenu référentiel.



Ici, nous sommes plus souvent dans le réalisme fantastique, ou l'onirisme. Une vision de l'insolite que l'on peut qualifier de plus "poétique" et moins sensationnelle.



L'histoire de ces pays, a en général été marquée par des périodes pour le moins troublées, allant jusqu'aux révolutions, dictatures, guerres civiles. Cela se retrouve tout naturellement dans certaines oeuvres, ainsi, par exemple, dans le roman distopyque (un des rares lus dont je parle plus haut) "Journal de la guerre au cochon" d'Adolfo Bioy Casarès.



Le recueil s'avère donc une introduction intéressante à une expression littéraire très caractéristique.



Comme presque toujours dans ce genre d'ouvrage, les textes sont d'un intérêt variable,et pour quelques uns un peu ésotériques (pour le néophyte que je suis tout au moins !).



Ceci dit, la qualité d'écriture, et de traduction est toujours au rendez-vous.
Commenter  J’apprécie          312
Poésie complète

D'abord inspirée par le modernisme, notamment celui de José Santos Chocano, plus tard par le surréalisme et la découverte du marxisme, puis l'indigénisme, l'art poétique remarquable de César Vallejo débute par un classicisme versifié d'une subtile beauté formelle pour devenir plus personnel, incroyablement original et créatif, et entrer dans le mouvement d'avant-garde poétique.

Expérimentant les ruptures syntaxiques, la poésie de Cesar Vallejo déborde d'émotion, de nostalgie et de désarroi, disant la souffrance de la perte des êtres chers ; son oeuvre rompant définitivement avec la rhétorique traditionnelle, elle déploie amour comme désamour autour de surprenantes construction et destruction de l'écriture.



Au-delà des désillusions intimes, sa poésie sait prendre source auprès de l'homme, innocente victime des jeux de Dieu ou du destin, et c'est avec l'écriture que César Vallejo va exprimer sa révolte face aux évènements et aux violences du monde.

Opposant harmonie apparente et absurdité du réel, il ne cessera dans ses poèmes de questionner le sens de l'existence.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
Commenter  J’apprécie          270
Poèmes humains

On est loin d'une poésie tendre, amoureuse de la vie, ensoleillée.



Le style de Vallejo est souvent cru, il transpire la souffrance, la désespérance, un côtoiement permanent avec la mort.

Vallejo écrit avec ses tripes, bouleverse les images poétiques, à tout le moins celles que j'avais, et ne laisse pas indifférent.



La version bilingue proposée par l'éditeur permet, même si l'on ne connaît pas l'espagnol, ce qui est mon cas, de savourer le rythme de la langue d'origine. Un véritable plus.

Commenter  J’apprécie          220
Poésie complète



Je mourrai à Paris - je n'en ai pas honte - peut-être un jeudi d'automne, comme aujourd'hui.

Ce ne fut pas en octobre, mais en avril,

ce ne fut pas un jeudi,

ce fut un vendredi, celui qui déplore le suicide monotone du fils de dieu.

Il est mort ce jour là, à Paris, le poète de la montagne du Pérou,

né là-haut un jour où Dieu était malade, gravement,

là - haut dans cette étable de pisse et d’ excréments où se conçoivent le sans-ciel, et le plus-pierre avant que le coq ne devienne incertain de l’avenir.

L’éternité est morte dans un moment crucial de vie, dans cette obscurité où les mots se pelotonnent tels des pumas dans les coins de la cellule, avant de détruire l’innocence des coupables analphabètes à côté de qui ils sont écrits; hermétiques pour se protéger du danger que serait la compréhension de ces mots écrits par un mort de faim de l’éternel amour, de la rencontre absolue, de l’union des émotions et des mots,

César, le corps plein de tous les déshérités, frère de ceux qui chaque matin

se réinstallent dans une peau,

dans un corps, qui ne vit de rien,

attendant de mourir de tout,

attendant la dernière balle dans leur cœur de Pedro Rojas…

Cesar, poursuivi par les Attilas barbares, hérauts de sa mort,

qui l’a fait poète immortel,

César Vallejo.

Les vers de Vallejo sont en moi quand j’ écoute l’Histoire du soldat de Stravinsky en buvant le vin veuf de la bouteille quelque part dans l'Altiplano.



Les poèmes suivants sont ici,

Pierre noire sur pierre blanche, Retable, Vespergenèse, Trilce XIX, le moment crucialde la vie, Trilce LVIII, la violence des heures, Trilce LXVIII, Intensité et altitude,les déshérités, Hymne aux volontaires de la République, O ! bouteille sans vin., leshérauts noirs.

La mort est dans ces lignes comme elle l’est dans plus de 180 poèmes (il en a écrit environ 250)

Ils se trouvent, pour moi, dans ces deux livres,

The Complete Poetry (éd. Bilingue)

Poésie complète traduction Nicole Réda-Euvremer éd. Flammarion





effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
Commenter  J’apprécie          90
Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

Un très excellent recueil de nouvelles pour qui veut découvrir ou approfondir ses connaissances en littérature d’Amérique latine, et j’en fais partis, c’est étranges et fantastiques histoires m’ont presque toutes plu. Je note Gabriel Garcia Marquez avec qui j’ai renoué, car je n’avais pas aimé Cent ans de solitude, Horacio Quiroga, Miguel Angel Asturias, Jorge Luis Borge ou encore Mario Vargas Llosa qui me donne envie d’en découvrir plus de ces auteurs. Des grands noms mais d’autres, plus confidentiels dans notre contrée, sont enfin traduits. C’est plein de poésie, c’est tantôt du fantastique, tantôt étrangement réaliste, toutes les nouvelles ont un petit quelque chose qui fait au moins voyager et j’adore ça.

Une belle qualité d’écriture domine dans ce recueil, pour mon plus grand plaisir, même si toutes ne se valent pas, les nouvelles proposent des styles tous différents les uns des autres.

De belles découvertes ou redécouvertes !

Commenter  J’apprécie          80
Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

Lorsque j’ai choisi de lire ce livre, je voulais connaître davantage les auteurs d’Amérique Latine. L’objectif est rempli. Cependant, je n’ai pas aimé toutes les nouvelles.

Je suis toujours insensible à l’univers de Fuentes et de Borges…Par contre, j’ai découvert des auteurs fabuleux comme Miguel Angel Asturias, Augusto Roa Bastas, Mario Vargas Llosa. J' ai apprécié davantage Gabriel Garcia Marquez. C’est un livre avec une belle brochette d’auteurs dont on connaît certains par leur réputation, et d’autres moins. Aussi, cet ouvrage est une belle découverte. Cependant, une relecture de certaines nouvelles aurait été plus agréable (niveau orthographe) avant de publier le livre. Pour des professionnels, je suis un peu déçue, là où la société blâme parfois des individus qui n’exercent pas dans le milieu littéraire.

Commenter  J’apprécie          60
Poésie complète

César Vallejo, de son nom complet César Abraham Vallejo Mendoza, est un poète péruvien (1892-1938). Natif de Santiago de Chuco, dans le centre du pays, mais à 3500 m d’altitude, c’est un « cholo », métis de descendants d’espagnols blancs et d’indiens, ses grands-mères étant des Indiennes Chimu. Dernier d’une famille de onze enfants, on le destine tout d’abord à être prêtre. « J'étais le plus jeune de onze enfants et j'ai grandi dans une maison saturée de dévotion religieuse ». Mais cela ne lui convient pas. Il doit travailler pour payer ses études. « Entre 1908 et 1913, j'ai démarré et arrêté plusieurs fois mes études collégiales, dans le même temps de travail en tant que tuteur et dans le département des comptes sur une grande plantation de sucre. A la plantation de sucre, j’ai vu des milliers de travailleurs arrivant dans la cour à l'aube pour travailler dans les champs jusqu'à la nuit pour quelques cents par jour et une poignée de riz ».



« Los Heraldos Negros » (1918-1938) traduit en « Les Hérauts Noirs » par Pierre Tholiere (2017, Editions du Chat-Lézard, 271 p.) est un recueil de jeunesse de César Vallejo Carpentier, grand poète péruvien (1892-19. C’est un des exemples les plus représentatifs du post modernisme sud -américain (et européen).

L’auteur confronte son angoisse existentielle, sa culpabilité et sa douleur physique et morale dans des vers fameux : « Je suis né un jour quand Dieu était malade » que l’on retrouvera dans « Poèmes Humains » (1923 et suivantes).

Tout commence par un poème liminaire. « Il y a, dans la vie, des coups si forts… Moi je ne sais ! / Des coups comme de Dieu la haine; comme si avant eux / le ressac de tout ce qui fut souffert / se déposait dans l’âme… Moi je ne sais ! ». Non pas que ce soit un descendant de Bartleby ayant échoué sur les rives du Pacifique Est après avoir voyagé sur la baleine blanche. Non, Pierre Senges n’en parle pas, ni même ne l’évoque dans son « Achab : séquelles » (2015, Gallimard Verticales, 624 p.).

Total, il adhère au parti communiste depuis Paris où il séjourne depuis 1923. Et en 1928, il fonde même la cellule Parisienne du Parti Socialiste du Pérou avec José Carlos Mariategui. Et peu après, en 1929, la Confédération générale des travailleurs. Ses thèses incarnent une confrontation entre la théorie et la réalité sociale à laquelle elle prétend s’appliquer, renouvelant ainsi la lecture de la situation, mais aussi le marxisme, en particulier la définition du sujet révolutionnaire. Il incorpore cependant le racisme structurel, la vitalité des traditions indigènes et des caractéristiques économiques d’un pays encore peu développé. C’est en quelque sorte une « péruvianisation » du marxisme.

Il est frappant, à cet égard, de lire les critiques littéraires actuelles des USA à ce sujet, dans lesquelles, on n’oublie par de faire remarquer que, indépendamment de la qualité de ses poésies, César Vallejo est un « affreux marxiste », tout juste encore avec le couteau entre les dents, prêt à enlever et découper les petits enfants.

Tout dans son œuvre se réfère, à un moment ou un autre, à son mal-être et ses problèmes de santé. Une édition critique, réalisée par Americo Ferrari « César Vallejo : Présentation » (1967, Seghers Editeur, Poètes d’Aujourdhui,191 p.) fait état de citation de 129 organes du corps différents, cités au total 1218 fois.

Les paysages (10 + 25 poèmes) et silhouettes (4 + 11) du Pérou, l'indigène (la terre et le peuple), ses propres souvenirs d'enfance (13+ 5), ou encore l’amour, la mort, le supplice de vivre. Tout cela se retrouve dans les 69 poèmes du recueil. Ce sont des poèmes sur l'incertitude que subissent les êtres humains lorsqu'ils cherchent un sens à leur existence. Le titre évoque les messagers de la mort, qui, évidemment, ne peuvent qu'annoncer la douleur. Le motif principal du poème tourne autour de la douleur humaine incompressible et inexprimable. Cette douleur est tout naturellement assimilée à la fureur divine (un chapitre intitulé « Tonnerre », aux barbares dévastateurs, aux hérauts noirs, à travers une série d'images très suggestives « Ces coups sanglants sont les crépitations / d'un pain brûlant pour nous à la porte du four ». « Et l'homme... Pauvre... Pauvre ! […] il tourne des yeux fous, et tout ce qu’il vécut / se dépose, comme une flaque de remords, dans le Regard.». L’âme est alors un gouffre où demeure la douleur et le regard est le lieu où cette douleur devient culpabilité, Le poème révèle ce cercle vicieux dans sa structure même, qui se répète et où le premier vers est aussi le dernier. « Il y a des coups dans la vie, si forts... Moi je ne sais ! » On peut alors résumer la vie en trois moments. i) la vie humaine implique de subir des événements douloureux ; ii) ces revers que l’on doit subir sont liées à la haine de Dieu ; iii) il n’y a aucune consolation puisque le vécu ne sert pas d'excuse pour faire face à l'adversité.



Sa vie reste attachée au service de la lutte populaire, véritable « agonie » collective à laquelle César Vallejo identifia la sienne propre. Il y mêle un vocabulaire et des symboles chrétiens pour exprimer la douleur humaine. On peut aussi invoquer les recours de l'écrivain aux symboles de la Passion qui reviennent souvent comme la crucifixion, les épines, le bon et le mauvais voleur, le calice. On peut citer aussi ses poèmes dédiés aux mineurs péruviens, symboles d'une humanité supérieure dont la dialectique est déchirante « saben... / bajar mirando para arriba, / saben subir mirando para abajo » (Ils savent... / descendre en regardant en haut, / ils savent monter en regardant en bas ». Les critiques parlent d'« humanisme chrétien » à propos de « Poemas humanos ».



Les « Poèmes humains » sont des poèmes de l’exil, écrits de 1923 à 1937. Ils correspondent aux conséquences de son arrestation et emprisonnement à tort à Trujillo. Il reste sous la menace d’un procès, ce qui lui vaudra des ennuis, même après son expulsion en France. « J’ai abhorré cette vie. Je voudrais partir de là, échapper à tout, ne rien effleurer ni être effleurer par rien, n’être en aucun endroit, n’être avec rien ». Parti pour l’Europe, il ne reviendra jamais au Pérou.

A Paris, il arrive un vendredi 13 sans un sou, il a perdu la plupart de ses amis. « Ils sont tous morts // […] Mort, un vieux borgne, j’ai oublié son nom, mais il dormait au soleil du matin, assis devant la porte de la quincaillerie du coin // […] Morte, mon éternité et je suis là, qui la veille. ». Il tombe malade des poumons et est soigné à l’hôpital, et apprend, de plus, la mort de son père. « Ce n’est pas plaisant de mourir, monsieur, si l’on ne laisse rien dans la vie et si rien n’est possible dans la mort, sauf ce qu’on laisse dans la vie ! / Ce n’est pas plaisant de mourir, monsieur, si l’on ne laisse rien dans la vie et si rien n’est possible dans la mort, sauf ce qu’on laisse dans la vie ! / Ce n’est pas plaisant de mourir, monsieur, si l’on ne laisse rien dans la vie et si rien n’est possible dans la mort, sauf ce qu’on a pu laisser dans la vie ! ». Un très dur moment de sa vie.

Au fond il n’a jamais eu vraiment de chance. « Je suis né un jour / où Dieu était malade. / Tous savent que je vis, / que je suis mauvais : mais ils ne savent rien / du décembre de ce janvier. // Car je suis né / un jour où Dieu était malade. / Il est un vide / dans mon air métaphysique / que personne ne palpera : / le cloître d’un silence / qui parla à fleur de feu. // […] Je suis né un jour / où Dieu était malade, / gravement. » publie t’il dans « Les Hérauts noirs ». Et pour sa mort ce sera « Pierre Noire sur une Pierre Blanche » dans « Poèmes Humains ». « Je mourrai à Paris par un jour de pluie / un jour dont j’ai un jour déjà le souvenir. / Je mourrai à Paris - je n'en ai pas honte – / peut-être un jeudi d'automne, comme aujourd'hui. // Ce sera un jeudi, car aujourd'hui, jeudi / que je prose ces vers, mes os me font tant souffrir / et de tout mon chemin, jamais comme aujourd'hui, / je n’avais su voir à quel point je suis seul ».



En 1927, il publie cependant « Contre le secret professionnel » et intervient au Congrès des Ecrivains Antifascistes de Madrid. Il y définit sa conception de de l’art poétique. Il y attaque tous les écrivains sud-américains de sa génération. De Jorge Luis Borges, à Gabriela Mistral. Il concrétise son manifeste en sept points. « Nouvelle orthographe, nouvelle calligraphie du poème, nouveaux éléments, nouvelle machine à faire des images, nouvelles images, nouvelle conscience cosmogénique, nouvelle conscience politique et économique ». Et il développe en citant ses amis. « J’accuse donc ma génération de poursuivre les mêmes méthodes de plagiat et de rhétorique que les générations passées qu’elles prétendent renier ».

« Les responsables de ce qui se passe dans le monde, c’est nous, les écrivains, parce que nous possédons une arme formidable, qui est le verbe ». Ce qui suppose, et là, il accuse les autres auteurs sud-américains, de ne pas se servir de leurs écrits pour dénoncer ces inégalités. « Dans la majorité des cas, noud les écrivains, nous ne sommes pas héroïques, nous n’avons pas l’esprit de sacrifice ». Et il en appelle aux paroles du Christ « mon royaume est de ce monde, mais il est aussi de l’autre ».

Il se radicalise et voyage, notamment en Union Soviétique. Ce qui lui vaut de nouveaux ennuis. Il est expulsé de France, va en Espagne et écrit « Tungstène » sur la vie des mineurs et des indiens, le plus souvent analphabètes, au Pérou.

Puis survient la guerre d’Espagne.



« Espagne, écarte de moi ce calice » est constitué de 15 poèmes écrits à partir de 1937, de fait entre le 03 septembre et 10 novembre 1937. « Espagne, écarte de moi ce calice » commence avec un long poème d’environ 170 vers intitulé « Hymne aux volontaires de la République ». Par la suite, les poèmes sont plus courts. Mais d’emblée, César Valléjo rend hommage aux combattants de l’Estramadure, puis de Talavera, Guernica bien sûr, « A Madrid, à Bilbao, à Santander / les cimetières ont été bombardés / et les morts immortels des tombes, / les os toujours en veille et l’épaule éternelle, / les morts immortels, en sentant, en voyant, en entendant / si infâme le mal, si morts les vils agresseurs / […] / ils ont cessé de pleurer, ils ont cessé / d’espérer, ils ont fini / de souffrir, ils ont fini / de vivre, ils ont fini, enfin, d’être mortels ! » et le poème se termine sur « Malaga qu’aujourd’hui je pleure ! / Malaga que je pleure et pleure encore ! »

« La voilà qui passe ! Appelez là ! C’est son flanc ! / La voilà, la mort, qui passe à Irun : / ses pas d’accordéon, des obscénités, / son mètre du suaire que je t’ai dit, / son gramme de ce poids que j’ai tu… oui, ce sont eux ! ». Voilà pour « L’image espagnole de la mort ». ou encore « Le roulement de tambours funèbre sur les décombres de Durango » avec son refrain qui revient « Père cendre qui montes de l’Espagne » et qui revient « Père cendre qui t’élèves du feu », « Père cendre, arrière-petit-fils de la fumée » et qui se termine « père cendre, Espagnol, notre père // Père cendre qui vas vers l’avenir / que Dieu te sauve, te guide et donne des ailes, / Père cendre qui vas vers l’avenir ».

On retiendra de César Vallejo son obsession pour son pays. On rapporte que ses dernières paroles sont « España, me voy a España ». C’est plus significatif que le fait qu’il soit mort un Vendredi Saint de 1937, malgré son attachement au fait religieux. Il y bien sûr ses « Poèmes Humains », mais surtout ceux sur la guerre d’Espagne.



Il sera enterré au cimetière Montparnasse. Sur sa tombe, Georgette Valllejo afait graver. « J’ai tant neigé pour que tu dormes ».



Commenter  J’apprécie          30
Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

Ce recueil de nouvelles est à la fois très pédagogique, puisqu'il propose une brève introduction et un peu de contexte à l'oeuvre des différents auteurs, et également un voyage dans la profondeur et la richesse du continent sud-américain, par des auteurs que l'on ne connaît pas toujours.

Une introduction plus générale permet de comprendre les différents termes utilisés et les courants de cette riche littérature du XXème siècle.



Je sors de cette lecture avec de nombreuses portes (ou fenêtres) ouvertes vers des oeuvres et des auteurs que je souhaite mieux découvrir.

Les différents auteurs et leurs styles étant d'une grande variété, il m'a semblé difficile de lire ce livre d'une traite, mais par petit bout, repartir en voyage a été un délice.
Commenter  J’apprécie          20
Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

Une belle introduction à la littérature d'Amérique latine avec le genre qui a fait sa célébrité: le fantastique, l'étrange... Il est bien sûr difficile de faire une critique globale d'autant de textes (plus d'une trentaine). La sélection est dense et concerne surtout les auteurs classiques (les ouvrages les plus récents datent des années 80). Pour ma part, j'ai pris cette anthologie comme une mise en bouche car les nouvelles laissent à peine découvrir une facette des auteurs et de leur style (évidemment comment faire avec des monuments tels que Borges, pour ne citer que lui?). De plus certains textes sont extraits de nouvelles, d'où la sensation parfois de rester sur sa fin. En tout cas le but de cet ouvrage est atteint en ce qui me concerne: j'ai bien envie de me plonger plus sérieusement dans l’œuvre de certains des auteurs présentés et j'ai passé un bon moment avec des histoires parfois drôles, grotesques, ou terribles. La folie n'est jamais loin dans ces textes, à moins que ce ne soit tout simplement la magie du continent qui nous déboussole...
Commenter  J’apprécie          20
Poèmes humains : Suivi de Espagne, écarte de mo..

Fraternelle, tourmentée, mélancolique, sa poésie est un brasier incandescent, une fabuleuse alchimie verbale où les rêves les plus utopiques servent de baume aux damnés de la terre, dont Vallejo fut le messager. Quelque part entre le soleil noir d'Artaud et l'étoile rouge de Maïakovski.
Lien : http://rss.feedsportal.com/c..
Commenter  J’apprécie          20
Poèmes humains : Suivi de Espagne, écarte de mo..

César Vallejo, de son nom complet César Abraham Vallejo Mendoza, est un poète péruvien (1892-1938), peut-être même le plus grand poète sud-américain.

« Poèmes humains » suivis de « Espagne, écarte de moi ce calice », traduits par François Maspero, (2011, Le Seuil, La Librairie du XXIe siècle », 420 p.) vient avec une préface de Jorge Semprun.

Natif de Santiago de Chuco, dans le centre du pays, mais à 3500 m d’altitude, c’est un « cholo », métis de descendants d’espagnols blancs et d’indiens, ses grands-mères étant des Indiennes Chimu. Dernier d’une famille de onze enfants, on le destine tout d’abord à être prêtre. « J'étais le plus jeune de onze enfants et j'ai grandi dans une maison saturée de dévotion religieuse ». Mais cela ne lui convient pas. Il doit travailler pour payer ses études. « Entre 1908 et 1913, j'ai démarré et arrêté plusieurs fois mes études collégiales, dans le même temps de travail en tant que tuteur et dans le département des comptes sur une grande plantation de sucre. A la plantation de sucre, j’ai vu des milliers de travailleurs arrivant dans la cour à l'aube pour travailler dans les champs jusqu'à la nuit pour quelques cents par jour et une poignée de riz ». Il poursuit ses études, malgré son manque d’argent. Mais il gardera de cette période le souvenir d’une population illettrée, exploitée par des bourgeois plus vénaux que travailleurs. Il en tirera « Tungstène », récit des mines du métal du même nom.

Il quitte l’Ecole de Médecine et ses études pour soutenir une thèse sur « Le romantisme dans la poésie castillane ». Il commence à écrire des poèmes qu’il publie en 1919 sous le titre « Les Hérauts noirs ». Puis, il va être arrêté injustement à Trujillo, pour être intervenu dans un conflit. Cet épisode le marque à jamais.il arrive à Paris le vendredi 13 juillet 1923, sans un sou. « S'il pleuvait cette nuit, je me retirerais à mille ans d'ici ». C’est là qu’il va écrire « Poèmes Humains » suivis de « Espagne, écarte de moi ce calice ». Une cinquantaine de poèmes pour la période 1923-1937 et une cinquantaine d’autres entre septembre et décembre 1937. Une quinzaine d’autres poèmes forment le recueil « Espagne, écarte de moi ce calice ».

Entre temps, il poursuit son engagement militant avec sa participation au Congrès International des écrivains solidaires avec le régime soviétique. Pourtant il se méfie de « l’effet Potemkine », ce ministre de Catherine II, dite la « Grande Catherine » qui n’hésitait pas à faire construire des villages factices, façon décors de théâtre, sur le parcours de l’impératrice, pour lui montrer le bonheur des campagnes russes. Sacré Gregori Potemkine, qui ajoutait même parfois des feux d’artifice, comme lors d’un voyage en Crimée en 1787. « On a déjà répandu le conte ridicule qu'on faisait transporter sur notre route des villages de carton de cent lieues à la ronde ; que les vaisseaux et les canons étaient en peinture, la cavalerie sans chevaux, etc. » comme le rapporte Charles-Joseph Lamoral, prince de Ligne. Plus tard, l'« Intourist » et ses homologues sous Staline, disposaient d'hôtels, de villages de vacances, de restaurants, de boutiques « beriojki » et de wagons de chemin de fer confortables, propres. Dans ces hôtels, le chauffage, les ascenseurs et l'eau courante, chaude et froide, fonctionnaient correctement. Ils étaient réservés à une clientèle particulière et à la « nomenklatura », laquelle veillait à éviter les contacts des touristes avec la population ordinaire. Cette dernière ne se plaignait pas non plus, sous peine d’être considéré comme de la « propagande contre-révolutionnaire ».

André Gide se souviendra de son voyage en URSS. Avec Jef Last, Pierre Herbart, Louis Guilloux, Eugène Dabit, ils participent à la joyeuse équipée. Ils arrivent à Moscou quatre jours avant les funérailles de Maxime Gorki. en 1936. Suprême honneur, André Gide prononce un éloge funèbre de l'écrivain officiel du régime, le 18 juin sur la place Rouge. Ce n’est pas encore l’appel. Mais dans les jours qui suivent, c’est la grande désillusion. Le « Retour de l'U.R.S.S. » suivra (1937, Gallimard, 124 p.). « Que le peuple des travailleurs comprenne qu'il est dupé par les communistes, comme ceux-ci le sont aujourd'hui par Moscou ». C’est sans appel, malgré la date du discours sur la Place Rouge.

Sa vie reste attachée au service de la lutte populaire, véritable « agonie » collective à laquelle César Vallejo identifia la sienne propre. Il y mêle un vocabulaire et des symboles chrétiens pour exprimer la douleur humaine. On peut aussi invoquer les recours de l'écrivain aux symboles de la Passion qui reviennent souvent comme la crucifixion, les épines, le bon et le mauvais voleur, le calice. On peut citer aussi ses poèmes dédiés aux mineurs péruviens, symboles d'une humanité supérieure dont la dialectique est déchirante « saben... / bajar mirando para arriba, / saben subir mirando para abajo » (Ils savent... / descendre en regardant en haut, / ils savent monter en regardant en bas ». Les critiques parlent d'« humanisme chrétien » à propos de « Poemas humanos ».



Les « Poèmes humains » sont des poèmes de l’exil, écrits de 1923 à 1937. Ils correspondent aux conséquences de son arrestation et emprisonnement à tort à Trujillo. Il reste sous la menace d’un procès, ce qui lui vaudra des ennuis, même après son expulsion en France. « J’ai abhorré cette vie. Je voudrais partir de là, échapper à tout, ne rien effleurer ni être effleurer par rien, n’être en aucun endroit, n’être avec rien ». Parti pour l’Europe, il ne reviendra jamais au Pérou.

A Paris, il arrive un vendredi 13 sans un sou, il a perdu la plupart de ses amis. « Ils sont tous morts // […] Mort, un vieux borgne, j’ai oublié son nom, mais il dormait au soleil du matin, assis devant la porte de la quincaillerie du coin // […] Morte, mon éternité et je suis là, qui la veille. ». Il tombe malade des poumons et est soigné à l’hôpital, et apprend, de plus, la mort de son père. « Ce n’est pas plaisant de mourir, monsieur, si l’on ne laisse rien dans la vie et si rien n’est possible dans la mort, sauf ce qu’on laisse dans la vie ! / Ce n’est pas plaisant de mourir, monsieur, si l’on ne laisse rien dans la vie et si rien n’est possible dans la mort, sauf ce qu’on laisse dans la vie ! / Ce n’est pas plaisant de mourir, monsieur, si l’on ne laisse rien dans la vie et si rien n’est possible dans la mort, sauf ce qu’on a pu laisser dans la vie ! ». Un très dur moment de sa vie.

Au fond il n’a jamais eu vraiment de chance. « Je suis né un jour / où Dieu était malade. / Tous savent que je vis, / que je suis mauvais : mais ils ne savent rien / du décembre de ce janvier. // Car je suis né / un jour où Dieu était malade. / Il est un vide / dans mon air métaphysique / que personne ne palpera : / le cloître d’un silence / qui parla à fleur de feu. // […] Je suis né un jour / où Dieu était malade, / gravement. » publie t’il dans « Les Hérauts noirs ». Et pour sa mort ce sera « Pierre Noire sur une Pierre Blanche » dans « Poèmes Humains ». « Je mourrai à Paris par un jour de pluie / un jour dont j’ai un jour déjà le souvenir. / Je mourrai à Paris - je n'en ai pas honte – / peut-être un jeudi d'automne, comme aujourd'hui. // Ce sera un jeudi, car aujourd'hui, jeudi / que je prose ces vers, mes os me font tant souffrir / et de tout mon chemin, jamais comme aujourd'hui, / je n’avais su voir à quel point je suis seul ».



En 1927, il publie cependant « Contre le secret professionnel » et intervient au Congrès des Ecrivains Antifascistes de Madrid. Il y définit sa conception de de l’art poétique. Il y attaque tous les écrivains sud-américains de sa génération. De Jorge Luis Borges, à Gabriela Mistral. Il concrétise son manifeste en sept points. « Nouvelle orthographe, nouvelle calligraphie du poème, nouveaux éléments, nouvelle machine à faire des images, nouvelles images, nouvelle conscience cosmogénique, nouvelle conscience politique et économique ». Et il développe en citant ses amis. « J’accuse donc ma génération de poursuivre les mêmes méthodes de plagiat et de rhétorique que les générations passées qu’elles prétendent renier ».

« Les responsables de ce qui se passe dans le monde, c’est nous, les écrivains, parce que nous possédons une arme formidable, qui est le verbe ». Ce qui suppose, et là, il accuse les autres auteurs sud-américains, de ne pas se servir de leurs écrits pour dénoncer ces inégalités. « Dans la majorité des cas, noud les écrivains, nous ne sommes pas héroïques, nous n’avons pas l’esprit de sacrifice ». Et il en appelle aux paroles du Christ « mon royaume est de ce monde, mais il est aussi de l’autre ».

Il se radicalise et voyage, notamment en Union Soviétique. Ce qui lui vaut de nouveaux ennuis. Il est expulsé de France, va en Espagne et écrit « Tungstène » sur la vie des mineurs et des indiens, le plus souvent analphabètes, au Pérou.

Puis survient la guerre d’Espagne.



« Espagne, écarte de moi ce calice » est constitué de 15 poèmes écrits à partir de 1937, de fait entre le 03 septembre et 10 novembre 1937.

Après la proclamation de la IIe République (1931), les tensions entre Espagnols culminent avec l'insurrection des Asturies (1934) et les troubles civils du printemps 1936, après la victoire électorale contestée du « Frente Popular ». Le soulèvement militaire et civil du camp nationaliste débute le18 juillet 1936 et signe le début de la guerre. Celle-ci se termine par la victoire des nationalistes qui établiront l’« État espagnol », dictature de 36 ans, dirigée par Franco avec le titre de « Caudillo ». La transition démocratique n'intervient qu'à la suite de la mort de Franco en novembre 1975. La guerre civile d’Espagne est le prélude et sert de répétition pour la seconde guerre qui débute le 01 septembre 1939.

Début octobre 1936, Franco envoie ses troupes au sud, vers Tolède, afin de laisser à Madrid d'organiser la défense que les nationalistes atteignent en novembre 1936. C’est une défense acharnée, rue par rue avec le slogan de La Pasionaria, « ¡No pasarán ! »). Autour de la capitale s’organisent les batailles du Jarama et de Guadalajara en février-mars 1937. Le front reprend dans le Pays basque et les Asturies, avec une campagne autour de Bilbao, entourée par d'une « Ceinture de Fer ». En août, les combats se déplacent vers Santander, puis, fin 1937 le combat pour Teruel avec des conditions très rudes en raison du grand froid. Par la suite, il y aura la bataille de l'Èbre (juillet 1938) avec des pertes importantes du côté républicain. Le sort du conflit est alors scellé : la Catalogne tombe février 1939, puis Madrid. À Madrid, près de 15 000 personnes auraient été fusillées. De même à Paracuellos et Torrejón de Ardoz, à Malaga. À partir de mars 1937, les victimes des massacres des républicains vont davantage concerner le camp républicain lui-même.

Aux côtés des républicains, des volontaires venus du monde entier, souvent communistes, marxistes, socialistes ou anarchistes, mais aussi des anti-fascistes plus modérés, se sont engagés sous le nom de Brigades internationales. Environ quarante mille étrangers, venus de 53 pays différent. En particulier, ils forment le Brigade Abraham Lincoln, et la colonne Durruti dans laquelle s’engage Simone Weil.



On pourra lire avec intérêt, car c’est très bien écrit, les 6 tomes de « Le Labyrinthe Magique », (2009-2011, Les Fondeurs de Briques, 2270 p.), en tout, soit 19 cm, avec des couvertures en trois couleurs, rouge, or et violet, aux couleurs du drapeau de la 2eme république espagnole. Par la suite, Max Aub participe au tournage de « Sierra de Terruel » avec André Malraux. On peut critiquer le film qui était bien un film de propagande, mais il va faire que Max Aub change sa forme d’écriture en adaptant les procédés du cinéma.

Dans le sixième tome « Campo de los Almendros » il y a cette question à propos de « Guernica », à savoir qui, du cheval ou du taureau, représente la République et les fascistes. « Picasso n’a jamais répondu à la question de Juan Larrea : qu’est-ce qui représente le fascisme dans « Guernica », le cheval ou le taureau ?». La réponse et simple, et comme il est dit plus loin « lui-même ne le sait pas et il s’en fiche ». Pas forcément, on dira plutôt « Il sait la réponse si évidente qu’il s’en fiche ».

Le bombardement de Guernica par les avions de la légion Condor allemande et par l’Aviation Légionnaire italienne a lieu le lundi 26 avril 1937, un jour de marché. Max Aub, alors attaché culturel de l’ambassade d’Espagne à Paris, lui commande, pour le compte du gouvernement républicain, un « mural » pour le futur pavillon espagnol de l’Exposition universelle qui doit ouvrir à Paris, de mai à novembre. Picasso travaille nuit et jour pendant un mois, sous le regard de la photographe Dora Maar, sa compagne d’alors. Ce sera « Guernica », toile en noir, gris et blanc de 7 mètres de long, qui est maintenant exposée au Museo Reina Sofia à Madrid. Il faut aller la voir et rendre hommage à Pablo Picasso.

On distingue deux groupes dans la composition pyramidale. L’un est composé de trois animaux : le taureau, le cheval blessé et l'oiseau ailé en arrière-plan à gauche. Le second groupe comprend les êtres humains : un soldat mort et des femmes. L’une en haut à droite tient une lampe et se penche à la fenêtre ; la mère à gauche pleure en tenant son enfant mort. Celle de droite coure et se précipite. Et enfin celle tout en haut à droite qui crie vers le ciel, les bras levés alors que sa maison brûle derrière elle. Picasso explicite sa toile ainsi : « Ce taureau est un taureau et ce cheval est un cheval. Si vous attribuez une interprétation à certains éléments de mes peintures, il se peut que cela soit tout à fait juste, mais je ne souhaite pas livrer cette interprétation ». Michel Leiris, le poète la commente ainsi, bouleversé par « quelque chose d’inoubliablement beau. Picasso nous envoie notre lettre de deuil : tout ce que nous aimons va mourir ».

« Espagne, écarte de moi ce calice » commence avec un long poème d’environ 170 vers intitulé « Hymne aux volontaires de la République ». Par la suite, les poèmes sont plus courts. Mais d’emblée, César Valléjo rend hommage aux combattants de l’Estramadure, puis de Talavera, Guernica bien sûr, « A Madrid, à Bilbao, à Santander / les cimetières ont été bombardés / et les morts immortels des tombes, / les os toujours en veille et l’épaule éternelle, / les morts immortels, en sentant, en voyant, en entendant / si infâme le mal, si morts les vils agresseurs / […] / ils ont cessé de pleurer, ils ont cessé / d’espérer, ils ont fini / de souffrir, ils ont fini / de vivre, ils ont fini, enfin, d’être mortels ! » et le poème se termine sur « Malaga qu’aujourd’hui je pleure ! / Malaga que je pleure et pleure encore ! »

« La voilà qui passe ! Appelez là ! C’est son flanc ! / La voilà, la mort, qui passe à Irun : / ses pas d’accordéon, des obscénités, / son mètre du suaire que je t’ai dit, / son gramme de ce poids que j’ai tu… oui, ce sont eux ! ». Voilà pour « L’image espagnole de la mort ». ou encore « Le roulement de tambours funèbre sur les décombres de Durango » avec son refrain qui revient « Père cendre qui montes de l’Espagne » et qui revient « Père cendre qui t’élèves du feu », « Père cendre, arrière-petit-fils de la fumée » et qui se termine « père cendre, Espagnol, notre père // Père cendre qui vas vers l’avenir / que Dieu te sauve, te guide et donne des ailes, / Père cendre qui vas vers l’avenir ».

On retiendra de César Vallejo son obsession pour son pays. On rapporte que ses dernières paroles sont « España, me voy a España ». C’est plus significatif que le fait qu’il soit mort un Vendredi Saint de 1937, malgré son attachement au fait religieux. Il y bien sûr ses « Poèmes Humains », mais surtout ceux sur la guerre d’Espagne.

Il sera enterré au cimetière Montparnasse. Sur sa tombe, Georgette Valllejo afait graver. « J’ai tant neigé pour que tu dormes ».

Commenter  J’apprécie          10
Tungstène

« Tungstène » est un petit roman polémique de César Vallejo traduit par Nicole Réda Euvremer (2011, Le Temps des Cerises, 140 p.). Il montre l'exploitation des mineurs indigènes dans les mines de tungstène au Pérou. « L'amour profond que Vallejo porte à l'Homme va être, vers la fin des années vingt, renforcé par la théorie de l'action collective ». Mais le roman est peu diffusé, et donc peu lu, alors qu’il a été écrit d’après ce qu’il a vu lorsqu’en 1910, les misères des indiens et des mineurs.



En 1910, à Trujillo, il assistait son père gouverneur et voyait la vie pénible des mineurs de Tambores et de Quiruvilca, dans les mines de tungstène, d’où il tirera « Tungstène » en 1931. Il commence des études de littérature à l’Universidad de la Libertad de Trujillo. Un peu plus tard, en 1912, il quitte l’École de Médecine de Lima, et devient caissier à la plantation de sucre « Roma » dans la vallée de Chicama. Et pourtant César Vallejo était un « cholo », une personne née d'ascendance mixte européenne et indienne, un peu comme un « albino » blanc métissé lui aussi.

Là, il est à nouveau confronté à l’exploitation des Indiens. L’année suivante, il reprend ses études littéraires, notamment avec Ciro Alegria, qu’il forme. Il publie ses premiers poèmes dans les journaux locaux, et tombe amoureux de Maria Rosa Sandoval, séduisante et intelligente qui fut la muse de certains poèmes des « Hérauts Noirs ». En 1920, à Santiago de Chuco, il est accusé à tort du pillage d’une maison et sera incarcéré à Trujillo pendant 112 jours. Cela va le marquer à vie, car étant innocent. En prison, il écrit la plupart de ses poèmes et récits qui formeront « Trilce » (1922) publié dans « Poésies Complètes » (1992, Flammarion, Barroco, 442 p.). Les poèmes accentuent le pessimisme déjà fortement présent dans « Les Hérauts Noirs ». Mais l’angoisse et la désolation apparaissent avec un nouveau langage poétique, désormais dépourvu de toute trace moderniste. Il part ensuite pour Paris où il arrive le vendredi 13 juillet 1923. « S'il pleuvait cette nuit, je me retirerais à mille ans d'ici ».

De ses années à Trujillo, il va tirer « Tungstène » et la dure réalité sociétale des travailleurs. « Entre 1908 et 1913, j’ai démarré et arrêté plusieurs fois mes études collégiales, dans le même temps de travail en tant que tuteur et dans le département des comptes sur une grande plantation de sucre. A la plantation de sucre, j’ai vu des milliers de travailleurs arrivant dans la cour à l’aube pour travailler dans les champs jusqu’à la nuit pour quelques cents par jour et une poignée de riz. »

La forme que va prendre ce petit livre est indissociable de sa conviction que le problème de race était fortement lié au problème de classe. C’est la suite logique de son adhésion de plus en plus active en faveur du socialisme. A ses côtés, on trouve José Carlos Mariategui (1894-1930) qui va développer un socialisme typiquement péruvien. Son livre « Sept essais d’interprétation de la réalité péruvienne » (1968, La Découverte, Maspero, 276 p.) rédigé en 1928 reste un livre phare au Pérou. Il se raconte que Ernesto Guevara, dit « Che Guevara » se serait initié à la théorie marxiste avec les écrits de José Carlos Mariátegui. Plus tard le « Sendero Luminoso » traduit en « Sentier Lumineux » tirera son nom du slogan « Par le sentier lumineux de José Carlos Mariátegui » après la fondation du parti communiste du Perou (PCP-SL). On trouve également à ses côtés Victor Raul Haya de la Torre (1895-1979) qui va fonder le mouvement APRA - l'« Alliance populaire révolutionnaire américaine » (APRA) en 1924. Il prônait des solutions « indo-américaines » aux problèmes latino-américains. Il appelait au rejet de l'impérialisme américain comme du communisme soviétique « « ¡Ni con Washington ni con Moscú! ». Cet engagement politique de César Vallejo le fait expulser de France en 1930, où il était parti vivre sept ans plus tôt.

L'action du roman « Tungstène » est centrée dans une ville minière fictive proche de la capitale provinciale, Colca. L’action débute en 1917, juste avant l'entrée des États-Unis dans la Première Guerre. Il s’agit d’approvisionner en tungstène l'industrie de l'armement pour laquelle ce métal est crucial. La Mining Society, société nord-américaine propriétaire des mines de tungstène de Quivilca, décide d'en extraire le minerai, avant l'entrée en guerre imminente des États-Unis. Elle reprend la mine, et le boom est en marche : les paysans sont d'abord attirés puis contraints à travailler pour l'entreprise, les Indiens locaux, les Soras, sont privés de leurs terres et de leurs animaux. Les petits-bourgeois, entrepreneurs, se bousculent sur le dos des pauvres pour la richesse et la fonction, alors que les fonctionnaires et dignitaires locaux, tous vénaux trouvent une nouvelle source de corruption qui va avec le pouvoir chez les capitalistes étrangers.

Pour cette raison, ils louent les services des « peones » et emploient des natifs de Colca. Ceux-ci et le directeur de l'entreprise se sont installés dans un endroit près d'une communauté indigène qui vivait séparément. La colonisation du pouvoir appelle à la mise en place d'une hiérarchie dirigée par des Blancs avec « una vasta indiada » pour travailler dans les mines.

En plus des péones et des mineurs, on découvre les portraits, quelque peu caricaturaux les directeurs et cadres de l'entreprise. Il y a là Weiss et Taik, directeur et directeur adjoint de la « Mining Society ». Le directeur fume de la pipe et dégouline d'un paternalisme arrogant. « Monsieur Taik avait dit sèchement à José Marino : / - Tu me trouve, d'ici un mois, une centaine de peones de plus dans les mines... / - Je ferai ce que je peux, M. Taik, répondit Marino. / - Ah non ! Ne me dis pas ça. Tu dois le faire. Pour un homme d’affaires, rien n'est impossible.../ [...] / Bon. Bon. Une centaine de peones de plus en un mois. Sans faute ».

On trouve aussi le caissier de l'entreprise, Javier Machuca; l'ingénieur péruvien Baldomero Rubio. Le gros et rusé José Marino a pris l'exclusivité du bazar et l'embauche d'ouvriers pour la « Mining Society ». Entrepreneur en main-d'œuvre et complice des américains, il livre volontiers sa petite amie indienne Graciela pour un viol collectif. Il y a encore, Baldazari, et le géomètre Léonidas Benites, assistant de Rubio qui ne valent guère mieux. Ces conquérants sont considérés comme étant d'une souche héroïque, contrairement aux colonisateurs. Ils se sentaient des gentlemen, ils ne se sentaient pas des pionniers. Au fond, ils avaient une foi absolue dans leur doctrine. Ce sont des intellectuels qui doivent diriger et gouverner les Indiens et les ouvriers. Cette doctrine, ils l'avaient apprise à l'école et à l'université et entretenue par la lecture de livres, magazines et journaux, nationaux et étrangers.



Ainsi va le livre. De fait, les deux premiers tiers constituent une étude de genre sur la brutalité sans vergogne. C’est une série de vignettes qui montrent la corruption, la répression et la brutalité de la maîtrise. C’est en fait le prologue de l’arrivée en scène de Servando Huanca, le héros indien prolétarien.

Les jeunes indiens sont enrôlés de force dans le service militaire, officielle et privée. En effet, l'armée et les entrepreneurs miniers ont des « quotas de corps ». Ces recrues doivent être obtenues par tous les moyens. Ils viennent à pied depuis leurs maisons à Colca, attachés par la taille aux mules que chevauchent leurs ravisseurs. Ce sont pour la plupart des indiens Yanaconas. « Analphabètes et totalement déconnectés de la société civile, économique et politique de Colca, ils vivaient, pour ainsi dire, hors de l'État péruvien et hors de la vie nationale. Leurs seules relations se réduisaient à quelques menus services ou au travail forcé que les Yanaconas rendaient ordinairement à des entités ou personnes invisibles pour eux ». Maltraités à tel point que certains en meurent, provoquent l’indignation de la population. « Ils sont la marchandise de celui qui détient le pouvoir et la richesse avec de troubles manipulations illicites : Cela a été convenu entre José Marino et le sous-préfet Luna ».

Un indien rebelle, Servando Huanca, s'avance pour parler au nom de la foule avec une autorité naturelle et une conscience de classe instinctive. Ces qualités inspirent le peuple et intimident momentanément les autorités. Jusqu’à ce que la troupe reçoive l'ordre de tirer dans la foule. Plus tard dans la nuit, des justiciers poursuivent tous les Indiens, tirant pour tuer. Certains, cependant, sont tout de même placés en détention. Des accords sont cependant conclus par des fonctionnaires vénaux qui permettent aux prisonniers d'être renvoyés pour aider à remplir le « quota corporel » de l'entreprise.

Enfin, la troisième section du livre est une sorte de post-scriptum au massacre de Colca. Vallejo laisse son indignation et sa passion se transformer en idéologie mécanique : Servando Huanca « parle une novlangue » un exercice d'orthodoxie heureusement bref, proclamant que la révolution mondiale est en marche, qu'elle sera dirigée par un prolétariat militant inspiré par Lénine et non par des « intellectuels bourgeois ». Ce mouvement est censé balayer les classes dirigeantes au Pérou.

Selon Huanca « Il n'y a qu'une seule façon pour vous, les intellectuels, de faire quelque chose pour les pauvres peones, s'ils veulent vraiment nous prouver qu'ils ne sont plus nos ennemis, mais nos camarades. La seule chose que vous pouvez faire pour nous est de faire ce que nous disons, de nous écouter et de vous mettre à nos ordres et au service de nos intérêts. Rien de plus. Aujourd'hui, c'est le seul commentaire que nous puissions comprendre. Plus tard, on verra. je vais y travailler plus tard, ensemble et en harmonie, comme de vrais frères ». C’est un hymne à la fraternité, à la confluence des idéaux au détriment de la hiérarchie économique des classes. De bien belles paroles.

Vallejo se permet même de terminer son roman par « Dehors, le vent se levait, présageait une tempête ».

Il est dommage que la teneur du livre ait rebuté la critique, essentiellement nord-américaine. Elle a beaucoup insisté sur la teneur communiste et marxiste du livre, sans se préoccuper de l’attention portée aux indiens et aux populations exploitées. On note le même sentiment de rejet qui a prévalu à la sortie des livres de Manuel Scorza dont le célèbre « Roulements de tambour pour Rancas » (1972, Grasset, 302 p.). Récit véridique d’un combat solitaire que l’auteur introduit ainsi . « Ce livre est la chronique désespérément vraie d'un combat solitaire : celui que livrèrent dans les Andes centrales, entre 1950 et 1962, les habitants de quelques villages visibles seulement sur les cartes d'état-major des troupes qui les rasèrent. Les acteurs, les crimes, la trahison et la grandeur y ont presque toujours leur nom véritable ».

A Yanahuanca, la population est terrorisée par le Docteur Monténégro, dit « l'habit noir », juge du district et riche propriétaire. Les paysans, peu éduqués et sans défense, se voient privés de leurs droits. S’ajoute à cela, l'apparition d'une clôture plantée par la « Cerro de Pasco Corporation », puissante compagnie minière américaine. Cette clôture ne fera que s’agrandir tout au long du roman, comme un personnage vivant. Elle va couper les accès aux différents villages, aux terres pour les troupeaux. Résultat, les bêtes mourront de faim et les habitants sombreront dans la misère. Ultime résistance avant l'apparition de la troupe. Un habitant de Rancas, Hector Chacon, va tenter de stopper l'avancée de la clôture, au moins de mettre fin aux agissements du Docteur Monténégro mais l'issue de la rébellion sera l'arrestation d'Hector et le massacre des habitants.

L’humour n’est pas absent du livre. Certains personnages sont dotés de pouvoirs surnaturels. Hector Chacón est surnommé « le Nyctalope ». Il est « capable de suivre la course d'un lézard par une nuit sans lune ». El Abigeo communique avec les animaux et Pis-Pis, connu pour ses potions vénéneuses. La nature aussi résiste. Ainsi les arbres « se sont tordus, secoués, secoués, les pauvres, comme s'ils souhaitaient avoir des pieds pour partir ». Quant à la funeste clôture, elle semble animée d'une vie propre : au fil des pages, on la voit prendre des proportions monstrueuses, sans l'aide d'aucun ouvrier.

De nombreux spécialistes disent que sans la réforme agraire, le terrorisme au Pérou aurait triomphé. C'est probable, mais de loin, pas suffisant. Grâce à elle, les paysans se sont sentis en quelque sorte entendus et ont trouvé une réponse de l'Etat. Lorsque Morales Bermúdez succéda à Velasco au pouvoir, en 1975, il tint une conférence à Rancas disant que la réforme agraire était irréversible. Le seul problème, non prévu, ni vraiment géré, était de leur donner des terres sans leur apprendre à les gérer. Résultat, il existe aujourd'hui de vastes terres incultes, réduisant d’autant la capacité de production.



Phrase culte : « les indiens du Pérou seront libres le jour où les cochons voleront ». Hélas. Cela me rappelle une anecdote lors de mon arrivée en Equateur pour deux années de coopération. Je commençais à lire l’espagnol, dans les journaux. Et un matin il y eut ce titre d’un accident de car (fréquent) dans la montagne. « Accident de bus : 2 morts et 5 indiens ». Un titre qui dit tout en si peu de mots, et autant de sous entendus.



Commenter  J’apprécie          10
Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

Chronique entière chez les bergers électriques:



Cette anthologie a su me faire découvrir un nouveau monde littéraire, bien qu’il ne convienne qu’à des amateurs peu connaisseurs de la littérature d’Amérique latine. Ces auteurs touchants, drôles ou tristes ont été judicieusement choisit et permettent d’ouvrir une porte sur un nouveau monde d’une beauté sans communes mesures.
Lien : https://lesbergerselectrique..
Commenter  J’apprécie          00
Poésie complète

Figure de Montparnasse, enterrée au cimetière du même nom
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de César Vallejo (122)Voir plus


{* *}