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Critiques de Chaïm Potok (124)
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L'élu

Danny Saunders, fils et héritier du rabbin charismatique et chef de sa communauté émigrée en Amérique, est un jeune homme surdoué, un génie, qui étouffe dans le cadre de la stricte orthodoxie de sa culture de naissance et aspire à d'autres horizons, ce que la lecture (clandestine) de Freud lui fournira, grâce à l'amitié exceptionnelle qu'il noue avec un autre jeune homme de son âge, fils d'un intellectuel juif russe non moins orthodoxe que lui, mais plus en phase avec les idées modernes.



Rachel Ertel observe, à juste titre, que les lectures psychanalytiques de Danny Saunders, élevé dans la plus stricte orthodoxie hassidique, auraient dû le bouleverser bien plus profondément qu'elles ne font, en particulier dans le domaine sexuel. Ce qu'elle repère comme un défaut de vraisemblance dans ce roman m'apparaît au contraire comme une qualité : l'absence ou le refoulement de ce trouble-là accentuent en contrepartie l'ambiance d'innocence, d'enfance candide, de goût pour les idées qui l'imprègne, et charme le lecteur. Ce qui conviendrait à un romancier du trouble comme I. B. Singer, ne cadre pas du tout avec le projet esthétique de Potok.



D'autres charmes encore : ce roman raconte l'histoire d'une amitié par-delà les querelles confessionnelles, d'autant plus amères et violentes que les adversaires sont plus proches l'un de l'autre ; il met en scène deux sensibilités juives orthodoxes, celle des Hasidim de Pologne et de Russie, et celle, plus occidentalisée, des Juifs orthodoxes marqués par la contre-réforme du Rav Hirsch ; on se lance des anathèmes, en particulier lors de la proclamation de l'état d'Israël, qui fut un blasphème affreux pour les Hassidim ; mais ce qui ressort de ces luttes et de ces conflits, c'est l'amour persistant et le respect mutuel qui unissent les groupes si divers d'un même peuple : ahavat yisrael (אהבת ישראל), l'amour d'Israël, qui est le cadre de référence et la toile de fond de toutes les controverses de ce peuple du débat et de la controverse ; ce point est très finement observé et représenté par Potok ; enfin, dernière réussite du roman, il parvient à raconter une histoire palpitante et touchante où l'intellectualité, la recherche, l'étude, la vie des idées, jouent un rôle actif dans la vie même des protagonistes. Une telle harmonie n'est pas à la portée de n'importe quel romancier.
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Je m'appelle Asher Lev

"Je m'appelle Asher Lev" et "Le don d'Asher Lev" racontent l'enfance et la maturation d'un artiste génial dans une communauté hassidique qui considère l'art avec méfiance, voire répulsion. Le tableau des oppositions entre les deux forces également irrésistibles, également attachantes, qui s'affrontent, est réellement réussi, et dans le premier volume, le point de vue de l'enfant est très convaincant. A la différence de tant d'artistes qui rompirent violemment avec leur communauté pour exercer leur art, Potok imagine que son héros ne rompt pas avec son milieu et sa religion d'origine, grâce à l'influence et à l'intelligence aiguë du Rebbe, le chef spirituel de sa communauté (Rebbe qui fait penser à celui de Loubavitch). Le roman est donc exempt de manichéisme polémique, et n'oppose pas d'un côté les droits inaliénables du rebelle à une communauté figée et répressive. C'est un remarquable mérite du romancier de n'être pas tombé dans ce piège idéologique-là.

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Je m'appelle Asher Lev

Ahser Lev est un jeune Hassid de Brooklyn, élevé dans un cadre strict empreint de religion. Asher se découvre une passion pour le dessin et la peinture.

Son père, totalement voué à la condition de son peuple, est consterné de voir son fils unique s'écarter d'une tradition religieuse héroïque pour se livrer aux sottises de l'Art.

Heureusement pour Asher, le grand Rebbe qui dirige la vie de ses parents le comprend mieux qu'eux. Il le confie au célèbre peintre Jacob Kahn qui devient son maître.

Asher travaille alors aux exigences académiques du peintre.

Il peint des nus, des vierges, des crucifixions... tout ce que son père déteste et redoute.

La rupture avec ses parents sera inévitable lorsqu’il créera son chef-d’œuvre « Le crucifix de Brooklyn ».

Un roman initiatique qui décrit un jeune garçon en proie au difficile héritage familial : comment se libérer de ce poids et exprimer sa créativité ?

A lire la suite « Le don d’Asher Lev ».
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Le livre des lumières

Il fallait une certaine audace pour rendre intéressante l'histoire d'un héros rêveur, introverti, intellectuel spécialiste de la Cabale, et qui semble agir dans le monde à travers l'épaisse brume de ses hésitations et de ses doutes. Ch. Potok y parvient, et même propose une lecture presque cabalistique de l'actualité américaine des années 50. Il y est question de "tikkun", de réparation des fautes, et le héros si hésitant finit par trouver l'endroit inattendu où il rayonnera sur les autres. Une réussite littéraire.
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L'élu

L Elu nous plonge dans l enfance de Reuven, jeune new-yorkais de religion juive, et de son ami Danny, lui aussi new-yorkais et juif mais appartenant à un ordre beaucoup plus strict et fermé d application du judaïsme, l hassidisme.

Ce roman retrace l histoire de l amitié entre les deux garçons qui font tout pour préserver cette dernière, malgré les différences idéologiques de leurs familles au sein d une même communauté religieuse.

C est une lecture plaisante grace à laquelle nous apprenons différentes notions concernant l histoire du judaïsme et de son peuple. De plus, le contexte historique n a pas du être choisi au hasard, car cela a lieu durant une partie de la seconde guerre mondiale, période particulièrement parlante et difficile pour le peuple juif.



Seul bémol : quelques longueurs ... Heureusement que l intérêt de l histoire tient en haleine le lecteur.
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Je m'appelle Asher Lev

Adolescente j'avais été très touchée par la Harpe de Davita du même auteur. (Il n'est malheureusement plus édité]. Un jeune new-yorkais, Asher Lev, grandit dans une communauté juive hassidique. Son père est un émissaire haut placé du maître spirituel : le Rebbe. Asher est aussi touché par un don : la peinture. Il est alors déchiré entre son art et sa religion, son art et ses parents. Un magnifique livre sur la création artistique et sur l'influence de la culture sur un être. Une ode au "famille je te hais mais je t'aime quand même"
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Le docteur Rubinov

"Les histoires sont la mémoire du monde. Sans histoire, le passé s'efface."



Leon Shertov est transfuge soviétique réfugié aux Etats Unis après des années de bons et loyaux services dans l'organigramme du KGB. Il porte en lui "le néant d'un passé" à raconter, une culpabilité à porter, un aveuglement à assumer.



Il libère la parole en racontant le jeune combattant de 1917, sauvé de l'amputation par le docteur Rubinov, qui demande à son jeune patient juif de lui apprendre l'hébreu et lui permet de retrouver son village en lui fournissant des papiers. Mais le village a disparu et l'enrôlement dans l'armée rouge devient le seul futur possible.



Une nouvelle identité pour une nouvelle vie. Leon va devenir un excellent rouage de la machine soviétique et de son appareil de répression, prenant du galon, efficace et sans état d'âme. Jusqu'à croiser un jour un certain prisonnier dans les geôles de la Loubianka.

La prise de conscience est alors immédiate.



L'écriture est un peu sèche, économe, dépouillée de toutes fioritures littéraires. Certaines tournures sont un peu lourdes et maladroites. C'est bien un récit de souvenirs qu'un homme sans fantaisie transcrit, factuel et concis, tel un document comptable.

Le lecteur est face au tortionnaire pour suivre l'histoire tristement connue des purges staliniennes, et de l'antisémitisme de la Russie tsariste et du pouvoir communiste.



150 pages glaçantes pour le parcours d'un individu solitaire, impliqué dans un destin immaitrisable, porteur d'un blessure à jamais inguérissable, tel ce bras quotidiennement douloureux.
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Je m'appelle Asher Lev

Asher Lev était tout, sauf destiné à devenir un grand artiste ! Jeune Américain élevé dans la plus pure tradition juive, celle des hassidiques, il ne fréquente que sa communauté, va à l’école juive, parle le yiddish. Mais Asher Lev a un don : celui du dessin. Il dessine tout ce qu’il voit, interprétant ses peurs, ses hésitations, ses faiblesses, et cela dès ses 4 ans. « Baigner le monde entier dans l’ombre et la lumière. Faire vivre tout ce qui est épuisé dans le monde. Cela ne me semblait pas impossible. » Mais un tel don n’est pas du goût de son père, qui se donne pour la communauté hassidique et ne voit le dessin que comme un passe-temps, pratiquement impie, qui ne devrait pas prendre le pas sur la religion. La rupture entre le père et le fils semble inévitable … Je suis totalement tombée sous le charme de ce petit garçon qui nous raconte son monde à hauteur d’enfant. Avec une acuité rare et un vrai don d’observation, il nous fait entrer dans un quotidien fait de prières, d’entraide et de dévouement à la communauté. Pourtant, alors même qu’il se bat pour continuer à dessiner, ce qui fait sa vie, il ne remettra jamais en cause les dogmes de cette communauté : jusqu’au bout il portera les papillotes, longues mèches traditionnelles, jusqu’au bout il fera ses prières, il respectera ses parents dans leurs croyances. Mais la force de son don est plus puissante que tout le reste. Au point qu’il en viendra, presque malgré lui, à dynamiter ces croyances, pour vivre sa passion jusqu’au bout : « L’artiste doit avoir une volonté d’acier. Il faut qu’il soit obsédé, intoxiqué par l’idée qu’il veut exprimer. » Car l’art est une religion à part entière, qui demande un sacrifice total. Pour ce faire il faudra qu’il se libère de son passé et de l’autorité du père, sans perdre ceux qu’il aime.



Le roman de Chaïm Potok est impressionnant par son ton extrêmement juste, jamais dans le pathos, le larmoyant, ce qui en fait un roman initiatique passionnant. Tout se fait en douceur, années après années, alors que notre héros grandit et s’affirme, et que sa famille se déchire. Par la même occasion, l’auteur nous ouvre les portes de son propre monde, qui ne nous est pas familier tout en étant très intéressant.



Un roman magnifique mais complexe sur la création, la liberté d’expression et le poids de la tradition. A découvrir sans tarder !
Lien : http://missbouquinaix.com/20..
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Je m'appelle Asher Lev

Il s’appelle Asher Lev et son nom deviendra célèbre un jour. C’est du moins ce qu’affirment tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre. Dès son plus jeune âge, Asher Lev fait preuve d’un véritable don pour le dessin. A seulement six ans, il exprime déjà avec une incroyable justesse sa perception des choses et montre une véritable curiosité pour tout ce qui touche à la création et à la compréhension du monde. Mais son père, juif hassidique très respecté, voit d’un mauvais œil ce passe-temps qui détourne son fils de l’apprentissage de la Torah…





Dès lors, le jeune garçon se retrouve tiraillé entre son besoin irrépressible de dessiner et l’envie de plaire à ses parents. Fort heureusement, le Rèbbe, qui n’est autre que le dirigeant de la communauté hassidique, voit dans ce don un cadeau de Dieu et non du diable et décide de confier le jeune garçon aux soins et à l’apprentissage de Jacob Kahn, un artiste réputé pour son talent et son franc-parler, tandis que les parents d’Asher se trouvent en Europe, essayant de mettre en place des yeshiva, afin de rassembler la communauté juive éparpillée depuis la Shoah. Le vrai défi pour Asher sera alors de parvenir à exprimer toute sa créativité, sans pour autant se détourner de ses origines, mais jusqu’à quel point cela est-il possible ?





Dans ce roman initiatique profondément touchant, qui se déroule à Brooklyn dans les années 40-60, Chaïm Potok nous raconte l’ascension d’un jeune garçon pour devenir un peintre reconnu et estimé. Héritier d’un passé marqué par les drames, Asher Lev a baigné depuis son plus jeune âge dans les histoires de son peuple, hanté par l’image d’un grand-père au regard de braise parti sur les routes pour racheter les fautes du passé. Il a appris à respecter et honorer ceux qui ont marqué l’Histoire de leur nom. Mais le poids de la religion et des traditions se révèle être un héritage trop lourd à porter et un frein dans l’expression de sa créativité. Difficile alors de se libérer de ce poids sans blesser ceux qu’il aime…





Chaïm Potok décrit avec une incroyable justesse les enjeux et les doutes qui pèsent sur les épaules de son personnage. Si la première partie du roman peut sembler parfois difficile d’accès pour les non-initiés aux us et coutumes des juifs orthodoxes (heureusement, un petit lexique peut être consulté à la fin du livre pour nous éclairer sur les termes spécifiques !), la seconde quant à elle, qui commence sur l’apprentissage d’Asher auprès de son maître, se révèle véritablement passionnante ! On s’ouvre avec lui à un monde qui ne lui est pas familier et qui lui offre de nouvelles perspectives et de nouveaux moyens de création, aiguisant ses sens à une nouvelle forme d’art.





Partagé entre l’exaltation de la découverte et la mauvaise conscience engendrée par son éducation, Asher Lev va devoir faire preuve d’une volonté infaillible pour trouver sa voie. Difficile de ne pas être ému par le combat de ce jeune garçon pour défendre son don et ses convictions. Chaïm Potok nous offre un roman magnifique et néanmoins complexe sur la création, la liberté d’expression et sur le poids du passé et de la tradition. Et si vous avez aimé, jetez-vous sur la suite : « Le don d’Asher Lev ».
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L'élu

mon livre préféré depuis des années. la vie, l'amour parental, la foi
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Le livre des lumières

Un livre magnifique qui parle d'espoir, de désespoir, du poids des fautes par héritage, de la beauté et de la laideur des hommes. Et en plus, il donne l'envie de visiter le Japon !
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La Promesse

Suite de "L'élu", Potok nous entraîne à nous interroger nous mêmes sur les méandres de l'être humain. A lire absolument
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Le Don d'Asher Lev

C'est la suite de "Je m'appelle Asher Lev". C'est toujours agréable de retrouver de vieux amis, surtout avec l'écriture magnifique de Potok
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Je m'appelle Asher Lev

Qu'il est difficile de choisir une voie toute différente dans un monde où l'on doit se plier aux règles et aux devoirs ... C'est un livre magnifique sur la différence et la richesse d'un monde clos, qui avec intelligence, s'ouvre parfois vers le monde extérieur
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L'élu

Enfin une vraie écriture intelligente, humaine. Une histoire juive américaine, pour laquelle on voudrait une adaptation au cinéma !
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Chronique de la famille Slepak

Un aperçu de l'oppression soviétique envers son peuple, et notamment les juifs. A lire
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Le docteur Rubinov

Une descente glaçante et terrifiante dans les entrailles de la police politique stalinienne. Comment cette machine à broyer peut transformer un idéaliste en bourreau.

La nouvelle n'est pas très longue, mais essentielle.

Comme toujours avec Chaïm Potok, le style est impeccable. Je dois aussi souligner l'excellent travail du traducteur.
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Je m'appelle Asher Lev

New-York, dans le quartier de Brooklyn, en 1947,

Asher Lev est un petit garçon de quatre ans très choyé et entouré par ses parents. Sa famille, des juifs Hassidim Loubavitch, sont des gens très pieux qui s’investissent de corps et d’esprit dans leur religion. Leur communauté stimule la spiritualité à travers la prière et les traditions judaïques, les portant au paroxysme de leurs mitzvot, leurs commandements, pour plaire à Dieu.



Dès qu’il peut trouver un crayon, Asher s’applique à tracer des lignes, des courbes, à modeler sur le papier ce qu’il voit. Sa mère l’encourage à dessiner de belles choses, des fleurs, des papillons, et d’une voix très douce l’invite à crayonner le « beau ».

Un jour, la quiétude de sa famille se trouble en une agitation inhabituelle. On le confine dans sa chambre et il entend des cris et des pleurs. Ce sont ceux de sa mère et Asher est terrifié. On lui expliquera plus tard dans la soirée, que son oncle, le frère de sa mère, est mort dans un accident ; olov hasholom.

Les jours passent et Rivkeh, sa mère, se cloître dans sa chambre, n’étant plus qu’un fantôme, un être pathétique qui s’assèche. Sa dépression rompt l’unité familiale. Son père, Aryeh, devient sombre et se voue aux affaires ladovériennes sous l’égide du Rèbbe, leur chef charismatique, laissant Asher solitaire, seul avec ses peurs, ses angoisses et ses crayons.

Pour maintenir l’éveil de sa mère et pour qu’elle guérisse plus vite, Asher, dont la maturité est précoce, dessine des fragments de vie, mais ses esquisses sont trop anguleuses et noires. Il soumet ses œuvres à sa mère qui, lors de ses rares moments d’attention, lui dit avec bienveillance de faire « le monde joli ». A cela, son fils rétorque : « Ce n’est pas un monde joli ».

Pour ses six ans, Asher prend conscience que ses illustrations ont une envergure autre que du gribouillage. Son oncle Yitzchok le complimente et, dans un geste tendre, désire acheter l’un des premiers dessins de son neveu.

» – Un petit Chagall.

– Qui est Chagall.

– Un grand artiste.

– Le plus grand du monde ?

– Il est le plus grand artiste juif du monde.

– Je veux acheter un de ces dessins. Est-ce que tu me le vendrais pour ça ?

Il sortit une pièce de sa poche et me la montra. Il prit un des dessins et mit la pièce à sa place.

– Maintenant, je possède un des premiers Lev, dit-il en souriant. »

Malgré le regard réprobateur de son père qui l’exhorte à ne pas gaspiller son temps, Asher cherche des modèles et apprivoise les courbes, les ombres et la lumière. Il mélange les techniques et utilise toutes sortes de matériaux qui colorent. Avec ses doigts, il barbouille sa feuille et se sert du sable, de la cendre de cigarette… cherchant la couleur qui lui manque, celle des sentiments et des sensations. Il est frénétique dans son besoin de s’exprimer et cet état effraie son père qui ne le comprend pas.

Entre les prières du matin, Modeh Ani, et celles du soir, Krias Shema, chacun parle à Ribbono Shel Olom, le Maître de l’Univers, de ses rêves, de ses espoirs, de ses supplications, et Asher demande à Dieu pourquoi il laisse faire certaines choses.



Asher grandit, rentre à la yeshiva ladovérienne, s’arrête de dessiner et reste toujours d’une grande mélancolie. Son père est fatigué, peu loquace, quant à sa mère, elle arrive à surmonter difficilement son asthénie jusqu’au jour où elle décide de reprendre des études universitaires en mémoire de son frère.

« Ma mère me demanda, pourquoi je ne dessinai plus. Je haussai les épaules.

– C’est une réponse, Asher ?

– Je n’en ai plus envie, maman.

– Pourquoi n’en as-tu plus envie, Asher ?

– Je ne sais pas.

– Tu dessines vraiment très bien, Asher.

– Je déteste ça. C’est perdre son temps. Ca vient du sitra ashra. Comme Staline. »

Asher s’autopunit et veut retrouver l’approbation de son père qui blâme cet élan artistique, ce don qui est un artifice du malin.



1951, cette époque est le temps de l’après-guerre et des conflits en Russie. Staline dirige les Républiques Soviétiques dans une dictature absolue. C’est la terreur pour des millions de personnes, des minorités nationales et le peuple juif.

Le Rèbbe demande au père d’Asher de partir en mission à Vienne et d’établir des centres d’études talmudiques, des yeshivot un peu partout en Europe. Cette responsabilité est un honneur, mais elle est aussi une justification, un alibi, pour sauver et évacuer les juifs persécutés. La famille se scinde car Asher ne veut pas s’exiler et sa mère sacrifie son couple pour rester avec lui.

Asher a dix ans… treize ans… et s’aperçoit, dans une évidence spontanée, que des gens peuvent être heureux. Il dessine, il peint, il se documente, visite des musées en cachette du Rèbbe et du père, découvre Picasso, sa mère lui offre un coffret de peinture… « Qu’allons-nous faire de toi Asherel ? » Rencontre des artistes, des mécènes… On lui parle de Modigliani, de Soutine et de Pascin, des peintres juifs. Il admire des tableaux illustrant la bible des chrétiens, des crucifixions et des Pietas.

Cependant, lors des retours de son père, Asher est écartelé entre sa passion, sa vie et celle des juifs observants orthodoxes où l’art est une œuvre païenne, une valeur des goyim, un vice.

« – Je ne veux pas d’un tel fils.

– Je t’en prie, papa, je t’en prie ! Ne sois pas fâché avec moi. Je ne peux pas m’en empêcher.

– Ce sont les animaux qui n’arrivent pas à se contrôler. Pas les êtres humains.

– Je n’arrive pas.

– L’homme a de la volonté. Est-ce que tu comprends ce que je dis Asher ? Le Ribbono Shel Olom a donné à l’homme de la volonté. Tout homme est responsable de ses actions à cause de cette volonté ; il a la possibilité de diriger sa vie. Il n’existe rien que l’homme ne puisse contrôler. Ou alors, c’est qu’il est malade.

– Ma volonté me pousse à dessiner, papa. Je ne peux pas lutter contre elle. »



Asher a cette force, cette volonté, que Dieu donne à l’homme. Un entêtement qui bouleversera sa destinée et qui le maintiendra entre deux mondes. Le choix est douloureux, mais le don qu’il a reçu ne peut être ignoré. Le contraire, ne serait-il pas un sacrilège ?



J’ai beaucoup aimé ce livre et je remercie Cécile de me l’avoir fait découvrir. Asher nous raconte sa vie de ses quatre ans à sa majorité. C’est une histoire qui inspire de l’émotion, de la compassion et une certaine fierté pour ce petit garçon qui s’obstine dans sa vocation contre sa religion, ses racines, sa communauté et son père qu’il chérit et qu’il révère. Sa résolution s’établit avec la maturité de son art. J’ai été sensible au personnage de la mère, une femme qui contre certains principes et qui n’hésite pas à conforter son fils dans sa voie, cherchant à apaiser les relations père-fils avec douceur et sensibilité. J’ai aussi eu de la miséricorde pour ce père déchiré entre son devoir, son abnégation pour son peuple, l’abandon de sa famille et l’incompréhension qui le distance de son fils. Un enfant qu’il n’aura pas vu grandir. L’écriture est simple, les mots sont beaux. On alterne avec deux ambiances, celle de la réserve, de la modération, des prières et celle de la création, de la pétulance, de l’exubérance. Malgré l’amour qui unit les personnages, il n’y a aucune communion. J’espère seulement que dans le second volume « Le don d’Asher Lev », ils trouveront tous la paix.

A suivre…
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Je m'appelle Asher Lev

ART ET RELIGION : COMPATIBILITE ?



Ce livre nous raconte l’histoire d’un petit garçon dénommé Asher Lev, juif hassidique, qui, dès l’âge de 4 ans, développe un sens artistique extraordinaire.

Malheureusement pour ses parents qui sont très croyants et leur/sa communauté ce n’est qu’un vice qu’il faut absolument combattre afin de ne pas « tomber » dans l’autre monde.

C’est donc un véritable déchirement pour Asher et c’est absolument passionnant/intéressant de suivre le parcours de cet enfant puis de cet adolescent.



Je vous le conseille vivement.
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L'Arche de Noah

J’aime beaucoup Chaim Potok. Je l’ai découvert avec Je m’appelle Asher Lev et ce fut un véritable coup de coeur!



J’ai eu une sensation de manque…comme si ce texte était amputé de quelque chose, qu’il me manquait des informations…et en effet, ce L’arche de Noah devrait être accompagné de deux autres textes.



À seize ans, Noah, seul survivant d’un village de quatre mille âmes, a passé trois ans dans un camp de concentration puis deux ans dans un camps de transit. Il vit maintenant à Brooklyn chez sa tante. Davita, une jeune juive américaine de dix-huit ans, lui donne des leçons d’anglais. Au fil de ces rencontres, il dévoile son douloureux passé. La mort des siens, de son frère jumeau, le camp. Au travers des dessins qu’il échange avec Rachel, la petite sœur de Davita, il raconte. Son village, sa maison, la synagogue dans laquelle il exerçait ses talents naissants de dessinateur.



L’histoire de Noah est celle d’un retour à la vie. Noah apprend à parler une nouvelle langue et réapprend à vivre. C’est l’histoire d’un avenir possible après une mort presque certaine.



C’est l’histoire d’une parole retrouvée, d’un retour dans la communauté des hommes. L’écriture contient l’émotion et suggère plus qu’elle ne décrit. C’est un récit très juste.


Lien : http://writeifyouplease.word..
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