Claude Champagne

Alex sentit une présence derrière son dos. Il savait que ce n’était pas de la paranoïa. Il évita tout de même de se retourner, afin de ne pas effrayer le « fantôme ».Il songea que c’était plutôt lui qui aurait dû avoir peur… mais bon. Le crayon sur le cahier à côté de lui se mit à rouler et finit par tomber par terre. Il n’y avait aucune raison pour que celui-ci se mette à rouler. Son
bureau était droit et Alex n’avait rien touché depuis près d’une heure. Il se pencha pour ramasser le crayon et… rien. Sans trop savoir pourquoi, il s’était attendu à recevoir une sorte de décharge électrique, à avoir une vision en le prenant. Mais rien de spécial ou de surnaturel ne se produisit.
— Ça va ? tapa Samuel.
— Oui… J’ai eu l’impression de sentir une présence.
— Tu la sens encore ?
— Ne ris pas, mais… oui.
— OK. Allume ta webcam.
— Pourquoi ? s’étonna Alex.
— Fais-moi confiance.
Alex haussa les épaules. Il ne savait pas où Samuel voulait en venir. Il activa sa webcam. Samuel apparut dans une petite fenêtre sur son écran. Et c’est à ce moment qu’ils virent quelque chose d’impossible. En lieu et place du visage d’Alex, pendant quelques secondes, ils aperçurent une silhouette aux cheveux longs.

"All the world's a stage, affirmait Shakespeare. Parfois, je me demande si le monde n'est pas une fiction. Chacun son histoire. Elle s'entremêle aux autres et la "réalité" devient chorale. Un immense chant composé de plaintes, de prières, d'espoirs, harmonieux et dissonant, qui résonne dans les oreilles de qui ne se les bouche pas."

p.93

Enfant, je rêvais d’une vie d’aventurier. Plus tard, j’ai songé au métier de pilote de brousse ou encore à celui de journaliste d’enquête. À la fin de l’adolescence, la poésie, la philosophie, la littérature m’ont rattrapé. J’étais, et je suis toujours, je suppose, un romantique. En quelque sorte, j’ai concrétisé mon vœu de jeunesse. Je suis un aventurier de papier. Quand j’écris, je m’autoproclame roi de l’univers. Je décide de tout et de rien, souvent les personnages me surprennent. Cependant, la littérature n’a pas de répercussion sur le réel, enfin pas autant que je le souhaiterais. Elle aide à modeler une vision du monde, mais elle ne le change pas, même si elle l’inspire. Je ne doute pas que des gens puissent avoir été transformés à la lecture d’un livre.

"Si un jour on m'avait annoncé que je rencontrerais des dieux... Tu imagines ! Quand on reviendra chez nous, personne ne nous croira !
- C'est peut être mieux comme cela, lachâ Alex.
- Mais pourquoi ? S'étonna Samuel.
- Selon les paroles d'un grand sage : "J'aime mieux mourir incompris que de passer ma vie à m'expliquer".
- Hein ? Qui a dit ça ?
- Un chanteur de country, rigola Alex."

"Les gars, on est timides. C'est assez rare qu'on fasse les premiers pas. on a l'air plus détachés, moins intéressés. Même si c'est complètement faux. Mais un gars qui décide d'inviter telle ou telle fille au party, et donc de devenir son chum, sait qu'il entre en compétition avec les autres. (Les gars, on est des primitifs moins évolués que les filles, tout le monde sait ça.)"

"J'enfourche mon nouveau bécyk, un Gitane à dix vitesses. Il est pas pesant pantoute. Je peux le soulever d'une main pis le monter sur le balcon pour le barrer. Avant, j'avais celui de mon grand frère, un Torpado qu'il avait acheté chez Marinoni. Mais il est parti vivre en appartement pis il l'a repris. Je sais pas pourquoi, il s'en sert même pas."

J’ai appris à vivre avec, à reconnaître les signes précurseurs d’une rechute. La fatigue est un des éléments déclencheurs. La peur de mourir, voire de la mort en général, aussi. Ces derniers jours, on peut dire que j’ai été servi de ce côté.
J’ai passé deux heures couché sur le divan, durant l’après-midi, à lutter contre des douleurs psychiques. La sensation est difficile à expliquer. On a beau savoir que tout ça provient de notre esprit, le corps souffre néanmoins. Il faut se détendre, respirer, identifier les parties de son anatomie qui transmettent des signaux négatifs ; se rassurer, se convaincre qu’on ne va pas mourir, qu’il ne s’agit que de malaises bénins. Le mal veut sortir. Ou entrer. On ne saisit plus la différence.

Quand tu parles à la moustache, tu te rends compte qu'il n,est pas vite-vite. Son cerveau serait un peu comme un frigidaire. La tite lumière s'allume juste quand la porte s'ouvre, pas plus. (p. 167)

Kidnapper le chien, ça a été plus facile que je pensais. On avait les poches pleines de biscuits. Le chien grognait, mais ça a été plus fort que lui quand il a senti les biscuits. Il s’est approché pour en avoir. Il fallait que je le fasse. J’ai juste eu à penser aux hosties de cons de flics pis la rage m’est remontée. J’ai fessé. Direct sur la tête. Une fois, deux fois, trois fois. Mon chum m’a dit d’arrêter. Fallait pas le tuer tout de suite. On l’a mis dans sa grosse poche de hockey pis on l’a transporté dans son repaire.

Ne dérangez pas l’écrivain qui somnole, il travaille, dit-on. Là, je ne dormais plus. Et quand je sommeillais durant le jour, c’était par épuisement. Mon imagination ne servait plus qu’à une chose : inventer les pires et les moins pires scénarios au sujet de ma fille.