Elle était stérile et pourtant si jeune. Je n'avais rien en commun avec ces gens, mais dans l'image de papier glacé d'un magazine people, je voyais la même détresse que celle que j'avais éprouvée; la même attente; la même foi dans l'impossible.
Avant de prendre congé, dans le miroir de nos visages, j’ai été subitement frappée par ce que nous avions en partage, une sorte de piété qui faisait de nous des parents à part, des mages modernes en quelque sorte, témoins et acteurs d’une véritable transsubstantiation. C’était comme si nos enfants n’étant pas naturels, ils ne pouvaient être que surnaturels.
J’ai punaisé dans sa chambre la photo d’un pont de bois, image chère à un spécialiste qui en a fait la métaphore de l’adoption. Il y compare les multiples abandons subis par l’enfant adoptif à des ponts de lianes, fragiles, que celui-ci doit traverser, et qui s’effondrent les uns après les autres. Après chaque chute, l’enfant se relève, et devant un nouveau pont qui représente encore une promesse de se retrouver de l’autre côté du malheur, il fonce, tout en devenant de plus en plus méfiant. Et puis, un jour, le pont sur lequel il se trouve est en bois. C’est un pont solide, bien planté au-dessus du gouffre, mais cette fois, l’enfant n’y croit plus. Alors il le piétine, il le secoue, il lui tape dessus. Il fait tout pour le mettre en pièces.
Ce pont de bois, c’est l’adoptant.