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Citation de enkidu_


Avec Arafa, nous touchons au but et à l'essence même du pèlerinage islamique. Son symbolisme est purement métaphy­sique ; sa Station, celle de la Connaissance Suprême. Le pèlerin qui y parvient accède à la « Maison » véritable, celle qui n ’est pas bâtie de pierres : « Maison de la Connaissance » pour celui qui s’y prosterne, « halte », dit le Cheikh al-Akbar, « où s’obtient la Connaissance par Allâh ». Franchissement des limites exis­tentielles, intuition dépassant les limitations de l’Intellect créé, réalisation directe et sans intermédiaire de la Présence divine, telle est, pour l’essentiel, la signification initiatique de cette Station ultime, qui est aussi, comme le dit Qachânî, « le prin­cipe et la finalité de l’ensemble des rites du pèlerinage ». Arafa est à la fois le nom du jour (« yawm 'Arafa ») et du lieu ('Arafât) où s’accomplit le wuqûf, c’est-à-dire l’« Arrêt » extrême de la pérégrination. Ce jour et ce lieu présentent, nous le verrons, des caractères très spéciaux ; ce qu’il importe cependant de souligner avant tout, c'est le lien direct qu’il y a entre le nom même d’Arafa et la Connaissance métaphysique désignée par le terme ma'rifa, qui est de même racine.

La ma'rifa se rapporte ici, de manière spécifique, à un cer­tain aspect de la science de l’Un, al-Ahad, qui est elle-même, du reste, d’ordre exclusivement métaphysique. Pour compren­dre la portée des commentaires akbariens sur Arafa, il convient donc de se référer tout d’abord à la doctrine de la Ahadiyya, ou « doctrine métaphysique de l’Un ». L’on peut distinguer, à cet égard, l’Unité de l’Essence (al-ahadiyyat adh-dhâtiyya), l'Unité de degré ou de rang (ahadiyyat al-martaba) et l’Unité de la multiplicité (ahadiyyat al-kathra). Cette distinction correspond à celle établie par Guénon entre le Principe Suprême, L'Être et l’Existence universelle.

L’Unité de l’Essence est le secret (sirr) initiatique suprême. A ce titre, comme Michel Vâlsan l’a magistralement mis en lumière, elle représente un équivalent islamique précis de la doctrine du Soi universel « à la fois Principe Suprême et principe de chacun des êtres ». Cette « unité » est en effet mystérieusement présente en toute créature. C’est elle qui explique l'unité des êtres créés : pierres, arbres, hommes, anges, ne peu­vent jamais être véritablement « associés » — pour reprendre les termes dans lesquels cette doctrine est formulée en Islam par les « polythéistes » à la divinité. D’une part, en effet, ces êtres sont réellement « divins » dans leur principe qui institue aussi toute leur réalité ; d’autre part ce principe, du fait de sa transcendance et de son unité absolue, ne peut être « atteint », comme tel, par l’adoration des serviteurs, car celle-ci Implique, de par sa nature même, une certaine corrélation et ne peut donc s’adresser qu’à l’aspect complémentaire de « sei­gneur ». La signification la plus élevée de la ahadiyya se réfère donc à l’aspect « intérieur » de l’Essence et comporte une idée d’inaccessibilité et d’insaisissabilité qui est également présente dans le symbolisme d’Arafa. Cela n ’a rien qui doive surprendre puisque, comme il a été dit, le lieu de la Station est une repré­sentation du Centre initiatique Suprême de telle sorte que la « Maison véritable » s’identifie aussi, en réalité, au « Temple du Saint Esprit qui est partout ». (pp. 216-217)
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