«Il y aura toujours des ponts aussi longtemps qu’il existera des rives ; nous devons avoir le courage de les franchir.
L’un deux va vers toi, l’autre dans l’éternité, et, pour moi, c’est finalement la même chose.
Demain, je franchirai le dernier pont, ce qui est une image littéraire pour désigner la mort, mais tu sais que j’ai toujours aimé te décrire les choses avec un certain amour de la poésie des mots et du rythme.
Donne moi la main, pour que le chemin soit moins dur... »
(p. 114 trente-huitième lettre)
A Stalingrad, le choix de s’en remettre à Dieu signifie en nier l’existence. (….)
J’ai cherché Dieu dans chaque trou d’obus, dans chaque maison détruite, à chaque coin d e rue, auprès de chaque camarade, quand j’étais blotti dans un entonnoir, et je l’ai cherché même dans le ciel….Et Dieu ne s’est jamais montré, alors que tout mon cœur criait auprès de lui.
Les maisons étaient éventrées, les camarades aussi courageux ou aussi lâches que moi …
Sur la terre ne régnaient que le meurtre et la faim ; du ciel se déversaient les bombes et le feu….
Seul Dieu était absent ! ….
Non père ! Dieu n’existe pas ! ..
Ou alors, s’il y a un Dieu, il existe pour vous, dans les missels et les cantiques, dans les sermons remplis de dévotion des curés et des pasteurs ; il existe peut-être dans le tintement des cloches et dans les vapeurs d’encens, mais il n’existe pas à Stalingrad !....
(p. 43 et 44 dix-septième lettre)
La mort doit toujours être héroïque, enthousiaste ;
on doit toujours mourir avec conviction et pour une grande chose.
Et quelle est ici la vérité ?
On crève, on crève la faim, on crève de froid, rien d’autre qu’un simple fait biologique, comme la faim et la soif.
Les hommes tombent comme des mouches : personne ne se penche sur eux et ne songe à les enterrer.
Il y en a partout, sans bras, sans jambes, sans yeux, le bide plein de trous...-
(p. 43 et 44 dixième lettre)