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Critiques de Charles Billy (1)
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Dernières lettres de Stalingrad

Ce petit ouvrage, d'une lecture rapide (moins d'une heure), réunit 39 lettres faisant partie de celles transportées par le dernier avion allemand ayant quitté Stalingrad. Ce sont donc les derniers courriers avant la débâcle militaire totale de soldats du IIIe Reich envoyés au correspondant qui leur est le plus cher, dans la très grande majorité des cas à leurs parents, femmes, frères et soeurs. Ces soldats sont gradés ou pas, cultivés ou pas, parfaitement informés ou pas de ce qui va se produire... mais aucun n'a de grandes illusions sur la suite de leur existence. L'avenir leur a donné raison puisque ceux qui n'ont pas été tués immédiatement sont morts ensuite dans des circonstances tragiques. Sur les environ 100 000 prisonniers seulement 5 000 reverront l'Allemagne.

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Nous lisons donc des hommes qui, tous, cherchent à dire à ceux et à celles qu'ils aiment, en quelques lignes, ce qui leur semble le plus essentiel. Ces témoignages sont émouvants, bouleversants. Il se dégage de leur réunion une vision très forte de l'humanité mais aussi de l'absurdité de la guerre, de toutes les guerres.

Le moins que l'on puisse dire est qu'il est difficile d'éprouver une grande sympathie pour les armées de Hitler. Il est fort peu douteux que certains des hommes qui écrivent ont été témoins voire ont participé à des actes atroces. Ils ont aussi contribué à une idéologie mortifère, déjà en combattant pour elle. Il est évident, à lire certaines de ces lettres, que beaucoup ont cru en Hitler, dans les promesses du nazisme… mais ce qui domine devant la proximité de leur fin n'est pas de la peur, pas de la lâcheté, pas de la haine non plus… avant tout un sentiment d'absurdité totale et la volonté que leurs proches continuent leurs vies de la meilleure façon possible. Devant leur mort prochaine c'est l'essentiel de la vie qui se dégage : l'acceptation un peu incrédule de ce qui survient pour soi et un amour inquiet pour les êtres aimés.

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J'ai tenu à relire cet ouvrage alors que la guerre « à forte attrition » (vocabulaire technique, précis et abominable des militaires) est revenue en Europe. Comme presque chacun, je pense, je suis chaque jour bouleversé par le sort des ukrainiens, de ces civils tués ou obligés de fuir par millions, de ces conscrits héroïques qui, dans des conditions abominables et absurdes, ont dû quitter du jour au lendemain leurs existences paisibles pour se retrouver à lutter face à une armée infiniment plus puissante, sachant que, s'ils ne parviennent pas à l' « impossible », leurs femmes et enfants risquent la mort, la torture (vieillards inclus) et que leur pays disparaîtra de même que leurs libertés et celles de leurs enfants pour une durée qui dépassera sans doute celles de leurs vies. Dans la plupart des conflits il est bien naïf de chercher le « bon » et le « mauvais » camp. Dans de très rares cas c'est plus simple. Cela l'était à Stalingrad, cela l'est en Ukraine tant les mobiles de l'agresseur et ses façons d'agir le discréditent totalement. J'estime, sans la moindre ambiguïté, que notre devoir moral, en tant qu'occidentaux, est de fournir aux ukrainiens tous les moyens nécessaires pour pouvoir gagner cette guerre puis reconstruire ensuite leur pays. Quoi qu'il nous en coûte. C'est aussi la meilleure façon de ne pas, un jour, devoir lutter dans la même position qu'eux face à l'expansionnisme actuel de la Russie.

Pour autant et après cette lecture il m'est difficile de ne pas penser aussi avec émotion aux soldats russes qui, par dizaines de milliers, se font mutiler et tuer. Beaucoup au départ sont arrivés sans même savoir qu'ils étaient en guerre. Ils sont abreuvés d'une idéologie mortifère et meurent, commandés par des généraux peu capables et en utilisant largement un matériel militaire obsolète. L'immense majorité dont penser sincèrement défendre son pays tout en peinant à comprendre ce qu'ils font dans ce bourbier. Et, à l'instant de la mort eux aussi doivent oublier tout nationalisme et avoir peur pour leur épouse ou leur vieux père, regretter de ne pas pouvoir revoir une dernière fois leur village.

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Une petite heure de lecture pour nous ramener à hauteur d'hommes, ce n'est sans doute pas superflu.

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