ENTRE LES LIGNES - Côte d'Ivoire: Charles Nokan, Écrivain
Côte d'Ivoire, ENTRE LES LIGNES du 23 avril reçoit Charles Nokan. Lécrivain, de son vrai nom Konan Kokou Charles, explique pourquoi il a décidé davoir un nom de plume différent de son nom dorigine. Lancien syndicaliste de la Fédération des étudiants dAfrique noire de France dévoile ses premiers pas dans le monde littéraire. Charles Nokan présente aussi son ouvrage Violent était le vent.
ABRAHA POKOU. – Dans notre société, les conditions d'existence des femmes ne sont pas très différentes de celles des esclaves. Nous devons donc lutter pour la même cause. (Un temps.)
Vous savez ce que je fais pour nous tous. Depuis mon enfance, je pense que l'esclavage ne doit pas exister, qu'il ne faut pas que des hommes exploitent leurs semblables. M'efforçant de mettre en pratique ces idées, je bute contre maints obstacles. Je les surmonterai. La voie du progrès est tortueuse, mais celui qui lutte pour la vérité et la justice ne connaît pas le repos avant d'avoir atteint la savane rouge. [...]
Je veux que germe en nous l'espoir.
Cessons de lever nos regards vers un ciel impénétrable, trouvons notre salut sur terre. Allons bâtir, loin d'ici, un village où nous serons égaux.
LES ESCLAVES (en chœur). – Le bel oiseau s'est envolé.
Plane le gris vautour.
L'aigle argenté s'est endormi ;
il baigne dans la nuit des nuits.
Nous les hommes méprisés, fouettés, émaciés,
nous dresserons nos poings.
Nous n'accepterons pas d'avoir des bouches closes.
Il y aura la détonation.
Nous deviendrons la violence qui
transforme le monde.
Nous créerons des ouragans.
Nous bousculerons les oppresseurs,
et surgirons dans la lumière.
Nous sommes nés pour la vérité,
la liberté, la dignité, la justice, la solidarité.
Nous voulons la case confortable, le pagne splendide,
l'igname quotidienne et le vin de palme pour tous.
Nous guérirons tous les cœurs blessés.
Le soleil rouge naîtra de nos ombres intérieures,
de nos mains travailleuses et guerrières.
L'aurore bourgeonne.
S'épanouiront des coquelicots.
Nous sommes un peuple nouveau.
Des flaques de sang jailliront la délivrance, la clarté.
Nous construirons un monde neuf.
L'avenir sera plus beau que le présent et le passé.
Je dis des choses graves, la vérité haïe.
Je crie.
Ma colère explose pour dissoudre le vieux monde.
La poésie est une des voies qui mène à la révolution.
Il y aura des sentes et des parfums neufs.
LE POÈTE. – Un cœur gît dans la tristesse.
Ce jour est brumeux,
baignée de sang cette nuit.
Des corps se heurtent.
1ère OUVRIÈRE AFRICAINE. – Nous serons transformés. Nous deviendrons poésie et musique, amour infini, soleil. Soufflera la tempête Et les arbres de la vieille forêt tomberont. S'uniront les voix des travailleurs.
TASSOUMA. – Viendra un orage inouï. Passeront des torrents. Nos cœurs sont gros d'espérance Le présent enfantera un avenir ensoleillé. Nous tisserons le destin des peuples.
SONI, étudiante africaine. – Au bout de la nuit dense se lèvera le matin rouge. Nous sommes la sève et le sel de l'existence.
2e ÉTUDIANT AFRICAIN. – Nous étranglerons les exploiteurs, les prévaricateurs, les corrompus, les hommes-tigres, les brigands de la politique, les suceurs de sueur et de sang.
LE PORTE-PAROLE DES VOLONTAIRES. – Pokou, tu nous as permis de rompre notre silence séculaire. Nous te remercions ; tu es maintenant notre reine.
Nous qui haïssons le passé, nous bâtirons un futur ensoleillé. Nous sommes les fossoyeurs des oppresseurs.
LE POÈTE. – J'ai longtemps été obligé de chanter le bonheur des notables. A présent, il m'est loisible de dire la lumière du peuple.
La lune paraît. Lui succédera bientôt notre soleil.
LE PORTE-PAROLE DES VOLONTAIRES. – Nos cœurs baigneront dans la clarté.
Celui qui n'a pas tissé sa bande pour le pagne de la vie, et qui n'a pas filé le coton pour la toile universelle n'a pas vraiment vécu.
Je suis village, forêt, savane,
rivière, couleur bisexuée,
symphonie, infinie unité,
vie et mort enlacées, éternité.
Bandama, j'ai vu le sang inonder tes rives vertes. J'ai vu les eaux du N'zi rouler les cadavres de mes frères.
Il n'y a pas d'au-delà ; nous nous trouvons dans l'univers, et nous y restons.