AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Charles Palliser (59)


A mesure que nous approchions, les rues devenaient de plus en plus miséreuses, et notre accablement de plus en plus prononcé. Une odeur prenante, nauséabonde, provenant d'une brasserie proche, envahissait tout le quartier. A chaque coin de rue je voyais un cabaret, et, dans les caniveaux, des hordes d'enfants demi-nus tendaient la main pour nous demander l'aumône sitôt qu'ils voyaient nos atours, de humbles hardes à la vérité, qui dans ce canton pouilleux attiraient l'attention. Ce qui me frappait, ce n'était pas tant les guenilles sur le dos des passants, que leurs visages livides, cireux, leur peau horriblement grêlée, et leur regard, qui chez beaucoup semblait vide, comme si ces êtres étaient frappés de stupeur. Je voyais bon nombre de nez boursouflés, d'yeux caves, et souvent nous croisions des gens à la poitrine creuse, aux épaules affaissées, aux jambes arquées.
Commenter  J’apprécie          360
La nuit était paisible, il ne soufflait qu'un mince filet de brise et rien ne passait dans la rue, aussi n'entendait-on que le doux bruissement des arbres. Au bout d'un certain temps, alors que j'étais déjà porté aux lisières du sommeil, me vint aux oreilles le faible grelottement de clochettes qui tintaient au loin, et, peu après, le grondement caverneux, répercuté par les échos, de grosses roues cerclées sur la surface inégale des pavés. Cela, je le savais, annonçait le passage du roulier, dont le fourgon s'acheminait nuitamment vers Sutton Valancy. Il passa devant chez nous, dans un grondant fracas de roulement, et par l'imagination je le suivis sur le chemin, à grande distance, tandis qu'il s'éloignait du village.
Commenter  J’apprécie          340
" Bon, Barney et ses poteaux savaient que les clampins qui tenaient le clandé faisaient marcher leur affaire depuis un bon bout de temps, vu qu'ils avaient harnaché le cavé chez eux : au départ, on laisse le pigeon se bourrer les profondes, et tout ce qui s'ensuit. En plus de ça, Barney avait dit à Sam de s'arranger pour se faire engager à la lourde. Seulement ça, les clampins du brelan le savaient pas, forcément. Bon, les michés ont laissé tellement de plumes sur le tapis que les clampins i' nous faisaient totalement confiance, à Barney et à nous autres. Bref, toujours est-il que ce soir là Barney avait dit aux pigeons de rappliquer avec le paquet de braise, vu qu'il avait arrosé comme i' faut le croupier pour qu'il force un brin le destin... "
Commenter  J’apprécie          333
Le volet de la lanterne s'abaissa, et j'eus soudainement devant les yeux le visage le plus atrocement meurtri qu'il m'eût été donné de voir. Partout la peau était grêlée, scarifiée, les traits broyés. Du nez, il ne restait qu'une protubérance informe, et les lèvres, torses, ne découvraient que quelques chicots encore en place. Pis encore, l'un des yeux se réduisait à une cavité rouge et béante. Je m'aperçus enfin que cet être effrayant n'avait plus qu'une main, et qu'à l'autre s'était substitué un affreux crochet de fer qui sortait de la manche. Je tressaillis, me demandant à qui je m'étais livré ; j'allais jusqu'à penser que j'étais bel et bien mort et que la créature ne pouvait qu'appartenir à l'au-delà.
Sans doute mon épouvante fut elle des plus visibles, puisque l'homme me déclara, d'une voix étrangement douce :
- Pour ça, je sais bien que je suis pas Blanche-Neige, mais faut pas vous en apeurer, jeune maître.
Commenter  J’apprécie          311
Vers la fin de l'après-midi, souvent, ma mère sortait pour se mettre en quête d'un emploi. Alors un livre entre les mains, je regardais les oiseaux sautiller sur l'avancée des toits, entre les pots des cheminées, tels de minuscules béquillards, avant de déployer leurs ailes pour prendre leur envol et s'effacer de mon champ de vision. Comme je les enviais !
Commenter  J’apprécie          310
Mais, passé cette lisière, se dressaient de vieux arbres massifs dont les branches tordues s'enchevêtraient en de fantastiques formes, comme s'ils imploraient le ciel de leur prodiguer sa lumière, et en ces lieux la pénombre se referma tout alentour de moi, cependant que les sinistres rameaux, tels des doigts effilés de gigantesques mains, paraissaient se tendre pour me saisir. Bien que je ne fusse qu'à quelques toises du jardin, où j'entendais bourdonner les abeilles et bruire les arbres dans la brise, il me semblait avoir franchi une porte et pénétré dans un autre monde, car ici tout n'était que silence.
Commenter  J’apprécie          310
Mais sans un sous vaillant, l'estomac criant famine, j'étais bien obligé de réfléchir à l'avenir. Je songeai à Londres, ce monde infini aux innombrables rues, places, courettes, boyaux où fourmillent des millions d'habitants. Je ne connaissais personne dans cette foule grouillante que ne préoccupait guère le sort du prochain. Personne à qui demander assistance, personne à qui il importait que je vive ou meure.
Commenter  J’apprécie          300
- Pardonnez-moi, Monsieur.
Je m'efforçai alors de poursuivre :
- Ma mère... ma mère vient de mourir, et je n'ai pas de quoi l'enterrer.
- Alors, tu peux dire que tu as de la chance, toi ! s'écria-t-il.
Je le contemplai, interloqué. Il mit un soin minutieux à s'essuyer les mains, avant de reprendre :
- Nous enterrons les pauvres une fois la semaine et, par bonheur, c'est demain que tombe le jour des funérailles.
Commenter  J’apprécie          301
Pendant ce temps j'eus tout loisir d'observer les alentours. La charrette roulait sur le côté d'une large rue déserte, pas plus pavée qu'elle n'était éclairée. Les maisons étaient plongées dans une nuit à peine trouée par un scintillement de chandelle à la fenêtre d'un lève-tôt.
Commenter  J’apprécie          290
Cheminant dans la rue bordée de hautes maisons cossues au coin de laquelle nous nous tenons, l'allumeur de réverbères souffle dans ses mains afin de les réchauffer, puis reprend son échelle pour se porter vers le lampadaire suivant. Et tout au long de la rue naissent ainsi de minces pointes de lumière qui s'embrasent fugacement, en un brusque éclair, pour s'apaiser dans l'instant et ne plus répandre qu'une douce lueur.
Commenter  J’apprécie          280
Le coche, qui sur la grand-route avançait à tire-d'aile, donnait l'impression, maintenant qu'il roulait dans les rues de la capitale, de n'être plus qu'un monstre disgracieux et lourdaud. Constamment, nous devions nous arrêter, immobilisés par d'autres véhicules, essuyant les quolibets des cochers. Parfois, aussi, aux croisements, nous manquions de peu un piéton qui pour traverser se précipitait devant nous. La voiture me faisait songer aux canards qui nageaient avec tant de grâce sur la mare de notre village, et se dandinaient si maladroitement dès qu'ils regagnaient la berge.
Commenter  J’apprécie          270
Quelques pas me suffirent à mesurer l'épaisseur d'ouate du brunâtre brouillard givrant. Quelle heure pouvait il être ? Je n'avais pas même la latitude d'interroger le soleil, invisible : la pauvre clarté de la brume en tenait lieu, qui semblait de ses doigts moites faufilés sous mes minces vêtements me palper de pieds en cap.
Commenter  J’apprécie          232
Je contractai l'habitude - devrais-je dire : j'acquis la faculté? - de me perdre (ou de me trouver, qui sait?) dans un livre en me détachant totalement du monde.
Commenter  J’apprécie          206
Nous avancions comme en dehors du temps, dans un monde soudain réduit au silence par la neige, dont le manteau ouaté étouffait le pas des rares piétons et le martèlement de roues et de sabots des attelages qui s'aventuraient par les rues. J'avais l'impression que plus rien n'existait, en dehors du mouvement de mes jambes et de la douce blancheur des flocons qui voltigeaient au-dessous de nous.
Commenter  J’apprécie          160
Les chairs blêmes, affaissées, il était de petite taille, et la maigreur de ses jambes, prises dans d'étroits hauts-de-chausse, ne faisait qu'accuser la rondeur de son ventre. Cette vieille perruque poudrée à frimas, chou-fleur fané sur son crâne chauve, ces mitaines noires, ce pourpoint sale et froissé, cette cravate de batiste jaunie, ces lunettes à monture verte de corne, ces chausses taillées dans une étoffe à carreaux, bref, tout dans sa mise contribuait à en faire une figure surannée.
Commenter  J’apprécie          150
Puis Euphemia dit :"Les gens sont plus intéressants que les livres, Richard. Et quand vous en avez assez d'eux, vous ne pouvez pas les reposer sur une étagère."
J'ai dit : "Je ne trouve jamais les gens inintéressants. Au contraire je les trouve si fascinants et si hauts en couleur qu'après de petites portions je dois m'éloigner, les mâcher tranquillement, et en analyser le goût."
Commenter  J’apprécie          140
-- Je ne comprends pas, dis-je. Alors que vous vous êtes donné tant de peine pour capter l'héritage - je me retins de préciser qu'elle n'avait pas hésité à faire occire ceux qui faisaient obstacle à ses desseins -, pourquoi renoncez-vous tout à coup à l'occasion d'en venir à vos fins ?
-- Trop de morts... fit-elle en chuchotant.
-- Venez, dis-je, maintenant nous devons nous présenter à un magistrat et lui rapporter les événements de la nuit.
Elle ne fit pas un mouvement, et je la vis frissonner. Je tendis la main pour l'inviter à me suivre. Et, posture ô combien grotesque aux yeux de quiconque aurait su tout le mal que cette femme, à moi comme au miens, avait infligé, s'en allaient à pas lents, sous un ciel que l'aube au levant pâlissait, deux silhouettes se tenant par le bras.
Commenter  J’apprécie          80
 - Hors ça ! Et tout l'ouvrage que j'aurais à faire par après, à vendre les meubles et arranger vos affaires avec le marchand et sans compter d'autre monde dans le village ? Combien de temps que ça va me prendre, ça, c'est bien ce que je me demande.
- Cela ne devrait pas vous prendre plus de deux semaines.
Bissett émit un petit grognement.
- Et où c'est-ti que je vas envoyer l'argent qui reste, moi, quand tout sera vendu et que j'aurai payé leur dû aux fournisseurs ?
- Je ne le sais pas encore. Je n'ai pas retenu de logement à... là où nous allons.
Bissett hocha lentement la tête.
- Vous ne vous fiez point à moi, madame Mellamphy, pas vrai ? 
Commenter  J’apprécie          70
A présent je dors très peu. A mon âge, on a besoin de moins de sommeil. Et puis, le peu de temps qu'il reste à vivre... Je vous vois sourire, mais je suis bien vieille, vous savez. Non, pas vieille, antique. Une relique d'un autre âge... Soit, mais cette nuit-là, je lisais, ici, lorsque j'ai entendu du bruit. Non, cela ne venait pas du dessous. Vous avez agi dans le plus grand silence et je n'ai rien entendu. Ce qui m'a fait tendre l'oreille venait de cet étage même. A la seule exception de Tom, la famille n'était pas ici, mais à Hougham. Il dort au premier... enfin, quand il lui arrive de rentrer ici pour la nuit. Mais je croyais savoir d'où provenait ce mystérieux bruit, car une ou deux fois je l'avais entendu au cours des précédentes semaines, et alors j'avais tout doucement ouvert ma porte et vu Mr Vamplew, qui a aussi ses appartements à cet étage, descendre l'escalier. La chose m'a semblé plutôt bizarre, et j'avais résolu de le suivre, autant que je le pourrais, s'il lui arrivait encore de quitter sa chambre la nuit. 
Commenter  J’apprécie          60
C'était plus que je n'en espérais. En face de nous, il se leva de son siège, et au même instant la voiture, qui abordait le tournant, eut un violent cahot. Surpris, l'homme perdit l'équilibre et desserra un peu l'étreinte qu'il exerçait sur mon bras. M'étant préparé à ce brusque mouvement du carrosse, je fus en mesure de donner à l'individu, avec toute la force que je pus rassembler, un coup de pied sur le devant de la jambe. Poussant un juron, il me lâcha la main et, bousculant la jeune dame, je me jetais vers la poignée de la portière près de laquelle elle était assise. Echappant désormais à la prise de l'homme et avant même que sa compagne n'eût le temps de comprendre, je réussis à manoeuvrer la serrure. Mais la dame se reprit sur le champ et me saisit aux basques. Je voyais au-dessous de moi les eaux gonflées du ruisseau, qui me sembla fort distant, mais je sautai et, ce faisant, je sentis ma jaquette se déchirer ; l'instant d'après, dans une gerbe d'éclaboussures, j'atterrissais à quatre pattes au fond du ruisseau. La chute tout d'abord m'étourdit quelque peu, mais le lit n'avait là que quelques pouces de profondeur et, si j'étais meurtri, je ne m'étais du moins rien cassé.
Commenter  J’apprécie          60



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Charles Palliser (435)Voir plus

Quiz Voir plus

Ce film d'horreur et d'épouvante est (aussi) un roman

Jack Torrance, gardien d'un hôtel fermé l'hiver, sa femme et son fils Danny s'apprêtent à vivre de longs mois de solitude. Ce film réalisé en 1980 par Stanley Kubrick avec Jack NIcholson et Shelley Duvall est adapté d'un roman de Stephen King publié en 1977

Le silence des agneaux
Psychose
Shinning
La nuit du chasseur
Les diaboliques
Rosemary's Baby
Frankenstein
The thing
La mouche
Les Yeux sans visage

10 questions
966 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinema , horreur , epouvanteCréer un quiz sur cet auteur

{* *}