Toute mon enfance, j'avais vécu dans la peur. Mon père créait la peur partout, tout le temps. Même quand il n'était pas là, j'avais peur. Cette crise était celle de trop. Je ne savais pas où s'arrêterait sa violence, quand s'arrêterait sa violence. Que devait-il se passer pour qu'il arrête ? Ce soir-là, je finis de basculer contre lui. Je basculai intérieurement, définitivement, complètement contre lui. Il fallait en finir.
Page 15, Gallimard, 2020.
La Golf blanche grimpe la route dans la forêt sombre. Au-dessus de la cime des arbres, on devine le ciel bleu et le soleil. Un motard en combinaison de cuir noir nous dépasse, son phare jaune scintille dans l'obscurité, son pot d'échappement pétarade. Mon père débraye, empoigne le levier de vitesse et accélère. Mes oreilles se bouchent, mes tympans vibrent, j'avale ma salive.
Page 62, Gallimard, 2020.
Quelque chose s’était refermé chez mon père, claquemuré au fond de lui. Tout ce qui était extérieur, même sa famille, l’agaçait. Nous étions une agression permanente pour lui, moi surtout, moi son fils. Il réagissait par la colère, la violence, les insultes, les humiliations. Il n’avait aucune tendresse, aucune gentillesse, aucune compassion. Nous étions de trop. Il ne nous supportait plus.