Le Retour
J'ai rêvé tellement de toi,
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi.
Il me reste d'être ombre parmi les ombres,
D'être cent fois plus ombre que l'ombre,
D'être l'ombre qui viendra et reviendra,
Dans ta vie ensoleillée.
Dernier poème de Robert Desnos
Mort du typhus à Theresienstadt le 8 Juin 1945
La mort est toujours triste, mais si l'on savait à quelles limites profondes de tristesse a été reculée la mort des détenus !
Seuls, sans avoir connu l'ivresse du combat, ils sont morts désolés sans qu'aucune main n'ait pressé la leur au Grand Moment, sans que personne ne leur ait clos les paupières, sans qu'aucun silence recueilli ne se soit fait autour d'eux à cette minute pour entendre s'envoler leur âme.
Le crachat du garçon du crématoire a souillé leur poitrine quand il y a inscrit le matricule au crayon d'aniline.
P. Maho matricule 42135 Dora
Les gosses nous jetaient des pierres et nous crachaient dessus, encouragés par les SS. Et ils nous insultaient :
-- Cochons de Français, race de cochon.
Je crois que si j'ai des gosses, je m'interdirai de les pousser à la haine.
On a fait notre devoir en rentrant dans la Résistance et c'est nous qui aurons le droit et le devoir de crier à la face du monde " arrêtez vos conneries".
C'est dans notre prison,
Mes compagnons,
Entre nos quatre murs de pierre,
Que nous avons compris,
Les anciennes leçons,
Et le prix des vieux mots oubliés,
Et le prix des biens de la terre,
Le prix de l'amitié, de la fraternité,
Et de ce bien sans prix,
LA LIBERTE.
Jean Nocher,
Prison Saint- Paul, 16 octobre 1942
La fin de ce voyage nous apparaissait comme la fin d'un cauchemar !
Au milieu de cette troisième nuit le train ralentit. On devait monter une rampe assez dure. Il s'arrêta enfin ! Dehors, un va-et-vient inhabituel nous faisait pressentir que nous étions arrivés. Où ? Qu'importe ! Nous étions arrivés et c'était fini ! Qu'est-ce qui était fini ?...
Nous allions voir, bien vite, que ça ne faisait que commencer !...