AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Charles Yu (92)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Chinatown, intérieur

Lorsqu'on évoque le racisme aux Etats-Unis, on a tendance à voir les choses en noir et blanc, oubliant que d'autres peuples en ont été victimes, en l'occurence les Asiatiques, présents sur le territoire américain depuis la conquête de l'Ouest au XIXème, participant notamment à la construction des chemins de fer et des ponts, travaillant dans les mines pour des salaires de misère. Sujet longtemps peu évoqué en littérature, mais qui est apparu récemment avec des ouvrages forts comme le Sympathisant ( Viet Thanh Nguyen  ) ou de l'Or dans les collines ( C Pam Zhang ) ou encore Certaines n'avaient jamais vu la mer ( Julie Otsuka ).



Charles Yu choisit une approche inattendue pour traiter l'épineuse question de l'intégration des citoyens américains d'origine asiatique, frappés du syndrome du perpétuel étranger malgré des décennies sur le sol américain.

Son roman se présente sous la forme d'un script de scénario avec les titres des scènes, des dialogues avec les noms des personnages centrés, et écrit avec la police courrier qui ressemble à l'écriture d'une machine à écrire. Willis Wu, le « tu » du roman, veut réussir à Hollywood mais son parcours est ardu du fait des clichés qui entourent les Asiatiques.



Ce qui frappe d'emblée, c'est le ton humoristique décapant qui innerve tout le texte. A commencer par la série policière Noir & Blanc dans laquelle Willis joue comme figurant, parodie hilarante mettant en scène un duo de policiers, une Blanche et un Noir, cherchant à se séduire tout en résolvant des enquêtes stupides. Willis se rêve Mister King Fu ( Bruce Lee comme modèle ) mais il lui faut gravir les échelons : « Oriental à l'arrière-plan », puis « Asiat' mort », « Asiat' de service 3-2-1 » pour espérer peut-être devenir Guest star. Mais lorsqu'on a été tué dans une série, il faut attendre 45 jours avant de pouvoir tourner à nouveau …



On est très vite embarqué dans cette satire sardonique d'Hollywood même s'il faut s'accrocher tant la construction est,certes brillante, mais complexe. Jamais l'auteur ne rompt la forme du scénario. Au contraire, il parvient à la plier pour aller plus loin, intégrant la vie personnelle de Willis dans sa vie professionnelle. Willis l'acteur semble interagir directement avec le Willis fils, mari et père. Souvent, on ne sait plus où s'arrête la scène du monde du spectacle et celle de la vie réelle.



Une fois qu'on a intégré les rouages et la dynamique créée par ce double scénario, on goûte l'acuité de l'auteur à nous faire comprendre l'expérience que vivent les Asiatiques, exotisés et sous-représentés. Willis et sa famille ont intériorisé un sentiment d'infériorité par rapport aux Blancs mais aussi aux Afro-Américains qui eux ont connu l'esclavage et la ségrégation. le racisme à leur égard n'est pas une version diluée de ce qui arrive aux Noirs, il a ses propres dynamiques avec un impact différent sur les victimes.



Les plus beaux passages sont ceux consacrés aux parents de Willis, la mère qui a été « Jolie fleur d'Orient », le père désormais «  Vieil asiat' ». Leur histoire est racontée comme des quasi nouvelles incisées dans le scénario général. Eux aussi ont été piégés dans leur Chinatown intérieur, matérialisé dans le roman sous la forme de l'immeuble où vivent les immigrés, avec le restaurant Pavillon d'or qui sert aussi de décor à la série policière.



Le dernier acte , plein de panache, vise particulièrement juste avec son tribunal de l'Amérique qui juge Willis d'être devenu l' « Asiat » qui disparaît » lorsqu'il a essayé de se fondre dans le creuset américain. Coupable d'avoir voulu de faire partie de quelque chose qui n'a pas voulu de lui. Coupable de vouloir être traité comme américain et non d'être obligé de s'inventer un accent asiatique qu'il n'a pas pour être pris sur certains rôles. Coupable de jouer le rôle de l'asiat' de service, de le laisser le définir, de l'intégrer au point de rêver d'être un homme blanc.



Il est rare de lire un roman aussi incisif et inventif pour mettre en accusation les stéréotypes et lacérer la répétition des clichés qui fracture une vie. Exigeant mais vaut vraiment le coup.

















Commenter  J’apprécie          1055
Super-héros de troisième division

Un style qui n’est pas fait pour moi.

Un style froid, volontairement désincarné. Quelque-chose qui me dépasse. Pas d’émotion. Pas de sentiment. Des personnages vides, sans âmes, qui évoluent dans des paysages figés. Pas de quoi sauter au plafond.

C’est un catalogue d’historiettes dépassionnées, absurdes, décalées, pointant l’impossibilité absolue pour l’Homme d’atteindre ses rêves. On va toujours le retrouver noyé dans ses propres insuffisances, ses doutes. Dans ce monde du paraître qui est le nôtre, le pauvre trouvera toujours quelqu’un de plus fort, de plus doué qui l’humiliera, l’abaissera un peu plus, lui fera sentir plus fort son échec. Un Homme qui vit dans une solitude abyssale, presque dérangeante.

Allons ! j’ai quand même aimé la première nouvelle qui a donné le titre au livre. Son côté cartoon m’a fait sourire. Un tout petit peu. C’est l’histoire d’un super-héros avec cape et combinaison incapable de voler et de sauver son prochain. Le comble pour un super-héros. C’est une sorte de super-héros métro boulot dodo obligé de vivre avec ses ambitions refoulées. Quand enfin il a l’occasion inespérée de combattre les méchants, l’imbécile n’est pas foutu de décrocher la ceinture de sécurité de son bolide. Qui n’a pas été entravé dans ses espoirs fous par les aléas et les petits tracas de la vie quotidienne ?

Dans ce livre, on est en plein dans la culture Geek, dixit le résumé de l’éditeur. Je ne sais pas ce que c’est la culture Geek, moi ! Enfin si, un peu quand même ! mais je n’ai pas trop envie d’approfondir, et encore moins après cette lecture éprouvante.

En résumé, une bien mauvaise pioche.

Un petit merci à Masse Critique et aux éditions « Aux forges de Vulcain » pour ce livre au titre pourtant prometteur.

Commenter  J’apprécie          814
Chinatown, intérieur

C'est l'histoire de Willis Wu et de sa famille américaine d'origine chinoise racontée à travers un scénario de série télévisée. Wu est coincé à Hollywood comme figurant dans le rôle d'homme asiatique, « Generic Asian man » , dans la série policière "Noir et Blanc", alors qu'il aspire à être mondialement célèbre en "Kung Fu Guy", symbole optimum du chinois qui a réussi chez les Blancs. Les parents Wu ayant été eux aussi toute une vie dans Hollywood-off, coincés dans des rôles d'asiatiques stéréotypés, imposés par les Blancs, la mère qui en a bavé et sait de quoi elle parle fait promettre à Willis de ne jamais devenir un " Kung Fu Guy", alors que pour lui c'est l'apothéose du succès, en est-elle vraiment ?



La structure narrative, donc ici un scénario de série télévisée, semble être au premier abord original, mais rend la lecture difficile. Dés le début il faut s'accrocher, mais après un moment on s'aperçoit que ça n'en vaut pas la peine, vu le contenu, mais on s'accroche quand même car la tentation d'abandonner le livre est très forte. On insiste uniquement pour comprendre pourquoi ce bouquin a gagné le prestigieux National Book Award 2020, pour finalement en arriver à la réflexion, Tout ça pour ça ? Un grand bazar où se mêlent "réalité" et fiction pour tout simplement raconter la difficulté d'être un immigrant chinois aux États Unis, le racisme des Blancs envers les Jaunes, l'Asiatique, l'américain ne faisant aucune. différence entre japonais, chinois, taïwanais, coréen ou vietnamien ....

Une histoire patchwork superficielle, que ni la prose fluide (v.o), ni l'humour n'arrivent à sauver. Quand à la forme dont je viens d'en dire tout le bien, j'y ajouterais que l'utilisation de la deuxième personne du singulier qu'emploie l'auteur pour Willis, rend le texte impersonnel et renforce sa superficialité . Pourtant il y a de bonnes idées, surtout lorsque Willis fait sa propre plaidoirie devant le juge et accepte le fait que se sentir inférieur au Blanc, aspirer à être Blanc ne lui facilite pas la tâche pour se défendre face au racisme du Blanc. Paradoxalement il voudrait être reconnu comme américain et non comme l'homme asiatique. Dommage car nier ses origines ou en avoir honte complique encore plus le problème d'identité et rend la personne plus fragile face au racisme.

Malheureusement je m'en rends compte une fois encore qu' entre moi et la Littérature chinoise même déguisée en américain, ça passe pas 😆! Un livre personnellement que je ne pourrais vraiment conseiller vu que je n'ai pas pris plaisir à sa lecture, mais si vous le receviez jamais comme cadeau de Noël, courage 😁!





Allen was Wu and Park and Kim and Nakamoto, and they were all Allen. Japan, China, Taiwan, Korea, Vietnam. Whatever. Anywhere over there. Slope. Jap. Nip. Chink. Towelhead. Whatever......Asian Man.

(Allen était Wu et Park et Kim et Nakamoto, et ils étaient tous Allen. Japon, Chine, Taïwan, Corée, Vietnam. Peu importe. N'importe où par là-bas. Slope.Jap.Nip.Chink.

Tête de serviette. Peu importe.....L'Asiatique.)
Commenter  J’apprécie          7512
Chinatown, intérieur

Américain d’origine asiatique né à Taïwan, Willis tente désespérément de percer au cinéma et dans les séries télévisées. Tirant le diable par la queue, il fait de la figuration et cumule les petits rôles, dans l’espoir de devenir un jour la vedette de films de kung-fu. Il réalise peu à peu que ces rôles souvent insignifiants et toujours stéréotypés réservés aux « Asiats » par Hollywood ne sont que l’exact reflet de la place accordée aux « ni Noirs, ni Blancs » aux Etats-Unis.





Ecrivain mais aussi scénariste pour la télévision américaine, Charles Yu a choisi d’écrire ce livre à la manière d’un script, tutoyant le lecteur pour mieux le faire entrer dans le rôle du personnage asiatique, et confondant sans cesse fiction et réalité dans l’idée que l’image renvoyée par les productions audiovisuelles en dit long sur les représentations et les interactions sociales qui régissent le pays tout entier. Sous couvert d’un texte aux allures de farce souvent loufoque, l’auteur se livre en fait à une sorte d’analyse sociologique des films et séries produits par Hollywood, y retrouvant en condensé les modes de pensée, les rapports sociaux et les clichés raciaux qui prévalent ordinairement aux Etats-Unis. Il rappelle ainsi, qu’éclipsée par la forte et historique confrontation entre le « noir » et le « blanc » en Amérique du Nord, la discrète et calme communauté asiatique n’en souffre pas moins de préjugés d’autant plus pernicieux, qu’ils font partie d’un inconscient collectif intériorisé par les premiers concernés eux-mêmes.





Audacieux dans sa construction, brillant dans sa démonstration, ce livre plein de dérision est un véritable tour de force expérimental. Sa lecture n’en est toutefois pas vraiment une promenade de santé. Souvent sans repères dans ce texte labyrinthique où l’on ne sait plus où s’arrête la scène et où commence la ville, le lecteur devra accepter de se laisser déstabiliser et de voguer à vue dans un univers déstructuré aux apparences absurdes. J’en ressors admirative de l’exploit littéraire et de son intelligence, mais assez soulagée d’en être venue à bout.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          710
Guide de survie pour le voyageur du temps a..

Publié en 2010, ce roman a terminé la 2e place du Locus du premier roman (devancé par ‘Les cent mille royaumes' de N.K. Jemisin) en 2011.



Je l'ai sorti de ma pàl pour le challenge ABC qui se termine bientôt (plus que le X à valider).



Comment parler de ce livre totalement farfelu ? Je l'ai trouvé très drôle et j'ai beaucoup aimé le ton et le rythme (c'est raconté à la première personne). L'écriture est assez fluide même si de temps en temps on peut se sentir un peu perdu dans certaines explications techniques / (pseudo)scientifiques.



« - le tau ne se module pas. Tu y comprends quelque chose ? m'a-t-il demandé en pointant du doigt un tableau couvert d'équations différentielles.

- Je ne sais même pas ce que je regarde. »



Je compatis.



C'est donc l'histoire d'un réparateur de machines à voyager dans le temps à la recherche de son père. C'est surtout une réflexion captivante sur la mémoire et les regrets qui jalonnent une vie. Sur la fin je n'ai pensé qu'à une chose Faudra lire le livre pour le savoir je n'ai pas l'intention de vous le dire.



Morale de l'histoire : voyager dans le temps prend du temps alors ne perdons pas de temps et vivons l'instant présent !









https://www.youtube.com/watch?v=ur57IunS9To





Challenge ABC 2021/2022

Challenge mauvais genres 2022
Commenter  J’apprécie          477
Fable

Très agréable lecture de ce conte moderne aux allures de rêve. Une nouvelle qui se lit en une heure, soit le temps d'une séance de psychanalyse et ce n'est pas un hasard car le narrateur est effectivement étendu sur le divan de sa thérapeute. Cette professionnelle lui demande de se raconter à travers une fable, exercice périlleux pour la plupart des gens mais dont le narrateur se tire plutôt bien, commençant par un peu de badinage puis s'enfonçant mine de rien dans la gravité puis le drame.



C'est justement ce mouvement de descente dans l'intime qui est remarquable, ainsi que le style vraiment intéressant. Par petites touches l'humour se retire du récit pour traiter de la différence, du handicap, de l'inadaptation à l'environnement de vie, des rêves brisés et au bout du chemin, de l'espoir ou plus justement de la capacité de l'homme à se redresser, à rebondir, à continuer d'avancer malgré les épreuves.



L'auteur veut nous montrer qu'une vie est vraiment faite de pages comme les livres de contes et qu'une fois une tranche de vie terminée, on passe à la suivante sans pour autant garder avec soi ses casseroles.



Un joli texte pour une évasion pleine de sens et de discrète sensibilité.





Challenge RIQUIQUI 2021

Challenge ABC 2020 - 2021

Challenge MULTI-DEFIS 2021

Challenge des 50 objets 2020 - 2021
Commenter  J’apprécie          350
Chinatown, intérieur

Willis , un américain d’origine asiatique qui tente de percer à Hollywood dans un monde qui voit tout en noir et blanc.





Un roman d'une très grande originalité tant dans le fond, l'impossible place des asiatiques dans la société américaine, que dans la forme, la réécriture d'un scénario de cinéma.



Une satire drôle et noire sur Hollywood qui fait parfois penser à certains films de Cronenberg ( Cosmopolis, “Maps to the Stars”) ou à la série Master of oe utilise la distanciation pour traiter la réalité quotidienne des Américains d’origine asiatique, qui ont souvent collés au corps cette impression de ne jamais etre totalement chez eux.



L'auteur a collaboré pour plusieurs séries Westworld ou Legion. et visiblement son roman est tiré de son expérience personnelle .



UN roman ludique brillant et vraiment singulier., OVNI- OLNI plutôt inclassable et sidérant
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          320
Guide de survie pour le voyageur du temps a..

Guide de survie pour le voyageur de temps amateur de Charles Yu est en fait le journal de bord du narrateur, le même Charles Yu qui se met en scène dans l'histoire, qui est réparateur de machines à voyageur dans le temps. Ca fait une dizaine d'années qu'il est coincé dans une machine : son moi du passé tente d'assassiner son moi du présent. J'avoue que le côté humoristique du paradoxe temporel avant de quoi s'intéresser, moi qui m'intéresse de près à la question. Malheureusement, ce roman est une grosse déception. Bien sûr, j'ai aimé le côté paradoxe et les nombreuses allusions à des ouvrages et auteurs de science-fiction. Malheureusement, le côté technique m'a perdu, je m'attendais un livre simple d'approche et ce n'était pas tout à fait ça. Il y a un côté philosophie, de très belles phrases d'ailleurs mais très peu d'actions. le narrateur raconte son enfance avec l'absence de son père qui a été dur à accepter, les rapports qu'il entretenait avec lui prennent une belle place comme l'acceptation de cette absence par sa mère. Peut-être que si je n'avais pas d'attentes particulières, ce roman (aux airs autobiographiques ?) ne m'aurait pas autant déçue ?

Heureusement qu'il ne faisait que 300 pages, j'ai longuement espéré un évènement déclencheur en vain. J'aurais pu abandonné...
Commenter  J’apprécie          312
Chinatown, intérieur

C’est grâce à l’acharnement des éditions Aux Forges de Vulcain que l’on connaît en France l’oeuvre de Charles Yu.

Et si ce nom ne vous dit rien, sachez qu’il nous a non seulement gratifié de deux excellents recueils de nouvelles (Pardon, S’il te plaît, Merci et Super-Héros de Troisième Division), d’un roman de science-fiction (Guide de survie pour le voyageur du temps amateur) mais qu’il est scénariste/producteur pour certaines des plus brillantes séries TV modernes telles que Westworld ou Legion.

Et pour cette rentrée littéraire, Charles Yu revient en langue française avec son second roman : Chinatown, Intérieur.



Le script de ta vie

Si deux éléments sont très importants avant de commencer à parler de Chinatown, Intérieur, c’est de rappeler que Charles Yu est un auteur américain d’origine Taïwanaise mais qu’il est aussi un scénariste qui connaît ainsi très bien l’envers du décor Hollywoodien et les subtilités des séries américaines.

[Alors, allons-y, moteur !]

Voici Willis Wu, un Asiat’ comme un autre, une face de citron. Willis Wu rêve d’une seule chose : devenir Maître Kung-Fu. Mais avant cela, Willis doit gravir les échelons de la réussite à Chinatown : Asiat’ Mort, Asiat’ de Service n°3, Asiat’ de Service n°2, Asiat’ de Service n°1… Bref, ce n’est pas demain la veille qu’il va pouvoir rendre fier son père, vénérable maître Sifu et ex-star de Chinatown ou sa mère, Vieille Asiat’ (Femme) dont la gloire et la beauté semblent avoir fané en même temps.

Willis a pourtant la chance de bosser dans une série incontournable : Noir et Blanc. Avec Green, l’inspectrice blanche avec une queue de cheval (car c’est plus sexy et plus viril à la fois, allez comprendre) et Turner, l’inspecteur noir un peu rentre-dedans. Bon, bien sûr, Willis n’est pas devant avec eux, il n’est même pas sur la banquette arrière de leur voiture de service mais plutôt là-bas, quelque part au fond, à gauche, dans la pénombre d’une ruelle en train de passer le balais.

Willis n’est qu’un Asiat’ de Service après tout, parmi tant d’autres comme lui à Chinatown. Comment peut-il se faire une place entre Noir et Blanc ?

Comme il faut bien nourrir la famille, Willis et les autres Asiat’ vivent au dessus d’un restaurant (asiatique, forcément) appelé Le Pavillon d’Or. Et quand tu ne peux pas être une Incroyable Guest-Star ou un Maître Kung-Fu, ni même un Asiat’ de Service n°3, alors tu peux faire la plonge ou être serveur au Pavillon d’Or. C’est déjà ça.

[Coupez !]

Ce monde bizarre, à mi-chemin entre le réel et la série TV, c’est l’idée principale de Charles Yu pour causer du sort des asiatiques (et l’on inclut ici pas mal d’ethnies, de Taïwan à la Chine en passant par le Japon et le Vietnam) dans une Amérique qui n’a fait de la place que pour le Blanc et le Noir (enfin… #Teasing). Willis, c’est l’exemple de l’américain d’origine asiatique qui a grandit dans le monde où Bruce Lee était une icône, une légende, un Dieu vivant… qui était une illusion cruelle à l’arrivée pour tout un tas de raisons. Dans Chinatown, Intérieur, Charles Yu s’appuie sur les théories du sociologue canadien Erving Goffman qui envisage la vie sociale comme un théâtre avec des acteurs, des coulisses, une scène. Yu transpose cette théorie à un milieu qu’il connaît par cœur, celui de la série TV et d’Hollywood.

Le monde qui en résulte est un hybride où notre monde réel entre en collision et fusionne avec une série télé grandeur nature où les personnages sont aussi des acteurs et où les acteurs sont aussi des personnages.

En adoptant la forme d’un script télévisuel, Charles Yu fait le choix de l’audace narrative. Le lecteur recompose le monde à l’aune de l’image culturelle et sociale renvoyée par Hollywood et revoit notre vie en mode cinéma avec tous les stéréotypes et les cases que cela implique, toutes les larmes, les rires, les tragédies, les morts et les amoureux d’une vie ou d’un jour qui se cachent derrière.

Pour capturer davantage son lecteur, Charles Yu décide de s’adresser à lui en « tu », une façon discrète, mais brillante, de casser le quatrième mur et de faire de son lecteur un acteur-lecteur, une contraction à l’image du monde qu’il a créé.

[Pause… bon, on y est ? Tu me suis ?

Tout le monde à sa place !]



Comprendre l’Amérique et l’Asiat’ de Service

Chinatown, Intérieur adopte donc la forme d’un script. Mais pas que.

Dans les creux, tu vas trouver, toi lecteur impatient, des monologues et des histoires. Celle de Willis, bien sûr, mais aussi celle de Grand Frère, de Maitre Sifu ou de Dorothy, de gens qui ont des noms ou qui n’en ont pas, qui ont des rôles et qui n’en ont plus. Au milieu de tout ça, tu découvres la vie et les brimades d’un peuple qui, finalement, ne peut pas être Américain. Par la loi, par les clichés, par le racisme. La supercherie là-dedans, c’est que derrière Noir et Blanc, l’Asiat’ touche systématiquement un plafond de verre qu’il ne peut pas briser. Même en étant père, on devient Papa Kung-Fu. Et si, par bonheur, on va un peu plus loin, on retombe dans un autre rôle de la société américaine : Monsieur Tout-Le-Monde.

Bien sûr, Monsieur Tout-Le-Monde doit être discret, il n’a plus l’accent de l’asiatique, ni sa couleur de peau (ou alors pas grand chose) ni son Chinatown empilé encore et encore sur la misère et l’oppression.

Le roman de Charles Yu pourrait ne parler que du racisme envers les américains d’origine asiatique mais non. Non, car même si Charles Yu nous fait vivre à Chinatown à hauteur de son personnage principal, il tient à vous montrer que le reste dehors, c’est miné de cases. Le noir s’en sort-il vraiment mieux que l’Asiatique ? La femme blanche n’est-elle pas un autre cliché sur pattes ? Dans cette société du paraître, on ne sait plus vraiment si le cinéma a créé le monde ou si le monde a créé le cinéma. Prisonnier d’un univers régit par des rôles, tout le monde perd, tout le monde échoue à un moment ou un autre.

Chinatown, Intérieur comprend non seulement que le monde piège et enferme tout le monde dans diverses cases, mais il explique aussi qu’à force, même ceux qui sont dans des cases finissent par se convaincre qu’ils correspondent et doivent coller aux stéréotypes. C’est en refusant et en parvenant à retrouver qui l’on est que l’on devient enfin quelqu’un qui n’est pas défini par un rôle aliénant et culpabilisant.

Dans le fond, Charles Yu explique que l’on ne grade pas la souffrance et l’expérience, que l’humiliation et le racisme même sans esclavage même sans torture, c’est toujours du racisme et de l’humiliation.



Et puis…là…tu pleures !

Mais cette structure et ce message aussi fort et subtilement charpentés soit-ils permettent-ils vraiment autre chose qu’un exercice formel et politico-social ?

Charles Yu, avant de nous parler du racisme, de l’oppression de l’injustice et de tout ce qui ronge les asiatiques aux États-Unis, Charles Yu pense d’abord à ses personnages comme dans une bonne série ou dans un bon roman.

Comme dans une grande histoire américaine.

La force immense de Chinatown, Intérieur c’est de ne jamais négliger l’intime de ses personnages devant l’importance du message et de parvenir à fondre les deux en un.

Willis Wu devient un protagoniste d’une justesse exceptionnelle grâce à l’écriture enlevée et formidable de l’auteur américain.

Mieux encore, malgré l’absurde des situations, malgré l’horreur et la gravité de ce qui est décrit dans ces pages, Charles Yu arrive à être aussi drôle [Rires, Applause !!] que déchirant [Larmes, Cry me a river !!!].

La description minutieuse de la vie de Willis mais aussi de ceux qui l’entourent, les anonymes de Chinatown qui retrouvent un nom et une famille, les parents qui ont pour leur enfant le rêve autre chose que du Kung-Fu, la femme qui veut enfin quitter ce ghetto d’opérette, c’est cette description qui fait toute la différence et qui déchire littéralement le cœur du lecteur.

Car c’est une chose de discourir sur le racisme et c’en est une autre que de l’incarner dans le réel, avec les acteurs et les victimes, les seconds rôles et les complices.

Charles Yu fait tout ça, il fait passer du rire aux larmes, du kung-fu au premier rendez-vous, de Taïwan à Chinatown, des rêves d’un gamin à la conscience émouvante d’un père.



Chinatown, Intérieur est un chef d’oeuvre.

Que peut-on en dire de plus ?

Que c’est un grand roman américain sur l’Amérique et le fait d’être Asiatique en Amérique hier et aujourd’hui ?

Que c’est une audace narrative et formelle qui confine au génie ?

Que c’est un entrelacement d’histoires et de destins drôles et tragiques ?

On pourrait te le dire, mais si tu n’as pas déjà ouvert le livre alors, c’est que tu n’as pas du lire comme il faut !
Lien : https://justaword.fr/chinato..
Commenter  J’apprécie          292
Guide de survie pour le voyageur du temps a..

Après avoir connu quelques déceptions ces derniers temps, avec des livres qui ne m'ont pas tout à fait offert ce que j'attendais d'eux, je viens de vivre l'expérience inverse avec ce "Guide de survie pour le voyageur du temps amateur". À vrai dire, j'avais repéré ce roman à sa sortie en 2016, celui-ci abordant des sujets susceptibles de m'intéresser, mais je n'en attendais pas monts et merveilles... à tort, car il est allé bien au-delà de mes espérances. Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un roman aussi drôle, mais qui a également la bonne idée de pousser à la réflexion, de faire tourner à fond les turbines de l'imagination, et qui n'oublie pas d'être émouvant...



De quoi s'agit-il exactement ? Le titre à rallonge annonce la couleur : on parlera de voyages temporels. Mais le titre d'origine est peut-être encore plus révélateur : on pourrait le traduire littéralement par "Comment survivre dans un univers de science-fiction". Le narrateur (nommé Charles Yu, donc un avatar de l'auteur lui-même), travaille dans les services techniques de l'Univers Mineur 31, un monde de science-fiction médiocre et laissé inachevé par ses concepteurs, où il est chargé de réparer les erreurs commises par les voyageurs temporels... car si l'on ne peut aller jusqu'à modifier le passé en voyageant dans le temps, on peut néanmoins y semer la pagaille. Dans la fiction inventée par Charles Yu (l'auteur) et décrite par Charles Yu (le narrateur), plusieurs réalités et temporalités cohabitent : par exemple, sa mère s'est réfugiée dans une "boucle temporelle prépayée" qui lui permet de revivre sans cesse une seule et même heure de son existence passée, et les lois de la physique se confondent avec celles de la narration, ce dernier point n'étant pas sans rappeler certains aspects des aventures de Thursday Next par Jasper Fforde, même si le résultat est très différent.



Le roman dans son ensemble est en tout cas inventif et brillant, autant que très référencé et, osons l'admettre, geek. Il faut être un amateur de science-fiction pour comprendre pourquoi des remarques comme : "Les protagonistes sont habilités à s'orienter vers n'importe quel genre littéraire. En ce moment, le steampunk offre des perspectives intéressantes" sont drôles et pertinentes. Le récit présente en outre pas mal de passages de théorie scientifique ou pseudo-scientifique dont je ne suis pas parvenu à déterminer, faute de connaissances suffisantes en la matière, s'ils se contentaient de pasticher les romans et nouvelles de hard-science ou s'ils développaient des concepts sérieux... la vérité se situant sans doute quelque part entre les deux.



Au-delà de l'aspect SF, de "grands thèmes" plus universels parcourent également ces pages, et finissent d'ailleurs par prendre le dessus sans crier gare : l'ambiance farfelue et le ton volontiers goguenard du début cèdent en partie la place à une certaine mélancolie tandis que le narrateur se retrouve confronté à son passé et que ressurgissent les souvenirs liés à son père disparu. Cette rupture, qui pourrait déranger les lecteurs de SF purs et durs, ne m'a pas déplu, au contraire. J'ai aimé Ed, le chien qui n'existe pas puisqu'il a été rayé du script, et l'hilarante TAMMY, le logiciel dépressif pour lequel le narrateur éprouve de tendres penchants, autant que j'ai aimé le père, au destin si touchant d'inventeur dont le génie ne sera jamais reconnu à sa juste valeur. Chose assez rare, je me suis trouvé en phase avec ce roman de la première à la dernière page, songeant au bout du compte que c'est une oeuvre que j'aurais voulu écrire... bien que n'ayant pas la moitié du talent de Charles Yu, dont il s'agit, il faut le noter, du premier roman !



Ce "Guide de survie pour le voyageur du temps amateur" semble être plus ou moins passé sous le radar des amateurs de science-fiction, au moins par chez nous, peut-être parce qu'il a initialement été publié par un éditeur (Aux Forges de Vulcain) qui ne fait pas partie du "Milieu". Espérons que sa récente reprise en poche chez Folio SF lui apporte une nouvelle visibilité et lui donne tout le succès qu'il mérite.
Commenter  J’apprécie          244
Chinatown, intérieur

C'est roman très court, à première vue, mais qui se révèle rapidement plein à ras bord de bonnes idées. La forme, pour commencer, bien sûr, aussi esthétique que brillante, mêlant l'aspect des scripts originaux du cinéma dans un tutoiement fascinant d'introspection, à des paragraphes d'une beauté et d'une poésie singulières.



La forme, la voilà, mais que dire du fond ? Là encore la surprise a été totale pour moi. On comprend très vite que la forme n'était pas qu'une mise en abîme ou un effet de style bienvenu (compte tenu du sujet du récit), mais bien le révélateur d'un sens aigu de l'être humain, de ses aspirations, de ses propres tromperies, le tout sous la chape d'une tendresse considérable pour ses protagonistes.



Une oeuvre d'une originalité totale, d'une profondeur inouïe, et même... un indispensable de cette rentrée.
Commenter  J’apprécie          220
Chinatown, intérieur

Qu’est-ce qui fait qu’un Asiat’ est si difficile à intégrer aux USA, pays du Noir et du Blanc ?



Cette question ouvertement posée lors du procès de Willis - Asiat’ de service de niveau 4 devenu Mister Kung-Fu dans la classification des producteurs de cinéma US - pourrait suffire à résumer cette petite perle littéraire qu’est Chinatown intérieur de Charles Yu, traduit par Aurélie Thiria-Meulemans. Un livre aux deux lectures possibles.



La première, est l’histoire désopilante de cette impossible « ascension sociale » au sein des studios de Hollywood, que la communauté asiatique du Chinatown californien nourrit depuis des années en rôles invisibles d’Asiat’. Des immigrés et fils d’immigrés de longue date, devenus chairs à pellicule et éléments de décors. Toujours présents dans les films et séries, on ne les voit pourtant jamais.



Sifu, le père de Willis a eu son heure de gloire, comme ensuite son Grand Frère avant qu’il ne quitte subitement la scène. Willis croit en son destin et en son Nirvana cinématographique. Il y travaille dur, au point de s’aveugler sur tout le reste et le sens de cette impossible quête. C’est drôle, très drôle, bourré de clichés, de références et de dialogues truculents, tournant souvent à l’absurde, comme pour mieux illustrer la vacuité de ces espoirs de petite gloire.



Et puis derrière la farce, il y a cette satire d’une société américaine obsédée par ses impératifs binaires d’intégration des Noirs avec les Blancs, oubliant au passage les autres nuances d’origines, ici asiatiques. Un propos qui culmine au moment du procès final qui, à défaut de prise de conscience collective, débouche sur un joyeux bordel salvateur. Un régal !
Commenter  J’apprécie          210
Guide de survie pour le voyageur du temps a..

Charles Yu est réparateur de machines personnelles à voyager dans le temps dans son monde fictionnel. Alors qu'il est exceptionnellement de passage dans sa ville fictionnelle pour l'inspection de sa machine, il se retrouve coincé dans une boucle temporelle juste après avoir tiré sur son double du futur...



Un premier roman ambitieux et assez complexe bien qu'agréable à lire malgré les diverses mises en abyme et concepts scientifiques temporels.

L’emboîtement des poupées russes commence avec Yu qui se met en scène dans son histoire et crée un univers diégétique, fabriqué donc consciemment dans le domaine littéraire (ce qui rappelle d'une certaine façon la série Thursday Next de Jasper Fforde), dissocié des autres univers, y compris le nôtre. Un univers dont les personnages ont conscience qu’il n’a jamais été achevé, un univers où les villes se télescopent et forment de nouvelles mégalopoles perdues on ne sait trop où dans cette géographie didactique. Ensuite, et c’est là que ça commence à devenir compliqué : Charles Yu l’auteur a écrit un livre sur Charles Yu le personnage qui rencontre son futur-lui qui lui révèle que tout est dans le livre que son présent-lui va écrire, celui-là même que nous lisons et qui se construit au fur et à mesure de notre lecture.

Vous suivez ? :D

Ainsi, en plus des mises en abyme susmentionnées, l’auteur transporte ses personnages et lecteurs dans un tourbillon temporel où l’intrigue se retrouve conjuguée à tous les temps de l'indicatif. (On a dit que c’était complexe.)

Attendez, cela ne s’arrête pas là. Car c’est une histoire de science-fiction qui prend au mot les sens de « science » et de « fiction », faisant un nombre incalculable de références du genre : avec entre autres la saga Star Wars, et bien évidemment Le Guide de survie du voyageur galactique de Douglas Adams. Les éditeur/traducteur ont certainement voulu faire une référence à ce dernier dans le titre choisi, qui, au contraire du titre original en anglais, ne prévient pas que la fiction que nous allons lire est connue comme étant fictionnelle par les personnages (le titre anglais étant « How to Live Safely in a Science Fictional Universe », la nuance se trouvant bien dans « fictional », notez bien l’absence du mot « fiction », voire même du tiret de « Science-Fiction »).

Ahhhhh (soupir).

Cela fait beaucoup, mais on se laisse néanmoins embarquer dans cette histoire archi originale et surtout unique en son genre. Attention toutefois à la rythmique du texte qui n’est pas constante. Après une première partie assez divertissante, la deuxième (dans laquelle le personnage Yu se retrouve confronté à son passé et surtout aux évènements qui ont conduit à la disparition de son père) s'avère beaucoup plus nostalgique et donne un ton différent au livre. Ce dernier gagne en profondeur de manière littérale et métaphorique. Les passé-présent-futur partagent des liens entortillés quelque peu obscurs auxquels la physique théorique tente de répondre. Mais l’originalité et l’humour qui constituaient la première partie semblent déjà bien loin à ce moment-là.

Ne boudez pas ce petit OLNI qui a le mérite d’être clairement différent du reste (par contre éditeurs, revoyez votre copie, les fautes sont nombreuses).
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
Commenter  J’apprécie          190
Chinatown, intérieur

Un livre original, créatif et déjanté.

En prenant le parti pris d'ancrer ses personnages dans la réalité mais aussi dans des scripts, des scenarii, Charles Yu nous perd parfois tout en nous laissant éveillé.

Ce roman intelligent et irrévérencieux dénonce les stéréotypes racistes à l'encontre des sino-américain.

C'est plein de métaphores et en toile de fond se dessine la façon dont nous vivons en fonction du scénario qui nous est distribué.

C'est sarcastique.

Certains ont vu de l'humour ; en ce qui me concerne, j'ai ressenti surtout du pessimisme.

La liste des lois américaines sur l’émigration asiatique sont effroyables.

Un livre à part et qui vaut le coup.
Commenter  J’apprécie          190
Chinatown, intérieur

La forme et le fond.



Ce qui frappe au premier abord c’est le contenant, particulièrement original, avec une histoire écrite à la manière d’un script (police de caractère spécifique incluse). Tout y est, les scènes découpées, les dialogues, le cut…



Le côté ludique prend d’emblée, amuse, distrait, mais vite viendra le fond, bien plus profond qu’il n’y paraît.



Charles Yu peut se permettre d’utiliser ce genre de fantaisie. Outre sa carrière d’écrivain, il est scénariste et producteur pour certaines séries TV connues et remarquées comme Westworld ou Legion.



Ce roman est un OVNI, mais surtout un livre qui marque l’esprit. Parce que derrière cette forme, il y a un propos très réfléchi, que l’aspect ludique fait passer insidieusement ; le racisme envers les personnes d’origine asiatique. Jusqu’à en rire jaune (expression très adaptée au contenu du roman et qui n’est pas raciste, elle, vous pouvez vérifier sur internet).



Le pitch : quand on est Asiat’ de service, on rêve de devenir un jour Mister Kung-Fu, sortir du flot jaune pour devenir quelqu’un. Dans le milieu qui sert de prétexte, le cinéma ou les sitcom TV, comme dans la vraie vie.



La frontière entre imaginaire et réel se brouille vite dans ce livre. La fiction et la réalité fusionnent, s’entrechoquent et choquent à partir du moment où on a compris que les sujets seront plus sérieux qu’il n’y paraît.



La voix-off susurre son message, le lecteur devient acteur par la narration audacieuse, inclusive.



Parce que notre monde n’est qu’image, souvent déformée, détournée de sa substance. On ne creuse pas, on ne cherche pas suffisamment à comprendre l’autre.



Vous êtes-vous déjà réellement demandé pourquoi les asiatiques vivent en communauté, souvent refermés sur eux-mêmes ? Pensez-vous vraiment que c’est un choix ? La place de l’asiatique dans nos sociétés, aux USA mais aussi ailleurs (le constat et le « procès » peut s’appliquer à la France) est loin d’être qu’une affaire de choix.



Charles Yu use des stéréotypes pour défoncer les portes, celles de l’incompréhension, du manque de communication et de respect, des inégalités, de la misère cachée.



Mais il ose aussi l’autocritique appuyée, à la limite de la psychanalyse de groupe. Toujours avec une bonne dose d’autodérision. Il n’y a que peu de doutes que l’écrivain parle de ce qu’il connaît et a sans doute vécu.



Yu a un sacré culot. Son analyse sous-jacente est brillante, et il ose même jusqu’à comparer les racismes. Sa série TV fictive s’intitule « Noir et Blanc » et met en scène deux flics « parfaits » de deux communautés. L’asiat’ de service y reste toujours en toile de fond.



Jamais l’auteur ne cherche à dire qu’un racisme est pire que l’autre, mais avec force et justesse il fait comprendre qu’il y a différentes formes et manières de le vivre. Sociologiquement, c’est incroyablement lucide. Il ouvre les couvercles de boites jusque-là hermétiques.



Voilà un roman à lire entre les lignes, parfois elliptique mais vite d’une intelligente clarté. C’est drôle, touchant, virtuose, poignant…



Chinatown, intérieur est un livre inclassable, habile et clairvoyant. Charles Yu est un conteur qui maîtrise l’art de la distraction, et qui a compris que c’est un excellent moyen de faire comprendre le monde. Remarquable !



C’est le script d’une vie, qui démontre aussi qu’il y a une place pour un autre scénario, si on prenait la peine de se comprendre les uns les autres.
Lien : https://gruznamur.com/2020/0..
Commenter  J’apprécie          172
Fable

Dans un petit format, les éditions Aux Forges de Vulcain proposent à la lecture (non pas à la vente, mais comme outil promotionnel) la nouvelle « Fable », de Charles Yu, récit initialement paru dans le journal New Yorker le 23 mai 2016.



Contes enchâssés

Il était une fois un homme qui enchaînait les récits débutant par « il était une fois ». En effet, sa thérapeute l’enjoint à s’épancher sur ses problèmes en inventant des récits sous forme de contes ou de fables. Alors il s’épanche. Au départ, doucement, voire avec beaucoup de réticence, et finalement le récit s’allonge. Il raconte ses envies, ses regrets, ses souvenirs douloureux surtout. Il se met en scène dans un récit de plus en plus long, à la fois dans le fond et dans la forme. Ce sont bien des mini-contes qu’il compose, même avec difficulté, et le narrateur use de références fantasy pour se mettre en scène (sans pour autant être sûr qu’on soit réellement dans notre monde) : capable ni de porter les armes, ni d’avoir le courage d’affronter un dragon, il se cherche une voie, un métier suffisamment honnête, calme et rémunérateur, quelqu’un avec qui passer le temps, bref une vie simple.



Réflexion sur une vie

Grâce à ces quelques récits successifs, le lecteur découvre le véritable parcours et les réelles déceptions du narrateur. À force de recommencer son récit, le narrateur se livre et apprend à disséminer ses pensées dans les aventures non-héroïques de son protagoniste. La thérapeute l’écoute, le plus souvent dans un silence religieux, mais elle représente au fond le lecteur qui attend que le narrateur apprenne par lui-même à prendre du recul sur sa famille, ses métiers, son entourage. C’est un jeu de miroirs intéressant, car tout un chacun pourrait très bien imaginer un de ces récits pour mettre en scène ses pensées quotidiennes sur le bien-fondé de ses choix passés ou en cours.



Avec ses trente-deux pages vite lues, Fable est donc une nouvelle assez simple, mais très efficace et particulièrement touchante quand on se fond dans le personnage du narrateur qui nous repeint une vie pleine de regrets.

Commenter  J’apprécie          140
Guide de survie pour le voyageur du temps a..

Que feriez vous si vous étiez coincé dans votre vie entre un passé pesant et un futur qui vous fout les chocottes ? Charles Yu a décidé, lui, de sauter dans sa machine à remonter le temps, et de se repaitre de son malheur passé, avec pour seule compagnie une IA dont il est amoureux, d'un chien inexistant et d'un supérieur hiérarchique non humain.



Etrange roman que ce roman, qui n'est ni un texte de science-fiction, ni un guide, mais une piste de réflexion pour vous sortir du dédale de votre histoire familial grâce à une machine à remonter le temps.

Comment avancer dans la vie avec une mère dépressive qui a fait le choix de vivre éternellement dans une boucle temporelle qui rejoue un repas familial. Et de ce père absent qui ne vit que pour l'illusion de fabriquer une machine à remonter le temps.



Un mélange étonnant, détonnant parfois, de mise en abime, de relation père-fils et de voyage dans le temps. Vous y rencontrerez un L. Skywalker (fils) dans le pétrin, un TAMMY ressemblant à s'y méprendre à un TARDIS (sauf qu'il n'est pas plus grand à l'intérieur) et surtout un moi du passé qui va essayer d'assassiner son moi du présent, qui, dans le passé, a déjà essayé d'assassiner son moi du présent, qui, en fait, à l'époque, était son moi du futur, qui est en fait son moi actuel. Bref, un univers de chronodiégèse, mélangeant loi du temps et loi de la narration. Bienvenue dans l'Univers mineur 31.

Un joyeux foutoir. Mais malgré sa machine à disposition, impossible de changer le passé sous peine de créer un monde alternatif. La boucle est bouclée. Alors, en bon réparateur de machine à remonter le temps, au temps mettre les mains dans le cambouis pour trouver ce qui cloche.



J'ai choisi ce livre pour les paradoxes temporels, et j'ai été un peu désarçonné face à la tournure que prenait les événements. le côté science fictif n'est ici prétexte à perdre le lecteur dans les méandres du passé, et aussi à quelques références geeks qui parsèment le texte. En outre, c'est le côté que j'ai le moins aimé, tout ceci étant légérement foutraque.

Sur le versant histoire familial, celui que je pensais le moins apprécié, c'est justement l'inverse qui s'est produit. J'ai trouvé la relation père-fils juste, rempli de non-dit, rendant le récit nostalgique sur ce qui aurait pu être et qui n'est pas.



Si comme Charles Yu vous vous posez la question de "Et si ?", la réponse est dans le livre.



Critique réalisée dans le cadre d'une masse critique Babelio.
Commenter  J’apprécie          112
Guide de survie pour le voyageur du temps a..

Guide de survie pour le voyageur du temps amateur, tout un programme. Et pour moi qui suis une fan de science-fiction, le titre de ce livre m'a tout de suite attiré. De plus, le voyage dans le temps étant un sujet plutôt délicat, j'étais assez curieuse de voir comment l'auteur allait s'en sortir. Pas si bien au final, car j'ai trouvé ce livre vraiment beaucoup trop abstrait.



L'auteur nous installe dès les premières pages dans la toute petite machine qui permet de voyager dans le temps. Le personnage principal est réparateur de ces machines. Pour cela, il en possède lui même une, car pour pouvoir aider ses clients, il doit pouvoir les rejoindre dans le passé. Mais l'histoire de ce livre est avant tout l'histoire d'un homme malheureux qui a perdu son père et qui a raté sa vie Pour fuir la réalité, il s'est calé dans un présent indéterminé grâce à sa machine, et a donc tout le temps de ressasser son histoire. Et quand il revient finalement dans la réalité, c'est le drame : il croise son futur lui qu'il finit par assassiner. Prisonnier d'une boucle temporelle, il va tenter de retrouver son père qui peut peut-être l'aider.



J'avais vraiment hâte de lire les différentes théories de l'auteur au sujet du voyage dans le temps et des différents paradoxes que cela peut créer. Malheureusement, j'ai trouvé qu'il essayait d'aller trop loin. Au final, il enchaîne les explications sur des pages et des pages et finit par perdre le lecteur. Les théories et équations qu'il développe sont vraiment abstraites et je n'ai vraiment pas tout compris.



L'histoire ne m'a au final pas intéressée plus que ça non plus. Le personnage principal ne fait que ressasser son passé. Il n'est fait que de regrets, est dépressif et toujours très négatif. Et au final, ce n'est qu'une banale histoire de famille, une famille qui va mal face aux échecs du père. L'aspect de ce livre qui m'intéresse, à savoir la science-fiction, se résume donc aux théories et explications abstraites sur le voyage dans le temps que je n'ai pas vraiment apprécié.



Il y a cependant un point qui m'a beaucoup plu dans ce livre : la mise en abîme qu'instaure l'auteur. Car Charles Yu est aussi le personnage principal de l'histoire. Et le Guide de survie pour le voyageur du temps amateur est en fait le livre qu'a écrit le Charles Yu du futur et qu'il remet au Charles Yu du présent avant qu'il ne se fasse tuer. Tout ça est compliqué mais tellement intéressant ! J'ai aussi beaucoup apprécié les petits clins d’œil aux différentes œuvres de références de la science-fiction.



Une lecture en demi-teinte. Je pense tout simplement qu'une seule lecture ne suffit pas pour vraiment apprécier ce livre. C'est presque un livre de philosophie : il faut arriver à comprendre la pensée de l'auteur avant de considérer l'histoire. Malheureusement, ce n'est vraiment pas ce à quoi je m'attendais et je n'ai pas vraiment réussi à rentrer dans ce livre.
Lien : http://bookshowl.blogspot.fr..
Commenter  J’apprécie          90
Fable

C’est à l’occasion du financement participatif de la Librairie L’Antre de Calliopée à Aix en Provence que j’ai reçu cette petite nouvelle.



Un homme dont on ne connaît pas le nom est chez une psychologue et a bien du mal à s’exprimer sur sa vie. La professionnelle lui donne donc pour exercice de rajouter des éléments de contes afin de l’aider à prendre du recul et à trouver les mots. 



Cette nouvelle est donc un assemblage de récits enchâssés : si le premier est peu détaillé et empreint d’humour caustique de la part de l’homme, peu à peu, il parvient à se livrer et à livrer à la psychologue (et au lecteur(ice)s) un nouveau récit plus détaillé touchant et émouvant. On comprend alors mieux les circonstances qui l’ont fait arriver à ce point : une mère à s’occuper, un mariage tardif et un enfant autiste. Sans être la meilleure nouvelle que j’ai lue de l’année, je me suis laissée emporter par l’écriture de Charles Yu et j’ai apprécié ma lecture.

Commenter  J’apprécie          80
Pardon, s'il te plaît, merci

Pardon Charles Yu, mais tes textes de jeunesse sont de valeurs assez fluctuantes, alors,

S'il te plait, ne m'en tiens pas rigueur car j'aime ton regard absurde, oblique, surréaliste sur l'imaginaire.

Merci.



A l'instar d'un Ken Liu, Charles Yu utilise les tropes de la science-fiction pour nous parler de la société d'aujourd'hui, Il garde ici son ton absurde, voir surréaliste que l'on pouvait déceler dans son Guide de survie pour le voyageur du temps amateur qui, sous prétexte de voyage dans le temps décalé, nous parlait d'une relation père/fils très crédible.

Un recueil qui ne dépare pas dans le catalogue des Forges de Vulcain, qui nous sort régulièrement des textes atypiques aux frontières des genres et nous font sortir des sentiers balisés de la SF. Ici, nous sommes dans le jeu littéraire, nous entrons de plein pied dans la tête de l'écrivain ou encore dans les pensées des personnages qui se savent le jouet d'un narrateur joueur.

Paru initialement en 2012, ce sont donc des textes de jeunesse, et il faut séparer le bon grain de l'ivraie, certaines nouvelles n'ayant pas eu ma préférence, l'auteur, à mon sens, se regardant plus écrire pour l'expérience en tant que t'elle, en oubliant le lecteur qui veut une histoire qui tienne la route.

Un recueil qui plaira à celles et ceux qui aiment les mises en abîme, un fond critique qui n'oublie pas la forme littéraire.

Petit tour d'horizon des quelques textes qui ont eu ma préférence





Pack de solitude standard

Un employé d'une sorte de call center nous dévoile ses états d'âme et son laborieux travail. Mais ici, nous sommes dans le futur, la technologie a fait un bon en avant, et ce n'est pas du SAV, la vente de fenêtre ou de plat minceur qui occupe les journées des travailleurs. Un scénario qui aurait toute sa place dans la série Black Mirror. La solitude des sociétés modernes prend ici tout son sens, pas le temps de s'apitoyer sur les malheurs de la vie quotidienne, d'autres sont là pour ça. Si l'argent peut tout acheter, que nous reste t-il ? Une nouvelle effrayante dont la chute manque cependant de piquant, dommage.



Jeu de Tir à la Première Personne et Le Héros subit des dégâts considérables nous entraine dans les méandres du jeu vidéo, via les zombies et le jeu de rôle. Même si elles se lisent facilement, il manque cependant d'universalité dans le propos et s'oublient rapidement une fois la dernière page tournée.



Inventaire : un texte autour du travail de création de l'écrivain et de ses personnages toujours remis sur le métier chaque jour. Et si ce personnage avait conscience de soi, que penserait il de lui, de son créateur ? Est ce que cette histoire est en partie autobiographique ? Ou simplement imaginé. Tant de questions....



Note à moi même joue aussi de la mise en abyme, ici via la rencontre du narrateur avec lui-même issu d'un monde parallèle. Que se passerait-il dans cette situation, une réponse loin d'être simple



Yeoman

Nous voici dans la peau d'une équipe de Star Trek qui enfile les missions à la chaine et de son yeoman qui doit mourir pour les besoins de l'épisode. Cela m'a fait penser au Redshirt de Scalzi . Complètement barré, absurde mais drôle, loufoque et assez intelligent sur le fond.



Émotion griffée 67 nous emmène à l'écoute du discours annuel sur les résultats et projets du PDG d'une multinationale pharmaceutique. Toujours aussi décalé, la diatribe est cependant valable et légèrement effrayante..
Commenter  J’apprécie          80




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Charles Yu (190)Voir plus

Quiz Voir plus

Correspondances artistiques (1)

D'une Joconde à l'autre, séparément et chacun à sa manière à des dates différentes, deux artistes français ont célébré Mona Lisa en chanson (indice : Aigle et tête de choux) :

Serge Gainsbourg et Léo Ferré
Léo Ferré et Anne Sylvestre
Barbara et Serge Gainsbourg

10 questions
267 lecteurs ont répondu
Thèmes : peinture , musique , histoire de l'art , Instruments de musique , musiciens , art , artiste , symphonie , mer , Japonisme , impressionnisme , sécession viennoise , Abstraction , Côte d'Azur (France) , romantisme , pointillisme , symbolisme , Pique-niques , joconde , leonard de vinci , renaissance , culture généraleCréer un quiz sur cet auteur

{* *}