Poésie - Rondeau du printemps - René Charles dOrléans
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Il n'y a bête ni oiseau
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
« Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie ».
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie ;
Chacun s'habille de nouveau :
Le temps a laissé son manteau.
Par les fenêtres de mes yeux
Mon cœur aura du réconfort
Plus qu’aucun autre sous les cieux,
Quand il vous contemplera, belle,
Par les fenêtres de mes yeux.
Ecolier de Mérencolie…
Ecolier de Mérencolie,
A l'étude je suis venu,
Lettres de mondaine clergie
Epelant à tout un fétu,
Et moult fort m'y trouve éperdu.
Lire n'écrire, ne sais mie,
Des verges de Souci battu
Dans les derniers jours de ma vie.
Piéça, en jeunesse fleurie,
Quand de vif entendement fus,
J'eusse appris en heure et demie
Plus qu'à présent ; tant ai vécu
Que d'engin je me sens vaincu ;
On me dût bien, sans flatterie,
Châtier, dépouillé tout nu,
Dans les derniers jours de ma vie.
Que voulez-vous que je vous die ?
Je suis pour un ânier tenu
Banni de bonne compagnie
Et de Nonchaloir retenu
Pour le servir. Il est conclu !
Qui voudra, pour moi étudie :
Trop tard, je m'y suis entendu,
Dans les derniers jours de ma vie.
Si j'ai mon temps mal dépendu,
Fait l'ai par conseil de Folie ;
Je m'en sens et m'en suis sentu
Dans les derniers jours de ma vie.
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau;
Il n'y a bête, ni oiseau,
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissé son manteau.
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie,
Chacun s'habille de nouveau;
Le temps a laissé son manteau.

Je meurs de soif en couste la fontaine ;
Tremblant de froit ou feu des amoureux ;
Aveugle suis, et si les autres maine ;
Povre de sens, entre saichans l'un d'eulx ;
Trop negligent, en vain souvent songneux ;
C'est de mon fait une chose faiee,
En bien et mal par Fortune menee.
Je gaingne temps, et pers mainte sepmaine ;
Je joue et ris, quant me sens douloreux ;
Desplaisance j'ay d'esperance plaine ;
J'atens bon eur en regret engoisseux ;
Rien ne me plaist, et si suis desireux ;
Je m'esjoïs, et cource a ma pensee,
En bien et mal par Fortune menee.
Je parle trop, et me tais a grant paine ;
Je m'esbays, et si suis couraigeux ;
Tristesse tient mon confort en demaine ;
Faillir ne puis, au mains a l'un des deulx ;
Bonne chiere je faiz quant je me deulx ;
Maladie m'est en santé donnee,
En bien et mal par Fortune menee.
Prince, je dy que mon fait maleureux
Et mon prouffit aussi avantageux,
Sur ung hasart j'asserray quelque annee,
En bien et mal par Fortune menee.
Jeunes amoureux nouveaux…
Jeunes amoureux nouveaux,
En la nouvelle saison,
Par les rues, sans raison
Chevauchent faisant les sauts.
Et font saillir des carreaux
Le feu, comme de charbon :
Jeunes amoureux nouveaux
En la nouvelle saison.
Je ne sais si leurs travaux
Ils emploient bien ou non ;
Mais piqués de l'éperon
Sont autant que leurs chevaux,
Jeunes amoureux nouveaux.
Comment se peut ung povre cueur deffendre,
Quand deux beaulx yeulx le viennent assaillir ;
Le cueur est seul, désarmé, ni et tendre,
Et les yeulx sont bien armez de plaisirs ;
Contre tous deux ne pourroit pié tenir.
À vous que je ne peux nommer
À vous que je ne peux nommer
Comme à mon gré je l’aimerais,
Ce jour de l’an, de biens et joie
Que Dieu veuille vous faire étrennes !
Vous appeler amie serait
Vous décerner un nom trop simple,
À vous que je ne peux nommer
Comme à mon gré je l’aimerais.
Vous donner comme nom : ma dame,
Ce serait vous rendre orgueilleuse ;
Je récuse en vous la maîtresse :
Comment faut-il que je m’adresse
À vous que je ne peux nommer
Anxiété
As-tu, ce jour, juré ma mort,
Anxiété ? Je t’en prie, sois sage :
À tort, ma douleur, de ton fait,
se renouvelle trop souvent.
À grand déploiement de bannière,
Je ne sais pourquoi, tu m’attaques :
As-tu, ce jour, juré ma mort,
Anxiété ? Je t’en prie, sois sage !
Notre guerre, si tu le veux,
Aura tôt fait d’être finie,
Car je me rends : accepte-moi !
Holà ! Paix ! On l’a proclamée !
As-tu, ce jour, juré ma mort ?
Le Printemps
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant clair et beau.
Il n'y a bête ni oiseau
Qu'en son jargon ne chante ou crie.
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie.
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie
Gouttes d'argent d'orfèvrerie.
Chacun s'habille de nouveau,
Le temps a laissé son manteau.