Citations de Charles-Éloi Vial (18)
Le 26 juin 1815, Napoléon déclara à Gaspard Monge, venu le voir à Malmaison, qu'il souhaitait se faire explorateur, parcourir le Nouveau monde depuis le Canada jusqu'au Cap Horn. L'exil de l'empereur en Amérique s'annonçait, à défaut de paisible, fort studieux...
Charles de Rémusat, en évoquant la période des Cent-Jours, formule une observation qui s'applique parfaitement à l'exil hélénien : "l'Empereur avait si petitement pris goût aux plus misérables hochets de la royauté qu'il aima mieux céder de la puissance que de l'étiquette". 295
Le vaincu de Waterloo était peut-être mort et enterré à Sainte-Hélène, mais il vivait encore dans la mémoire de ses compagnons d’exil, dans leurs souvenirs, leurs notes et leurs manuscrits : cette ombre de l’empereur, bien vivante, retourna en France et Hudson Lowe, malgré lui, dut la laisser partir.
Les principaux acteurs du drame n'ont pas survécu plus de quelques mois à Louis XVI, à Marie-Antoinette ou à Madame Elisabeth. Leurs voix anonymes n'ont jamais pu parler. En particulier, ceux pour qui l'emprisonnement du roi était parfaitement justifié n'ont laissé aucun récit. Ce manque de témoins à charge a forcément faussé la mémoire de la captivité au Temple, en laissant le champ libre aux royalistes partis en émigration après avoir échappé au Tribunal révolutionnaire, ou encore aux prudents et autres tièdes qui se cachèrent jusqu'au retour de la paix civile, avant de faire montre d'un royalisme exacerbé à partir de 1814.
on peut lire sur un document anglais officiel qui ...: répertorie les bouteilles livrées entre le 1er avril et le 1er juin 1817 : 732 bouteilles de claret, 120 bouteilles de vin de Graves, 36 bouteilles de champagne, 300 bouteilles de whisky, 1 642 bouteilles de vin du Cap, 546 bouteilles de vin de Ténériffe, 91 bouteilles de vin de Madère et autant de vin de Constance, pour seulement une soixantaine de personnes ! Des chiffres comparables se retrouvent jusqu’à la fin de l’exil, avec parfois quelques livraisons de bière, de cidre, de porto.
En fréquentant la cour de Louis-Philippe, Victor Hugo avait fini par se demander si la royauté était toujours nécessaire à la France : dès lors que le pouvoir suprême ne s'entourait plus des fastes de la cour et d'une étiquette compliquée, mais singeait au contraire les moeurs des familles bourgeoises, pourquoi ne pas placer un président à la tête du pays ?
p. 411
Dès 1789, la Révolution avait été confrontée à deux problèmes majeurs : l'évolution du pouvoir exécutif et l'expression violente de la souveraineté populaire.
En ce printemps 1793, la situation de la France, écartelée entre une guerre civile et un conflit en passe de s'étendre sur tout le continent, était catastrophique.
Même vaincu, Napoléon n'était pas seul.
L’entretien de la maisonnée impériale coûta d’autant plus cher aux Anglais que les Français consommaient d’énormes quantités de vivres : 30 kilos de viande de bœuf, 33 kilos de pain, 4 kilos de sucre, 1 kilo de café et 36 œufs étaient livrés tous les matins.
Bien que Napoléon fût plus que jamais convaincu, en l'an de grâce 1812, qu'il dépendait de lui seul de verser ou de ne pas verser le sang de ses peuples, plus que jamais au contraire il était assujetti à ces ordres mystérieux de l'Histoire qui le poussaient fatalement en avant, tout en lui donnant l'illusion de croire à son libre arbitre. Les prétendus grands hommes ne sont que les étiquettes de l'Histoire : ils donnent leurs noms aux évènements, sans même avoir, comme les étiquettes, le moindre lien avec le fait lui-même. Aucun des actes de leur soit disant libre arbitre n'est un acte volontaire : il est lié à priori à la marche générale de l'Histoire et de l'humanité, et sa place y est fixée à l'avance de toute éternité.
Se voyant déjà maître de Londres, l'empereur rêvait d'un débarquement en force d'une armée française qui sur le papier aurait pu compter jusqu'à 100 000 hommes.
Comme l'écrit Bignon, " la lueur du météore qui devait nous anéantir brillait à nos yeux comme l'aurore du plus beau jour". De nombreux contemporains, Louis Bonaparte, Hortense de Beauharnais, la reine Marie-Louise d'Etrurie, l'ancien ministre espagnol Manuel Godoy, avaient déjà utilisé cette métaphore comparant l'Empereur à une étoile filante dont l'éclat risquait d'être aussi intense que bref. Napoléon lui-même devait plus tard se décrire comme "une parcelle de rocher lancée dans l'espace".
Napoléon faisait descendre à lui la tragédie.
La Convention savait que le roi devait jouer le rôle de bouc émissaire et que son sang répandu devait véritablement fonser la République, comme dans un rite baptismal.
Les idées s'enferment aussi bien que les hommes.
A moins de laisser sa suite et de renoncer au décorum impérial, jamais Napoléon n'aurait pu échapper à la flotte anglaise. Il choisit donc de renoncer à la liberté, optant pour une vie d'exil en captivité, où, cette fois-ci il en était sûr, sa petite cour l'entourerait jusqu'à la fin. 254
En montant à bord du Bellérophon, Napoléon était donc persuadé d'être bientôt installé dans une confortable maison de campagne des environs de Londres ou dans un beau château en Ecosse.