Citations de Charlie Price (15)
[une mère et son fils de 17 ans]
- Gabriel, ces derniers temps je me fais un peu l'effet de tenir une pension. Je te nourris, je te blanchis, j'assiste à tes compétitions, et je reste plantée là à t'entendre me dire bonjour et au revoir. Voilà des semaines que tu as à peine ouvert la bouche [...]. Je voudrais que tu me dises comment ça va pour toi, ce qui se passe au lycée et ce que tu sais à propos du Foyer. Tu y réfléchis pendant que je conduis et, une fois qu'on aura passé commande au resto, je compte sur toi pour me mettre au courant. C'est clair ?
- Très clair, dis-je.
Et je me demandai si je lui dirais ou pas la vérité.
(p. 121)
Si je pensais à mon avenir, je me voyais comme un type moyen. Ce qu'il y avait là-dessous ? Bon, je ne tenais pas à fouiller trop profond parce que, au-dessous, il y avait surtout le gars qui voulait que maman et papa soient encore mariés. Un gars qui détestait son père mais aurait aimé que papa soit encore en vie. Et encore en dessous ? Peut-être un gars qui savait que tôt ou tard son monde s'écroulerait, saccageant tout ce qui lui tenait à coeur, alors... ne t'attache pas trop, à rien ni à personne. Garde un peu de distance, protège-toi des coups. Va ton bonhomme de chemin, profite de ce que tu peux, oublie tout le reste.
(p. 16)
Comme d'habitude, la porte arrière était ouverte. La serrure était cassée depuis plus de deux ans, depuis le jour où un petit ami de sa mère avait piqué un colère car elle refusait de le laisser entrer, parce qu'elle était avec un autre homme.
- Je ne suis pas très doué pour la conversation, dis-je, mais j'admire la façon dont tu cours et la façon dont tu te comportes, et je déteste les trucs stupides que tu subis en ce moment.*
Il continuait de regarder le paysage mais je crois qu'il écoutait.
- Tu dois penser que beaucoup au lycée ne t'aiment pas parce que tu es le nouveau et que tu es indien, mais ce n'est pas vrai. Derrière cette merde, il y a soit un seul individu soit tout un petit groupe de crétins. Tous les autres, on est ennuyés et... euh...
Je ne savais vraiment pas quoi ajouter.
- On t'aime bien, terminai-je.
Et je regrettai d'émettre une conclusion aussi piètre.
Bien que toujours tourné vers la vitre, il parla à son tour :
- Tu crois que j'ai besoin qu'on m'aime ? demanda-t-il. Tu crois que c'est pour cette raison que je suis venu à Billings ?
J'eus le bon sens de ne pas répliquer.
Au bout d'une longue minute, il se tourna vers moi.
- Je me fiche que les gens m'aiment bien.
Il paraissait sincère mais je n'étais pas certain de le croire.
- Je veux voir jusqu'où je peux aller. Je veux que les gens sachent qu'un putain d'Indien peut gagner à la course et les laisser sur place.
[...]
- Et aller à l'Université, continua Two Bull. Je vais aller à la fac. Ils ont dit que personne ne m'en empêcherait.
(p. 105-106)
* mauvaises blagues anonymes
Il trouva de bonne augure que le jeune homme soit impatient de le voir, à moins, réalisa-t-il, que l'autre ne fût plutôt impatient d'en finir.
- Je me suis conduit trop familièrement avec une femme que je prenais pour une amie parce que nous avions beaucoup travaillé ensemble.
- Deux fois
- Si vous voulez, deux fois.
Pearl (fille) savait que souvent son père ignorait ce qui était bon pour lui - un cas 'espèce, par exemple, il avait épousé sa mère.
- Vous croyez que j'ai volé quelque chose ? Vous croyez que je vous ai volé quelque chose ?
Des larmes lui montaient aux yeux :
- Oh, mon Dieu, je ne ferais jamais une chose pareille. Jamais je ne ferai une chose pareille !
Dans la salle de bains, je croisai mon reflet dans le miroir. Je n’avais rien d’un lutteur. Ni d’un pêcheur. Ni d’un élève. J’avais plutôt tout d’un cadavre. C’était la nuit de l’Ado Vivant.
Tu es l'as du jeu de cartes de mon coeur.
Est-ce que je le comprenais ? Je me trouvais plongé dans un monde qui commençait à ressembler à celui de ma mère. Il était bel et bien fou.
Robert balança la planche sur la porte. Bon Dieu, jamais il n'avait fait une chose pareille. C'était super. C'était sans doute pour ça que des gosses tiraient à vue sur des gens dans les lycées. Parce que c'était super.
Jusqu'à quel point pouvait-on se détester soi-même ? Existait-il une limite à la haine de soi ou finissait-on par exploser comme les bombes de Scotty ?
Le chagrin engendre son propre désert et les larmes d'Angel avaient séché depuis longtemps
Je me tenais au dernier rang d'un petit groupe de gens dans un cimetière lugubre au nord de la Yellowstone River, c'était le deuxième enterrement auquel j'assistais cette semaine. Devant la tombe, le pasteur attendait au cas où quelqu'un aurait voulu ajouter un dernier commentaire. Personne ne se manifesta. Le père du défunt se trouvait tout près du cercueil, les mains menottées devant lui, ses longs cheveux gris agités par les bourrasques de vent. À côté de lui un shérif adjoint et, un peu en retrait, la fille de l'homme menotté flanquée de ma mère, toutes deux habillées de ce genre de robe noire sévère qu'on n'imagine pas voir ailleurs qu'à des obsèques.