SPÉCIALE "L'amour à nu" de Charlie Wat
C'est un jeune gars qui l'as abandonné? Un vrai p'tit con, si vous voulez mon avis. Il parait qu'il l'a fait descendre du coffre de sa voiture et pof. Il a redémarré. Ceux qu'on vu la scène ont raconté qu'le chien, il avait bien essayé de courir derrière. Et pis i's'est épuisé, voilà. On a bien essayé de l’apprivoiser, mais il a jamais rien voulu entendre. Vous pensez, avec ce que l'autre lui a fait subir, il a perdu confiance en les humains, ça, on s'rait tous pareils.
Nous y sommes, tu fêtes aujourd'hui tes 18 ans et ça me fait tout drôle. ça en fait du chemin. A toi les virées, les filles (autant que tu veux, mais toujours sans faire mal), l'université, le vote ( même si c'est juste pour remplacer Pierre par Paul ou Jacques, il faut y aller quand même, ne serait ce que pour avoir le droit de râler), les copains, la musique, le permis de conduire.
Je lui ai promis que tu lui raconterais une histoire à dormir debout... une histoire d'amour sans caribou...
Tu veux que j’te dise ? C’est exactement pour cette raison qu’elle est partie, ta bonne femme ! T’as jamais su prendre le moindre risque, t’es plus ennuyeux qu’une armée de limaces. La seule chose qui t’colle au derrière, c’est ton canapé. Si la notion de risque avait un contraire, ce serait toi.
N'oubliez pas que nous avions une mission à mener à bien : être, en quelque sorte, les gardiennes de ce mariage. Nous étions les agents Securitas de la cérémonie, les rangers de l'espace Pronuptia.
Il avait su que Sandrine était la femme de sa vie dès le premier regard. Une évidence. Malgré la séparation et le divorce, il n’avait jamais cessé de l’aimer. Il espérait secrètement qu’un jour, elle reviendrait à la maison, dans cet intérieur qu’il avait laissé tel qu’ils l’avaient aménagé ensemble, ce deux pièces petit, mais fonctionnel, le nid qui avait vu éclore Ludo et dans lequel l’odeur de Sandrine semblait encore flotter, comme la promesse d’un retour au bercail.
De toute façon, ce n'était pas comme si elle avait envie de plaire. Plaire était même le cadet de ses soucis. Pour plaire, il fallait avoir du temps et elle en manquait. Pour plaire, il fallait avoir de l'assurance et elle était née sans la moidre goutte de ce fluide. Pour plaire, il fallait en avoir envie et elle avait autant envie que de manger des radis à 10 heures du matin. Pour plaire, enfin, il fallait avoir quelqu'un à séduire.
Face à Maryline, Michael n’était qu’un colosse aux pieds d’argile.
La boule au ventre, il commença à jouer et à murmurer les paroles qu’il avait composées à son intention.
— Tu trouves ça too much… se lamenta-t-il devant l’éclat de son rire.
Un rire franc de gamine mal élevée. Un rire qu’il aurait voulu enrober de papier bulle pour le protéger. Pour s’excuser, Maryline l’embrassa. La déception de Michael s’envola aussitôt.
Saisissant le cahier, la jeune femme transforma de-ci de-là quelques mots. De ses doigts qu’elle fit courir sur le clavier, elle arrangea un peu la mélodie.
Tout à leur musique et leur bonheur, ils ne virent pas le jour s’installer sur New York. Ils n’entendirent pas non plus Darell s’approcher à pas de loup de la porte fermée de l’appartement et faire le pied de grue pour s’assurer que personne ne vienne les interrompre
Darell souffle des « Crotte crotte crotte » en inspirant les dernières bouffées de Ventoline de son inhalateur. Il n’en peut plus. Au bord de l’apoplexie, il finit par s’arrêter.
— Laisse-moi mourir ici, suffoque-t-il, la main sur la poitrine, la moustache en berne. Je ne veux pas te ralentir. Va, mon ami, on se retrouvera dans une autre vie.
Comme toujours, Darell en fait des caisses. Mais le régiment de groupies se rapproche. Acculé, Michael pousse son assistant dans une ruelle adjacente et désigne une poubelle grande ouverte.
— Monte !
— Plutôt mourir empalé sur une coquille d’œuf.
— Arrête de faire des manières, monte, je te dis.
— Tu exagères, trésor…
La voisine grogna :
— Je vous avais prévenu, vous faites partie de ces gens à qui on peut visiblement pas faire confiance ! Les gosses, c’est pas le tout de les fabriquer. Et cette musique de zouave, à cette heure-ci, Aglaé est fragile, oui oui, absolument, on est pas en boîte de nuit, hein. J’aime autant vous dire que je vais pas me laisser enquiquiner la pelure comme ça, ah ça non alors. Je suis pas arrivée à mon âge pour me faire emmerder.
La pauvre Aglaé était secouée comme un prunier, au gré des mouvements d’humeur de sa maîtresse. Ainsi ballottée, sa petite langue rose se balançant dans tous les sens, elle inspirait presque de la pitié.