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Citations de Charlotte Delbo (232)


Je vous en supplie faites quelque chose apprenez un pas une danse quelque chose qui vous justifie qui vous donne le droit d'être habillés de votre peau de votre poil apprenez à marcher et à rire parce que ce serait trop bête à la fin que tant soient morts et que vous viviez sans rien faire de votre vie.
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Saviez-vous que la souffrance n'a pas de limite
l'horreur pas de frontière
Le saviez-vous
Vous qui savez
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Vous direz qu'on peut tout enlever à un être humain sauf sa faculté de penser et d'imaginer. Vous ne savez pas. On peut faire d'un être humain un squelette où gargouille la diarrhée, lui ôter le temps de penser, la force de penser. L'imaginaire est le premier luxe du corps qui reçoit assez de nourriture, jouit d'une frange de temps libre, dispose de rudiments pour façonner ses rêves. A Auschwitz, on ne rêvait pas, on délirait.
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Chacune de celles qui sont revenues a eu de la chance, disait Jeanne. La chance d'avoir les autres.
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Ce point sur la carte
Cette tache noire au centre de l'Europe
cette tache rouge
cette tache de jeu cette tache de suie
cette tache de sang cette tache de cendres
pour des millions
un lieu sans nom.
De tous les pays d'Europe
de tous les points de l'horizon
les trains convergeaient
vers l'in-nommé
chargés de millions d'êtres
qui étaient versés là sans savoir où c'était
versés avec leur vie
avec leurs souvenirs
avec leurs petits maux
et leur grand étonnement
avec leur regard qui interrogeait
et qui n'y a vu que du feu,
qui ont brûlé là sans savoir où ils étaient.
Aujourd'hui on sait
Depuis quelques années on sait
On sait que ce point sur la carte
c'est Auschwitz
On sait cela
Et pour le reste on croit savoir
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Il est mort
parce qu'il faut à une histoire d'amour
pour qu'elle soit belle
une fin tragique
La nôtre était magnifique
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Nous restions immobiles. La volonté de lutter et de résister, la vie, s'étaient réfugiées dans une portion rapetissée du corps, juste l'immédiate périphérie du coeur.
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PRIERE AUX VIVANTS
POUR LEUR PARDONNER D'ETRE VIVANTS

Vous qui passez
bien habillés de tous vos muscles
un vêtement qui vous va bien
qui vous va mal
qui vous va à peu près
vous qui passez
animés d'une vie tumultueuse aux artères
et bien collée au squelette
d'un pas alerte sportif lourdaud
rieurs renfrognés, vous êtes beaux
si quelconques
si quelconquement tout le monde
tellement beaux d'être quelconques
diversement
avec cette vie qui vous empêche
de sentir votre buste qui suit la jambe
votre main au chapeau
votre main sur le coeur
la rotule qui roule doucement au genou
comment vous pardonner d'être vivants...
Vous qui passez
bien habillés de tous vos muscles
comment vous pardonner
ils sont morts tous
Vous passez et vous buvez aux terrasses
vous êtes heureux elle vous aime
mauvaise humeur souci d'argent
comment comment
vous pardonner d'être vivants
comment comment
vous ferez-vous pardonner
par ceux-là qui sont morts
pour que vous passiez
bien habillés de tous vos muscles
que vous buviez aux terrasses
que vous soyez plus jeunes chaque printemps
Je vous en supplie
faites quelque chose
apprenez un pas
une danse
quelque chose qui vous justifie
qui vous donne le droit
d'être habillés de votre peau de votre poil
apprenez à marcher et à rire
parce que ce serait trop bête
à la fin
que tant soient morts
et que vous viviez
sans rien faire de votre vie.
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Je l'aimais
parce qu'il était beau
c'est une raison futile

Je l'aimais
parce qu'il m'aimait
c'est une raison égoïste

Mais
c'est pour vous
que je cherche des raisons
pour moi, je n'en avais pas
Je l'aimais comme une femme aime un homme
sans mots pour le dire
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Il n'y avait pas non plus de boutiques
seulement des vitrines
où j'aurais bien voulu me reconnaître
dans les rangs qui glissaient sur les vitres.
Je levai un bras
mais toutes voulaient se reconnaître
toutes levaient le bras
et aucune n'a su laquelle elle était.
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L'idée de fuir ne venait à personne. Il faut être fort pour vouloir s'évader. Il faut savoir compter sur tous ses muscles et sur tout ses sens. Personne ne songeait à fuir.
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Nous marchions. Nous interrogions le paysage. Un lac gelé couleur d'acier. Un paysage qui ne répond pas.
La route s'écarte du lac. Le mur de vent et de neige se déplace de côté. C'est là qu'apparaît la maison. Nous marchons moins durement. Nous allons vers une maison.
Elle est au bord de la route. En briques rouges. La cheminée fume. Qui peut habiter cette maison perdue ? Elle se rapproche. On voit des rideaux blancs. Des rideaux de mousseline. Nous disons "mousseline" avec du doux dans la bouche. Et, devant les rideaux, dans l'entre-deux des doubles fenêtres, il y a une tulipe.
Les yeux brillent comme à une apparition. "Vous avez vu ? Vous avez vu ? Une tulipe." Tous les regards se portent sur la fleur. Ici, dans le désert de glace et de neige, une tulipe. Rose entre deux feuilles pâles. Nous la regardons. Nous oublions la grêle qui cingle. La colonne ralentit. "Weiter", crie le SS. Nos têtes sont encore tournées vers la maison que nous l'avons depuis longtemps dépassée.
Tout le jour nous rêvons à la tulipe. La neige fondue tombait, collait au dos notre veste trempée et raidie. La journée était longue, aussi longue que toutes les journées. Au fond du fossé que nous creusions, la tulipe fleurissait dans sa corolle délicate.
Au retour, bien avant d'arriver à la maison du lac, nos yeux la guettaient. Elle était là, sur le fond des rideaux blancs. Coupe rose entre les feuilles pâles. Et pendant l'appel, à des camarades qui n'étaient pas avec nous, nous disions : "Nous avons vu une tulipe."
Nous ne sommes plus retournées à ce fossé. D'autres ont dû l'achever. Le matin, au croisement d'où partait la route du lac, nous avions un moment d'espoir.
Quand nous avons appris que c'était la maison du SS qui commandait la pêcherie, nous avons haï notre souvenir et cette tendresse qu'ils n'avaient pas encore séchée en nous.
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Charlotte Delbo
O vous qui savez
saviez-vous que la faim fait briller les yeux que la soif les ternit
O vous qui savez
saviez vous qu'on peut voir sa mère morte et rester sans larmes
O vous qui savez
saviez vous que le matin on veut mourir que le soir on a peur
O vous qui savez
saviez vous qu'un jour est plus qu'une année une minute plus qu'une vie
O vous qui savez
saviez vous que les jambes sont plus vulnérables que les yeux
les nerfs plus durs que les os
le coeur plus solide que l'acier
saviez-vous que les pierres du chemin ne pleurent pas
qu'il n'y a qu'un mot pour l'épouvante
qu'un mot pour l'angoisse
Saviez vous que la souffrance n'a pas de limite
l'horreur pas de frontière
Le saviez-vous
vous qui savez.
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Les premières colonnes franchissent la porte. De chaque côté, les S.S. avec leurs chiens. Ils sont empaquetés dans des capotes, des passe-montagnes, des cache-nez. Les chiens aussi, dans des manteaux de chiens, avec les deux lettres SS noires sur un rond blanc.
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« Il y a des gens qui arrivent et des gens qui partent. Mais il est une gare où ceux-là qui arrivent sont justement ceux-là qui partent. Une gare où ceux qui arrivent ne sont jamais arrivés, où ceux qui sont partis ne sont jamais revenus. (...) Ils ne savent pas qu’à cette gare-là on n’arrive pas. Ils attendent le pire - ils n’attendent pas l’inconcevable ».
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Elle est morte à Birkenau au début de février 1943, alors que nous n'allions pas encore travailler hors du camp. Deux kapos se sont acharnées sur elle à coups de bâton. Pourquoi ? Il n'y a pas de pourquoi. Parce qu'elle était sur leur chemin.
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Ma mère
C’était des mains un visage
Ils ont mis nos mères nues devant nous

Ici les mères ne sont plus mères à leurs enfants.
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On ne compte pas le temps quand on est libre
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Je reviens
d'au-delà de la connaissance
il faut maintenant désapprendre
je vois bien qu'autrement
je ne pourrais plus vivre.
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Vous voudriez savoir
poser des questions
et vous ne savez quelles questions
et vous ne savez comment poser les questions
alors vous demandez des choses simples
la faim
la peur
la mort
et nous ne savons pas répondre avec vos mots à vous
et nos mots à nous
vous ne les comprenez pas
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