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Citations de Charlotte Delbo (230)


Il y avait au secret de moi une terrible indifférence, l’indifférence qui vient d’un coeur en cendre. Je me défendais de leur en vouloir. J’en voulais à tous les vivants. Je n’avais pas encore trouvé au fond de moi une prière de pardon pour ceux qui vivent.
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L’angoisse s’empare de tout votre être, une angoisse aussi fulgurante que celle du rêve. Est-ce cela, d’être mort ? Les lèvres essaient de parler, la bouche est paralysée. La bouche ne forme pas de paroles quand elle est sèche, qu’elle n’a plus de salive. Et le regard part à la dérive, c’est le regard de la folie. Les autres disent : « Elle est folle, elle est devenue folle pendant la nuit », et elles font appel aux mots qui doivent réveiller la raison. Il faudrait leur expliquer. Les lèvres s’y refusent. Les muscles de la bouche veulent tenter les mouvements de l’articulation et n’articulent pas. Et c’est le désespoir de l’impuissance à leur dire l’angoisse qui m’a étreinte, l’impression d’être morte et de le savoir.
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Et chaque morte est aussi légère et aussi lourde que les ombres de la nuit, légère tant elle est décharnée et lourde d’une somme de souffrances que personne ne partagera jamais.
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Le hurlement se brisait et dans le silence on entendait les sanglots isolés. Elles s’affaissaient. Abattues, résignées peut-être. Ce n’était plus que des yeux creux. Un parterre d’yeux creux.
Bientôt, elles n’en pouvaient plus d’accepter, de se résigner. Un hurlement montait, plus sauvage, montait et se brisait et le silence retombait avec les sanglots et les yeux creux du désespoir.
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Un homme qui meurt pour un autre homme
cela se cherche
ne dis plus cela Mendiant
ne le dis plus
ils sont des milliers
qui se sont avancés pour tous les autres
pour toi aussi
Mendiant
pour que tu salues l’aurore
l’aube était livide
aux matins des mont-valérien
et maintenant
cela s’appelle l’aurore
Mendiant
c’est l’aube avec leur sang.
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Mon cœur a perdu sa peine
il a perdu sa raison de battre
la vie m'a été rendue
et je suis là devant la vie
comme devant une robe
qu'on ne peut plus mettre.
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Auschwitz

Cette ville où nous passions
était une ville étrange.
Les femmes portaient des chapeaux
des chapeaux posés sur des cheveux en boucle.
Elles avaient aussi des souliers et des bas
comme à la ville.
Aucun des habitants de cette ville
n'avait de visage
et pour n'en pas faire l'aveu
tous se détournaient à notre passage
même un enfant qui tenait à la main
une boîte à lait aussi haute que ses jambes
en émail violet
et qui s'enfuit en nous voyant.
Nous regardions ces êtres sans visages
et c'était nous qui nous étonnions.
Aussi nous étions déçues
nous espérions voir des fruits et des légumes chez les marchands.
Il n'y avait pas non plus de boutiques
seulement des vitrines
où j'aurais bien voulu me reconnaître
dans les rangs qui glissaient sur les vitres.
Je levai un bras
mais toutes voulaient se reconnaître
toutes levaient le bras
et aucune n'a su laquelle elle était.
Il y avait l'heure au cadran de la gare
nous avons été heureuses de la regarder
l'heure était vraie
et allégées d'arriver aux silos de betteraves
où nous allions travailler
de l'autre côté de la ville
que nous avions traversée comme un malaise du matin.
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Le silence est solidifié en froid. La lumière est immobile. Nous sommes dans un milieu où le temps est aboli.
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Il y a les intellectuels. Ils sont médecins ou architectes, compositeurs ou poètes, ils se distinguent à la démarche et aux lunettes. Eux aussi ont vu beaucoup dans leur vie. Ils ont beaucoup étudié. Certains ont même beaucoup imaginé pour faire des livres et rien de leurs imaginations ne ressemblent à ce qu'ils voient ici.
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Le nom de chaque camp sera dans la peau de chaque Allemand comme une plaie qui ne cicatrisera jamais.
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Ils ignoraient qu'on prît le train pour l'enfer mais puisqu'ils y sont ils s'arment et se sentent prêts à l'affronter avec les enfants les femmes les vieux parents avec les souvenirs de famille et les papiers de famille.
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Vous voudriez savoir poser des questions et vous ne savez quelles questions et vous ne savez comment poser les questions alors vous demandez des choses simples la faim la peur la mort et nous ne savons pas répondre nous ne savons pas répondre avec vos mots à vous et nos mots à nous vous ne les comprenez pas alors vous demandez des choses plus simples dites-nous par exemple comment se passait une journée c'est si long une journée que vous n'auriez pas la patience et quand nous répondons vous ne savez pas comment passait une journée vous croyez que nous ne savons pas répondre.Vous ne croyez pas ce que nous disons parce que si c'était vrai ce que nous disons nous ne serions pas là pour le dire. Il faudrait expliquer l'inexplicable ...
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D'autres ombres reviennent, cherchent leur place des mains, la place de leur tête au toucher d'une tête et de tous les étagements les cauchemars se lèvent, prennent forme dans l'ombre, de tous les étagements montent les plaintes et les gémissements des corps meurtris qui luttent contre la boue, contre les faces d'hyènes hurlantes : Weiter, weiter, car ces hyènes hurlent ces mots-là et il n'y a plus que la ressource de se blottir sur soi-même et essayer un cauchemar supportable, peut-être celui où l'on rentre à la maison, où l'on revient et où l'on dit : C'est moi, me voilà, je reviens, vous voyez, mais tous les membres de la famille qu'on croyait torturés d'inquiétude se tournent vers le mur, deviennent muets, étrangers d'indifférence.
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C’est ainsi que je partage les gens depuis que je suis rentrée. Ceux-là, je sais au premier regard qu’ils ne m’auraient pas aidé à marcher, qu’ils ne m’auraient pas donné une gorgée à boire, et je n’ai pas besoin qu’ils parlent pour savoir que leurs voix sont fausses, fausses leurs paroles (...)
Il reste que je connais des êtres plus qu’il n’en faut pour vivre à côté d’eux et qu’il y aura toujours entre eux et moi cette connaissance inutile.
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...et comme Ondine je savais que j’oublierais puisque c’est oublier que continuer à respirer, puisque c’est oublier que continuer à se souvenir, et qu’il y a plus de distance entre la vie et la mort qu’entre la terre et l’eau où retournait Ondine pour oublier.
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Je levai un bras
mais toutes voulaient se reconnaître
toutes levaient le bras
et aucune n'a su laquelle elle était
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Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants



Vous qui passez bien habillés de tous vos muscles


Je reviens…
d’au-delà de la connaissance
il faut maintenant désapprendre
je vois bien qu’autrement
je ne pourrais plus vivre.

Et puis
mieux vaut ne pas y croire
à ces histoires
de revenants
plus jamais vous ne dormirez
si jamais vous les croyez
ces spectres revenants
ces revenants
qui reviennent
sans pouvoir même
expliquer comment.
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Le sifflet siffle dans le camp, une voix crie : "Zell Appel" et nous entendons : "C'est d'appel", et une autre voix : "Ausftehen", et ce n'est pas la fin de la nuit
ce n'est pas la fin de la nuit pour celles qui délirent dans les révirs
ce n'est pas a fin de la nuit pour les rats qui attaquent leurs lèvres encore vivantes
ce n'est pas la fin de la nuit pour les étoiles glacées au ciel glacé
ce n'est pas la fin de la nuit
c'est l'heure où des ombres rentrent dans les murs, où d'autres ombres sortent dans la nuit
ce n'est pas la fin de la nuit
c'est la fin de mille nuits et de mille cauchemars.
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Je suis debout au milieu de mes camarades et je pense que si un jour je reviens et si je veux expliquer cet inexplicable, je dirai : "Je me disais, il faut que tu tiennes, il faut que tu tiennes debout pendant tout l'appel. Il faut que tu tiennes aujourd'hui encore. C'est parce que tu auras tenu aujourd'hui encore que tu reviendras si un jour tu reviens." Et ce sera faux. Je ne me disais rien. Je ne pensais rien.
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Envoi (p. 210)

Un homme qui meurt pour un autre homme
cela se cherche
ne dis plus cela Mendiant
ne le dis plus
ils sont des milliers
qui se sont avancés pour tous les autres
pour toi aussi
Mendiant
pour que tu salues l’aurore
l’aube était livide
aux matins des mont-valérien
et maintenant
cela s’appelle l’aurore
Mendiant
c’est l’aube avec leur sang.
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