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Critiques de Charlotte Perkins Gillman (107)
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Herland

Une curiosité que ce court roman écrit en 1915, paru sous la forme d'un feuilleton dans une revue. Toute l'oeuvre de son auteure, la sociologue et écrivaine américaine Charlotte Perkins Gilman, a eu une influence majeure sur le militantisme féministe outre-Atlantique.



Elle a choisi la forme d'une utopie à la Jonathan Swift, le monde imaginaire de « Herland » permettant de dénoncer les dysfonctionnements du monde réel, en l'occurence, le patriarcat et ses conséquences sexistes. Trois Américains aux profils différents découvrent un peuple de femmes qui vit en autarcie depuis 2000 ans, sans homme, se reproduisant par parthénogenèse, dans une société paisible, rationnelle, très avancée intellectuellement et du point de vue intellectuel tout en vivant en harmonie avec la nature.



On sent la sociologue derrière chaque page. Les personnages n'ont pas d'existence propre, pas de chair, rien qui ne nous touche, ils sont juste là pour étayer les thèses de l'auteur. L'écriture est un peu empesée, très scolaire. En 1915, cela devait être très novateur mais en 2019, cette utopie m'a semblé très vieillie, et pour le moins très discutable :



- toute la société de Herland tourne autour de la maternité qui est érigée en quasi religion, le grand projet collectif étant de donner naissance à d'autres femmes, les bébés étant élevés en commun, un peu comme dans une ruche.

l'individu n'a que peu de place dans cet espace très organisée, impossible de s'y exprimer et de se détacher des autres « soeurs »

- les relations sexuelles n'existent pas, complètement évacuées

- surtout, ces femmes sont de souche aryenne, l'eugénisme a sa place puisque les femmes jugées les moins aptes physiquement et psychologiquement sont écartées de la reproduction.



Inversement, ce qui m'a semblé toujours très pertinent et finalement visionnaire, c'est la place que Herland accorde au respect de la nature, ces femmes vivant en symbiose avec leur environnement, l'agriculture mise en place étant très proche des idées de la permaculture actuelle.



A lire donc pour parfaire sa connaissance historiographique du féminisme, sans perdre de vue ce qu'il y a derrière cette gynocratie utopique. A quoi ressemblerait donc une utopie féministe inventée en 2019 ?
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Une brillantissime nouvelle de 40 pages, qui retrace la descente aux enfers d’une femme.

Elle vient d’avoir un enfant, "ce cher bébé", et souffre de ce qui semble une dépression post-partum.

Pour son malheur le mari est médecin et lui applique les recommandations de la psychiatrie de l’époque (nous sommes au 19ème) : la garder recluse et privée de toute source de distraction, comme lire ou écrire.

Il ne lui reste qu’une activité : observer l’affreux "papier peint jaune" (le titre original) dans lequel, peu à peu, lui apparaissent des motifs étranges, effrayants, reflétant sa folie croissante.

En 40 pages, dans une narration à couper le souffle, Charlotte Perkins Gillman nous raconte sa propre dépression avec une virtuosité infernale et glaçante.

Traduit par Diane de Margerie.

LC thématique mai 2023 : "Littérature étrangère non francophone"
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Ecrit en 1890, ce court récit, en grande partie autobiographique, condense de nombreuses thématiques représentatives de la société et des moeurs de l’époque victorienne.



Rédigé sous la forme d’un journal intime, « La séquestrée » met en scène une jeune femme qui, souffrant d’une dépression post-partum se voit imposer une cure de repos par son médecin de mari. L’héroïne se retrouve ainsi confinée dans une chambre exiguë, privée de toute stimulation intellectuelle, n’ayant d’autre « distraction » que d’observer à longueur de journée le papier peint hideux qui orne la pièce.



Commence alors pour la narratrice une longue descente aux Enfers qui va peu à peu l’entraîner aux portes de la folie. Car à mesure que les jours passent, le papier peint semble s’animer et bientôt, l’héroïne croit distinguer les traits d’une jeune femme tentant de s’échapper du motif la retenant prisonnière…



Si à la première lecture, « La séquestrée » semble se situer à la lisière entre roman gothique et récit fantastique, explorant le basculement d’une femme dans la folie, la brillante et pertinente postface de Diane de Margerie permet d’offrir au lecteur un éclairage nouveau au texte.



Replaçant l’oeuvre dans son contexte et reprenant des éléments biographiques de l’auteure, Diane de Margerie nous démontre comment « La séquestrée », au-delà d’une étude psychologique de ce qu’on nomme aujourd’hui la dépression post-partum, est en réalité une véritable condamnation de la société patriarcale et de l’hégémonie médicale de l’époque victorienne.



Car à travers le portrait saisissant de cette femme cloitrée dans cette chambre sordide et soumise à l’autorité de son mari, c’est finalement celui de toute une condition féminine, emprisonnée dans une société verrouillée que dépeint l’auteure.



Jusqu’à la moitié du XIXième siècle, on considère en effet que la place de la femme réside dans la sphère privée du domicile familial où elle se doit d’assumer son rôle d’épouse et de mère de famille. De leurs côtés, les hommes régissent le domaine public à travers le travail, la politique et l’économie. Ce n’est qu’au milieu du XIXième siècle que les moeurs commencent à évoluer à mesure qu’émergent les premières pensées féministes. Les femmes aspirent à étendre leur rôle au-delà de la sphère familiale et à s’émanciper.



C’est dans l’émergence de ce nouveau courant féministe que s’inscrit Charlotte Perkins dont la présente nouvelle fait en grande partie écho à sa vie, tout comme à celles de ses contemporaines, Edith Wharton ou Alice James. La société patriarcale de l’époque imposait aux femmes de choisir entre le mariage et la carrière, autrement dit entre le mariage et le célibat, la dépendance et l’indépendance. Le mariage devait permettre aux femmes de correspondre aux modèles définis pour elle par la société de l’époque, à savoir la mère de famille modèle et l’épouse dévouée. Dans l’opinion populaire, toutes celles qui témoignaient d’un désir d’émancipation étaient considérées comme une menace pour l’ordre social établi.



Ces femmes, à l’esprit rebelle, qui refusaient d’incarner le rôle que la société attendait d’elles, ne pouvant se satisfaire de la place qu’occupaient leurs pairs enfermées dans le mariage et contraintes à l’autorité de leurs époux, étaient plus libres que les autres, indépendantes financièrement, mais souvent au prix d’une grande solitude.



C’est ainsi qu’à la fin du XIXième siècle, celles qui aspirent à s’affirmer en tant qu’écrivain se heurtent à cette société fermée et hostile aux femmes. L’écriture étant alors le privilège des hommes. On peut dès lors imaginer que « La séquestrée », à travers la mise en scène d’une femme forcée de rédiger son journal en cachette, décrit en ce sens la lutte acharnée que l’auteure a dû mener pour écrire et publier ainsi que les obstacles qu’elle a dû surmonter pour y parvenir.



Mais les desseins nourris par Charlotte Perkins lors de la rédaction de « La séquestrée » visaient avant tout le Docteur S. W. Mitchell à qui elle voulait démontrer, par son exemple, qu’il était dans l’erreur avec son approche thérapeutique de la dépression nerveuse et que ses traitements faisaient davantage de tort à ses patients qu’ils ne les soulageaient.



Charlotte a en effet elle-même souffert d´une forte dépression post-partum suite à la naissance de sa fille, Katharine. En accord avec son mari, elle décide de consulter le plus grand spécialiste des maladies nerveuses de l’époque, le docteur Mitchell, qui lui prescrit une cure de repos. La cure consistait en une véritable mise en quarantaine au cours de laquelle la jeune femme devait rester allongée une grande partie de la journée et, surtout, éviter toute occupation stimulante pour l’esprit. Après quelques mois de ce traitement drastique, à l’image de son héroïne, Charlotte Perkins se trouve aux portes de la folie.



Difficile de ne pas faire dès lors le parallèle avec l’héroïne de « La séquestrée », cette jeune femme qui, sur les recommandations de son mari médecin se retrouve cloitrée dans une chambre en vue de soigner sa dépression nerveuse. Dans son récit, Charlotte Perkins montre comment la narratrice, infantilisée par son mari, privée de tout loisir et de toute activité intellectuelle éprouve un sentiment d’enfermement oppressant aboutissant à une totale perte d’identité et à son basculement progressif dans la folie.



A mesure qu’avance le récit, le papier-peint devient un véritable miroir de la condition de l’héroïne, lui renvoyant l’image d’une femme prise au piège qui n’aspire qu’à s’échapper de ce qui la retient prisonnière. En se conformant aux attentes de la société, à travers le mariage et la maternité, la narratrice s’est ainsi retrouvée privée de liberté et d’identité, incarnant dès lors la condition de toutes ces femmes de l’époque qui se sont senties enfermées dans le mariage et dépossédées de leur identité.



Sous la forme d’un récit semi-autobiographique, Charlotte Perkins dénonce donc le confinement mental et physique de la femme dans la société de l’époque victorienne. Un texte aussi court que pertinent, foisonnant de symboles, qui ne peut laisser aucune femme indifférente.



A découvrir absolument !
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Herland

Il y a quelques semaines, en flânant entre les étals recouverts de livres plus alléchants les uns que les autres, mon œil fut attiré par une couverture, un titre : Herland. Déniché dans le rayon féminisme et avec pour illustration quelques phrases chocs comme, "le roman culte du féminisme américain", je ne pouvais que craquer ! Imaginez trois aventuriers scientifiques américains, découvrir sur une haute montagne un mystérieux petit pays peuplé exclusivement par des femmes. Impossible ! Comment font-elles pour se reproduire ? Et puis s'il n'y a pas d'hommes comment font-elles pour se nourrir, elles, ces pauvres petites choses délicates ? Ecrit en 1915, le livre de Charlotte Perkins Gilman est à la croisée entre essai sociologique et roman. Malheureusement, le fond comme la forme m'ont à plusieurs reprises fait cligner de l’œil. Bah ouais, j'suis comme ça moi, je cligne de l’œil quand ça ne va pas ! Pourquoi ? Un style un peu trop académique et quelques idées "tendances" de l'époque, comme l'eugénisme, m'ont légèrement refroidi. N'empêche, il fallait être sacrément courageuse pour exprimer l'idée d'un féminisme, même si je n'adhère pas à tous les arguments de la romancière. Prémices d'une réflexion sociétale, Herland ouvre la voie d'une pensée réformatrice. Merci Charlotte !



Au début du XXe siècle, trois amis américains passionnés de sciences et d'aventures découvrent lors d'une expédition lointaine, un mystérieux petit territoire. Enclavé dans de hautes montagnes, dans un pays que Van, notre protagoniste, ne mentionnera jamais par mesure de protection, ce peuple est exclusivement composé de femmes. Premiers hommes à fouler ce petit territoire baptisé Herland par leur soin, et avec leur regard scientifique, mais surtout d'homme occidental, nos trois amis découvrent un monde différent où l'idée d'une féminité telle qu'il la connaisse est balayée. Prisonniers, pour l'instant, de ce merveilleux et luxuriant pays, Terry, Jeff et Van sauront-ils s'adapter à ce nouvel environnement ? Leur perception des femmes changera-t-elle ?



Sociologue de métier, il n'est pas étonnant que Charlotte Perkins Gilman ait voulu utiliser cette discipline au service de son roman. Sous forme de carnet de bord, l'auteure a prêté son œil scientifique à son protagoniste principal, Vandyck Jennings, afin de traiter le sujet féministe qui n'en ai qu'à ses débuts. Critique sans fard de la société patriarcale dans laquelle elle évolue et est sans cesse confrontée, l'auteure, amène à plusieurs pistes de réflexions comme la définition de la féminité. Quelle est-elle sinon une définition fixée par l'homme et pour l'homme ? Représentée par des codes extérieurs, où l'apparence et l'attitude revêtent une importance capitale, celle-ci ne dépend que du regard que l'homme porte sur la femme. Pis, celui-ci confond féminité et maternité.



Et parlons-en de la maternité. Sujet de discorde pour moi, l'idée est ici menée à son paroxysme ! Bye-bye la sexualité épanouie, bonjour la maternité, pleine, entière, merveilleuse. Un peu trop peut-être... Reproduites par parthénogenèse, ces femmes élèvent la maternité au rang de religion. La femme telle quelle, est effacée au profit de l'éducation. Alors oui, cette utopie dans laquelle vit cette communauté est alléchante : non-violente, écologique à souhait, tolérante... Sauf que toutes les femmes ne sont pas aptes à engendrer. Seules celles considérées comme les plus fortes ont le droit de donner la vie. D'où le principe d'eugénisme... Pas terrible n'est-ce pas ? Et le plaisir, on en parle ? Bah pas vraiment puisqu'elles n'ont pas besoin d'hommes pour procréer. Et je ne vous parle même pas du non-désir d'enfants. Bon, n'oublions pas que nous sommes en 1915... Autant vous dire que cette partie tient plus à du cauchemar qu'au rêve pour moi !



Grâce aux voix de ses trois personnages, Charlotte Perkins Gilman, donne corps aux idées ridicules que les hommes véhiculent sur les femmes. Qu'ils soient misogynes, sexistes ou à l'inverse trop complaisants, l'auteure utilise ces arguments pour mieux les retourner, quitte à véhiculer elle-même des idées parfois douteuses. Le reflet d'une époque ?



Happée par la curiosité de ce monde, j'ai vite été rattrapée par un style trop professoral qui marque ces 278 pages de lourdeurs. Intéressant, ce livre fait évidemment la part belle aux femmes, mais aussi à un modèle écologique novateur pour l'époque. Ainsi, leur communauté étroitement liée à la nature, est à l'image de celle-ci, abondante, luxuriante, tout comme disciplinée.



Un livre étonnant, parfois brillant, mais teinté d'idées houleuses.
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Herland

Il existe en Amérique du Sud un pays où, depuis 2000 ans, les femmes vivent sans les hommes. Se reproduisant par parthénogenèse, elles ont créé une société idéale, juste et profondément pacifique, tournée vers la maternité et l'éducation de toutes. Quand Terry, Jeff et Vandyck, trois jeunes Américains découvrent le pays, ils sont tout à la fois sidérés et incrédules devant cette autonomie harmonieuse. Leurs principes et préjugés misogynes sont mis à mal et ils ont toutes les peines du monde à comprendre les vertus de ce monde dénué de violence, de compétition ou de domination. « Les vierges robustes n'avaient à craindre aucun mâle et, de ce fait, n'avaient pas besoin d'être protégées. [...] Elles plaçaient au plus haut le pouvoir de l'amour maternel, cet instinct que nous partons aux nues, mais aussi celui de l'amour sororal, que nous peinions à identifier alors qu'il était sous nos yeux. » (p. 99) Pendant une année, les trois hommes apprennent à connaître ce pays fabuleux, tout en sachant qu'ils n'y ont pas leur place et qu'ils devront le quitter.



Ce récit a posteriori a des airs de voyage extraordinaire à la Gulliver. Comme chez Jonathan Swift, la présentation d'une autre société est l'occasion de critiquer vivement la société dans laquelle il évolue. Ici, Charlotte Perkins Gilman donne de nombreuses leçons de féminisme et de morale. « Je pris conscience alors que ces charmes féminins qui nous fascinent tant ne sont pas féminins par essence, mais que ce sont des projections masculines, qu'elles ont cultivées pour nous plaire, parce qu'il fallait nous plaire, mais en aucun cas nécessaire à la réalisation de leur grand dessein. » (p. 101) Le seul bémol de cette lecture est la tendance de l'autrice à professer l'eugénisme pour produire un être féminin parfait. Cela tient cependant au contexte d'écriture du roman : en 1915, ce genre d'idées avait le vent en poupe, et comme le dit très bien la préface d'Olivier Postel-Vinay, le roman de Charlotte Perkins Gilman développe un certain protofascisme, avec cette volonté de confier les rênes de la société aux êtres plus méritants et aux plus performants.



Mais cette lecture reste profondément inspirante et je comprends que ce roman soit un fondement du féminisme américain. « Des femmes ayant ce type de culture sont parfaitement capables de se défendre et ne seront pas accueillantes à l'égard de visiteurs inattendus. » (p. 24) J'ai maintenant envie de découvrir d'autres textes de cette autrice, notamment ses essais économiques, mais aussi la suite de Herland où elle présente l'arrivée d'une femme de ce pays aux États-Unis : je pense que le choc des cultures sera plus brutal dans ce sens-là !
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Quelle claque !

Lu d'une traite, ce texte court et percutant m'a retournée.

Hystérie ou manipulation d'un pervers narcissique ?

Quel vilain mot, l'hystérie ! Avoir un utérus nous condamnant d'office, on ne peut pas lutter contre ce diagnostic posé par des gens qui en sont dépourvus. Pensez-vous, la nature est bien faite, elle a créé un être fort, raisonnable et intelligent pour s'occuper d'un être si fragile, si délicat, si immature !

C'est pour ton bien, ma chérie, que je t'enferme. Cesse tes enfantillages. Tu vois, tu pleures, tes nerfs ne sont assez solides...



Quel étouffement, quel vertige, cette nouvelle ! L'impression de se noyer dans ce maelström de papier jaune en lambeaux.







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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Difficile à croire que cette nouvelle a été écrite au dix-neuvième siècle ! Tandis qu'Irving nous fait peur avec un cavalier sans tête venu directement du folklore européen, Poe nous terrifie avec ses mondes sombres et imaginaires et même Henry James nous fait délicieusement frissonner sur la possibilité de l'existence de fantômes, Charlotte Perkins Gilman fait une équation résolument moderne - pas de fioritures, une femme mentalement fragilisée par un syndrome post-partum, une chambre avec un papier peint jaune à motif...et le résultat est tout simplement HORRIPILANT ! Assez court, très dense, un régal !
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

La protagoniste tient un journal intime. Malade des nerfs, elle se repose pendant plusieurs semaines dans une maison isolée que son époux, John, a louée. L'homme est médecin, attentionné, mais aussi très strict : il empêche toute sortie et tout divertissement à son épouse. « John se moque de moi, bien sûr, mais que peut-on attendre d'autre du mariage ? » (p. 21) Dans la chambre où elle dort et qu'elle ne quitte presque pas, un hideux papier peint jaune en lambeaux l'obsède. « Ce papier me regarde comme s'il avait conscience de son influence. » (p. 36) La folie s'empare rapidement de l'esprit fragile de la protagoniste : elle voit des choses dans le papier et se donne pour mission de combattre ce monstre unidimensionnel.



En peu de pages et avec une économie de mots remarquable, l'autrice dépeint la naissance de la folie avec une précision qui glace le sang. Le plus terrible est d'apprendre en fin d'ouvrage que Charlotte Perkins Gilman a vécu une expérience similaire de neurasthénie, d'enfermement et d'affamement intellectuel. « Ce texte n'a pas été écrit pour rendre les gens fous, mais pour les empêcher de le devenir. Et ça a marché ! » (p. 187) Ce que l'autrice dénonce, ce sont des pratiques aliénantes, à base d'inactivité forcée, décidées et imposées par des hommes qui ne savent pas et ne cherchent pas à savoir comment mieux traiter les femmes.



La mise en page est une merveille et joue également sur les nerfs du lecteur, avec des pages blanches déstabilisantes, des décalages de lettres, des phrases hachées, et surtout ce papier peint jaune qui envahit progressivement tout l'espace, tout comme il gangrène irrémédiablement l'esprit de la narratrice. Détail qui a son importante, il faut couper les pages non massicotées pour progresser dans l'histoire. Le lecteur trace ainsi activement son chemin dans le livre et le huis clos mental de l'héroïne, mais ce geste ralentit aussi la découverte de l'intrigue et entretient le suspense. Le parallèle est grand entre l'action du lecteur et celle de la femme : le premier coupe le papier, la seconde l'arrache. Les deux sont aux prises avec la même matière, dans un but identique : découvrir ce qui se cache derrière le papier.



Je ne peux que saluer l'extraordinaire travail des éditions Tendance négative, maison bénévole qui a offert un superbe écrin au texte de Charlotte Perkins Gilman. De cette autrice, je vous conseille évidemment la lecture de Herland.
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Herland

Herland ou la terre des Femmes !

Une utopie écrite par Charlotte Perkins Gilman en 1915 et, qui a eu un grand succès auprès des féministes, puis est tombé dans l'oubli pour resurgir avec les nouvelles générations féminines dans les années 60/70 !

Trois américains : Terry, Jeef et Vanduck ( le narrateur ) découvrent avec étonnement en haute montagne un petit pays, isolé peuplé exclusivement de femmes !

Ils découvrent des Herlandaises robustes, acrobates et intelligentes qui vont les tenir emprisonnés pour leur apprendre leur langue apurée pour être plus facilement assimilable et pouvoir comparer leur mode de vie matriarcal à celui des 3 invités !

Elles vivent depuis 2000 ans éloignées de toute civilisation, suite à une éruption volcanique et des tremblements !

Elles ont du s'organiser à plusieurs niveaux :

***Pas d'hommes : elles pratiquent la parthénogenèse et, se consacrent principalement à l'éducation de leurs enfants !

Mais elles ont tout planifié même en ce domaine : la limitation des naissances par l'eugénisme et, les mamans n'ont leur bébés que durant 2 ans car ensuite : ce sont des soeurs spécialisées qui vont s'occuper d'eux pour obtenir une éducation collective !

Sur le plan économique : elles ont supprimé les élevages, le bétail (sauf celui des chats ) car ils prenaient trop de place et leur propre lait leur suffit !

Elles ont planifié les cultures et mettent en valeur les arbres, elles recyclent leurs déchets ...

Que demander de plus dans cette société sororale ? elles ont la paix, l'abondance, la beauté, la bonté et l'intelligence et surtout pas de jalousie, de criminalité ! Un monde parfait crée par les femmes pour les femmes ,mais nos 3 invités vont s'éprendre de leurs 3 belles guides : et vont se marier sous l'autorité de la Grande-sur-Mer et son cercle de Grandes conseillères du Temple !

Hélas,Terry va vouloir concrétiser son union et, ils vont être obligés de partir de ce "paradis " féminin !

Un roman avec des personnages qui ne servent qu'à valoriser les thèses de Gilman !

Un roman culte du féminisme américain sans concession pour le patriarcat mais, qui présente un intérêt pour voir quelle sera l'évolution de nos féministes actuelles !



L.C thématique d'avril 2021
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Étrange et magnifique petit livre,

dont on aborde la lecture armé..

d'un coupe-papier. pour extirper

le texte prisonnier entre ses pages.

Retrouver ce geste presque oublié

de liberer l'écrit de sa bogue est un plaisir suranné

Être armée il le faut, pour faire face à la folie

de cette femme, folie suggérée puis criée.

Ce papier peint jaune recueille

toutes ses angoisses, ses incertitudes .

Elle a accouché il y a peu d'un bébé à peine évoqué

Cet enfant est il réel ? Est il vivant?

0n ne sait pas vraiment...

Il n'y en a qu'un qui sait

c'est John son mari médecin

L'homme de sciences la traite

avec autorité , condescendance ..

Et ouf! Elle se méfie, se rebiffe,

s'intéresse à la femme prisonnière

derriere ce papier peint hideux

qui a une odeur.. ..jaune!

Est ce elle, cette recluse ?

Tout est possible et rien ne l'est.

La psychose puerperale tient le premier rôle

Le papier peint jaune est le révélateur

des affres de cette jeune femme .

Étrange, énigmatique ce récit

joue beaucoup sur la présentation de ce texte.

Pages blanches, collées, noires habitées de démons..

Ça vous met la tête à l'envers, vous occupe les mains

vous emplit de malaise,

de solidarité aussi avec cette femme.

Une expérience rare à partager

Merci AM





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Herland

Trois hommes, médecin, explorateur et sociologue, découvrent par hasard un pays enclavé, autarcique, où vit une population exclusivement féminine.

Comment est-ce possible me direz-vous ? à l'instar de nos trois mâles en goguette, qui seront invités à suivre les « cours » de langue et d'histoire de ce pays, on apprend que cette très ancienne civilisation, oubliée du reste du monde se multiplie par parthénogenèse et pratique l'eugénisme pour se maintenir au top (l'idée est évidemment choquante ! c'est que le livre date de 1915 et qu'à cette époque le concept d'amélioration de la race humaine est à la mode)

Bref, nos touristes un poil macho verront leurs idées reçues sur la gente féminine déboulonnées les unes après les autres au contact de ces femmes qui prônent la sororité comme valeur première de leur société.



L'idée de départ, audacieuse et originale, me plaisait beaucoup, mais malheureusement l'autrice s'embourbe un peu dans son concept et peine à développer l'intrigue. le ton est très didactique, l'écriture linéaire. du coup j'ai finit par m'ennuyer un peu.

Le propos se veut féministe mais ne l'est qu'à moitié, (il faut mettre cela, je pense, sur le compte de l'époque : par exemple la maternité comme ultime accomplissement, ou encore cette histoire d'idéal féminin « fabriqué » génétiquement, me paraissent franchement datés) mais il y a aussi quelques idées qui m'ont fait sourire.

Que cette population de Herland soit finalement très peu genré devait être une idée très novatrice au début du siècle dernier !



Une curieuse lecture, intéressante mais qui ne m'a pas subjugué.

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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Ce n'est pas un conte de Noël. Ce récit n'est donc pas à raconter aux enfants sages.

C'est une brève nouvelle de cinquante petites pages qui fût écrite en 1891, entre quelques de ses poèmes par Charlotte Perkins Gilman. Une femme alors déjà bien malade, vivant alors déjà dans une grande détresse.

*



C'est une vraie histoire, une histoire authentique, celle tirée d'un vécu, celle de l'auteure qui se raconte. Qui raconte sous les traits de son héroïne, sa propre déprime, ses propres névroses à la limite parfois de la folie.

Une histoire d'une femme, d'une épouse, d'une mère qui est plongée dans la mélancolie, dans la déprime.

*



Cette vraie dépression pernicieuse, vicieuse, trompeuse, perverse, malsaine qui nous saisit un jour, silencieuse, sans que nous nous en rendions compte. Et qui répand son poison partout dans notre être.

Ce vrai état second, là où tout semble vaciller, là où même l'entourage semble ligué contre soi, où le malaise étouffe. Là où nous sommes projetés au-delà de la tristesse et condamnés à verser des milliers de larmes. Là où nous avons l'impression de marcher sur un fil, en équilibre dans le vide. Là où nous sommes prêts parfois à faire le grand saut dans l'abysse, pour nous délivrer de nos tourments. Pour nous libérer de nos pensées angoissantes qui nous compriment le coeur. Pour nous désengluer de nos idées noires, omniprésentes, obsédantes.

*



« La séquestrée », c'est une femme obnubilée par ce papier jaune de sa chambre, qui la névrose et qu'elle vomit. Où elle croit voir dessus, bouger des figures laides et des champignons. Qui croit voir aussi des ombres ramper.

« La séquestrée », c'est aussi l'histoire de John le mari, le médecin. Face à la maladie de sa femme, il m'a semblé monstrueux, par son incompétence, ou son déni ou son attitude frôlant la perversion.

*



Dans quelques jours ce sera Noël pour tous les chrétiens et les croyants de ce monde.

Je connais beaucoup de personnes qui se sentent seules et déprimées, chaque année en cette même période de fête et d'espoir.

Et mes pensées vont vers elles et sont pour elles.



« L'espoir est cette lueur qui scintille au fond de nos pensées obscures, elle retient notre haleine en veille. »

(Nacira Boukli-Hacene)



Bon Noël à vous toutes et tous !

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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Le Papier peint jaune de Charlotte Perkins Gilman est le journal que tient la narratrice lorsqu’elle le peut, installée le temps de quelques mois d’été dans une maison que son mari médecin a louée pour eux. Ce dernier lui a diagnostiqué une dépression nerveuse, et il s’affaire à ce qu’elle soit complètement au repos, alors qu’elle pense que l’activité – l’écriture, un travail - pourrait lui faire le plus grand bien. C’est lui qui a choisi la chambre dans laquelle il l’installe, manifestement une chambre d’enfants reconvertie en salle de jeux, avec des barreaux aux fenêtres et un papier peint en lambeaux, d’une couleur jaune douteuse et aux motifs hallucinants, pour lequel elle en vient à développer une véritable obsession, jusqu’à cette chute que je ne suis pas près d’oublier ! Publiée en 1892, cette nouvelle d’une cinquantaine de pages flirtant avec le fantastique, en dit long sur son époque dans les thèmes qu’elle explore, en particulier l’enfermement des femmes, tant domestique que conjugal, ainsi que la vision médicale de troubles qui sont davantage reconnus aujourd’hui, telle la dépression post-partum. Une auteure féministe dont je vais aller découvrir les autres ouvrages très certainement.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Dès les premières pages, les mots nous tendent. Et pour cause. Ils témoignent, implacables, de la folie et de l’enfermement. L’aliénation. Celle d’une jeune mère qui tombe en dépression. Celle d’une femme que l’on prive de sa liberté d’expression. Soumise à l’influence des médecins – et de son mari en particulier –, elle est astreinte à une vie bien rangée, sans dangers. Et c’est pour la soigner qu’il la presse de se reposer et de bien manger. Surtout, de ne pas écrire. Alors elle passe des heures dans sa chambre. Des jours entiers à observer les murs, le papier peint. Son jaune sale devient un affront permanent, et son tracé une réelle obsession.



Cette nouvelle touche le point sensible d’une domination masculine aux multiples visages : dépendance financière et sociale, et paternalisme notamment. Dans la fin d’un XIXe siècle américain où la femme ne possède pas de liberté propre, Charlotte Perkins se bat contre de nombreux démons. Impossible de ne pas penser aux hystériques de Freud et Charcot. L’on peut aussi faire le lien avec Alice James (bien moins connue que son frère Henri, étonnamment) ou Édith Wharton. Femmes de lettres, c’est constamment qu’on a nié leur légitimité, voire même leur droit à l’écriture. Alors lisons leurs mots et tournons leurs pages…
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Le Papier peint jaune - Selon Salomon

Voici deux excellentes nouvelles d'une auteure que je ne connaissais pas.



La première, le Papier peint jaune, est l'histoire d'une femme qui voit des choses étranges se passer dans le papier peint. Ici, j'ai eu quand même un petit frisson... le truc quand on a peur c'est que tous les sens sont décuplés. On entend et on voit des choses qui n'existent pas, quoi que...



La deuxième, Selon Salomon, est l'histoire d'un couple. Le mari, Salomon, refuse que sa femme dépense de l'argent. D'un autre côté il la couvre de cadeaux onéreux et inutiles. La brave femme va inverser la vapeur et la chute m'a beaucoup amusée : "J'accepte les plaisanteries comme tous les hommes, Molly. Je pense que nous sommes quittes sur ce point. Mais, ma chère, où avez-vous trouvé tout cela?" Excellent!
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Ça faisait longtemps que je voulais lire "The Yellow Wallpaper", célèbre classique de la littérature victorienne américaine. C'est une nouvelle d'une cinquantaine de pages qui raconte l'histoire d'une femme comme il a dû y en avoir beaucoup, enfermée par son mari "pour son propre bien" et finissant carrément par sombrer dans la folie. C'est donc un texte féministe, qui dénonce le traitement condescendant qui était réservé aux femmes, infantilisées par leurs maris, catégorisées comme hystériques à la moindre saute d'humeur, etc.



Je connaissais déjà les grandes lignes de l'histoire avant de lire le livre. Ce que je ne savais pas, par contre, c'est que C'EST CREEPY AS FUCK!!! La protagoniste, prise d'hallucinations, est "hantée" par une présence fantomatique. Ses visions ne sont que la représentation de son propre sentiment d'oppression, mais je ressors de cette lecture avec des images mentales dignes d'un film d'horreur! Vraiment, j'ai été choquée!



Si les motifs sont résolument gothiques – l'enfermement, la folie, les "fantômes"... –, certains thèmes sont étonnamment modernes pour l'époque et rappellent des enjeux bien actuels. Il est entre autres question de dépression postpartum et de la difficulté, en tant que femme, d'être crue et écoutée par les instances médicales. C'est vraiment bien écrit, avant-gardiste, court et extrêmement efficace. À lire absolument!
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Herland

Trois hommes, Van – le narrateur du récit, proposé sous forme de journal rédigé après coup –, Jeff et Terry, font la découverte d’une contrée restée en autarcie depuis 2000 ans, pour des raisons naturelles. Cette contrée légendaire, dans laquelle ils parviennent enfin à se rendre, après diverses péripéties, a la particularité d’être exclusivement féminine, et d’avoir une reproduction permise par la parthénogenèse. Au fil des pages, Van nous décrit très précisément l’organisation de la société dans laquelle nos trois hommes vont évoluer pendant un certain temps, jusqu’au drame, annoncé dès les premières pages, qui les fera en partie rentrer chez eux.



Franchement inspirée des récits de voyage fictif omniprésents durant les Lumières, donnant lieu à la découverte de contrées et de sociétés poussant à la réflexion quant à nos propres sociétés, en bien comme en mal – ici plutôt en mal du point de vue de notre protagoniste, Herland est un roman qui est intéressant en ce qu’il propose un regard qui tente de montrer les travers d’une société patriarcale, tout en proposant une alternative en une société matriarcale censément dénuée de tous ces travers. Regard précis, intellectuellement dense, particulièrement réfléchi d’ailleurs.



Mais ce regard n’en a pas moins vieilli depuis sa publication, en 1915 : il y a en effet quelque chose de très puritain proposé dans cette vision, dans laquelle la femme s’épanouit principalement par l’intermédiaire de la maternité – directe ou indirecte : toutes n’ont pas le droit de se reproduire, vive l’eugénisme, mais toutes s’occupent des filles qui vont naître –, et dans laquelle, finalement, l’intrusion d’hommes dans son « harmonie » semble être un peu trop salutaire – chassez le naturel du patriarcat pendant 2000 ans, il revient au galop –.



Pas mécontente d’avoir enfin lu ce classique, même si les limites philosophiques, morales, ou encore sociologiques, en sont nombreuses.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Écrit en 1890 sous le titre « The yellow wallpaper »

Époque où il était risqué d'être une femme déprimée.

Isolement, enfermement........

Heureusement, grâce à des femmes comme Charlotte Perkins qui ont commencé à se rebeller et à ne plus accepter le diktat masculin, cette situation a complètement disparu.

Cette courte nouvelle est percutante et de plus fort bien écrite.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

La condition féminine au XIXème est au coeur de ce court roman de Charlotte Perkins Gilman. Ce thème, très présent dans les romans de cette époque, est traité ici de manière tout à fait originale. Le confinement sociétal des femmes est matérialisé par un véritable enfermement.



La narratrice et son mari passent l'été dans une grande demeure louée pour l'occasion. Le couple vient d'avoir un enfant. On comprend assez vite qu'ils ne sont pas venus dans le domaine pour des vacances mais pour s'isoler du monde. La jeune femme souffre d'“une simple dépression passagère, un léger penchant à l'hystérie.” Son mari médecin décide qu'elle a besoin d'une cure de repos pour se rétablir. Au début du récit, le mari est présenté comme attentif, aimant et ne voulant que le bien être de son épouse. En réalité ce qu'il cherche c'est à faire rentrer sa femme dans le rang, qu'elle se consacre à ses devoirs : la maison, les enfants et les relations mondaines. Notre narratrice n'a que faire de ce type d'occupation, ne s'intéresse que peu à son enfant : “Il m'est impossible de m'en occuper moi-même, cela me rend trop nerveuse.” Elle aimerait écrire, elle pense que cette activité créatrice l'aiderait à sortir de la neurasthénie.



La cure de repos imposée par son mari est sévère quant aux activités intellectuelles. Tout l'entourage estime que c'est l'écriture qui a rendu malade la jeune femme. Il faut donc l'empêcher de se livrer à ce penchant. Pour ce faire chaque activité de la journée est prévue, contrôlée. La jeune femme ne peut voir personne, pas d'amis en dehors de la famille de son époux. Ils reçoivent d'ailleurs la soeur de ce dernier, décrite ainsi : “C'est une maîtresse de maison parfaite et convaincue; elle n'a pas d'autre ambition.” L'anti-thèse de sa belle-soeur!



Celle-ci se confine alors dans sa chambre dont le papier peint jaune et malodorant devient son unique obsession. “Rien que la couleur en est hideuse, douteuse, exaspérante, quant au dessin, il est une véritable torture. Vous croyez l'avoir maîtrisé, mais juste quand vous pensez en avoir fait le tour, voilà qu'il s'inverse et vous laisse ahuri. Il vous gifle, vous assomme, vous écrase - un vrai cauchemar.” La jeune femme est absorbée par le papier-peint jusqu'à la folie.



Charlotte Perkins Gilman écrit “La séquestrée” (en vo “The yellow walpaper”) en 1890 et c'est une oeuvre en grande partie autobiographique. La mère de l'auteur l'empêcha très tôt d'exprimer ses talents littéraires. Charlotte tomba en dépression dès le début de son mariage et dut rencontrer un médecin qui préconisait l'isolement total des patients. Ce même médecin fût consulté par Alice James (la soeur de Henry) et Edith Wharton, toutes deux également en dépression comme nous le montre la remarquable post-face de Diane de Margerie. Toutes ces femmes avaient des vélléités créatrices qu'il fallait réprimer, il fallait laisser aux hommes les joies de la littérature.



“La séquestrée” condense toute cette thématique. La chambre exigüe au papier-peint mortifère est le symbole de la place occupéee par la femme dans la société victorienne. On exigeait d'elle qu'elle soit une potiche sans cervelle, respectable et respectée des autres membres de la communauté. La jeune narratrice voit apparaître une femme derrière le papier-peint qui se libère la nuit. Elle aimerait elle aussi passer derrière le papier-peint, se libérer des obligations qu'on lui impose.



“La séquestrée” est une oeuvre intense, incandescente. Le récit de la folie est saississant, j'ai senti le glissement lent vers la démence. C'est un roman tout à faut essentiel, que m'ont fait découvrir les excellentes éditions Phébus, aussi bien du point de vue littéraire, que du point de vue du témoignage sur la condition des femmes du XIXème.
Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Étonnant roman que ce "Papier peint jaune". Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, et j'ai été assez déroutée. C'est pour cela que j'ai apprécié que les éditeurs ajoutent en post-face l'article de 1913 dans lequel Charlotte Perkins Gilman expliquait le contexte d'écriture de cette nouvelle.



On découvre les pensées d'une femme emménageant dans une nouvelle demeure pour 3 mois car elle a besoin de se rétablir suite à son accouchement. Son mari, médecin, semble tout d'abord extrêmement prévenant puis vire despote domestique se mettant à contrôler le moindre des gestes de sa femme.



Entre divagations d'une personne dépressive et esseulée et pur fantastique, l'auteure fait le choix malin de ne pas prendre parti. Car l'héroïne va rapidement être obnubilée par les motifs du papier peint de sa chambre et lui prêter une vie propre.



Un mot sur le travail d'édition de Tendance Négative : le papier du livre est lui-même imprimé de motifs jaunes alambiqués et les pages sont scellées, comme dans les vieilles éditions, ce qui oblige à lire un coupe-papier à la main. Évidemment, les motifs et le texte ainsi dévoilés ou cachés font sens. C'est extrêmement bien pensé.
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