Je remercie mes amis du nouveau forum indépendant, mais complémentaire à Babelio, pour la participation de cette lecture collective. L'idée étant venue de moi, je suis obligé d'assurer pour cette ce compte-rendu de lecture malgré un sentiment final de frustration...
China Miéville est l'un sinon le porte-drapeau du mouvement New Weird, qui est à la génération Y ce que le mouvement New Wave fut à la génération baby-boom (sauf que le punk et le « No Future », le néolibéralisme et le « TINA » sont passés malheureusement passés par là).
L'auteur n'a jamais caché son engagement très à gauche, et contrairement à nombre d'artistes et d'intellectuels plus diseux qu faiseux lui n'a pas hésité à affronter l'ordalie du Suffrage Universel. C'est donc sans surprise qu'il balance quelques piques bien sentis sur l'impérialisme yankee (avec des références à la Guerre du Vietnam et aux écocides de Monsanto/Bayer), sur la désertion fiscale ploutocratique dont on mesure chaque jour les dégâts incommensurables, et le financiarisme marabouté par les mensonges vénéneux de l'Argent Roi et les illusions délétères du Veau d'Or (avec des rentiers dégénérés qui n'ont pas compris que la fin du monde avait eu lieu, et qui continue de compte avec avidité mais en pure perte les intérêt des dividendes et des royalties qu'ils espèrent encore toucher ^^)
China Miéville est littéralement un démiurge et ici c'est entre post-apo et Planet Opera qu'il brouille les pistes (à l'image de ce bon vieux Jack Vance ^^), avant de faire émerger du néant un univers tiersmondiste (pas forcément misérabiliste et pas forcément pessimiste), un monde dépotoir où les professions les plus enviées sont celles d'éboueurs bien particuliers : les exhumeurs s'intéressent aux vestiges du présent pour récupérer et recycler les ressources nécessaires à la bonne marche de la société, les archéxhumeurs s'intéressent aux vestiges du passé et les plus doués d'entre eux s'essaient à la rétro-ingénierie pour retrouver les secrets perdus de la science d'antan, et les alterexhumeurs s'intéressent eux aux étranges reliques laissés par les voyageurs des étoiles (nous sommes donc peu ou prou dans l'hommage à "Stalker", le roman d'Arcadi et Boris Strougatski ^^).
Dans cet univers, nous suivons une humanité coincée entre terre et ciel :
- passé 3000 mètres l'atmosphère est toxique, et habituée par un faune extraterrestre d'inspiration largement lovecraftienne ramenée d'outremonde par de malencontreux voyageurs de étoiles... Et les scaphandriers des cimes repoussent sans cesse les barrières de l'impossible pour explorer les sommets à la recherche de lieux de légendes comme la Scimérie, le toxicontinent mythique de l'outreciel !
- le plancher des vaches est devenu invivable car l'accumulation de déchets ont transformé l’écosystème en faune mutante féroce et vorace, ce qui a obligé les habitants à distinguer sousterre et plateterre... Vers de de la toundras gros comme des bras, rats-taupes nus gros comme des chiens (et qui en plus chassent en meute), gigatortues gaufrées, fourmilions cuisants, chevêches des terriers, perce-aux-rails, lapins draco.... Et au sommet d'une pyramide alimentaire faisant la part belle aux monstres éructhones trône Godzilla, euh pardon la terrible Talpa ferox rex : la Grande darboune australe ! (kaijûs power ^^)
Dans ces conditions les rochers deviennent des îles, les plateaux des pays, les chaînes de montagnes des continents, et la civilisation aurait cessé d'exister si la plateterre n'était pas parcourue par un réseau ferroviaire aussi dense qu'immense dont la création se perd dans la nuit de temps (et dont la maintenance est assurée par les mystérieux anges durailles)... De vaillants traineux s'élancent donc sur cette mer de fer, ou Merfer, pour relier entre eux les refuges perchés de l'humanité, et héros parmi ces cheminots l'auteur met sur le devant de la scène les taupiers qui n'hésitent pas à se frotter aux pires créatures ! (et il y a aussi les Baljis, des tribus nomades vivants sur des chars à voiles, qui suivent les troupeaux de chevaux sauvages ayant adopté le mode de vie nécessaire pour échapper à leurs nouveaux prédateurs)
Dans "Merfer" nous suivons à travers les yeux de l'apprenti médecin Sham le train taupier Mèdes et son équipage.Mais nous sommes dans un roman d'apprentissage, et Sham est un adolescent qu'il s'intéresse essentiellement à un petite cercle de connaissances : Chauquette la chauve-souris apprivoisée, le médecin Lish Fremlo, le chef Ankush Roch et la capitaine Natasha Picbaie... Lui qui n'a jamais vraiment su ce qu'il voulait et qui finit aide soignant un peu par hasard est fasciné par la capitaine qui a dédié toute sa vie à la traque et à la mort de Jackie-la-Nargue, la légendaire taupe albinos géante...
Pour tout le reste, je vous oblige contre votre gré à un clic supplémentaire moins en réaction au Jeudi Noir de Babelio que pour vous offrir l'ensemble avec les images qui vont bien ^^
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