Un pas de travers, et vous devenez ce que vous souhaitez anéantir. La violence que vous souhaitez annihiler est prête à vous ranger de son côté sans même que vous ne vous en rendiez compte.

Au-dessus de l’Espagne. 25 octobre 2122.
Le karma pouvait se révéler un peu facétieux. Si jamais il se trouvait quelqu’un pour tirer les ficelles en coulisses, il fallait reconnaître qu’il était un tantinet coquin et malicieux. En effet, réunir côte à côte Dimitri Klasil et Adil Patel dans des sièges adjacents au sein du même avion à destination du Canada, c’était un coup de maître.
Toutefois, rien n’indiquât au début que la mayonnaise allait prendre entre les deux hommes. Tout semblait les opposer de prime abord. Dimitri s’était mis sur son trente-et-un alors que Adil avait opté pour une tenue simple, habituelle de ce qu’il portait au quotidien. Pour un homme qui s’en allait dans le pays du Grand Nord, il n’avait pas froid aux yeux, se disait Dimitri. Il avait beau avoir été le Mahâtma Gandhi, il n’en était pas moins curieux et aimait particulièrement observer les attitudes des passagers qui se trouvaient au même endroit au même moment que lui. Il avait bien choisi sa vocation de journaliste à vrai dire.
Pourtant, au son de ses talons, il ne la sentait plus en colère. Il l’entendait aller et venir dans la pièce, après avoir pris soin de verrouiller la porte de la salle des tortures derrière elle.
Puis il entendit le mécanisme de la croix se remettre en fonction.
Il descendait.
Allait-elle mettre fin à sa sentence ? Ou avait-elle encore d’autres punitions en réserve à lui infliger ? Des sanctions qu’elle préférait administrer en toute intimité ?
Qu’il était cruel de ne pouvoir s’exprimer oralement comme on l’entendait quand on était privé du droit de parole. Tant de pensées vagabondaient dans son esprit, tournant en rond dans les méandres de sa boîte crânienne. Sans jamais pouvoir s’en extirper.
- Je ne sais même pas par où commencer. Stationnement gênant, utilisation d'un véhicule de locomotion inadapté à la ligne temporelle dans laquelle nous nous trouvons, multiples vols de propriété intellectuelle, perturbation du continuum espace-temps.
Le policier fit une pause pendant qu'il relisait la liste d'infractions qu'il était en train de rédiger puis il souffla.
- Franchement, je n'aimerais pas être à votre place, affirma-t-il avec le plus grand flegme qui soit. Les yeux écarquillés, Edgar et Richard le dévisageaient avec stupéfaction.

Il avait ouvert les premières portes les une après les autres. Avec une aisance déconcertante. Cependant, il semblait être parvenu à un stade plus délicat. La lévitation, c’était le hors-d’œuvre. Il s’attaquait au plat de résistance depuis plusieurs jours, mais il avait bien compris qu’il lui faudrait des semaines voire des mois pour atteindre l’illumination. Il sentait désormais son troisième œil. Il avait remarqué que lorsqu’il se coupait, ses plaies cicatrisaient plus rapidement. Son corps était le même en apparence. Toutefois, le changement interne avait opéré. Il n’était pas vraiment certain, mais il ressentait l’enivrante sensation d’être invulnérable. La vitamine C avait commencé à se synthétiser, la glande pinéale s’était décalcifiée, elle avait commencé son travail. Désormais, il éprouvait un sentiment d’éternité. Mais il n’avait personne à qui se confier. Aussi adorables soient les habitants de Jalalah, il doutait fort qu’ils puissent entendre ce qu’il avait à dire. Il avait bien vu comment Aaron avait été traité dans cette auberge. Ne jamais rien révéler de ce que l’on sait, voilà un principe qu’Aaron avait omis de lui enseigner. Toutefois, le bon sens lui avait permis de le découvrir lui-même. La seule personne à qui il pouvait se confesser était éloignée de lui. Il n’avait pas la moindre idée, mais il ne serait pas le premier homme que Yizrah verrait léviter, hélas.
Certains considèrent les femmes comme des créatures fragiles et vulnérables. Je ne contesterai pas que cela peut faire partie de leur charme, ou plus exactement de leur éventail d'armes de séduction massive, mais cela reste réducteur. Il n'y a rien de plus beau et de plus déterminé qu'une femme qui a confiance en elle et qui sait ce qu'elle veut.
L’aiguille était sur le point de perforer la première couche de la peau qui recouvrait le corps du docteur renommé lorsque la directrice, intriguée, retint son geste.
— Avouez maintenant. Après, il sera trop tard.
— Je n’ai pas le béguin pour cette femme. C’est vous que j’aime, Madame Zandora. Vous êtes la seule dame qui hante mes pensées. Je n’ai d’yeux que pour vous et ce depuis le premier jour où je vous ai vu. Je…
Le professeur s’interrompit lorsqu’il constata que la directrice éloignait la seringue de son cou. L’idée que ses mots aient pu toucher le cœur de Samantha Zandora lui effleura l’esprit. Naïf, l’amoureux transi fut rapidement remis à sa place.
— Tiens donc, je n’avais pas idée que je vous plaisais.
— Je n’en dors pas la nuit, Samantha.
— Ne m’appelez pas par mon prénom, Professeur, gronda-t-elle. Vous ne saisissez pas que vous tenez là votre chance, n’est-ce pas ?
— Et ils servent à quoi ? Quel est leur rôle ? Protéger une cité fictive inhabitée ?
— Tu ne comprends pas ! riposta Ulysse, se souvenant de la cinématique d’introduction du jeu. Leur quête est primordiale. Ils sont là pour veiller à l’équilibre invisible qui permet à chaque monde d’expérimenter un cycle d’évolution. Ils canalisent les forces démoniaques qui cherchent à corrompre les âmes choisies pour vivre sur ces planètes. Sans eux, les ténèbres l’emporteraient. Il n’y aurait plus que désolation et chaos.
Dubitatif, Hector roula des yeux.
— Tu n’es qu’un gamin de seize ans ! Et tu crois que c’est une bande d’adolescents qui va avoir la maturité nécessaire pour endosser une telle responsabilité ?
— L’âge n’a pas d’importance, Hector ! C’est la bonté de ton cœur qui compte ! Seul celui qui a un cœur pur sera capable de franchir les portes du royaume d’Agartha !
Survivre. Un impératif d’actualité, aussi bien pour les hommes que pour les animaux.
En effet, les premiers effets de la lune de sang affectaient les océans. La marée débutait et les vagues s’intensifiaient, fouettant les littoraux avec fracas et violence. Les pauvres âmes qui avaient eu le malheur de se trouver éloignés des côtes à bord d’un bateau n’avaient plus d’autre choix que de prier ou d’espérer que leur ange gardien avait prévu un miracle pour les tirer de ce mauvais pas. Les eaux ne pardonnaient pas.
Elles engloutissaient.
Et ne recrachaient que des débris sur les plages désertées. Seuls les poissons pouvaient survivre à une telle violence en se réfugiant en profondeur là où le tumulte de la surface n’affectait pas la vie sous-marine.
Souvent les humains ont tendance à confondre lâcheté et courage. La lâcheté implique d'emprunter toujours le chemin le plus facile, il s'agit de ne pas lutter tout simplement, de céder à nos plus bas instincts alors que le courage exige tellement plus.