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Citation de Coco574


a République de Weimar est le fruit de la défaite et de la révolution de novembre 1918. Elle ne peut se dégager de ce lourd héritage qui pèse sur la vie politique, économique et sociale de l'Allemagne et limite ses chances de succès, sans la condamner irrémédiablement à l'échec. La réunion de l'Assemblée constituante à Weimar est doublement symbolique. Weimar, ville de Goethe et de Schiller, est un haut lieu de la culture allemande et marque la rupture avec le passé prussien. Mais la petite ville de Thuringe a d'abord été choisie à cause de l'insécurité qui règne à Berlin. Elle est aussi le symbole de la naissance difficile du nouveau régime, dans la défaite et la révolution. L'Assemblée de Weimar donne une constitution républicaine et démocratique à l'Allemagne, mais ratifie aussi le traité de Versailles qui sanctionne la défaite.
L'Allemagne de Weimar a suscité un intérêt soutenu après 1945 non pas tant pour elle-même que dans la perspective de l'explication du nazisme et de son succès dans un pays industriel moderne de haute civilisation. On s'est interrogé sur les causes de l'échec de la démocratie parlementaire et sur la viabilité d'un régime démocratique en Allemagne. Les Occidentaux ont voulu créer les bases d'une démocratie viable par la restructuration de l'économie, la « rééducation » politique et l'« occidentalisation » de la société et de la culture1. Lors des délibérations du Conseil parlementaire de 1947-1948, les conseillers élaborent la nouvelle constitution allemande en ayant présentes à l'esprit les faiblesses du régime parlementaire de Weimar et les imperfections de la constitution qui ont favorisé l'instabilité gouvernementale et la dérive présidentielle du régime2. Dans le cadre de la guerre froide, la crise de la démocratie de Weimar nourrit aussi la réflexion sur la démocratie et sa fragilité.
Dans ce contexte, et grâce à l'ouverture précoce des archives confisquées par les Alliés occidentaux, les recherches sur l'Allemagne de Weimar se sont rapidement développées. L'interrogation sur le nazisme et sur la viabilité de la démocratie en Allemagne explique qu'elles se sont d'abord concentrées sur la période finale de la République de Weimar, la crise des années 1930-1933, afin d'analyser le processus de décomposition du régime politique. À partir des années 1960, les historiens se sont intéressés plus particulièrement aux origines de la République, en s'interrogeant sur d'éventuelles lacunes de départ expliquant le dysfonctionnement du régime. On s'est ensuite tourné vers les années 1924-1929, l'« âge d'or » de la République de Weimar, dont on a relativisé la prospérité économique et la stabilité politique. On a, cependant, abandonné progressivement une conception téléologique de l'histoire qui abordait l'Allemagne de Weimar dans la perspective exclusive de l'explication du nazisme. Il en est de même pour la tendance de l'après-guerre à rechercher une explication synthétique de l'échec de la démocratie allemande, que ce soit le « caractère » national allemand, le traité de Versailles, le scrutin proportionnel, le rôle de la Reichswehr ou la crise économique mondiale3.
Résumons les principaux débats et les principales thèses sur l'explication de l'échec de la démocratie de Weimar. Dès les années 1950, deux thèses s'affrontent sur les origines de la République de Weimar. L'une soutient que la démocratie de Weimar est condamnée dès l'origine du fait de l'absence de révolution sociale et de nationalisation des industries clés, rompant avec les fondements de l'Ancien Régime4. La politique trop timorée de la social-démocratie majoritaire et la stratégie révolutionnaire de l'aile gauche du mouvement ouvrier ont condamné une troisième voie, combinant démocratie parlementaire et soviets, qui aurait assuré une base populaire plus large à la République. Pour d'autres historiens, en revanche, il n'y avait qu'une alternative en 1918, une révolution sociale avec une dictature sur le modèle bolchevique ou la démocratie parlementaire avec le soutien du corps des officiers et de la bureaucratie, ce qui limitait les possibilités de réforme sociale et économique5. Le principal problème en novembre 1918 était la lutte contre la menace de bolchevisation de l'Allemagne. Même si l'on s'accorde aujourd'hui pour dire qu'il n'y avait pas de menace réelle de prise de pouvoir bolchevique, le désaccord subsiste sur la marge de manœuvre pour mener des réformes de structure plus profondes et donner des bases solides à la démocratie sans que la situation échappe à tout contrôle.
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