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Citations de Christian Bernadac (125)


Entre le porche du camp et les premières marches de la carrière, une pente assez raide.

Ce trajet, en hiver, était épouvantable car le sol gelé ressemblait à une patinoire de compétition et les semelles de bois des socques, sur la glace, à des lames de patins.

Les glissades nombreuses étaient dramatiques car, dans la confusion générale, certains perdaient l'équilibre et plongeaient vers la gauche, c'est-à-dire vers le précipice et le gouffre de la carrière les avalait après une chute verticale de cinquante à soixante mètres ; quant à ceux qui "partaient" en dérapage vers la droite, ils franchissaient la "zone interdite" et les miradors ouvraient le feu sur ces "fuyards".

Pendant deux mois et six jours, j'ai réalisé des acrobaties pour ne pas tomber dans ces deux traquenards. J'ai eu de la chance parce que j'étais jeune.

Ensuite, il y avait l'escalier. Le fameux escalier de Mauthausen. A l'époque, il n'avait que 180 marches.

C'est en mars 1942 que l'équipe des maçons de la carrière rectifia légèrement son profil et le porta à 186 marches; "notre" escalier, bancal, aux échelons disproportionnés (cinq ou six marches avaient plus de cinquante centimètres de haut) avait des paliers de terre battue.

Nous appelions les jours de grands massacres : "offensive". Bien sûr, nous avons connu des jours plus calmes, surtout lorsqu'il n'y avait plus de Juifs ou de condamnés à exécuter, mais avec de nouvelles arrivées, les "séances" recommençaient :

- Je me souviens de la fin janvier 1942. Nous venions de connaître trois ou quatre jours relativement paisibles : seulement quelques morts ; juste ce qu'il fallait pour satisfaire les S.S. Pas trop d'énervement non plus. Des contrôles coulants : une pierre moyenne ou "molle" ne déclenchait aucune "grosse colère".

Un matin le calme fut rompu. Depuis deux jours des convois de Juifs étaient incorporés. Mauthaüsen débordait. S.S. et Kapos allaient pouvoir s'en donner à cœur joie.

Ce matin Ià, tout commença sur la place d'Appel, à la formation des kommandos : en quelques minutes, trente morts... au hasard.

Et l'interminable colonne se mit en marche.

La "chair à canon" était composée d'une majorité d'Espagnols, avec quelques Tchèques, Yougoslaves et Polonais.

Derrière, les « centaine s» de Juifs. Les Kapos nous disaient à l'oreille : "Aujourd'hui, grosse offensive. Beaucoup de Juifs. Ne pas vous mélanger avec. Juden alle kaputt ! "
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La conclusion de cet ouvrage n'est guère optimiste :

Qu'il se trouve, de par le monde, un tyran comparable, petit ou grand, et qu'il réussisse à fanatiser la jeunesse par une idéologie aussi « idéaliste », fausse et inhumaine, que cette idéologie extirpe de la pensée de ses tenants toute notion religieuse (et morale), alors le pire renaîtra.

Des médecins violeront encore la conscience humaine sous des prétextes scientifiques et utilitaires.

De monstrueuses recherches s'édifieront, qui n'ont pu aboutir en Allemagne, mais qui seront tentées ailleurs ; l’État tout-puissant prendra sur lui la responsabilité, et tout recommencera.

J'ai traité volontairement de « la morale expérimentale » dans cette préface pour conserver dans l'ouvrage les seuls faits bruts, sans « amélioration dite littéraire », sans « exclamations indignées ». L'horreur ne se souligne pas.

Christian Bernadac « Les Médecins maudits » (1967)
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Pourquoi?

Les coquelicots ont refleuri dans les champs retrouvés de Dachau, de Buchenwald ou d'Auschwitz.

Pour des millions de jeunes hommes d'aujourd'hui, nés après 1935, la longue aventure criminelle du national-socialisme est oubliée.

Mieux, elle ne les concerne pas. Les souvenirs poussiéreux de la génération des parents sont versés depuis longtemps dans le dossier des « histoires de régiment ».

Le temps efface le passé avec une telle rigueur que beaucoup se demandent même si ces crimes horribles, minutieusement décrits depuis plus de vingt ans, on été réellement commis. . .

L'Histoire, souvent, dépasse le roman en « imaginations ».

L'aventure des « Médecins Maudits » reste le chapitre le moins connu de cette histoire criminelle du Reich nazi : un voile pudique a bien souvent masqué les comptes rendus des procès et les écrivains, qui ont étudié les expériences médicales humaines dans les camps de concentration, étaient tous des médecins et s'adressaient, avant tout, à des médecins.

Au début de l'année 1967, j'ai rencontré plus de cinquante étudiants de la Faculté de Médecine de Paris et j'ai été surpris de constater qu'ils ne connaissaient pas les expériences des camps et que près de la moitié d'entre eux admettaient « dans certaines conditions » les expérimentations humaines.

D'autres considéraient même « l'expérience obligatoire » lorsqu'elle pouvait apporter la guérison de milliers de personnes.

Cette thèse-argument était, après la guerre, la seule grande défense des « Médecins Maudits ».

Elle revient à la mode dans certains milieux médicaux. L'exemple le plus frappant nous est fourni par la lecture d'un journal suisse: « Médecine et Hygiène » qui, dans son numéro 6391, affirme :

"L'animal expérimental idéal est l'homme. Chaque fois qu'il est possible, il faut prendre l'homme comme animal d'expérience.

Le chercheur clinique doit avoir à l'esprit que, pour connaître les maladies humaines, il faut étudier l'homme. Il n'est de recherches plus satisfaisantes, plus intéressantes et plus lucratives que celles effectuées sur l'homme.

Il nous faut donc aller plus loin dans la recherche sur le plus développé des animaux : l'homme".

(Préface)
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Je ne connais pas d'exemple de déporté qui, à Gusen, ne se lia pas d'amitié avec un moins un autre déporté, d'amitié comme on n'en voit pas dans la vie civilisée...Beaucoup de ceux qui sont revenus ne seraient pas revenus si cette solidarité matérielle et morale n'avait existé...
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Vivre en soi n'est rien
Il faut vivre en autrui
A qui puis-je être utile, agréable, aujourd'hui ?
Voilà chaque matin ce qu'il faut se dire
Et le soir quand des cieux la clarté se relève
Heureux à qui son coeur, tout bas a répondu
Grâce à mes soins j'ai vu sur une face humaine
La trace d'un plaisir ou l'oubli d'une peine
Ce jour-là je ne l'ai pas perdu.

Brice Martinez

363 - [Le Livre de poche n° 4230, p. 129]
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Aujourd'hui,chacun imagine Auschwitz en sachant qu'Auschwitz fait partie de la mauvaise conscience de l'homme,parce que le crime le plus grand peut-être de notre histoire,a été commis par l'homme.Et l'homme ne peut pardonner Auschwitz a l'homme.Et l'homme sait que l'homme,dans certaines circonstances,est capable de reinventer d'autre Auschwitz
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Les sociologues de la fin de notre siecle tireront de savantes conclusions sur les pertes de mémoire collectives et les jeunes générations,frappees par les images idylliques de certains documentaires,se demandent pourquoi leurs parents ont depeint cet homme,Hitler,sous les traits d'un moloch alors qu'il n'était que le père bienveillant d'une nation soucieuse de retrouver sa personnalite pietinee a Versailles,et son unite
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Il n'est pas possible de mourir plus abandonne,d'etre plus souille d'ordures,de souffrir autant dans tout son corps,par tous les points de contact,par les escarres,les absces,continuellement tenaille par de douloureuses coliques,hante par la faim,ou plutôt de savour que chaque jour sans manger est une etape vers la mort.Ne plus avoir la force de se lever,de remuer un membre,de repousser le pied qui s'enfonce et pese si lourd sur la poitrine;a chaque etape lente,vers lamort,trouver de nouvelles souffrances.Le plus horrible,c'est que la mort était lente a venir,des jours,parfois des semaines.Il est peut-être des martyrs plus spectaculaires,il n'en est pas de plus atroce
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L'oubli de l'extermination fait partie de l'extermination.
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je pardonne,je comprend,
mais je ne suis pas stupide.
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- Gusen n'est comparable à aucun autre camp. . . même au Mauthausen des premières années. Gusen va au-delà de la folie, de l'horreur.

D'ailleurs beaucoup de kommandos oubliés, inconnus ont dépassé les camps célèbres - Auschwitz, Dachau, Buchenwald, Ravensbrück - en bestialité, en crimes de toutes sortes.

Curieusement, la majorité de ces kommandos dépendait de Mauthausen. Voyez-vous, je crois que dans l'Enfer de Dante il y avait neuf cercles à franchir... Gusen fait partie du Dernier Cercle. Oui ! Le Dernier Cercle !
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Le diable est appele le prince du monde et le dieu de ce siecle,parce qu'il a partout des suppots et des esclaves
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Au milieu du terrain vague, près du concasseur rouillé, deux jeunes garçons se disputent la commande d'un cerf-volant à entoilage vert et rouge. Une petite fille, contemplative, est assise sur un monticule de gravats. Plus loin, deux bicyclettes montent et redescendent une dune de terre battue.

Louis Deblé s'est arrêté. Lèvres serrées. Poings fermés, qu'il cache vite au profond de ses poches. Peut-être pour se donner du courage et surmonter son émotion il se courbe légèrement. Ses yeux embrassent le décor. Longuement.

J'ai l'impression qu'il n'aperçoit pas les enfants. Sur la gauche, un lotissement : maisons neuves, légères, bâclées. Tristes « villas » déjà vieilles après leur premier hiver. Seules les bordures des trottoirs sont en place. Tout le reste n'est que boue, flaques. Deux, trois jardins utilitaires.

Un homme maigre, en pantalon de treillis bleu, devant une baraque de bois, lave à seaux d'eau une Volkswagen noire. Derrière, en fond, la colline. Quelques haies, un platane, une petite route et là, enchâssée dans un bâtiment lourd, aux douze fenêtres de façade, la double porte. Double haute porte de bois.

Les fenêtres du rez-de-chaussée ont conservé leurs barreaux.

Louis Deblé s'est avancé :
- Il y a des jolis rideaux aux fenêtres !
Encore deux pas.
- C'est une chambre à coucher. Toutes ces pièces étaient des cellules. Combien d'hommes ont été torturés. assassinés dans ce bunker. Aujourd'hui, une famille s'est installée. . . Elle ne sait probablement pas.

Depuis une dizaine de minutes, son visage, sa voix, sa silhouette se sont transformés. Grave, pâle, défait, muscles noués, front plissé.

Il essuie une larme. Se reprend.
- Cette colline de Gusen, cette porte d'entrée, ce terrain vague où il y avait autrefois les blocks, enfin tout cela, c'est le paysage qui est resté définitivement gravé en moi. C'est ce que je dis souvent à ma femme et à mes enfants. Je n'ai pas besoin de fermer les yeux pour revoir Gusen. C'est le paysage qui m'est le plus familier.

Gusen. 350 mètres de long sur 150 de large. Trente-sept mille morts d'avoir trop souffert, trente-sept mille morts de faim, trente-sept mille morts d'avoir été trop battus.

Nous nous arrêtons devant le mémorial coincé entre trois murs du lotissement.

- Trente-sept mille morts. Et presque personne ne le sait. Qui connaît Gusen ? Il est vrai que nous ne sommes qu'une poignée de survivants. Vous voyez ce mémorial ? Tout allait être détruit, rasé. . . le lotissement. Alors nous avons acheté le terrain sur lequel se trouvait le crématoire. Nous nous sommes cotisés, d'anciens déportés français, belges, italiens, pour acheter notre crématoire et nous avons construit, sur souscription, le mémorial. Et là, à la place du camp, les gens vivent.

Je vous avoue que j'en suis bouleversé. C'est la troisième fois que je reviens ici. la première, en 1948, il y avait encore quelques baraquements, le crématoire dénudé. Il n'y avait pas encore de maisons. mais un champ de pommes de terre. J'étais avec un de mes amis, rescapé de Gusen.

Il nous a pris une espèce de rage folle, nous avons posé la veste et nous nous sommes mis à arracher les pommes de terre. Je ne sais pourquoi. Une sorte de réaction... tellement ça nous paraissait monstrueux qu'à 10 mètres du crématoire, là où des milliers de gens sont morts, dans des souffrances atroces...
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Le nazisme allemand a commis l'erreur de meconnaitre totalement l'homme et les ressorts insoupconnes qu'il peut mettre pour vaincre le mal physique et moral.L'evasion par le reve et l'imagination ou rien ni personne ne peut vous atteindre
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Extraits du livre:

Et la tragédie continua, les hommes perdant connaissance, s’affaissaient sur leurs voisins. Ceux-ci tentaient de les soutenir ou de les rejeter, mais s’affalaient bientôt sous leur poids. Dès qu’un membre, bras ou jambe, se trouvait pris sous un corps, il était impossible de le dégager et, tôt ou tard, on se trouvait enseveli sous d’autres corps. Beaucoup périrent étouffés par le poids des corps dont ils n’avaient pu se dégager ; d’autres perdirent la raison, c’est ainsi que Barrois se figurait jouer une partie d’échecs avec moi. Son délire fut bref et il s’endormit sans souffrances. J’assistais impuissant à la mort.

Quelques-uns devinrent fous furieux. Ils se mirent à frapper leurs voisins ç coups de poings, de souliers, de gamelles…à sauter, à courir d’un bout à l’autre du wagon en écrasant les camarades. Ceux-ci, en se défendant, perdaient le peu de force et de souffle qui leur restait et succombaient à leur tour.

Page 181 –
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Puisque je vous dis que je n'en veux pas. C'est impensable. Une arme à double tranchant. Un boomerang qui peut vous revenir plus vite que vous ne n'avez lancé.
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Nathanaël,que la beaute soit de ton regard,et non point de la chose regardee
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Manger,ne pas se laisser affaiblir,c'etait aussi une facon de resister.Nous vivions pour resister,et nous résistions pour vivre
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Peuple errant,toujours sur la defensive parce que pourchasses,le tsigane n'a pas de mémoire,et sa verite,sans cesse travestie subi de telles alterations,retournements qu'il serait temeraire d'accorder la moindre valeur historique aux recits légendaires sur la patrie perdue
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Chacun savait que le block 46 était un endroit terrifiant, mais peu de gens avaient une idée exacte de ce qui se passait. Tous ceux qui avaient des rapports avec ce block étaient frappés d'une horreur mortelle. Les sujets sélectionnés savaient qu'il y allait de leur vie. Toute personne désignée pour le block s'attendait à la mort ; une mort très longue et très effrayante qu'elle imaginait sans cesse ainsi que les tortures médicales et la privation de liberté personnelle. C'est ainsi qu'ils attendaient le jour ou la nuit où on leur ferait quelque chose qu'ils ignoraient mais qu'ils savaient être une forme de mort particulièrement horrible.
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