Alors qu'il disposait dans les années 1980 via ses grandes entreprises d'un réseau couvrant le monde entier, le pays se replie peu à peu sur lui-même, s'isole par rapport au monde extérieur, sa voix devient inaudible, voire elle indiffère. Les Japonais ont inventé une expression pour désigner le phénomène: alors que le monde se 《globalise》, le Japon lui se 《galapagonise》, en référence à l'archipel isolé des Galapagos au large des côtes sud-américaines, dont la faune et la flore sont restées en-dehors de l'évolution du reste du monde...
Avant-propos de Pierre Souyri
La vitalité du manga se nourrit aussi de sa capacité à épouser en permanence les évolutions de la société et des mentalités.
En réalité, à côté de la culture éprise de rigueur des élites, il a toujours existé une culture japonaise populaire, exubérante et frondeuse, volontiers vulgaire, entre burlesque et gore, qui goûtait fort le mélodrame, le sexe et les fantômes.
Les bouleversements subis par le pays depuis la dernière guerre n'ont pas entamé l'extraordinaire capacité de solidarité et d'intégration des normes sociales que savent manifester les gens ordinaires de ce pays. Et du coup, c'est peut-être la première grande leçon à tirer de ce peuple dans l'épreuve. Malgré la haute croissance des années 1960 qui a remodelé le pays de fond en comble, malgré l'entrée du Japon dans l'ère technologique, malgré les difficultés du pays aujourd'hui, le lien social tient, la société résiste et ne se délite pas, le pays garde sa cohésion.