
«Continuité» et «ordre» indiquent bien le projet fondamental de l'architecture égyptienne. La pierre fut choisie pour sa dureté et sa résistance; le caractère naturel du matériau fut rehaussé par le travail des surfaces lisses et des arêtes nettes Les sentiments mégalithiques de masse et de poids s'affinent et se perdent pour ne conserver que leurs qualités abstraites qu'intègre un système général d'organisation symbolique. Le vertical et l'horizontal se coupent en un espace orthogonal qui est fondamentalement le même partout. L'édifice particulier agit comme une matérialisation de cet "espace absolu". L'architecture égyptienne réussit ainsi un processus d'abstraction, qui fut aussi tenté par d'autres civilisations méditerranéennes primitives, et qu'on peut considérer comme le premier système symbolique architecturalement intégré de l'histoire de l'humanité. Comme tel cependant, il semble n'avoir qu'un champ de possibilités expressives relativement limité.
Le but essentiel de la construction (de l’architecture) est donc de celui de transformer un site en un lieu, ou plutôt de découvrir les sens potentiels qui sont présents dans un milieu donné a priori.
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L’expérience naturelle est dirigée vers le «qualitatif», puisque la qualité désigne ce qui existe en tant que présence immédiate d’identité. Le monde de la vie est donc qualitatif et, comme tel, perceptible et signifiant. Dans ce monde, chaque chose a un nom, qu’il s’agisse d’unités géographiques, d’espaces et de formes naturelles, ou d’oeuvres humaines. Le langage exprime par conséquent le contenu du monde de la vie, et le fait que les mots soient structurés en une grammaire indique que les choses se donnent dans des relations de signification réciproque. Nous savons fort bien que ces relations ne sont pas toujours apparentes, que la plupart d’entre elles se dissimulent dans le langage et que la tâche du poète consiste à dévoiler les plus significatives. Ainsi le monde de la vie n’est ni univoque, ni harmonieux. Néanmoins, du fait de son aspect concret et de son caractère global, il offre à la société humaine une base qualitative. Nous avons déjà fait allusion au fait que le monde de la vie comprend ce qui est donné par la nature, ce qui implique qu’habitats et demeures en fassent partie. Ajoutons que ce sont précisément ces présupposés qui rendent possible la participation humaine et la structurent. L’architecture fait donc partie intégrante du monde de la vie, et elle n’est compréhensible qu’à partir de ce monde.
Ainsi, l’universel se manifeste à travers le temps, et la temporalité du monde de la vie est qualitative. Cette temporalité n’a donc pas grand chose à voir avec le temps horizontal et homogène que comprend la science et dans lequel tout est fixé en fonction de la date de l’évènement. Dans le monde de la vie, le temps s’enfuit parfois à toute vitesse, ou bien coule lentement; il arrive même qu’il semble s’arrêter. En outre, le présent s’y nourrit bien souvent du passé et s’ouvre au futur. Par conséquent, l’histoire est un tissu polyphonique complexe dans lequel des courants et des époques sont reconnaissables et, ou, sous des formes différentes perdure «le même».
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La persuasion avait pour fin la participation. L'univers baroque, en effet, peut-être caractérisé comme un "grand théâtre" où chacun se voyait assigner un rôle déterminé.
Des mots tels que « peu pratique », « laid » et « cher » reviennent souvent dans les critiques des clients.
La critique touchant le pratique ou le fonctionnel est due à un manque de correspondance entre la façon de vivre actuelle et le cadre architectural » existant. Ce manque de correspondance peut évidemment provenir d'insuffisances dans le cadre architectural, dans la mesure où celui-ci ne permet pas la réalisation de certaines fonctions Mais il arrive aussi fréquemment que l'homme préfère un style de vie désuet, quoique par là il entre en conflit avec l'environnement et laisse échapper de nouvelles valeurs. Et, d'ailleurs, nous savons que des exigences particulières touchant l'environnement peuvent pousser quelqu'un à accepter des conditions de vie très « peu pratiques » . Ce qui amène à songer que l'architecte ne devrait pas satisfaire tels quels les désirs du client touchant la fonction ou l'environnement.
En effet, la préconnaissance désigne précisément la capacité innée de reconnaitre des modes d’êtres qui sont, non pas des archétypes statiques, mais des formes ouvertes et libératrices qui agissent en conservant une identité toujours semblables, bien que jamais identiques.
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Pour décrire l'attitude humaine fondamentale de la forme de vie de l'âge baroque, nous nous sommes servis de termes comme "système", "centralisation", "extension" et "mouvement". Ces termes valent tout aussi bien pour la description de l'architecture baroque.
C'est en 1962 qu'a paru le premier livre de l'architecte norvégien Christian Norberg-Schulz. Sans faire grand bruit d'ailleurs, il était trop théorique pour cela. Immédiatement traduit en anglais, deux ans plus tard en allemand, il va son chemin depuis lors, se répandant surtout dans les écoles d'architecture où il est utilisé comme livre de base. Garder son actualité pendant dix ans est une sorte de performance pour un essai théorique, d'autant plus que l'auteur, ici, ne pouvait s'appuyer sur un système théorique déjà élaboré. Acculé par la nécessité de construire, Norberg-Schulz a bâti de toutes pièces une théorie cohérente qui, grâce à cet enracinement profond dans le réel, a tenu le coup.
Rome est connue sous le nom de « ville éternelle ». Ce qualificatif indique certainement quelque chose de plus que sa très longue histoire ; sans doute est‑il là pour affirmer que la ville a su garder son identité des siècles durant.
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