Citations de Christina Baker Kline (98)
Mes parents avaient quitté l'Irlande dans l'espoir d'une vie meilleure, et nous croyions tous que nous allions découvrir un pays de cocagne. En réalité, là aussi, ils avaient échoué, à tous points de vue. Peut-être étaient-ils faibles, pas prêts à supporter les rigueurs de l'immigration, ses humiliations...
Dina roule des yeux en permanence, marmonne entre ses dents, critiquant les innombrables écarts de Molly (qui n’a pas rangé son linge propre, a laissé un bol dans l’évier, ne se donne pas la peine de { faire son lit), toutes choses qui caractérisent les gauchistes et concourent à mener le pays à sa perte.
Avant, l’Angleterre envoyait le rebut de la société en Amérique, mais après la rébellion il a fallu qu’ils trouvent une nouvelle décharge ; l’Australie. En un rien de temps, il y avait neuf hommes pour une femme, là-bas ! On ne peut pas fonder une colonie seulement avec des hommes, hein ? Personne n’y avait pensé, à ça. Alors, ils ont pris n’importe quelles excuses pour nous envoyer là-bas.
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J'en suis venue à me dire que le Ciel est ainsi : un lieu dans la mémoire des autres où survit le meilleur de nous-mêmes.
Ralph aussi a essayé de se focaliser sur ses bons côtés. Il est comme ça, Ralph. Il voit le bien même là où il n'est pas. Une part d'elle-même lui est reconnaissante de cette foi qu'il place en elle, mais, malgré tout, elle ne lui fait pas totalement confiance. C'est presque mieux avec Dina parce qu'elle au moins, ne fait pas mine de vouloir cacher ses soupçons.
"Qu'elle est la meilleure chose qui te soit arrivée ces dix dernières années, Dutchy ?
- Te retrouver."
Cela me fait sourire. Je m'appuie contre sa poitrine.
"A part ça ?
- Te rencontrer."
Ensemble, nous rions.
"Et à part cela ?
- Hum, à part cela..., dit-il d'un ton rêveur, les lèvres posées sur mon épaule. Y a-t-il autre chose à part cela ?"
Je voulais juste dire que ce qui est arrivé aux Indiens est exactement comme ce qui est arrivé aux Irlandais quans ils étaient sous la coupe des Anglais. Le combat était inégal. On leur a volé leurs terres, leur religion a été interdite et on les a forcés à se soumettre à une force étrangère. Qu'il s'agisse des Irlandais ou des Indiens, dans les deux cas, c'est injuste.
Dina écoute les programmes des stations radiophoniques conservatrices, fait partie d’une Eglise chrétienne fondamentaliste et arbore un sticker - sur le pare-chocs de sa voiture.
«Les armes ne tuent pas. Les cliniques qui pratiquent l’avortement si»
La dernière semaine d'août est trempée de pluie, lourde de nuages, avec un froid indésirable qui annonce la fin de l'été aussi brutalement qu'un invité qui se lève de table pour signaler la fin de la fête. (p. 136)
Mais ses lettres sont des montgolfières qui m'arrachent à la mélancolie. Il raconte ses cours, ses professeurs, ses réflexions sur sa future carrière. (...)
Il a décidé de viser plutôt l'enseignement. On a toujours besoin de professeurs, qu'une guerre sévisse ou que la Bourse s'effondre. (p. 162)
Qu'elle est misérable votre enfance quand on se dit que personne ne vous aime ou n'a envie de s'occuper de vous, lorsqu'on est toujours l'étranger qui contemple du dehors ce qui se passe à l'intérieur. J'ai l'impression d'avoir dix ans de plus que mon âge. J'en sais trop. J'ai été témoin du pire dont sont capables les gens, je les ai vus désespérés et égoïstes, et le fait d'avoir vécu cela m'a rendu méfiante. Alors j'apprends à faire semblant, à sourire et à hocher la tête, à faire montre d'une empathie que je ne ressens pas. J'apprends à me fondre dans la masse, à ressembler à tout le monde, alors même qu'à l'intérieur je me sens brisée.
- Tu es une fille plutôt indépendante, pas vrai ?
-Je suppose, oui.
-Tu n'as jamais rencontré personne comme Christina, Walton, déclare Ramona. (...)
-Est-ce que c'est une suffragette, comme miss Pankhurst ? demande-t-il d'une voix moqueuse.
Je me sens lamentablement ignorante. Je ne sais pas ce qu'est une suffragette et je n'ai jamais entendu parler de miss Pankhurst. Je songe à toutes ces années pendant lesquelles Walton étudiait tandis que je lavais et cuisinais et nettoyais.
- Une suffragette ?
- Tu sais, ces dames qui font la grève de la faim pour obtenir le droit de vote, explique Ramona. Celles qui pensent, à Dieu ne plaise, qu'elles peuvent faire tout ce qu'un homme peut faire. (p. 125)
Quand Mère referme la porte derrière elle, Mamey soupire. Elle ne peut pas croire qu'elle a élevé une enfant qui a voyagé dans le monde entier mais qui ensuite s'est contentée de laisser le monde venir à elle. Elle dit que Mère serait restée vieille fille si Père n'avait pas grimpé la colline, lui offrant une autre option. (p. 47)
Chaque enveloppe , un colis de mots pour nourrir mon âme qui en est affamée, m'ouvre une porte sur un monde où des étudiants s'attardent dans des salles de classe lambrissées pour parler à leurs professeurs, où l'on peut passer des journées entières à la bibliothèque, où ce que vous écrivez et comment vous l'écrivez est la seule chose dont vous avez à vous soucier. (p. 139)
A propos du tableau "Le monde de Christina"
Son monde est à la fois limité et infini. (...) Ce qu'elle souhaite le plus- ce à quoi elle aspire réellement-est ce chacun de nous veut : être vue.
Et regardez. On la voit. (p. 311)
Son père était son seul professeur. Il l'a tenu à l'écart de l'école, l'a formé dans son atelier. Il lui a enseigné toute l'histoire de l'art, comment mélanger les couleurs et tendre les toiles.
- Je n'ai jamais été comme les autres enfants. Je ne m'intégrais pas. J'étais un excentrique. Un marginal.
Pas étonnant qu'on s'entende bien, je songe. (p. 66)
Je pense aux erreurs de mon propre père vers la fin de sa vie. Je sais que la mort d'un parent peut-être à la fois une libération et un règlement de comptes. (p. 212)
-On a un toit au-dessus de nos têtes. Certains n'en ont pas atant.
ça fait du bien de se souvenir de ça, je suppose; Mais j'ai du mal à me débarrasser de ma tristesse de ne plus fréquenter l'école. (...)
A mesure que le temps passe, je trouve des manières de rendre ça supportable. (...)
Je commande des paquets de graines et cultive un jardin d'agrément semblable à celui qu'entretenait Emily Dickinson avec des capucines, des pensées, des jonquilles et des oeillets d'Inde. Une utopie de papillon, comme elle l'appelait. (p. 99)
Les poèmes [d'Emily Dickinson ] sont particuliers, en ordre inversé, et je ne suis pas sûre de comprendre ce qu'ils signifient. J'imagine Emily Dickinson dans une robe blanche, installée à son bureau, la tête penchée sur sa plume d'oie qui gratte sur la feuille ces fragments de phrase heurtés.
- Ce n'est pas grave si vous ne comprenez pas complètement, a dit Mrs Crowley à la classe. Ce qui compte, c'est la manière dont le poème résonne en vous.
Quelle impression ça devait faire, de capturer ces pensées sur le papier ? Comment d'attraper des lucioles, j'imagine. (p. 93)