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Critiques de Christine Delphy (19)
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Un troussage de domestique

Qui ne connait pas l'affaire DSK en France? Pendant des mois, les yeux se sont rivés sur Dominique Strauss-Kahn, homme dit de gauche, accusé d'agression et de viol sur une femme de chambre, Nafissatou Diallo. "C'est un complot international!" ont crié les uns. "Les américains sont des barbares" ont crié les autres. "Comment osent-ils lâché cet homme talentueux à la vindicte populaire?" s'interrogent les amis de ce grand homme à la braguette difficile. Tous rappellent alors la présomption d'innocence de l'ancien patron du FMI, dénonçant la justice et les journalistes américains qui osent intervenir dans un domaine de la sphère privée. Chacun, de sa belle plume à l'encre moisie, pleure sur le sort de DSK, pauvre victime d'une femme vile et vilaine, intéressée par le seul appât du gain.



Un troussage de domestique, coordonné par Christine Delphy, se propose d'étudier et d'analyser "l'affaire DSK" ou disons, plus exactement, le traitement médiatique qui lui a été réservé et le discours de ces quelques prétendus intellectuels qui ont pignon sur rue et qui ont exprimé leur solidarité à l'homme politique inculpé. L'ouvrage rassemble près de 23 textes écrits par des féministes de tout bord, des sociologues, des journalistes, une femme politique (Clémentaine Autain) qui réagissent aux propos diffusés. Toutes dénoncent le deux poids-deux mesures, l'hypocrisie, le sexisme et la misogynie des intervenants qui crient au féminisme seulement quand il en va de leur intérêt. Elles dénoncent la solidarité de classe, le racisme primaire et le sexisme qui se sont ouvertement exprimées à l'occasion de cette affaire qui en dit long sur cette haute société de classe dont le nombril est le centre du monde. La culpabilité ou l'innocence de Dominique Strauss - Kahn n'est donc pas la préoccupation de ces féministes. Elles ne font pas le procès de DSK. Seules les intéressent les réactions médiatiques et systémiques.



Et leurs analyses sont pertinentes et convaincantes car elles interrogent le féminisme de ces hommes et de ces femmes qui, prenant la défense de Dominique Strauss - Kahn, en viennent à tenir des propos quelque peu inquiétant. Ceux et celles qui ont crié aux droits des femmes lors du débat portant sur la burqa et autres voiles qui couvrent la tête des femmes musulmanes, faisant fi du principe de laïcité, n'ont pas de mal à minimiser les accusations portées contre Dominique Strauss - Kahn, rejetant dès les premières heures toute idée de viol - accusant par ricochet la plaignante de mensonges. Tout en étalant quelques éléments de sa vie qui sans doute portent préjudices à sa réputation, les journalistes victimisent Dominique Strauss - Kahn tantôt victime innocente d'un complot international, tantôt victime de sa propre faiblesse pour les femmes, tantôt victime d'une justice américaine brutale, tantôt victime d'une femme coupable de vénalité. Les faits qui lui sont imputés sont minimisés et DSK, considéré comme un Don Juan amoureux des femmes qui maîtrise l'art de la séduction à la française, bénéficie d'un traitement médiatique qui n'est pas celui réservé aux traditionnels accusés de viol. Car la présomption d'innocence, principe fondamentale du droit, se révèle être un luxe réservé à quelques personnes seulement. Tous ne bénéficient pas non plus de la même sémantique car le viol se révèle être aux pauvres, ce que la séduction se révèle être aux plus fortunés. Pourtant, erreur, les études le montrent: le viol n'est pas l'apanage du pauvre et de l'Autre, noir ou arabe; le viol ne connait pas de frontières et se retrouvent malheureusement partout, y compris chez les familles les plus fortunées dites aussi les plus cultivées et civilisées.



Que dire du traitement réservé à Nafissatou Diallo dont la parole a été tout de suite remise en cause alors même qu'on ne connaissait rien encore de l'affaire? Que dire du traitement réservé à l'épouse Anne Sainclair érigée en femme modèle?



Ces féministes dénoncent beaucoup de choses que je ne saurais résumer en quelques lignes tant il y a à dire. Alors je ne peux faire autrement que de conseiller ce livre - pas très épais, intelligent et accessible - pour qui veut comprendre le combat des féministes, combat qui devrait être celui de tous, et prendre conscience du retard de la France en matière des droits de la femme.
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Un troussage de domestique

Comme l’indique Christine Delphy dans son avant-propos : « Il ne s’agit pas de mieux révéler l’affaire, mais d’envisager l’affaire comme un révélateur », plutôt « d’analyser comment ce qui est »donné » à percevoir se trouve effectivement perçu, nommé, identifié, jugé, commenté, infléchi et interprété, exhibé ou dissimulé ».



Le livre étant composé de plus de vingt textes, cette note de lecture se limitera à deux textes. Que les auteures non citées n’en prennent donc pas ombrage. Les textes forment un ensemble critique et pertinent. L’accablant voyage dans une chambre d’hôtel à 3000 dollars la nuit devrait donner lieu à un procès. L’invisibilité des salarié-e-s et du travail de nettoyage des hôtels devrait être analysée, les violences sexistes, beaucoup plus quotidiennes qu’on ne le pense, dans les grands hôtels parisiens, mises sur la place publique.



Derrière la langue de bois, la vérité des cœurs, la vérité des mœurs : comportements et discours arrogants, mépris et haine de classe, misogynie et sexisme, racisme banalisé d’une partie de ceux et celles qui se proclament « élite ». Du « troussage de domestique » à « il n’y a pas mort d’homme », au delà du dégoût et de la gerbe, il convient d’analyser. C’est ce que font brillamment les auteures des textes, la plupart parus en mai et juin 2011.



Nous ne devons pas accepter que les violences physiques, psychiques ou verbales ne soient appréhendées que comme des actes de la sphère domestique ou privée. Il s’agit bien de violences sociales, de manifestations de la domination des hommes sur les femmes, d’une construction sociale inégalitaire, donc de politique.



Je choisis de commencer par l’article de Jenny Brown (Éditrice à Labor Notes et membre de Redstockings of the Women’s Liberation Movement) « Les femmes de ménage des hôtels brisent le silence sur les agressions »



Deux cents femmes scandaient « Honte à vous » le 6 juin lorsque Dominique Strauss-Kahn (DSK) pénétrait dans le Palais de Justice de Manhattan. « Les femmes de chambre syndiquées étaient là pour dire que sur la base de leur expérience avec les clients des hôtels, elles croyaient leur collègue de travail. Elles racontent que les clients font de l’exhibitionnisme, proposent d’acheter leurs services sexuels, les attrapent et les tripotent, et parfois tentent de les violer. »



L’auteure nous rappelle la résistance des travailleuses des hôtels de San Francisco et de Hawaï au port de la jupe, le refus de se retrouver « seules dans les chambres avec le client et la porte fermée » et de la politique du « Cela doit rester confidentiel ! ».



Tout cela n’a rien d’anecdotique. On comprend alors que « Les législateurs de New-York ont soumis un projet de loi qui obligerait les hôtels à afficher dans les chambres une »Déclaration des droits » des femmes de chambre, qui les obligerait à informer et à former celles-ci sur leurs droits ainsi qu’à les protéger des représailles quand elles font état des incidents dont elles sont victimes. »



Avec l’humour qui la caractérise, Christine Delphy titre son premier texte, en utilisant le texte de Jacques Dutronc pour le générique du film Arsène Lupin : « C’est le plus grand des voleurs, oui mais c’est un Gentleman ».



L’auteure part d’un constat, pendant deux jours les médias ne parlent que de ‘DSK’ et « Pas un mot pour la femme de chambre », pas un mot sur Nafissatou Diallo.



Les uns et les autres supposent que « les faits reprochés au directeur du FMI sont faux » et « érigent la ‘présomption d’innocence’ au rang de marqueur identitaire français ». (Ce point sera traité plus longuement dans un autre texte « Qui accuse qui ? Préjugés et réalités dans l ’affaire Strauss-Kahn »). Présomption d’innocence indéniablement mais « ne faut-il pas respecter la ‘présomption’ de victime ?» comme le demande Clémentine Autain dès le 16 mai.



Un rassemblement féministe sera organisé à Paris le 22 mai, pour défendre l’autre personne déniée et « Pour dire que le viol est un crime, pas une ‘affaire de vie privée’. Une agression, pas une ‘relation’. Que non, c’est non. »



Christine Delphy analyse successivement la vague, le tsunami des propos sexistes, la négation sociale du viol et sa transformation en « en rapport un peu passionné » sous le mythe fabriqué du besoin, de la « pulsion ». Si viol il peut y avoir, ce n’est pas dans les classes supérieures, justes chez les barbares, ces classes populaires, confinées dans les banlieues et les coutumes ‘barbaresques’. Faut-il encore souligner que la majorité des viols se produisent dans l’environnement familial, les violeurs étant souvent des proches, très proches de leur victime, et que le viol conjugal y a une place souvent centrale.



Autour du déni, se tisse une étrange toile, une sorte de « statut d’exception pour la ‘sexualité’ » résumé à « leur liberté, la liberté des hommes ». Que penser alors de ce sujet au baccalauréat « La liberté est-elle menacée par l’égalité ? ». La liberté des uns contre l’égalité revendiquée pour les autres (les unes). Comme le disent Clémentine Autain et Audrey Pulvar : « Notre conception du désir, du pouvoir et du sexe est à déconstruire et à réinventer à la faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes ». Bénéficiaires de l’asymétrie, de l’inégalité, du sexisme, les hommes ne la veulent pas. Il faudra donc aux femmes de l’imposer par des mobilisations autonomes. Et sur cette base, développer des convergences dans des cadres unitaires et mixtes.



Il y a une véritable culture d’impunité aux violence contre les femmes et l’auteure termine son article sur la nécessité d’une véritable loi cadre contre les violence de genre.



En annexe Christine Delphy analyse une différence essentielle entre la loi française et la loi du 24 avril 2008 sur le droit des femmes à éradiquer la violence machiste (Catalogne). La loi française s’est contenté de modifier certains articles préexistants « sans tenter d’expliquer ce qui est spécifique dans cette violence, de ce qui la suscite et ce qu’elle produit. La loi catalane elle, lui donne un sens en expliquant son caractère systémique ; elle l’inscrit dans un système particulier : le système général de domination des hommes sur les femmes, le système patriarcal. »



Outre les articles cités :



■Gisèle Halimi : « Le respect des femmes doit prévaloir »



■Clémentine Autain « ‘Affaire DSK’ : l’impensable viol »



■Sabine Lambert « Bienvenue chez les ‘pas nous, pas nous »



■Rokhaya Diallo « Le sexisme ? Pas de ça chez nous ! »



■Sylvie Tissot : « Une ‘affaire de jupons’ : le traitement de l’affaire DSK de 2008 »



■Sophie Courval : « Ce qu’Anne Sainclair fait au féminisme »



■Joan W. Scott : « L’affaire Strauss-Kahn, une avancée pour la cause féministe ? »



■Claire Levenson : « Hommes/femmes : des rapports opposés entre les États-Unis et la France »



■Les TumulTueuses http://www.tumultueuses.com/ : « Qui montre son vrai visage ? Du voile intégral à l’affaire DSK »



■Najate Zouggari : « Violeur au-delà du périph’, séducteur en deçà »



■Christelle Hamel : « Violences faite aux femmes : la volonté de ne pas savoir »



■Michelle Guerci : « Le machisme ultraviolent au quotidien »



■Mademoiselle http://blog.entrailles.fr/ « Cher camarade »



■Natacha Henry : « Comment les notables sexistes creusent le retard français »



■Titiou Lecoq : « Ma réponse aux défenseurs trop zélés de DSK »



■Mona Chollet : « Les informulés d’une rhétorique sexiste »



■Béatrice Gamba, Emmanuelle Piet : « Si on ne peut plus violer tranquillement les femme de chambre »



■Mademoiselle : « La morale de ces morales »



■Marie Papin : « Comment les victimes deviennent le coupables, ou le traitement médiatique des violences faites aux femmes »



■Christine Delphy : « Qui accuse qui ? Préjugés et réalités dans l’affaire Strauss-Kahn »



■Clémentine Autain, Audrey Pulvar : « Non au procès du féminisme »



Une dénonciation implacable de la « permanence du sexisme en France », de la « profonde et vivace misogynie qui nous entoure » et des trois solidarités « celle de genre, qui unit les hommes contre les femmes, celle de classe qui unit les riches contre les pauvres, et celle de race qui unit les Blancs contre les Bronzés ».



Deux livres complémentaires pourraient être construits. Le premier directement lié à celui-ci : 7 minutes entre inconnu-e-s, quel consentement et quels plaisirs partagés possibles ?



Le second concernant le FMI et ses dirigeants : Des plans d’ajustement structurel comme crime contre l’humanité.



En complément possible :

Patrizia Romito : Un silence de mortes (Editions Syllepse 2006)

Un silence de mortes

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Un troussage de domestique

Ensemble de textes de féministes écrits quelques temps après la tentative de viol par DSK. Ces textes sont très différents les uns des autres, j'en ai plus appréciés certains, d'autres moins. J'ai particulièrement été intéressée par le dernier de Christine Delphy qui explique les systèmes judiciaires français et américains, leurs différences, leurs points communs, et reprend ce qui a pu être dit de faux ou d'incorrect sur l'aspect judiciaire de l'affaire DSK.

J'ai trouvé que c'était un livre assez intéressant et un outil parmi d'autre pour lutter contre la culture du viol.
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Un troussage de domestique

De la lecture de ce livre écrit juste après l'inculpation de DSK, on ressort avec un fort sentiment de gâchis. La personnalité politique du personnage aura déclenché une double imposture :

- l'idée qu'un viol commis par une "haute personnalité" ne peut être qu'une pulsion et donc doit être traitée à l'aune de son importance supposée. Le crime est toujours commis par "les autres".

- l'interprétation du système judiciaire d'un pays (en l'occurrence les USA) doit se plier à cette thèse.

Vont donc y participer non seulement les médias mais les "experts" appelés à prendre la défense de "Dominique". Aux côtés de J Lang, BHL ( Bernard Henri Lévy) ou JF Khan, s'ajoute la participation de Robert Badinter pour le moins surprenante puisqu'il va livrer une interprétation erronée du système judiciaire américain..

Quand on sait que la présomption d'innocence venait d'être juste reconnue dans la loi française à peine un mois auparavant, on mesure à quel point Pouvoir Domination et sexisme ont perturbé le jugement d'hommes politiques solidaires de leur classe sociale.

Tout ça pour ça : il en reste une très forte amertume sur nos capacités de changement. Et la nécessaire expression des opinions par tous les canaux possibles. Les médias traditionnels ont la preuve de leur incapacité à distinguer la vérité .. et à nous la faire découvrir.



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L'ennemi principal, tome 1 : Economie polit..

Ce livre rassemble plusieurs articles publiés par C. Delphy entre 1970 et 1990, sur le thème du système patriarcal qui oppresse les femmes dans la société occidentale de cette époque. Les concepts développés s'appuient sur une analyse matérialiste de l'économie et de la politique, dans la lignée de Karl Marx, tout en réfutant une partie de l'idéologie d'extrême-gauche selon laquelle les travailleuses seraient des travailleurs comme les autres.

La société décrite par C. Delphy est celle dans laquelle mes parents ont grandi, les données qu'elle utilisent concernant le taux d'emploi des femmes sont largement périmées, mais les mécanismes sous-jacents d'exploitation du travail domestique des femmes par leurs conjoints masculins sont toujours à l'oeuvre. Certes, les jeunes pères ont plus de temps à consacrer à leurs enfants, mais ils restent à l'écart des tâches ménagères ingrates et cèdent beaucoup moins facilement de leur temps de travail pour gérer la famille. Le combat pour l'égalité pratique dans la sphère privée n'est pas terminé, et mettre les mots sur l'oppression permet d'avancer à l'échelle individuelle. Je vous recommande donc cette lecture si vous trouvez que la société est déséquilibrée mais que vous ne voyez pas forcément comment le formuler pour en débattre avec vos proches.
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Un troussage de domestique

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Classer, dominer : Qui sont les autres ?

Je ne vais pas vous mentir, il y a bien plus de choses à dire sur ce livre que ce que je ne fais dans ma chronique. Mais voilà, c’est un essai et, en plus de développer des idées et de présenter des faits, comme tout autre essai, il invite à la réflexion, à se questionner et questionner le monde dans lequel nous vivons… sauf que je ne suis pas là pour vous faire une dissertation, simplement une chronique pour vous expliquer pourquoi j’ai aimé Classer, dominer – Qui sont les autres ? de Christine Delphy.

Pour commencer, si Classer, dominer a été publié en 2008, il est bon de noter qu’il s’agit d’un regroupement de textes, d’articles et de discours de Delphy rédigés ou prononcés entre 1996 et 2006, et ils reviennent sur les événements et lois qui faisaient l’actualité. De fait, ça m’a beaucoup parlé car j’ai vécu ces choses et je commençais à les comprendre, de mon jeune âge. Je pense notamment aux attentats du 11 septembre 2001 et tout ce qui en a découlé. De lire cet essai vingt ans plus tard, ça m’a permis d’avoir un recul sur les événements et plus de maturité. Je pense que pour les personnes qui étaient encore des nourrissons à l’époque, le livre va peut-être parfois paraître opaque – pas difficile à comprendre, mais d’une époque lointaine. Toutefois, je le pense accessible à toutes et tous, déjà parce que ce qui y est écrit est simple à comprendre et, à part le début où certains paragraphes méritent un peu de concentration, il se lit bien, il n’y a pas de notions abracadabrantesques… C’est le type d’essai par lequel il est simple de débuter si vous n’avez pas l’habitude de lire ce genre de livre. Et, maintenant que j’y pense, je crois que les touches de sarcasmes (très plaisantes) y sont un peu pour quelque chose, ajoutant une petite pointe d’humour à un sujet lourd.

« Qui sont les autres? » interroge le titre et Delphy y répond dès le début de l’ouvrage : ce sont les personnes qui ne sont pas dans la norme. Quelle est cette norme ? L’homme blanc hétéro (aujourd’hui, nous rajouterions « cisgenre »). Je ne me souvenais pas du résumé et j’ai été surprise que la sociologue nous y réponde si vite ; de quoi allait-elle bien pouvoir nous parler par la suite ? Eh bien elle nous donne des exemples d’oppression des Uns sur les Autres par le biais de l’actualité, que ce soit le droit des hétérosexuel·les à s’afficher en public, se marier… contrairement aux homosexuel·les (les choses ont certes évolué depuis, mais ce n’est pas encore ça), que ce soit les droits que s’octroie un pays (les Etats-Unis d’Amérique) sur des personnes qu’il emprisonne, torture, etc. (Guantanamo), que ce soit les pouvoirs des Blanc·hes sur les Noir·es, etc. Il y a énormément de sujets qui sont traités et ils sont tous très intéressants et pertinents. Si le chapitre sur les homos m’a moins passionnée que d’autres, celui sur le voile m’a beaucoup plu (rappel du contexte : au début des années 2000, l’Etat français a fait passé une loi sur le port du voile et c’était, de ce qu’il s’en disait, une question de laïcité).

Bien sûr et hélas, subir une oppression n’empêche pas d’en subir une autre (ou d’autres). Vous pouvez très bien être une femme (l’Autre des Uns, les Uns étant les hommes) et noire (les Un·es étant les Blanc·hes), etc. Classer, dominer est riche d’informations, de réflexions, et pourtant il se contente de quelques oppressions ; il n’y est pas question de classe, de validisme, etc. Si on voulait parler de tout, je pense qu’il faudrait bien dix essais de ce format, et ce ne serait probablement qu’effleurer certains points ! Cela dit, celui-ci nous permet déjà de réfléchir et rien n’empêche de s’interroger sur d’autres sujets par la suite. A dire vrai, je trouve que là est tout l’intérêt d’un essai : une fois lu, on y pense encore, on envisage différemment les choses…

Enfin, je partage avec vous une chose qui me semble essentielle de retenir de Classer, dominer : nous vivons dans un système oppressif et, par conséquent, nous ne sommes jamais neutre. Qu’on le veuille ou non, nous sommes toujours dominant·es et dominé·es.



Bonne lecture à vous, et bonne réflexion.
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Un troussage de domestique

Témoignages percutant, révoltant. J'ai entendu parler de l'affaire DSK à l'âge de 8 ans, je ne comprenais pas bien pourquoi j'entendais ces initiales partout. Et ce livre m'a permis d'assouvir mes curiosités innoncentes. 9 ans plus tard, je me rends compte de la gravité de l'attitude des politiques français envers leur salopard de compère "il n'a pas pu faire ça c'est un complot !!". Je suis profondément choquée par ce sujet passé sous silence durant mon enfance.
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Feminismes au Maghreb

Faire émerger l’individu femme en tant que citoyenne à part entière

En édito, Amel Mahfoudh et Christine Delphy soulignent l’invisibilisation des femmes, tant dans les mouvements de libération nationale que dans les mouvements sociaux récents. Elles reviennent sur l’histoire du Maghreb en indiquant un certain nombre de caractéristiques qui expliquent à la fois l’unité et les différences socio-politiques de cette région, la conquête arabe (un siècle de guerre) et l’implantation de la religion musulmane et de la langue arabe, la seconde colonisation par la France, colonisation directe ou mise en « protectorat ». Les auteures rappellent que « Même si l’Algérie faisait « partie » de la France, ses habitant·e·s musulman·e·s n’ont jamais été des citoyen·e·s français·es mais des sujets soumis au code de l’indigénat et à la merci du bon vouloir des administrateurs coloniaux » (sur le code de l’indigénat, voir par exemple, Olivier Le Cour Grandmaison : L’indigénat. Anatomie d’un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l’empire français, Zones 2010)Les décolonisations seront différentes et aboutiront à des systèmes présentant de grandes dissemblances, en particulier dans le domaine de la famille et des droits des femmes.



En présentant les textes du Grand angle, Amel Mahfoudh et Christine Delphy parlent des interconnexions et des échanges, des « féministes fondatrices », des positions des « jeunes » féministes, des histoires « entre autonomie et récupération », de l’émergence des mouvements autonomes, des recompositions et de quelques débats actuels… Et au delà des convictions respectives « la condition si matérielle et si réelle qui rend les différences entre femmes d’un pays, et même entre les femmes de la terre, tout simplement dérisoires ».



Je m’attarde plus particulièrement sur le premier texte du dossier.



Tunisie. Dorra Mahfoudh et Amel Mahfoudh parlent de l’invisibilisation des femmes, de l’engagement des femmes dans le mouvement anti-colonial. Elles soulignent l’importance de l’inscription des analyses dans l’histoire, la place des rencontres internationales, le double engagement des premières militantes tunisiennes, « au sein du mouvement national et pour les droits des femmes ». Les auteures présentent le « processus de mobilisation et de socialisation politique des femmes » et montrent que l’écriture de l’histoire « officielle » retient presque exclusivement la production des hommes…



J’ai particulièrement apprécié les analyses du chapitre « Le féminisme d’Etat : vers une modernité inachevée et une instrumentalisation de la cause des femmes », même si je reste dubitatif sur la notion même de modernité. S’il y a bien instrumentalisation de la cause des femmes par des gouvernements (les auteures montrent les aspects contradictoires des politiques suivies), cela, contrairement aux lectures unilatérales, n’invalide pas les dimensions universalisantes du combat des femmes.



Les auteures insistent sur les mobilisations féministes, le « mouvement autonome des femmes », la question du travail, les manifestations publiques, « Les objectifs et les contestations portent à la fois sur la sphère privée et sur la sphère publique afin de prouver que le privé et le social sont aussi politiques : les inégalités et les rapports de domination dans la famille, l’exploitation dans le travail, l’exclusion des postes de décision, le contrôle sur le corps et la sexualité, les menaces sur le droit au travail, les stéréotypes sexistes dans les médias, la pauvreté des femmes rurales, le harcèlement sexuel dans le milieu professionnel et universitaire ». Contre la dictature, et la « résislamisation de la société », un double combat contre la mainmise du pouvoir politique et contre la remise en cause des acquis en matière d’égalité.



2011, mobilisations citoyennes, reconnaissance des libertés individuelles, plus grande justice sociale, un « processus » de démocratisation… « L’espace de la cause des femmes s’élargit et se recompose ». Dorra Mahfoudh et Amel Mahfoudh indiquent la place que représente la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et le refus de certaines de la levée des réserves sur le texte (égalité dans l’héritage, droits sexuels, limitation de l’âge du mariage…)



Les clivages existent tant en relation avec la « re-islamisation » que par des effets « générationnels » ; les auteures soulignent les tentatives de constitution de coalitions d’associations féministes qui « visent à dépasser les clivages et entreprendre des actions stratégiques ou dictées par la conjoncture » et développent une conception « inclusive », contre les risques d’émiettement ou d’affrontement entre associations de femmes…



Algérie, Maroc, l’unité et la diversité des situations des femmes, l’importance de contextualiser les énoncés, les organisations, les luttes. De ne pas céder au « relativisme culturel », et mettre en avant les dimensions unifiantes et/ou universelles, non déjà là, mais bien à construire. Prendre en compte les compréhensions différenciées, toujours inscrites dans les situations matérielles et idéelles, les autres « façons d’imaginer l’avenir »… Ne pas accepter, ici ou là, les politiques qui obligent ou interdisent aux femmes, au nom de principes « naturels », « culturels », « modernes » ou « traditionnels », érigés par/dans les sociétés où dominent les hommes et leurs intérêts.



En complément de ce dossier, dans la rubrique Parcours, un intéressant entretien avec Sana Ben Achour : « C’est le féminisme qui m’a amenée en politique et pas le contraire ». Outre de beaux passages sur la médina, l’auteure discute, entre autres, de non-mixité, d’indépendance par rapport à l’Etat. Elle critique l’ordre patriarcal, parle d’inégalité, insiste sur l’historicisation, y compris du Coran, la circulation des idées, l’inscription de l’égalité sans conditions dans la Constitution…



J’ai aussi été intéressé par l’article de Debbie Cameron et Joan Scanlon sur les « Convergences et divergences entre le féminisme radical et la théorie queer ». Une approche visant à faire ressortir les zones de partage et de séparation. J’indique quelques éléments :



« les adeptes de la version queer ne pensent pas en termes d’oppression des femmes par les hommes »



« on ne peut pas produire (ou remettre en question) le système de genre seulement par le discours ou la performance individuelle »



« Par ailleurs, se sentir opprimé·e n’est pas la même chose qu’être opprimé·e. Pour célébrer son identité en tant que hors la loi, on doit tirer quelque chose du système qui fait de soi un·e hors-la-loi »



« La tâche politique du féminisme est d’éradiquer le genre »



En somme, au delà du « troubler le genre », détruire l’économie politique du genre.



Je souligne aussi la lecture critique de Jules Falquet du livre de K. Jasbir Puar : Homonationalisme. Politiques queers après le 11 septembre.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Questions féministes (1977-1980)

La mise à disposition des huit numéros de Questions Féministes est une très bonne nouvelle.



En quelques phrases, qui ne sauraient se substituer à la préface de Sabine Lambert, je voudrais souligner, à la fois la grande lisibilité des textes (beaucoup de sociologues devraient en prendre leçon), l’humour très présent, et sauf rare exception, (le texte de Michelle Loi sur la Chine et Jiang Qing) la grande résistance au temps.



En fondant l’analyse de l’oppression et de l’exploitation des femmes, dans les réalités matérielles et non dans la psychologie ou pire encore « la nature », les auteures ont tracé des pistes qu’il nous faut parcourir encore et encore pour prolonger et actualiser leurs analyses.



Il convient, de ce point de vue, de lire attentivement le texte de présentation, publié dans le numéro 1 : Une revue théorique féministe radicale.



Les travaux des féministes se sont multipliés, mais l’égalité ici est maintenant est toujours à conquérir pour les femmes. Les voix des hommes se substituent toujours, comme paroles « autorisées » aux élaborations des chercheuses, « S’il ne faut pas hésiter à hurler avec ses tripes face à un discours qui vous laisse à la porte, il n’y a pas de raison, en rejetant comme « masculin oppresseur » un certain discours conceptuel, d’en laisser le monopole aux hommes ». L’institutionnalisation des études de genre, s’est faite, en partie en dépolitisant les apports et les combats des féministes, la majorité des études sur les rapports sociaux n’intègre toujours pas les « dimensions sexuées », le masculin, soit disant porte parole du neutre grammatical, rend invisible et la moitié de l’espèce humaine et les asymétries sociales, etc….



Un ouvrage, au présent, à lire et à offrir sans modération…



« Le mot femme, je ne peux plus, je n’ai jamais pu l’entendre. C’est avec qu’ils m’ont insultée. C’est un mot de leur langue, cadavre empli de leurs fantasmes contre nous. »



Et comme l’écrit justement Sabine Lambert dans son introduction : « Ces écrits ont eu un tel écho en moi, je me les suis si rapidement appropriés, que je ne parviens plus à me souvenir de la façon dont je pensais le monde social avant de les lire. C’est ce qui arrive lorsque l’on découvre des analyses permettant réellement de subvertir un ordre des choses qui, auparavant, nous paraissait naturel et inébranlable ».
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L'ennemi principal, tome 2 : Penser le genre

Après le tome 1 (Economie politique du patriarcat), je passe au 2, "Penser le genre". On avance d'une décennie, la lutte pour les droits des femmes est (timidement) reprise par des politiques publiques, mais qu'est-ce qui change en réalité ?

Pas le système du genre, qui divise l'humanité en deux genres distincts, dont le féminin est soumis au masculin, érigé en modèle "neutre". C. Delphy critique aussi bien la négation d'un besoin de lutte (car les droits formels sont maintenant pratiquement égaux) que la promotion d'un modèle maternel justifiant des traitements différenciants, qu'elle juge inégalitaires par nature.

Au passage, un article questionne le traitement des enfants dans notre société, les droits dont les parents disposent sur eux dépendant d'un marqueur légal, la "majorité", qui n'a pas de justification physiologique claire et met un ado de 15 ans à égalité de statut avec un nouvea-né de 15 jours...

La réflexion est intéressante et les articles touchent à des sujets très variés, de la violence conjugale aux aménagements de temps de travail proposés ou imposés aux mères de famille. Certains articles traitent aussi de l'histoire du mouvement féministe dans sa diversité.

Lecture historiquement et conceptuellement très enrichissante, que je recommande chaudement, de préférence après le tome 1 pour bien appréhender les concepts de base du patriarcat.
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Pour une théorie générale de l'exploitation

On ne doit pas définir le travail ménager comme une simple liste de tâches

Le livre est composé d’une préface de Mélissa Blais et Isabelle Courcy, publiée avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse (voir blog "entre les lignes entre les mots") et de trois textes de Christine Delphy.



En première partie : Par où attaquer le « partage inégal » du « travail ménager », et en seconde partie « Pour une théorie générale de l’exploitation » composée de deux textes : « En finir avec la théorie de la plus-value » et « Repartir du bon pied »



Je ne vais pas à proprement parler faire une note de lecture de ces textes. Mais plutôt essayer de « dialoguer » avec Christine Delphy, en partant de points d’accord et en utilisant partiellement d’anciennes notes de lecture. Je n’aborde donc que son premier texte sur le « partage inégal » du « travail ménager ».



Je signale, sans m’y attarder, que les lectures proposées de Karl Marx et de ses théorisations ne me semblent pas pertinentes. Quoiqu’il en soit, les explications « marxiennes » ne suffisent cependant pas à expliciter l’ensemble des dominations. Sans oublier que l’exploitation du travail d’autrui, sous le capitalisme, ne se réduit pas à celle de la force de travail salarié.



Pour le dire autrement, si la notion de plus-value met en lumière les mécanismes d’une exploitation particulière, pour employer les mots des préfacières, une exploitation historiquement située, si elle permet d’aborder l’exploitation du salariat sous le capitalisme, elle ne permet ni de comprendre les segmentations/dominations internes au salariat, ni d’autres formes d’extorsion de travail, en particulier, le travail accompli gratuitement par les femmes et approprié par les hommes.



A noter de plus, que la force de travail (salarié) doit aussi être abordée en tenant compte de l’ensemble des rapports sociaux, en particulier le sytème de genre (rapports sociaux de sexe) et les processus de racialisation.



Pour le dire avec un autre vocabulaire et d’autres notions que celles de Christine Delphy, « la production du vivre », la production/reproduction de la force de travail, ne peut être mise à l’écart, pour ne pas dire, « hors » des rapports de production...



Travail ménager, travail domestique. L’auteure examine ici particulièrement une portion du travail domestique, le travail ménager proprement dit.



Travail et inégalité des temps passés, variations et continuités. « C’est à la fois une des manifestations les plus flagrantes de l’inégalité entre les sexes, qui devrait, par sa visibilité même, être facilement corrigible, et un défi pour les stratégies d’égalité, car c’est là aussi que l’action militante trouve sa limite ».



Pour saper cette inégalité encore faut-il interroger les institutions sociales « qui étayent la construction de cette inégalité « privée ». »



Travail, travail gratuit. A très juste titre, l’auteure insiste « travail gratuit réalisé dans le cadre social – et non géographique – de la maison que j’appelle le travail domestique », il ne s’agit donc pas de « somme disparate de relations individuelles ». L’auteure propose donc de considérer ce travail comme « l’effet d’un mode de production, le mode de production patriarcal ou domestique »



L’effet d’une organisation sociale particulière certainement, d’un mode de production particulier peut-être. Encore faut-il se mettre d’accord sur son historicité. La révolution bourgeoise, la révolution capitaliste ont restructuré/ réagencé/recréé l’ensemble des rapports sociaux, et pas seulement les institutions, remanié les agencements familiaux, créé la famille nucléaire, séparé la sphère publique de la sphère privée, etc. Je souligne que la création de la sphère privée se fait « consubstantiellement » à celle des classes. (Voir par exemple, le beau livre de Leonore Davidoff et Catherine Hall : Family Fortunes. Hommes et femmes de la bourgeoisie anglaise 1780-1850). Pas en un claquement de doigts, mais sur le temps long (voir par exemple : Arno Mayer : La persistance de l’ancien régime. L’Europe de 1848 à la Grande Guerre).

La disjonction entre travail productif et travail domestique est réelle et fausse. Les taches ménagères ne sont pas facultatives, ne sont pas « une simple liste de tâches », elles ont strictement nécessaires « Les adultes aussi doivent manger, se laver, nettoyer leurs vêtements, faire la vaisselle, etc. ». Elles pèsent sur le « domestique » et sur le « professionnel », négativement pour les femmes et positivement sur les hommes, qui ne les exécutent pas ni n’en ont le souci… Elles impliquent « que la cohabitation hétérosexuelle signifie un surcroit de travail pour les femmes et, au contraire, un allégement du travail pour les hommes » (Comme le signale, l’auteure les autres configurations conjugales (homosexuelles) n’ont que peu été étudiées). Christine Delphy montre bien ce qu’il en est dans les situations de célibat, cohabitation, séparation…



Dans le cadre familial, il s’agit bien d’une appropriation par les hommes du travail des femmes, appropriation organisée socialement et renforcée par des mesures institutionnelles. Dans un cadre plus global des effets de la division sexuelle du travail. Division et hiérarchie…



Christine Delphy ajoute « Si les hommes bénéficient directement du travail ménager des femmes, une grande partie de celui-ci est cependant absorbée par le soin aux enfants, justement dans la mesure ou les femmes assurent leur part plus celle de l’autre parent ».



Le travail gratuit des femmes profite et est organisé au bénéfice du groupe social des hommes. Il profite aussi aux dominants du mode de production capitaliste en minimisant les coûts de « reproduction ». Dans ses ouvrages sur l’esclavage, Olivier Grenouilleau souligne que les deux systèmes les « moins couteux » pour leur reproduction, sont l’esclavage et le capitalisme…



Cette co-formation, ce co-développement rend, pour celles et ceux qui en douteraient encore, inepte les histoires de « front principal » et de « front secondaire » dans les combats pour l’émancipation. Le marché du travail est lui même genré, il en est de même des institutions… Comment penser la mobilisation des salarié-e-s sans penser la mobilisation des femmes, sans l’auto-organisation, y compris non-mixte, des femmes ?



Christine Delphy souligne le sens de quelques institutions, leur non neutralité dans le système de division/hiérarchie sexuelle : le concept de l’ayant droit pour l’assurance maladie, celui du quotient familial dans la fiscalité directe (« ce système de quotient familial fait la nique au principe de progressivité de l’impôt ») ou le système des pensions dites de réversion. Les femmes ont « des droits dérivés »…



Les statuts des femmes et des hommes sont co-construits asymétriquement, hiérarchiquement. Les êtres humains (socialement construits comme femmes ou hommes) « entrent » dans le rapport salarié, « libres » des moyens de production dont elles/ils ont été dépossédé-e-s mais, pour les uns, auto-dégagés du travail domestique (et de son souci) au sens le plus large, et pour les unes assignées à effectuer gratuitement ce travail pour les compte des uns. Quelque soit la manière d’aborder le sujet, il s’agit bien d’une extorsion de travail gratuit. Et dans le rapport social global qu’est le capitalisme, cela ne peut être considérée comme un hors du champ de la valorisation de force de travail…



En accord ou non avec les théorisations de Christine Delphy, ses interrogations sur les angles morts du « marxisme » sont décisifs.



Nous n’en avons pas fini avec ces débats, il est nécessaire de retravailler les notions de « travail » sous le double apport des théorisations « marxistes » et de celles des féministes matérialistes. Cela ne permettra peut-être pas d’élaborer une théorisation unifiée mais au moins de mieux faire ressortir les contradictions présentes dans les rapports sociaux. Et redonner à la lutte des femmes la place centrale qu’elle doit avoir dans tous les combats.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Un universalisme si particulier

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Questions féministes (1977-1980)

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Un troussage de domestique

Une vingtaine d'auteures -journalistes, politiciennes, avocates, bloggeuses, historiennes, chercheuses, professeures, toutes militantes féministes- ont donc participé à cet ouvrage. Les textes ont été réunis le 7 juillet 2011, bien avant le rendu du jugement. Ils décortiquent à la loupe l’ensemble des réactions autour de l’affaire.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Un universalisme si particulier

La mise à disposition de textes publiés dans des revues ou journaux, d’éditoriaux de l’auteure pour les Nouvelles Questions Féministes, permet de faire ressortir la cohérence, la force et la radicalité des analyses féministes. « Pour moi, le féminisme est avant tout un prisme à travers lequel on regarde le monde et la vie – celui de l’oppression des femmes – pas le seul prisme, on peut ajouter d’autres lentilles ; mais le prisme principal ; et un mouvement, un engagement collectif et public pour la faire cesser. »



Au pays des « Droits de l’Homme » et non des « Droits des humains », l’insistance sur la notion de « République » est un véritable masque, un authentique cache-sexe, un déni permanent, des exploitations, des oppressions, des inégalités, des discriminations, du sexisme ou du racisme. «… c’est au nom de la république, au nom de ses valeurs, parmi lesquelles l’égalité figure en bonne place, que toute mesure pour assurer une égalité réelle, substantielle, étaient et continue d’être dénoncée. »



Dans son introduction, l’auteure nous rappelle que « les faits n’existent pas avant qu’on les ait vus. Et pas seulement vus, mais interprétés », qu’il existe « une similitude – similitude dans les mécanismes, mais aussi dans les souffrances de l’oppression – entre les femmes, les homosexuel-les, et les racisé-es » et que le « racisme est un système »



Dans une première partie « Ponctuation historique », Christine Delphy revient, entre autres, sur les origines du Mouvement de Libération des Femmes, les luttes du passé, la non mixité, la place des lesbiennes et les débats autour de féminisme et marxiste.



La seconde partie traite plus particulièrement de « L’exception française ». Puis l’auteure analyse les « Violences » et « Le post-colonial en France » ; la dernière partie reprend en l’élargissant les débats sur « Un universalisme si particulier ».



Je ne vais pas ici détailler les analyses de l’auteure, mais présenter quelques extraits, subjectivement choisis lors de ma lecture :



l « On ne nait pas femme, on le devient à travers des pratiques coercitives, humiliantes et singularisantes pour finir »



l « Il faut souligner que ces représentations des femmes comme d’objets à consommer, fesses, sexes au premier plan, visage éloigné ou supprimé, ne choquent pas que les femmes voilées, mais la grande majorité des femmes et toutes/tous les féministes. »



l « L’inégalité flagrante entre femmes et hommes sur le marché du travail s’adosse à l’exploitation du travail domestique des femmes, qui en assurent 90%. Cette exploitation fait partie de l’ossature du système social, comme la division en classes sociales. »



l « Aucun degré d’empathie ne peut remplacer l’expérience. Compatir n’est pas pâtir. »



l « La pratique de la non-mixité est tout simplement la conséquence de la théorie de l’auto-émancipation. »



l « … il est intéressant de remarquer qu’un juste nombre de femmes, pour les hommes, n’est pas ce que les femmes appelleraient un nombre juste »



l « Les études féministes font bien plus que mettre en cause les présupposés sur les rapports de genre : en mettant ceux-ci au centre de l’analyse de la société, elles bouleversent la perspectives des sciences sociales, et créent de multiplient objets totalement nouveaux. »



l « L’égalité formelle ne peut produire de l’égalité, puisqu’elle ignore l’inégalité. »



l « Pour la plupart des gens, y compris des féministes, le sexe anatomique et ses implications physiques dans la procréation crée ou du moins permet le genre, la division technique du travail qui à son tour crée ou permet la domination d’un groupe sur l’autre. J’inverse la série sexe anatomique/division du travail/domination : c’est l’oppression qui crée le genre. »



l « Je considère que vendre sa sexualité c’est en faire le deuil pour soi-même »



l « Il n’y a pas un »acte sexuel », que l’on se procurerait de diverses façons, dans diverses relations : dans le partage, ou dans la prostitution, ou dans le viol, et qui resterait cependant identique à lui même ; il n’y a pas d’essence de l’acte sexuel. »



l « La biologie ne connait pas de filiation. La filiation, c’est un phénomène social. »



l « L’hétérosexualité n’est pas la réunion de deux cellules. »



l « Les individus accusés de communautarisme sont ceux qui sont exclus de la représentation que se fait la nation d’elle-même. »



l « La violence contre les femmes est, comme le travail domestique, la preuve que la réalité n’est pas là. »



l « Le porno, ce n’est pas »juste du cinéma » : ou plutôt, avant le cinéma, il y a du réel ; la caméra du réalisateur de porno filme de vraies personnes, pas des images virtuelles. »



l « La »révolution sexuelle » empêche les femmes de dire non, mais ne leur donne pas les moyens de dire oui. La définition de la sexualité n’a pas changé : la sexualité, c’est l’acte sexuel, et l’acte sexuel, c’est le coït hétérosexuel avec l’éjaculation de l’homme dans le femme, c’est à dire, de toutes les postures sexuelles, la plus fécondantes… »



l « La violence contre les femmes est banale et n’est même pas perçue en tant que telle. »



l « Devoir supporter le regard dévalorisant d’autrui produit une identité » »endommagée » »



l « Cet antagonisme à l’islam, qui est le substrat jamais exprimé parce que consensuel de toutes ces affaires, il faudra bien un jour cesse de la nier, et admettre sa consubstantialité avec le racisme lié à notre histoire coloniale, à la guerre d’Algérie et à l’exploitation du travail immigré en France. »



l « L’endroit le plus dangereux pour les femmes est … chez elles. »



l « Le sexe social est construit et arbitraire. »



l « Le concept de patriarcat est souvent considéré comme purement idéologique ; mais il est très utile car il indique que la domination des femmes par les hommes fait système. »



D’autres auraient, probablement, choisis de mettre l’accent sur des éléments différents. Que ces quelques lignes incitent les lectrices et les lecteurs à se plonger dans l’ouvrage.



Sur certains sujets, prostitution, parité, l’auteure accepte une certain flottement, des hésitations dans les prises de positions possibles, des difficultés à trancher simplement (politiquement) face à la complexité des choses et des rapports de domination entrecroisés.



Tout en partageant, la méthode d’appréhension des réalités, nombre d’éléments de l’analyse proprement dite, je garde cependant des désaccords avec certaines conclusions de l’auteure et particulièrement avec l’appréciation totalement positive du texte « Appel des indigènes de République ».



Mais l’essentiel n’est pas là. Face à la survalorisation de l’égalité abstraite, la négation des hiérarchies construites historiquement et socialement des genres, des classes ou le racisme réellement instruit institutionnellement, il convient, avec l’auteure, de toujours poser la même question : « Un universalisme peut-il être particulier et rester universel ? ». Et comme Christine Delphy ne pas céder ni sur l’égalité « Rappeler que l’égalité constitue un idéal à construire contre une réalité faite d’inégalités demeure un enjeu majeur du féminisme. » ni sur l’universalisme « L’universalisme reste un projet »



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Classer, dominer : Qui sont les autres ?

Compilation de textes de Christine Delphy dans lequel l'usage d'"un style offensif, incisif et souvent drôle" rend la lecture bien plus vivante et agréable que ce qu'un livre de sociologie/philosophie classique pourrait proposer.



Sans prendre de pincettes, Christine Delphy expose les processus communs à toutes les formes de domination dans la société occidentale pour exploiter, discriminer, marginaliser celles et ceux que le groupe dominant choisit d'appeller "les autres". D'abord une brève introduction théorique dont la thèse centrale explique que la création d'une division au sein de la société s'accompagne systématiquement d'une hiérarchisation, qui est le fruit d'un processus social (et matériel) et donc ne relève pas d'une différence qui serait essentielle (c'est l'extension du marxisme aux autres formes de domination, féminisme matérialiste pour citer le courant le plus important). Puis, si vous n'êtes pas convaincu.e, la lecture de tous les textes qui suivent illustrera son propos. Des textes engagés qui permettent d'ouvrir les yeux sur la réalité que les groupes dominants veulent cacher. La force de ce livre : pousser à la réflexion, à voir plus loin que ce qu'on nous montre, à se remttre en question (car on est toujours dominant.e, coucou l'intersectionnalité) ... Lorsqu'on referme le bouquin, on comprend malheureusement qu'il serait possible d'écrire encore des centaines de textes comme Christine Delphy a osé le faire.



Merci pour ce livre enrichissant !
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Classer, dominer : Qui sont les autres ?

Un essai très intéressant et plutôt accessible de Christine Delphy, sociologue et philosophe française féministe. On m'a beaucoup dit que son fameux "L'ennemi principal" était plutôt difficile à lire, j'essaierai bientôt pour me faire un avis...

Dans cet ouvrage qui regroupe plusieurs textes (article, conférence...), on peut sauter un chapitre, aller vers ce qui nous fait envie. La thèse principale est que le concept d' "autre" est inventé par la tradition occidentale. La haine du différent ne peut pas s'appliquer au ressenti d'une société entière : c'est une façon de cacher une division hiérarchique, de ne pas nommer des relations de pouvoir. Un groupe dominant crée toujours l' "autre", se présentant ainsi comme la norme.



Le privilège des dominants est de nommer et de classer. Ils peuvent catégoriser et asseoir ainsi différentes oppressions : sexisme, racisme, homophobie...



Christine Delphy n'a pas peur de tâcler la psychanalyse, de critiquer les défenseur-euses de l'universalisme (qui peut servir d'excuse pour attaquer ce qui est considéré comme du communautarisme), l'héritage colonialiste français (qui débouche sur un système de castes), les associations soutenues par l'institution comme Ni putes ni soumises...

Et de militer en faveur de l'action positive (appelée aussi discrimination positive), de la compatibilité des luttes (antiraciste, antisexiste...). Elle décortique longuement, dans le dernier chapitre, les débats autour du foulard ou voile en France, et toute une polémique aux relents islamophobes, qui dissimule la violence sexiste ordinaire. On aime croire que la violence sexiste est réservée aux banlieues, aux Noirs et aux Arabes, et Christine Delphy rappelle la violence sexiste ordinaire.

L'argumentation est bien maîtrisée, le ton parfois cinglant. Je n'ai pas trouvé tous ses raisonnements infaillibles mais Christine Delphy donne beaucoup à penser, et enrichit la réflexion féministe.

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Un universalisme si particulier

Non-mixité, parité, violences masculines, avortement, pub, ... Que les textes regroupés dans ce recueil abordent de "grandes questions" ou des thèmes très pointus, l'argumentation est toujours claire, les termes précis et le ton offensif. Et toujours en refusant de "noircir les uns pour blanchir les autres" ou de retomber dans l'essentialisme. On appréciera également quelques rappels historiques sur le MLF.
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