Méfie-toi de tout et de tout le monde. Écarte-toi aussi du chemin des policiers, quels qu’ils soient, enquêteur ou à la circulation, ce sont des gens qui doutent, c’est une seconde nature chez eux, tu sais de quoi je parle ; alors fuis-les comme la peste. Du coup, pas de transgression de la loi, pas de permis, pas de voiture, ça évite d’être arrêté par un simple contrôle, pas de fisc, pas de trace aux impôts, tu t’arranges pour gagner peu d’argent. Si tu vois un contrôle d’identité dans une gare ou une rue, tu traverses, tu t’éloignes. Si jamais ça t’arrive, de la maîtrise, sois naturelle et détendue, montre tes papiers et souris, ça passera.
La nature n’est pas faite pour recevoir un cadavre en son sein, elle est faite pour recueillir des arbres, des feuilles, des animaux au pire mais pas la monstruosité de l’homme dans toute sa puissance. Non, je préfère voir les cadavres ici, sur ma table en Inox. Ils me parlent plus lorsqu’ils sont ici. Enfin, surtout, seuls les vivants m’intéressent.
Mon Dieu que c’est compliqué ! Pourtant, il y a des milliers de couples qui se retrouvent dans ce genre de situation tous les jours et ils s’en sortent ! Elle a l’impression qu’ils sont des handicapés de la vie amoureuse et que ce n’est pas fini les hésitations, les balbutiements et les retraits successifs : on avance d’un pas et on recule de deux !
Ça vient toujours comme ça, suivant cet ordre : elle oublie un truc, puis deux, ensuite elle se perd au cœur de rêveries sans fin, la tête part dans tous les sens. Il faut qu’elle se ressaisisse vite fait, elle ne peut pas se laisser aller, c’est là qu’elle serait tentée de faire un faux pas.
Le séducteur les appâte d’abord avec le profil avantageux d’un jeune entrepreneur français, célibataire et sans enfant, romantique et sincère ; ensuite avec une photo très flatteuse, proche du portrait-robot, donc c’est bien son vrai visage ; puis, ses messages sont simples, il ne fait que parler d’elles, de ce qu’elles font, de ce qu’elles sont, il glisse quelques mots en français pour rendre le tout un peu plus guimauve. Enfin, quand il sent qu’elles sont prêtes à tomber dans ses bras, il fixe un premier rendez-vous, de préférence en un lieu public comme le parc par exemple.
La technique, c’est le désamorçage, elle connaît bien cette méthode pour l’avoir tellement pratiquée pendant sa vie, même ici dans ce bar, elle en a fait sa marque de fabrique. À tel point que son patron l’appelle rapidement quand il sent une situation prête à exploser. La douceur, la modération, le calme, la parole, les gestes, tout est calculé pour gérer des situations conflictuelles. Bien sûr, elle n’a pas la force physique de séparer des costauds, pour ça le patron sait intervenir mais, avant les coups, elle peut servir à quelque chose.
Elle entend brusquement la porte se déverrouiller, un bruit qu’elle connaît par cœur et qui l’effraie toujours : elle ne sait jamais de quelle humeur il sera. Là, ses pas sont normaux, elle a appris à les reconnaître : lorsqu’ils sont rapides et irréguliers, il est énervé et tape dans tout ce qu’il peut. Lourds et bruyants, il reste peu de temps, comme contrarié par l’extérieur. Là, ils sont réguliers et légers, tout va bien.
Trouver les bons mots, la bonne attitude, elle l’aime, il faut qu’elle se mette cette idée dans la tête. Que dirait une femme vivant la même situation, juste après l’amour ; elle ne peut s’empêcher de faire une grimace à ce terme, le réflexe est plus fort qu’elle. Elle n’a aucune expérience.
Je travaille dans des bars depuis quelques années, on apprend à juger rapidement les gens que l’on rencontre, on n’a pas vraiment le choix. Il y va parfois de la sécurité de l’endroit. Et puis, je suis une femme, je me méfie encore plus car je n’ai pas la carrure pour me défendre.
La veille, il m’avait promis la lune et le lendemain, je me suis réveillée tout habillée dans une voiture volée sur une aire d’autoroute avec un portable. Je voulais partir par moi-même en l’assommant par exemple ou en profitant d’une ouverture quelconque.