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Critiques de Christoph Hein (66)
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L’ombre d’un père

D'abord , ce livre , pour le comprendre , il faut en regarder la couverture , oui , oui ....Ça y est , vous y êtes ? Une silhouette ....Vous la voyez bien ? Un fond bleu , gris , noir , sombre ,nu ...Et puis , une ombre ...Un homme...bien campé , jambes légèrement écartées , parapluie servant de canne ? de face , de dos ? Une ombre....personnage principal de ce superbe roman ...Une ombre , un criminel de guerre nazi , marié, deux enfants ....Un criminel de guerre dont l'ombre va planer sur sa famille , une ombre obsédante, permanente , menaçante , une ombre qui va " coller à la peau " des siens jusqu'au bout du bout , jusqu'à en faire des victimes....Un roman extraordinaire , d'une force absolue , destructrice .Et au coeur de l'histoire , un jeune homme formidable , Konstantin ....Un jeune homme qui va porter un héritage d'autant plus lourd qu'il n'a rien à voir avec lui ...Son père , il ne l'a pas connu et pourtant , il va lui falloir sans cesse " vivre avec lui " , assumer , payer pour lui un prix bien trop lourd . Konstantin Boggosch , Konstantin Mulher ? L'un est intelligent , brillant , aimant , l'autre voit les portes se fermer devant lui ....Heures douloureuses de l'après- guerre , de la RDA et du " mur " , heures sombres d'une époque.....C'est avec une incroyable force que nous allons accompagner ce personnage , que nous allons traverser une période historique forte ....Nous sommes Konstantin , nous essayons de le " pousser " vers ce bonheur qui le fuit , chassé par une " ombre menaçante " , l'ombre du père.....Il y a peu de gaité dans ce livre , peu d'insouciance , peu de joie ou de sourire , encore moins le moindre fou - rire , des gestes d'amour pudiques ..Et pourtant , quelle addiction , quelle admiration pour ce jeune homme d'abord naïf puis parfaitement lucide face aux " vents contraires " de l'histoire ...Quel amour de la vie , pour sa mère, pour sa femme et son bébé, quel amour donné....sans retour sinon celui de ...l'ombre ....toujours là , jusque dans l'irrationnel . C'est une histoire dure , remarquablement rendue jusque dans un style lourd , pesant , où les dialogues échappent aux conventions littéraires pour " faire bloc " avec le reste du récit. Lourd pâté indigeste ? Oh que non , ça coule , ça se déroule, ça s'insinue en vous , c'est d'une force incroyable , un " tsunami " de mots , de phrases qui vous charment avant de vous " avaler " , du grand art ... Désespérant ? Noir ? Non , il y a tant et tant de si beaux personnages dans ce roman que les citer serait prendre le risque d'en oublier... Triste, non , quand on ne voit que les autres ?.....Un livre que l'on quitte avec regret , un peu de frustration mais , surtout , beaucoup d'interrogations et de réflexion, un livre intelligent dans lequel l'esthétique livre un extraordinaire combat à l'obscurantisme et permettra à bon nombre d'entre nous de mieux comprendre - pas forcément accepter - leur passé même si , évidemment , celui de Konstantin n'appartiendra , à tout jamais , qu'à lui même.....

Je ne remercierai jamais assez ma chère épouse de si bien me connaître pour m'offrir "de telles beautés". Evidemment , mon avis n'est que le mien , mon histoire n'est que la mienne et ....vous n'êtes pas obligé(e)s de me croire ...Il y a tant de nous dans ce que nous lisons ....Pour moi , ce roman est un bijou ....et cela suffit à mon bonheur du jour .
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L’ombre d’un père

Konstantin Boggosch est coupable. Coupable d'avoir eu un père nazi, criminel de guerre, pendu à ce titre en 1945. Quoi qu'il dise ou fasse, Konstantin devra porter ce poids, cette ombre écrasante, sa vie durant. Pourtant il n'a même pas connu ce père, mort juste avant sa naissance. Il ne porte même pas son nom mais celui de sa mère, qui s'est arrangée après la guerre pour récupérer son nom de jeune fille et faire modifier celui de ses deux fils. Konstantin a beau se désolidariser entièrement des faits et gestes monstrueux de son géniteur, le désavouer, rien n'y fait, son dossier ressurgit toujours, "grâce" à l'administration exemplaire de la RDA, qui n'oublie jamais rien. Empêché de s'inscrire au lycée en raison de sa filiation, Konstantin s'enfuit en France, seul, à 14 ans. Débrouillard, sans rien révéler de l'histoire de son père, il arrive à se faire embaucher à Marseille comme traducteur par un groupe d'anciens résistants. En parallèle, il suit des cours du soir pour pouvoir passer le bac, mais son honnêteté foncière ne lui permet pas de continuer à mentir à ses nouveaux amis à propos de son passé. Alors, à la construction du Mur, il rentre en RDA, à contre-courant de tous ceux qui essaient de fuir à l'Ouest à la dernière minute. Mais là encore, la tache noire de ses origines lui mettra des bâtons dans les roues pendant ses études puis sa carrière de professeur, l'empêchant d'obtenir postes et promotions alors même qu'il est de loin le plus compétent et le plus apprécié de ses collègues et de ses étudiants. Las! la bureaucratie pro-soviétique est sourde comme un pot à ce genre d'arguments...

Avec "L'ombre d'un père", je ne m'attendais pas à être embarquée dans des aventures aussi prenantes, captivantes. On pourrait reprocher à ce livre d'être froid, très descriptif et factuel, et de ne laisser que peu de place à l'émotion. Mais je pense que cela colle très bien avec le caractère de Konstantin, obligé très tôt de s'endurcir, qui cherche par tous les moyens à vivre sa vie et à se libérer de l'emprise post mortem de son père, et qui préfère l'action à l'auto-apitoiement. Si sa vie d'adulte est plutôt "rangée", les aventures à l'adolescence de ce gamin plein de ressources, déterminé et droit, sont incroyables.

A travers la vie de Konstantin, ce sont 60 ans d'histoire (est-)allemande qui sont balayés, et je n'ai pas pu m'empêcher de penser que, alors qu'à l'Ouest on parlait Mai 68, Woodstock et Flower power, les "Ossis" étaient bel et bien prisonniers derrière le Mur. Combien de destins se sont vu couper les ailes, piégés, au nom d'une idéologie implacable et de logiques absurdes ? Et ici, on ne peut même pas se consoler en se disant que c'est une fiction, parce que, comme le dit l'auteur, "des événements authentiques sont à l'origine de ce roman. Les personnages ne sont pas inventés".

"Mon père a tellement d'être humains sur la conscience. Et maintenant en plus, il m'assassine, moi". Héritier malgré lui d'un père qu'il renie, Konstantin Boggosch est une victime du gâchis perpétré par un système politique inepte, et le héros marquant de ce grand roman d'apprentissage, d'histoire et d'aventures.

En partenariat avec les Editions Métailié.
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L’ombre d’un père

J'ai toujours été très intéressée et marquée par la seconde guerre mondiale. Quand j'ai découvert l'existence des camps de la mort, je me suis alors posé deux questions fondamentales, à mon sens.

Comment pouvait-on vivre et accepter sa filiation et son appartenance quand on naissait juif ou allemand.

Les premiers persécutés, exterminés en masse, comment assumer un tel héritage ?

Les seconds, les Allemands, comment être ? Comment vivre avec la culpabilité chevillée au corps.

C'est pourquoi, j'ai voulu lire l'ombre d'un père qui correspond exactement à cette problématique.

Konstantin, un jeune Allemand nait à la fin de la guerre, en 1945.Son père était un nazi, un criminel de guerre qui a été pendu au lendemain de la guerre.

Konstantin n'apprend son histoire familiale qu'à l'âge de dix ans, un soir de Noël, où sa mère lui révèle "ce douloureux secret". Elle a bien essayé d'effacer l'ombre de ce père maudit notamment en faisant reprendre à ses fils car Konstantin a un frère son nom de jeune fille. Mais rien n'y fait, de sucroit, ils vivent dans une petite ville. Le père de Konstantin possédait une usine Vulcano qui embauchait la moitié de la ville.

Alors, Konstantin comprend mieux toutes ces paroles fieleuses qui l'entouraient jusqu'à lors. Il décide de fuir, de partir dans un lieu, un pays où personne ne connaîtra l'histoire de son père qui axphixie sa vie.

Sa fuite le mène à Marseille, et il est à noter, en tout cas, ça m'a beaucoup touché, que ce sont le monde des livres qui le sauvent. Se réfugiant dans une librairie, au milieu d'un monde rassurant, il fait la connaissance d'un libraire qui va lui offrir de quoi vivre et son amitié.

Mais l'ombre de son père est omniprésente, il découvre que celui-ci a voulu tuer le libraire pendant la guerre.

Son honneté, son esprit libre et pur l' empêchent de révéler cette nouvelle découverte.

Il rentre en Allemagne, en RdA, au plus mauvais moment, lors de la construction du mur. Et, là, encore, il découvre l'amitié et l'aide en travaillant dans une librairie.

L'époque, pour lui est funeste, la seule évocation de son nom, celui de son père que les autorités est-allemandes ont fichés pour l'éternité l'empêchent d'accéder à ce que sa formidable intelligence et culture devraient lui permettre.

Toute sa vie, il ne sera aux yeux des autres que le fils de son père, un criminel de guerre.

Un livre bouleversant, fort, qui ne nous laisse pas indemne.

Je dédié cette lecture à mon amie allemande : Doris, que j'ai connue à vingt ans et qui est toujours dans mon cœur.
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Le noyau blanc

Rüdiger Stolzenburg est une sorte de collectionneur. Un collectionneur unique en son genre, puisque cet obscur chargé de cours au département de lettres de l'université de Leipzig est pratiquement le seul au monde à s'intéresser à l'oeuvre de Friedrich Wilhem Weiskern, topographe et librettiste de quelques opéras de Mozart dans l'Autriche du 18ème siècle. Aussi, lorsqu'il est contacté par e-mail par un non moins obscur personnage qui lui propose de lui vendre (au prix fort) des manuscrits inédits et inconnus de Weiskern, Stolzenburg se voit déjà en haut de l'affiche, publiant dans une édition de prestige dorée sur tranche l'intégrale des oeuvres de celui-ci. La Gloire académique (à défaut de la Fortune, vu le peu d'enthousiasme des éditeurs du cru pour un tel projet) est à portée de main de notre professeur à mi-temps et proche de la retraite, dont la carrière universitaire est totalement dénuée de perspectives en raison de son âge, de son passé, et du manque de crédit (tant financier que scientifique) accordé par les pouvoirs subsidiants à la filière des sciences humaines.



En plus de cette passion, Rüdiger Stlozenburg a une (fâcheuse) tendance à collectionner les amours (si l'on peut parler d'amour...) et les emmerdes. Les amis, par contre, il les compte sur les doigts d'une (lointaine) main.



Dans la première catégorie, ce Don Juan égocentrique peut se vanter d'un tableau de chasse bien fourni, principalement en étudiantes à la recherche d'une mention favorable sur leur diplôme. Quant à la seule femme qui l'aime vraiment (mais qui le colle un peu trop à son goût), il est un vrai mufle à son égard, tandis qu' il risque bien de faire fuir en courant la seule à laquelle il tient réellement.



Dans la deuxième catégorie, Rüdiger est un vrai champion. Lui qui tire le diable par la queue et est en permanence à la limite de la banqueroute, il est soumis à un redressement fiscal exorbitant. Harcelé ensuite par un gang d'adolescentes décérébrées, il s'aperçoit par ailleurs que les manuscrits de Weiskern qu'on lui fait miroiter sont probablement des faux, et finit par être soupçonné de complicité avec le faussaire. Financièrement acculé, il pourrait peut-être se laisser corrompre par un étudiant qui aurait à tout prix besoin d'un diplôme...



Dit comme ça, cette histoire peut sembler burlesque, pourtant le ton du roman n'est pas précisément désopilant. Quoique...



Toujours est-il qu'en déroulant des épisodes quasi kafkaïens, l'auteur arrive à rendre captivante la vie globalement insignifiante d'un (anti) héros évoluant à la marge du système. Souci du détail, précision dans l'analyse, sobriété et limpidité du style se conjuguent pour composer le portrait remarquable et parfaitement maîtrisé d'un homme peu reluisant aux prises avec un monde désenchanté.
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L’ombre d’un père

Une superbe immersion dans ce que fut la vie de toute une génération allemande de RDA, ballotée entre l'héritage du nazisme, le communisme puis la réunification. Le sort de Konstantin Boggosch qui l'illustre est passionnant et suscite une empathie qui met le lecteur au coeur de cette époque déconcertante et oppressante. L'écriture, sans excès, est efficace et contribue à cette immersion, incitant à se demander ce que l'on aurait soit même fait dans cet environnement. Une belle réflexion sur notre histoire proche.
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Le noyau blanc

Portrait parfaitement maîtrisé de ce Rüdiger Stolzenburg , un homme assez médiocre et peu reluisant aux prises avec un monde désenchanté, et mal à l'aise avec les règles de la société actuelle..
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Willenbrock

En Allemagne, peu après la chute du mur de Berlin, Willenbrock, un homme qui a su saisir l’opportunité quand elle se présentait, a le vent en poupe. Ingénieur au chômage il se reconvertit en vendeur de voitures, un métier qui paye somme doute assez bien. Marié, il aime draguer les femmes qu’il rencontre. Après un cambriolage qui les effraie, il cherche des méthodes pour se protéger…

Un livre que j’ai choisi pour sa couverture en noir et blanc que je trouvais jolie. Malheureusement dans ce cas, elle n’est pas représentative de l’histoire. Pas d’aviation seulement la vie banale d’un homme. Oui, il se fait cambrioler et violenter mais sa vie n’est pas très palpitante. L’écriture est agréable et se lit facilement mais il manque singulièrement d’intérêt et de peps. Dommage, à oublier.
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L’ombre d’un père

Konstantin n'a jamais connu son père, mort quelques mois avant sa naissance, à la fin de la guerre.

Très vite alors qu'il grandit dans une petite ville d'Allemagne de l'Est (mais l'Allemagne n'est pas encore coupée en deux, le mur n'a été érigé qu'en 1961), il va comprendre que même si son père faisait partie des personnes importantes de la ville car il avait une usine prospère qui proposait du travail à tous les habitants, il a aussi une face cachée inavouable...

En effet, le père a fait partie des SS et a commis des actes inacceptables, tellement horribles qu'il a été jugé criminel de guerre et exécuté à la fin de la Seconde Guerre Mondiale par les troupes communistes polonaises.

A la suite de ces événements, la mère se bat pour reprendre son nom de jeune fille et le donner à ses enfants.

Elle voit son avenir complètement bouché. Le pouvoir soviétique lui interdit d’enseigner alors qu’elle parle plusieurs langues. Elle doit donc aller faire des ménages.

Elle fera tout pour cacher à ses deux fils, le personnage odieux qu'était leur père et qu'elle a profondément aimé du temps où il ne l'était pas.

Après avoir cherché à comprendre comment ce fils d'enseignant, d'une famille droite et croyante, a pu ainsi se faire enrôler dans les troupes nazis, elle décide de l'oublier pour le bien de ses enfants.

Mais les autres sont là, ils n'oublient pas et ne cessent de rappeler aux enfants le passé de leur famille, même ceux qui faisaient partie des anciens collaborateur du père et en ont bien profité.

Konstantin étouffe dans cette vie étriquée, se voit interdire l’accès au lycée alors qu’il est le meilleur de la classe. Il ne veut pas être obligé de faire un apprentissage, seul avenir possible pour lui et décide alors à 14 ans, de tout quitter et de gagner la France, en cachette de sa mère.

Là-bas, il va se faire embaucher dans une librairie de livres anciens, comme traducteur, et va passer deux ans, protégé par des hommes intègres, eux-aussi au lourd passé : ils ont été résistants et envoyés dans des camps.

Un jour, Konstantin n'en peut plus de garder secret le passé de son père, qu'il voulait oublier en venant ici : il décide de regagner son pays. Il a obtenu, grâce aux cours du soir, la première partie du baccalauréat et ldoit beaucoup à ces hommes qui lui ont fait confiance...

Mais lorsqu'il arrive à la frontière, tout est devenu plus compliqué car le "mur de Berlin" vient d'être dans la nuit matériellement érigé...il sera matériellement construit plus tard. Le jeune homme doit d'abord répondre à de multiples questions, pour prouver qu'il n'est pas un espion tentant de repasser la frontière.

Le retour ne sera pas facile... et sa vie professionnelle et personnelle seront en permanence meurtries par l'existence de ce père qu'il n'a pas connu. L'ombre de ce père et le souvenir de ses actes le hanteront jusqu'à la fin de ses jours...

Les enfants sont-ils responsables des actes de leurs parents ?

C'est un roman initiatique, non dénué d'une pointe d'humour malgré la gravité du sujet et une certaine distance prise par le narrateur. Nous suivons Konstantin, ce jeune garçon sympathique et débrouillard dans sa quête de poursuivre ses études, ce qui lui est refusé dans son pays, puis plus tard dans son combat quotidien pour avoir une vie professionnelle plaisante.

C'est un roman bien écrit, très prenant qui se lit comme un roman d'aventure tout en nous plongeant dans 60 ans d'histoire de l'Allemagne. Il nous fait réfléchir à ce que nous voulons faire de l'avenir, tout en n'occultant en rien la mémoire historique indispensable.

Les effets durables d'une guerre même terminée n'ont pas à influer sur le devenir des générations futures. Et pourtant...

Le roman est construit de manière originale, puisqu'on retrouve tout d'abord Konstantin à la retraite, mais poursuivi par une jeune journaliste qui veut l'interroger pour écrire sur lui parce qu'il a été directeur du lycée le plus prestigieux de la ville. Il est marié et sa femme doit bientôt partir en cure car elle vient de subir une opération grave de la colonne vertébrale. Lui bien entendu ne veut pas du tout entendre parler de cet entretien qui ferait ressortir encore une fois son passé.

Le lecteur entre ensuite dans sa vie de petit garçon et n'aura de cesse d'arriver à la fin du roman pour comprendre les raisons de son refus.

Konstantin est un personnage sympathique courageux et réaliste, qui va toujours de l'avant et ne passe pas son temps à s'apitoyer sur son sort. C'est une des raisons pour lesquelles il rencontre des gens qui vont l'aider à se sortir de toutes les situations, parfois rocambolesques, dans lesquelles il tombe. Sa droiture, le fait qu'il croit à son droit d'oublier ses origines, vont l'amener à ne plus fréquenter son propre frère qui lui, à l'inverse, considère son père comme un héros...

Cette lecture m'a rappelé des souvenirs personnels, lorsque que j'étais étudiante, j'avais réalisé que les jeunes allemands des années 70, portaient en eux la culpabilité de ce que leur pays nous avait fait, à nous français, alors qu'ils n'étaient pas nés.

Comment bâtir sa propre histoire de vie quand un de nos parents a commis des actes ignobles ?

Est-ce normal qu'un enfant paie pour son père ?

Est-ce normal que tout un peuple souffre et porte la responsabilité d'actes passés ?

Comment ne pas oublier les actes commis, sans faire peser le poids de la culpabilité sur les descendants ?

Les choses auraient-elles été différentes si le petit Konstantin et sa famille avait vécu à l'Ouest ?

Evidemment, il est important de se poser ces questions, même si personnellement je n'ai pas à rougir du passé de ma famille, je comprends que cela ne soit pas facile pour ceux qui eux, ont à en rougir...
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Paula T. une femme allemande

Paula T. une femme allemande est un roman d’origine allemande écrit par Christoph Hein, auteur originaire de la RDA qui, d’après sa biographie, est l’un des intellectuels allemands les plus importants de la fin du XXe siècle et du début du XXIe. Très attirée ce roman qui décrit le destin d’une femme qui cherchera, par tous les moyens de s’émanciper de la tutelle des hommes (d’abords son père et ensuite son mari) et surtout de réaliser son rêve : devenir peintre. Je remercie donc Babelio et les éditions Métailié pour l’envoi de ce roman dans le cadre d’une masse critique.



Le postulat de départ du roman m’a vraiment emballée, j’ai adorée suivre Paula dans la poursuite de son rêve. Cette femme qui, malgré l’époque, fera tout pour réaliser son rêve et aller aux beaux-arts pour pouvoir ensuite vivre de son art ne peut que me séduire. L’écriture est plutôt travaillée tout en restant très agréable à lire. On enchaîne les phases du passé de Paula et de son présent tout en ayant connaissance de la fin de la vie de cette femme (le roman commence par cela). Les différentes rencontres que fera Paula dans sa vie sont fort intéressante et on s’attache particulièrement aux différentes femmes fortes qu’elle croisera sur sa route : notamment l’amie d’enfance Kathy et une certaine Sibylle qui saura marquer la vie de notre protagoniste. Le roman soulève des sujets forts sur la place de la femme et sur beaucoup d’autres sujets.



Malgré ce point fort et cette intrigue très prenante, j’avoue ressortir plutôt perplexe de ma lecture de Paula T. une femme allemande. J’ai vraiment eu du mal à m’attacher au personnage de Paula (ce qui est assez embêtant surtout quand c’est la protagoniste et que l’on suit les événements de son point de vue). Je n’ai ressenti aucune empathie envers elle. Certes, le roman fait tout pour nous expliquer son comportement, notamment par rapport à son passé et sa relation avec ses parents mais cela n’a pas empêché que différentes décisions de l’héroïne m’ont particulièrement choquées, et qu’il était plutôt difficile pour moi de les comprendre. Paula vivra des choses difficiles et je n’ai vraiment pas réussi à m’émouvoir de sa situation tant j’avais l’impression qu’elle les avait quand même un peu cherché. Malgré que cela ait été assez difficile par moments, j’ai malgré tout lu le roman en entier car j’étais plutôt intrigué par le destin des personnages secondaires mais non par celui de Paula.



Paula est une femme qui vit sous le joug communiste de la RDA, je m’attendais donc à apprendre beaucoup plus sur la façon de vivre des allemands de l’est de cette époque-là. Finalement, on a assez peu de choses, c’est plutôt des éléments par-ci par-là sans vraiment rentrer dans les détails et c’est plutôt dommage.



Paula T. une femme allemande fut une lecture plutôt mitigée pour ma part. J’ai souvent besoin d’éléments d’identification ou en tout cas d’un minimum d’empathie envers les personnages que je suis pour aimer une histoire, choses très difficile pour moi avec Paula. Je conçois que ma critique est purement subjective, car finalement le roman comporte beaucoup de bonnes choses et c’est donc pour ça que je le conseille malgré tout.
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Le noyau blanc

Ultra-Moderne-Solitude...



C'est au titre évocateur de cette chanson du populaire Souchon que l'on songe en découvrant la petite vie étriquée de ce petit universitaire obscur et sans grand relief qu'est Rüdiger Stolzenburg. A 59 ans, sa carrière est, pour l'essentiel, derrière lui, malgré les promesses chaque année renouvelées par son chef de département d'une titularisation pour un plein temps à son poste de simple chargé de cours -une chaire de professeur est juste seulement inenvisageable- et ce gagne-petit, sans envergure ni réelle passion ou ambition, n'ose à aucun moment songer à autre chose qu'une modeste amélioration de son train de vie. Pourvu seulement que sa pitance lui soit assurée sans remise en cause.



Ses histoires d'amour sont à l'encan : sans engagement, sans grâce ni charme, sans avenir. Elles se résument, pour l'essentiel, à l'étreinte sexuelle et à quelques soirées bien choisies devant un film ou devant un repas. Les rapports sentimentaux, humains et intellectuels avec le sexe opposé sont tout aussi froids, précis et distanciés que le style rigoureux, pesé et sobre (sans pourtant jamais tomber dans la simplicité crue) de l'auteur germanique. Notre enseignant passe ainsi, sans vergogne ni état d'âme -quoique sans grand excès-s de jeunes femmes, dont il pourrait être le père, à une femme de son âge, bien plus engagé que lui dans leur relation déséquilibrée, mais à laquelle il ne laisse d'ailleurs rien espérer que ces quelques échanges physiques réguliers. Il finira toutefois par la désavouer et rompre, avec une facilité aussi déconcertante qu'évidente, qu'une fois engagé par une promesse faite à une autre. Dont on peine, lecteur, à comprendre ce qu'il peut lui trouver de si différent des précédentes, si ce n'est qu'elle lui échappe sans fin.



De vraie passion -de celle qui prend aux tripes, de celle qui vous fait renverser les montagnes-, point. Tout juste une marotte aimable -un "hobby" lui rétorquera Marion, le seul personnage lumineux de ce froid et cynique roman, une belle bibliothécaire dont on entrevoit incidemment qu'elle aurait pu être LA femme, et qui est devenue L'Amie-, un violon d'Ingres parfaitement inintéressant aux yeux du monde qui l'entoure : sans qu'on sache bien comment ni pourquoi, ses recherches lui ont fait croiser les pas et l'oeuvre de librettiste-topographe d'un dénommé -et presque totalement oublié- Friedrich Wilhelm Weiskern, par ailleurs metteur en scène viennois ayant (réellement!) croisé les pas d'un certain Wolfgang Amadeus Mozart...



Tout va pourtant basculer -sans grand éclat apparent- dans cette insignifiante vie d'universitaire plan-plan lorsque, dans les mêmes moments, le fisc le met en demeure de lui rembourser une créance absolument démesurée pour ses très faibles moyens, et qu'un mystérieux internaute le contacte pour lui proposer douze textes autographes et parfaitement inédits de son fameux Weiskern (pour une somme aussi rondelette que parfaitement inaccessible à notre pauvre chercheur). Hélas! Trois fois hélas ! Les lettres sont des faux assez grossiers (ce qui lui vaudra quelques échanges avec un policier rabougri et décalé malgré lui), l'idée d'en faire le centre des deux volumes d'étude et de réédition pour lesquels aucun éditeur ne souhaite s'engager (on les comprend) disparaît aussi sec, et, malgré l'aide inattendue d'un jeune financier aux dents longues (cousin de la généreuse Marion) dans sa lutte face au fisc allemand et aux méandres administratifs, la somme due lui semble toujours presque aussi inaccessible, quoi que diminuée de moitié et largement échelonnée. Au moins aurons-nous gagné à leurs échanges parfaitement désynchronisés, non dans le temps ni l'espace, mais dans les intentions de vivre, à mieux comprendre le fonctionnement de cet homme dépassé par le monde où il se meut à grand peine, ainsi que certaines des intentions du romancier de l'ex-RDA.



Le titre allemand de l'oeuvre de Christoph Hein est "Weiskerns Nachlass", que l'on pourrait assez aisément traduire par "l'héritage de Weiskern". Sauf que Hein joue, littéralement, sur le double sens du mot "nachlass" que l'on peut aussi bien traduire par héritage que par réduction, rabais. Car, sous ce travestissement du sarcasme, de la fable contemporaine hautaine et distanciée, c'est ce monde en rupture -double rupture : celle liée à la simple modernité du monde face aux habitudes d'un homme s'approchant sans relief de l'âge retraite. Celle aussi de cette autre Allemagne où les "valeurs" n'ont sans doute pas évolué au même rythme ni de la même manière qu'à l'Ouest, mais où le rattrapage, parfois douloureux et fulgurant, laisse un grand nombre de gens sur le carreau.

Car il s'agit bien d'héritage et de rabais. L'héritage social, culturel, littéraire d'un homme totalement dépassé par son époque où l'argent et ce qu'il peut représenter compte éminemment plus que la manière que l'on a à le gagner. Ou intégrité et culture n'ont guère de poids, ne se monnayant en rien lorsque seules les espèces numéraires, l'importance du compte bancaire sont la règle, la loi, le moyen tout autant que la finalité des finalités.

Ne nous égarons pas : Hein n'est pas du genre à regretter l'ex-RDA (il a trop souffert de la période communiste, de la censure, de l'absence de liberté pour cela). Mais son regard est plus que sombre et sceptique sur ce qui est en train d'advenir, chez lui, mais ce pourrait sans doute aussi être chez nous, depuis la chute du mur. Qu'il regrette, c'est fort possible, que des naïfs (mais pas Candide) tels que notre Rüdiger soient en cours d'extinction, car c'est souvent parmi ces destins de seconde main et en apparence sans relief, que l'on voit parfois émerger des losers magnifiques à l'image d'un Pessoa en littérature ou d'un Woody Allen au cinéma.



A travers ces chroniques de son époque, l'auteur rendu célèbre par l'Ami retrouvé passe en revue, sans concession et avec concision, les rapports entre humains, sans amour ni tendresse ni affects ; cette culture millénaire totalement mise au placard de l'efficacité libérale ; la pauvreté crasse d'une partie importante de la société, y compris chez ceux paraissant pourtant mieux armés intellectuellement ; enfin, le pouvoir exacerbé de l'argent.



Laissons, pour terminer, la parole à l'écrivain saxon : "Je ne fais qu'écrire ce que je vois et ce que j'entends. Je n'invente pas d'histoires, je les trouve."
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L’ombre d’un père

C’est peu de dire que le personnage principal de l’histoire, Konstantin Boggosch, est attachant. Son histoire, entre un père criminel de guerre nazi et parcours de vie derrière le rideau de fer en RDA, est captivante. Pourtant, la narration évite tous les effets, reflétant la probité scrupuleuse du protagoniste, en butte à l’hypocrisie, à la malhonnêteté et à l’arrivisme de certains personnages qu’il croise, à commencer par son frère. D’autres personnages sont positifs, lumineux, comme les quatre Français résistants ou encore son épouse Bea. Une excellente surprise que ce texte publié en 2001 en Allemagne et traduit en français seulement dix-huit ans plus tard.
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Paula T. une femme allemande

Comment parler de Paula T. une femme allemande ?

Un roman étrangement beau, comme un tableau à petites touches peut-être. Un portrait de femme dans les tons gris, mais pas que ...

Paula Trousseaux, après une enfance brimée par un père autoritariste, décide contre tous de devenir peintre. Son premier rêve, brisé, était d'être pianiste. Personne ne lui prendra cette ambition là. Paula y laissera un mari, et surtout sa petite fille.

Elle deviendra peintre, et sa vie oscillera au gré des rencontres. Paula a de la volonté. Elle ne tombera jamais amoureuse, mais décidera de sa carrière et de sa maternité. De sa mort aussi.

Peut-être ce livre est-il aussi étrange car l'auteur est un homme, l'héroïne une femme. Peut-être cela explique-t-il son ambition, son détachement maternel, son attirance pour les femmes.

Ou peut-être ce livre est-il beau parce que ce n'est pas le portrait d'une femme comme les autres, justement. Elle est envoutante cette Paula. Pourtant, elle n'essaie jamais d'être sympathique.

L'arrière-plan du livre est l'Allemagne de l'est. Pays étrange, avec ses magasins bien achalandés, ses zones touristiques, ses riches entrepreneurs, et son impossibilité de partir, son art sur commande, ses soldats russes présents. Ses tiraillements lors de la chute du mur aussi.

Paula est-elle une allégorie de l'Allemagne de l'est ; une vie subie, impossible de poursuivre à l'ouest malgré tous les rêves que l'on peut avoir ?

Une question quand-même, je n'ai pas vraiment compris le rôle de Sebastian, à part pour introduire l'ouvrage ? J'aurais aimé le retrouver dans la lecture. Peut-être est-on plus important dans la vie des gens qu'on ne le croit ?

L'allemand est une langue qui ne doit pas être simple à traduire. L'ensemble est beau. Les dialogues sont parfois un peu lourds (je trouve).



Un livre étonnant, un portrait de femme non convenu. Une jolie découverte.
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Willenbrock

Ancien ingénieur en RDA, il s'est retrouvé sans travail à la chute du mur et s'est reconverti dans la vente de voitures occasion. D'un naturel non violent, il avait autrefois choisi le service civil pour ne pas porter les armes. Et pourtant, bien contre son gré, c'est à une société de violence qu'il se trouve confronté. Les anciennes valeurs n'ont plus cours, mais celles qui les remplacent laissent présager un futur inquiétant. Un regard désabusé sur nos valeurs et sur l'utopie d'une société idéale.
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L’ombre d’un père

Konstantin Boggosch a soixante-sept ans, il vit paisiblement aux côtés de Marianne dans une petite ville de l’est de l’Allemagne. Ancien directeur du lycée, il est sollicité par une journaliste pour poser avec les trois autres anciens directeurs devant le lycée rénové. A cette occasion, la journaliste voudrait qu’il lui raconte son passé.



» Le monde est suffisamment grand pour qu’on s’y perde, mais notre vie n’est pas suffisamment longue pour que nous puissions tout oublier. »



Si il refuse l’interview, à nous,lecteurs, il va tout raconter depuis son adolescence jusqu’à ce jour où il reçoit une lettre pour un certain Konstantin Müller.



Né en 1945, Konstantin n’a jamais connu son père mais il va pourtant régir toute sa vie. Sa mère, issue de la bourgeoisie, a choisi de renier et d’oublier cet homme, directeur des usines Vulcano, tué par les Polonais pour crime contre l’humanité. Gerhard Müller, proche du frère de Heinrich Himmler, avait construit un camp de concentration dans le bois de Ranen, à côté de son usine.

Si le frère de Konstantin, soutenu par son oncle, vénère son père, Konstantin suit sa mère dans la volonté d’oublier. Mais le jeune homme ne se libèrera jamais de ce fardeau écrasant. Après la défaite, fils de nazis ne peuvent pas être acceptés au lycée et passer le baccalauréat. A quatorze ans, Konstantin élève très doué, refuse d’aller en apprentissage et s’enfuit en France. Son rêve est de rejoindre Marseille pour s’engager dans la légion étrangère.

Doué pour les langues, grâce à sa mère qui imposait une langue différente chaque jour de la semaine, Konstantin devient l’assistant d’un libraire marseillais, ancien résistant revenu d’un camp de concentration. Après quelques années très riches en découvertes et amitiés, titulaire de sa première partie de bac, il souhaite retourner en Allemagne pour voir sa mère. En pleine construction du mur de Berlin, le retour au pays est difficile et irréversible.

Empathique, intelligent, volontaire, Konstantin est voué à la réussite même si le passé de son père est toujours là pour contrer ses ambitions.



» Tu n’es pas son fils, tu es sa dernière victime. »



Ce roman d’initiation nous plonge dans l’Allemagne d’après-guerre jusqu’à quelques décennies après la chute du mur de Berlin. Le thème principal est bien évidemment le poids de l’héritage d’un père criminel de guerre, « l’extension de la sanction aux proches » . Christoph Hein la décline sur toute une vie, car ce fardeau peut suivre plusieurs générations. Alors qu’il n’avait rien à raconter à la jeune journaliste, Konstantin nous passionne avec sa vie semée d’embûches et de belles rencontres. Un roman passionnant et une belle réflexion sur l’ héritage historique.



» Ne peut-on pas me juger d’après ce que je suis et ce que je fais?«
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La Fin de Horn

Horns Ende

Nouvelle Traduction : François Matthieu



Extraits

Personnages





Publié cinq ans après "L'Ami Etranger" mais achevé bien avant lui, "La Fin de Horn" permet à son auteur de donner la pleine mesure de son style avec un récit complexe et foisonnant, où chacun tente de fuir ou de ranimer ses souvenirs autour de la mort d'un homme. Qu'en est-il exactement des raisons de cette mort ? Pourquoi Horn est-il allé se pendre à un arbre, dans la forêt de Guldenberg ? Etait-ce une affaire personnelle ou politique ? Et la version officielle de l'histoire recoupe-t-elle bien les évènements ?



Hein aime à dénoncer les mille manières que peut avoir une société totalitaire pour étouffer, pour écraser un homme - et pour bâillonner les autres. Il pose ici la question de la falsification de la mémoire collective par des procédés dont celui - bien connu des staliniens pour ne citer qu'eux - qui consiste à gommer un tel ou un tel sur une photographie officielle reste le moins subtil. Il reste entendu que ce que l'on peut faire à l'échelle mondiale, est aussi possible dans une dimensions plus privée, lorsque les circonstances l'exigent.



Infime rouage administratif, envoyé pour une faute vénielle sur la voie de garage qu'est le musée de de Guldenberg, Horn est un homme réservé, qui se livre peu mais fait honnêtement son travail d'historiographe. Jusqu'à ce qu'une nouvelle erreur de sa part, provoquée par cette partie de lui qui refuse de penser "selon la ligne", vienne réveiller les vieux démons et ramène à son domicile deux policiers d'un genre très spécial, qui lui rappellent fort à propos que sa soeur a quitté illégalement le pays et qu'on le suspecte d'entretenir des relations avec elle ...



Autour de Horn, une petite ville thermale assoupie sous les brumes de l'hiver ou sous l'entêtant soleil de l'été et où les jours s'écoulent avec une feinte insouciance. Et les narrateurs qui nous restituent leurs souvenirs fragmentés : Kruschkatz, le maire, qui aurait tant voulu que les choses ne se fussent pas déroulées ainsi ; le Dr Spodeck, un cynique qui gagne à être connu ; Gertrud Fishlinger, l'épicière, peut-être le personnage le plus attachant du roman ; Thomas qui, adolescent, a découvert le corps de Horn, pendu à un arbre dans la forêt, et puis, de temps à autre, Marlene, la fille "différente" mais chérie de M. Gohl, personnage qui nous rappelle l'une des pages les plus inhumaines de l'époque nazie. Tous ont connu Horn, tous ont vécu le drame et tous le déplorent. Certains regrettent de ne pas avoir su écouter, voir, prévoir ... Et d'autres regrettent d'avoir détourné le regard pour, justement, ne pas voir.



Un roman d'une grande richesse stylistique, qu'on a plaisir à lire à haute voix. Un roman bourré d'émotion mais qui ne tombe jamais dans le mélodrame. Un roman qui, mieux que "L'Ami Etranger", nous fait pénétrer dans l'univers de Christoph Hein, assurément l'un des plus grands auteurs allemands contemporains. ;o)
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Le noyau blanc

Leipzig, ex-RDA. Rüdiger Stolzenburg est assistant à mi-temps à l'université. Arrivé à l'âge de la retraite, il n'a jamais réussi ni à être nommé sur une chaire d'enseignement, ni même à avoir un contrat à plein temps. Nous entrons dans le monde difficile et décevant de l'enseignement universitaire le plus mal reconnu, celui des sciences humaines. Rüdiger enseigne la linguistique critique, se nourrit de penseurs et de chercheurs, contribue lui-même à l'organisation de colloques et de séminaires. Tout cela pour un salaire médiocre, dans une ambiance délétère . Car malgré les efforts de Schlösser, son directeur, le département court à sa perte. Il serait tellement plus lucratif et reconnu de travailler dans le domaine des sciences exactes !



A côté de ses horaires d'enseignant, RS se livre à des recherches qui le passionnent sur Weiskern, librettiste et topographe qui a écrit pour Mozart. Comme on sait, tout passionné est une proie potentielle pour les arnaqueurs en tous genres. En l'occurrence, un certain Aberte prend RS pour cible en lui proposant des manuscrits « authentiques » de Weiskern, dûment expertisés et cotés selon lui par une salle des ventes connue. Arnaque, plainte de l'expert ainsi utilisé malgré lui, police, traquenard pour confondre l'escroc : on se dit que tout va rentrer dans l'ordre.



Par ailleurs, notre distingué universitaire se trouve sacrément emberlificoté dans des histoires de cœur qui vont lui faire manquer la seule vraie histoire d'amour de sa vie avec Henriette. Il est également bouleversé par un imbroglio avec le fisc qui lui réclame une fortune pour retards de paiement, par un étudiant culotté mais nul en linguistique qui vient le harceler et par des minettes de treize - quatorze ans qui l'agressent, le ridiculisent et le blessent : on a rarement vu paisible enseignant à la fac autant enquiquiné par le contexte alors qu'il n'aspire qu'à faire, inlassablement, ses recherches sur certain librettiste du XVIIIème siècle !



Je dois être particulièrement sensible au sujet et en apprécier toute l'ironie, mais aussi l'approche douce-amère du monde de la recherche. Il faut dire que, partageant depuis plusieurs décennies la vie d'un distingué linguiste, je perçois bien tout ce que peut analyser et ressentir notre personnage. Tout de même, je rassure qui s'inquiéterait à mon sujet : je n'ai jamais ressenti de tels tracas dans la vie de mon chercheur préféré !



L'auteur porte un regard plein d'humour mais incisif aussi sur cette société où on gagne facilement beaucoup d'argent en tapotant sur un ordinateur dans le monde de la bourse, alors que des intellectuels érudits et passionnés travaillent pour trois francs six sous. Il dénonce aussi une société où des ados à peine pubères peuvent se montrer de vrais gangsters en herbe tandis qu'un respectable universitaire s'égare auprès de toutes jeunes conquêtes. Tentative de corruption, escroquerie, floueur floué : il semble que Christoph Hein renvoie dos à dos les protagonistes de son roman. Aucune morale n'est à tirer d'une telle démonstration. Un certain désenchantement peut-être...



Ce faisant, il fait sienne cette théorie de l'Aufklärung défendue, entre autres, par Emmanuel Kant en 1784 :



« L'Aufklärung, c'est la sortie de l'homme hors de l'état de minorité dont il est lui-même responsable. L'état de minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d'un autre. On est soi-même responsable de cet état de minorité quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre. Sapere aude ! [Ose savoir !] Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Voilà la devise de l'Aufklärung.. »



C'est un livre que j'ai eu plaisir à découvrir, bien que l'ayant lu par trop petits morceaux - ambiance actuelle oblige- ce qui en a sans doute un peu altéré l'intérêt.



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L’ombre d’un père

Roman picaresque rythmé, récit subtilement historique sur l'ombre de la culpabilité et la façon de s'en arranger, L'ombre d'un père où l'Histoire par les survivants de l'effondrement. Dans ce grand roman, qui se lit en une respiration, Christoph Hein dresse un portrait délicat, d'une ironie féroce, du poids de la mémoire et de son instrumentalisation poétique.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Le noyau blanc

Je ne suis pas une spécialiste de la littérature allemande.

Christoph Hein était un inconnu pour moi avant la sélection masse critique.

Je ne connaissais pas le terme librettiste (un livret est en musique, un texte littéraire, presque toujours en vers, complétant une oeuvre musicale. Un librettiste est l'auteur d'un livret)... erreur réparée.

Je ne connaissais pas Friedrich Wilhelm Weiskern (acteur allemand, dramaturge et topographe, surtout connu comme étant l'auteur du livret de Singspiel Bastien und Bastienne, une œuvre de jeunesse de Wolfgang Amadeus Mozart) ... information retenue.

Je ne connaissais pas l'écriture Sütterlin (une écriture manuscrite héritée de l'écriture gothique allemande. Introduite en Prusse en 1915, elle s'est répandue en Allemagne dans les années 1920 et y a utilisé jusqu'en 1941, même jusqu'en Alsace pendant la dernière guerre ) .... détail historique rappelé.

Après ces petites précisions culturelles, et les remerciements habituels pour masse critique et les éditions Métailié pour cette découverte j'ai ainsi pu combler certaines de mes lacunes.

Je suis donc partie à la découverte de Rüdiger Stolzenburg, personnage au demeurant plutôt sympathique, enfermé dans sa solitude choisie et voulue.

La lecture du texte s'enchaîne, le style de l'auteur nous accompagne dans des digressions amusantes. Les visions d'hélices du moteur d'un avion s'arrêtant pendant le vol, me réveillent parfois au cours de certains de mes rêves et j'examine moi aussi l'image de ma vie par moment en suspens.

Contrairement aux critiques lues ici et là, je ne suis pas sûre que le héros de Christoph Hein soit l'éternel perdant de notre ordre du monde.

Il ne partage pas ses valeurs, mais il en a d'autres, qu'il revendique et dont il est fier.

Il a du mal avec notre euro sacré et n'y accorde pas tant d'importance même si sa méconnaissance des règles du marché peut lui gâcher la vie, oui mais voilà, la valeur de l'euro lui il s'en fout. Sa vie n'est pas régie par les mêmes règles, par les mêmes valeurs, ni par la même morale.

Le livre ne nous livre pas de conclusion. On ne sait pas de quoi demain sera fait pour Rüdiger et alors !

Il a d'autres passions, d'autres intérêts, et il accepte de vivre avec, dans son monde en parallèle avec le nôtre .... je ne suis pas sûre que ce soit lui le perdant !

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L'ami étranger

Der fremde Freund

Traduction : François Mathieu avec la collaboration de Régine Matthieu



Extraits

Personnages





Bien que ce soit lui qui, en 1982, ait apporté le succès à Christoph Hein, ce n'est pas "L'Ami Etranger" que je conseillerai de lire pour faire connaissance avec cet auteur. "Der fremde Freund" est en effet l'étude, glacée quoique impeccablement détaillée, de la vie d'une petite fonctionnaire de la santé, dans l'ancienne R. D. A. Mais attention : si le système politique de la République Démocratique Allemande brille par sa froideur et sa volonté, typique du totalitarisme, de déshumaniser l'humain, on peut dire que, avec Claudia, l'héroïne ou plutôt l'anti-héroïne de ce roman, il n'a pas eu à se donner beaucoup de mal pour la faire correspondre au modèle rêvé du parfait citoyen est-allemand. Par nature, Claudia ne s'intéresse qu'à elle et, en dépit de la profession qu'elle a choisie - médecin - elle n'attache pratiquement aucune importance à l'Autre.



Sa relation, éphémère et dissoute dans la Mort, avec Henry, l'un de ses voisins, semble un temps parvenir à la rattacher à la vie normale par le biais de la jalousie. Mais elle se reprend bien vite : Claudia ne veut avoir aucun problème et, après tout, Henry est encore marié.



Le titre* du livre indique d'ailleurs suffisamment que son amant lui demeurera étranger jusqu'au bout. Il y a, chez cette femme à la personnalité pourtant affirmée - en apparence tout au moins - une véritable et tragique angoisse à l'idée de se démarquer de la masse, de se faire remarquer. Sa phrase favorite - sa règle d'or - qui apparaît de plus en plus au fur et à mesure que défilent les pages, c'est : "Ce n'est pas mon problème." Et, l'ayant prononcée ou pensée, elle se recroqueville sur elle-même dans son minuscule appartement où elle amasse des milliers et des milliers de photographies qu'elle prend et développe elle-même. Des photos de ruines ou de végétaux, en général rabougris ou desséchés : jamais un seul portrait, jamais un seul être vivant.



Claudia est-elle née ainsi ou son incapacité à "voir" l'Autre tel qu'il est, à s'intéresser à lui, à s'ouvrir à lui, est-elle le résultat de la pression exercée, sur elle et sur sa génération, par la société dans laquelle elle a vu le jour et où elle a toujours vécu ? Une société où, dans les écoles et dans les milieux étudiants, on conseille de rapporter à qui de droit les propos tendancieux ou "contraires à l'esprit socialiste" ? Une société où cet espionnage est chose courante dans tous les milieux, certains y sacrifiant par conviction, d'autres parce que la Stasi les tient d'une façon ou d'une autre ?



Hein n'évoque pas ainsi le problème. Il choisit de nous dépeindre la vie au jour le jour de Claudia - et c'est épouvantable. L'annonce de la mort, pourtant inattendue, de son amant la trouble à peine. Oh ! on sent bien que cela la touche tout de même un peu mais, presque instantanément et comme si sa propre vie en dépendait, elle transforme l'émotion ressentie en une forme de soulagement : maintenant qu'Henry l'a quittée sans aucun espoir de retour, maintenant qu'elle vient de fêter ses quarante ans, elle ne court plus aucun risque, elle peut, en toute tranquillité, se replier dans son cocon. Loin des problèmes. De tous les problèmes.



Le style de Hein est toujours aussi riche : l'homme aime à raconter. Mais le contraste entre ce style et ce qu'il nous dépeint - la routine glacée, les réflexions mesquines, l'égocentrisme affiché de son personnage - a quelque chose d'implacable. Le lecteur se cramponne pourtant à l'histoire, bataille, cherche avec désespoir à y trouver quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Mais rien, il n'y a rien. Et si l'on pressent, à la page finale, que toute cette satisfaction d'une femme qui se retrouve enfin seule dissimule un degré d'amertume au moins égal à son égoïsme, on ne peut s'empêcher de se dire que c'est peut-être un effet de notre imagination ...



* : le titre est-allemand. En République Fédérale, le livre sortit sous celui de "Le Sang du Dragon", par référence à la "carapace" que l'héroïne se construit pour vivre et à laquelle elle fait référence comme un procédé similaire à celui employé par Siegfried dans les "Niebelungen", lorsqu'il se plonge dans le sang du dragon qu'il vient de tuer. A notre humble avis, le titre ouest-allemand est mieux approprié. ;o)
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L’ombre d’un père

En lisant les avis sur Babelio, j’ai vu que Aifelle avait beaucoup apprécié ce roman, et je suis d’accord avec ce qu’elle en dit.



La filiation et le poids des crimes d’un père sont les thèmes de ce roman. Konstantin et Gunthard Boggosch, sont tous les deux les fils de Gerhard Müller et de Érika Boggosch. Si les deux enfants portent le nom de leur mère c’est que celle-ci découvre horrifiée, que pendant la guerre 39/45, non seulement son mari était un Nazi convaincu mais, de plus, a commis des crimes si monstrueux qu’il a été jugé et pendu en Pologne à la fin de guerre. Le destin des deux frères va totalement diverger, et cela permet à l’auteur d’analyser les différentes façons de se construire avec le poids du passé quand on est allemand. L’ainé, veut absolument croire au passé glorieux d’un père militaire et il refuse de le voir en criminel, quelques soient les preuves à charge. C’est d’autant plus facile pour lui, que ses preuves sont fournies par les Russes qui sont détestés par tous les Allemands. Il y a aussi un oncle à l’ouest qui a entrepris de réhabiliter son frère. Cet aspect est très intéressant car on comprend, alors, combien les Allemands de l’ouest ont été plus enclins à oublier le nazisme que ceux de l’est.

le personnage principal du livre, Konstantin, sera comme sa mère hanté, par le passé de son père. Et surtout ce passé se dressera sur sa route dès qu’il voudra réaliser quelque chose de sa vie. Parce que son père était un criminel de guerre, il ne pourra pas aller au Lycée. Commence alors pour lui, un parcours incroyable, fait de coïncidences trop exceptionnelles, pour moi. Il va fuir en France, car son premier projet est de s’engager dans la légion étrangère. Il rencontre à Marseille un groupe d’anciens résistants pour lesquels il va travailler comme traducteur car grâce à sa mère il parle français, russe, italien, anglais. Un jour, il reconnaîtra son propre père dans une photo prise dans le camp de travail forcé où son employeur et ami a failli mourir.

Trop honteux de cette filiation, il repart en Allemagne et, le jour où, le mur empêchera à jamais les gens de se réfugier à l’ouest, lui, il va à l’est pour retrouver sa mère.

Il sera refusé à l’école de cinéma, toujours à cause de son père. C’est certainement l’aspect le plus intéressant du livre : cette ombre qui empêche à jamais cet homme de faire des choix librement. La description du régime de l’est et des éternelles suspicions entre collègues dans le milieu enseignant est aussi tragique que, hélas, véridique.

En lisant ce livre, j’ai pensé à « Enfant de salaud » de Sorj Chalandon , il est évident que les Français ont laissé plus de liberté aux enfants d’anciens collaborateurs. En Allemagne de l’Est qui est passé du Nazisme au communisme, les traditions d’espionnage individuel et de dénonciations n’ont pas permis aux enfants de Nazi de pouvoir oublier le passé de leur père. Mais on peut aussi se scandaliser de la façon dont à l’ouest on a si vite tourné la page qu’il suffisait de devenir anticommuniste pour faire oublier son passé nazi et antisémite.



J’ai lu avec grand intérêt ce roman, mais j’ai eu du mal à croire aux aventures de Konstantin. Il y a trop de hasards dans ce récit, en revanche la partie où il raconte ses difficultés pour mener une vie « normale » d’enseignant en RDA m’a semblé très proche de la réalité.

Il y a un aspect que je comprends pas, il revient en RDA pour revoir sa mère mais il ne la verra que peu souvent. Il s’offusque que son frère la fasse vivre dans la cave de sa maison, enfin dans un sous-sol, mais il ne la prend pas chez lui.



Ce ne sont là que des détails par rapport à tout ce que j’ai appris sur l’ex-RDA.
Lien : https://luocine.fr/?p=16135
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