Christophe Bier

"Il y aurait fort à dire sur l'apparition du porno gay et son accueil au sein de la commission. L'hétérosexualité bénéficiait de plus de clémence. Comme le sodomasochisme, une minorité sexuelle entrait en conflit avec la commission par la force de son imagerie. Ainsi, le Musée, film français réalisé par l'américain Jack Deveau, doit subir quelques coupes (125 mètres) pour éviter l'interdiction totale. "Trop c'est trop. Une heure et demie de masturbations, de sodomisations entre hommes, dans tous les détails et toutes les conséquences, avec utilisation d'accessoires, séquences scatologiques, etc. La commission unanime a estimé qu'un seuil nouveau était franchi par ce film et qu'il ne convenait pas de l'accepter. Elle propose résolument l'interdiction totale de ce film", signalait la commission (15 Mars 1977). Mâles hard corps (Norbert Terry et Jean-Etienne Siry, 1977) a soulevé des réactions violentes et fut qualifié d'"immondes", d'"écoeurant" et de "répugnant" par une sous-commission visiblement traumatisée."

"L'Etat français a fini par imposer une sexualité propre de toute idéologie et de toute contestation. C'est en ce sens que le combat contre la censure imposée à la pornographie était important. Ce genre aurait pu devenir une contre culture exemplaire comme le préconisait en 1975 Alain Pacadis dans Libération:"Parce qu'ils sont tournés dans ces circuits marginaux, avec de petits moyens, parfois même pas de moyens du tout et qu'ils traitent de sujets qu'on n'avait jusque-là pas osé aborder comme les perversions sexuelles, l'homosexualité ou le sadomasochisme, dans une écriture éclatée qui nettoie tous les poncifs cinématographiques. Ils sont tous dignes de représenter le nouveau cinéma underground, pervers et clinquant, brutal et sans scrupule, obscène et malsain qui dans un formidable complot contre la libido de masse sape l'establishement sur ses bases morales: Babylone sombrera dans la luxure et les vices."

"Dans le ghetto du X, la résistance ou la survie s'organise. On commence à détourner la loi. Si aux yeux du CNC, l'importation de films étrangers est stoppé, dans les faits il n'en est rien. Pour contourner la taxe, ils sont exploités sous des visas de vieux films."

"Mais de l'instant où le porno est entré dans un ghetto, le pouvoir ferme généralement les yeux sur ces fraudes. Le fléau est repoussé, on ne tire pas sur l'ambulance."

De la joie pour toutes les bourses !