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Critiques de Christophe Carpentier (31)
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L'homme-canon

Selon la description disponible sur le site de l’éditeur, ce livre est « une vision dystopique de la société de surveillance et de contrôle pleine d’intelligence, brillant et pénétrant ». C’est clair que parfois les accroches disponibles sur les bouquins vendent du rêve afin d’attirer le manant à l’achat et on se trouve alors déçu. Ici, je vous rassure tout de suite : elle est totalement vraie.



Christophe Carpentier a une interprétation totalement crédible du futur potentiel de notre société et nous la conte sous la forme d’une pièce de théâtre en trois actes.



Alors je me doute que beaucoup de potentiels lecteurs pourraient être effrayés par la forme du texte, sous cette configuration d’une pièce de théâtre. Je suis la première à avoir été décontenancée quand le livre m’est arrivé entre les mains car je ne suis pas une grande lectrice de pièces de théâtre. Pourtant, vu sa quatrième de couverture, j’ai voulu lui laisser une chance en parcourant les premières pages et je me suis vite retrouvée happée par l’histoire et la façon originale dont l’auteur avait choisi de mettre en oeuvre pour la raconter. Cela n’alourdît pas la prose, au contraire devrais-je même dire.



Quand on regarde les journaux télévisés ou les magazines d’informations, on ne peut qu’être parfois ébahi par la tournure que prennent les choses et le monde en général. L’épidémie du COVID a laissé des traces et l’auteur les imagine de façon pas si irréaliste que ça, je pense. Une seconde épidémie s’est déroulée en 2052 (tiens, à noter peut-être à l’agenda) et le nouveau Gouvernement d’Urgence Nationale (G.U.N., hum hum) a mis en place des dispositions où toutes formes de distractions seraient proscrites, avec notamment, le recul de l’âge de la pension à 74 ans (oh, misère) menant à une société sans conflit mais également sans plus aucune fantaisie.



C’est souvent drôle, parfois loufoque mais tellement ingénieux cette façon d’imaginer le monde et en particulier, la France en 2069. Toutefois, à maintes égards, j’espère que Christophe Carpentier s’est tout de même trompé car cette société serait bien loin d’être idéale selon moi.



Franchement, cette vision de 2069 est parfois effrayante notamment quant à la configuration liberticide de la société qui serait mise en place. Un exemple : la disparition de tous les livres, hormis les manuels scolaires. Pour moi qui suis une lectrice acharnée, je ne vous fais pas l’affront de vous qualifier l’horreur que cela serait pour moi mais aussi pour vous pauvres lecteurs.



Bref, tout cela pour vous dire que ce livre passionnant a vraiment été une belle surprise. Il sera drôle de reprendre ce livre en 2069 et d’observer les ressemblances et différences entre la réalité et la fiction. Espérons toutefois que cette vie aseptisée ne trouve pas à s’installer dans notre quotidien.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Cela aussi sera réinventé

Quand la planète sera devenue invivable



Christophe Carpentier a imaginé une dystopie qui imagine que la vie sur terre, après un dérèglement climatique qui n’a cessé de s’amplifier, va devenir de plus en plus difficile. Comment dès lors s’inventer un avenir?



C'est au moment où le maréchal de l'OTAN Von Greimstedt rend les armes à Dacia, la représentante des Nomades Décontextualisés (ND) que s'ouvre cette dystopie. La planète est alors dans un état terrifiant. Imaginez que pour survivre, il est essentiel de se déplacer, car la terre est brûlée et n’est plus cultivable, les vents – en particulier Le Vent Obscurcissant numéro 7 qui est le plus dense et le plus meurtrier – sont chargés de particules toxiques, l’eau doit être filtrée et des groupes sans foi ni loi peuvent vous agresser à tout moment. La mobilité aura donc finalement permis aux ND de survivre, d’agréger de plus en plus de personnes et de prendre le pouvoir. Car ils ont mis au point les outils permettant de faire face à ce climat totalement déréglé, aux cyclones surnuméraires et aux champs magnétiques chamboulés. Après avoir constaté «l’étendue des dégâts, tant au niveau géostratégique que dans le cœur de l’Homme», il va maintenant falloir répondre à la seule question qui se pose désormais: peut-on construire un avenir dans un tel monde?

Dans la seconde partie du livre Claire Kraft va tenter de relever ce défi, refaire l’histoire et imaginer à quoi pourrait ressembler ce monde à construire, tenter de théoriser la vie passée, présente et future sur cette terre. Son mari va d’abord la soutenir dans ses réflexions et son projet, avant de la lâcher et de se désolidariser pour rejoindre la vision que défend son fils Harold.

Christophe Carpentier a choisi d’opposer deux visions que l’on peut appeler pour simplifier, la vision masculine et la vision féminine, car France Stein, l'épouse d’Harold, va se rapprocher de sa belle-mère. Claire et France vont choisir de bâtir «sur les contours d’une vérité ancienne et fragile» et vont s’évertuer de l’améliorer. En modernisant les outils et les moyens, à commencer par le système de production d'énergie nomade, la batterie VN 1, mise au point par Tobias Jetzitzak. Ce dernier va choisir d’accompagner France dans un périple risqué. Il va du reste s’achever tragiquement.

C’est alors au tour d’Harold, qui s'était jusque-là opposé à sa mère, de prendre le relais, et de tenter de ne pas répéter les erreurs commises. Et de ne pas donner raison à sa mère qui le voyait «multiplier les coups d’éclat et instaurer une impression de chaos institutionnel qui sera un leurre, car au final, tout ceci débouchera sur une accentuation de la soumission des citoyens à l’égard de l’État».

Le pari peut-il être gagné? C’est tout l’enjeu de cette dystopie qui creuse une thématique déjà abordée par Louise Browaeys avec La dislocation et Pierre Ducrozet avec Le grand vertige. Des romans qui sont autant de pistes de réflexion sur les enjeux écologiques et environnementaux et dont je prends le pari qu’ils constitueront désormais une veine qui va continuer à être exploitée par les romanciers.




Lien : https://collectiondelivres.w..
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L'homme-canon

Non, l'homme-canon n'est pas l'histoire d'un super-héros doté de pouvoirs explosifs.

Ce n'est pas non plus le titre de mon autobiographie (ça aurait pu, mais non ☺)

En fait, l'homme-canon, c'est ma dernière "bonne pioche" à la masse-critique de janvier, une fable philopohico-futuriste décapante et un brin loufoque aux allures de pièce de théâtre (un drame en trois actes, tout en dialogues et en courtes didascalies).

En clair : un texte un peu barré et redoutablement subversif auquel je souhaite un très bel avenir !



Et l'avenir justement, parlons-en, puisqu'il en est largement question dans ce curieux petit livre.

L'auteur nous projette en effet en 2069, soit dix-sept ans après la seconde grande pandémie de Covid (prévue pour 2052, c'est bon à savoir !), et quelques années après les émeutes sociales ayant conduit à la promulgation de la Loi sur le Remboursement de la Dette Sanitaire et à la mise en place de mille autres mesures drastiques (Protocole Participatif Consensuel, recul de l'âge de départ à la retaite à 74 ans, j'en passe et des meilleures...) prises par le nouveau Gouvernement d'Urgence Nationale (c'est ça, le G.U.N !)

Bien sûr toute ressemblance avec des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite...



Inutile donc de vous dire qu'avec Christophe Carpentier, il ne faut pas vraiment s'attendre pas à des prédictions radieuses ni à des lendemains qui chantent.

Tablez plutôt sur un futur morose, certes pacifié mais complètement aseptisé, un monde soumis à une pression fiscale démesurée, un monde expurgé de toute fantaisie où les rêves, l'excès de distraction ou d'insouciance, l'ensemble des créations artistiques et l'usage de tout ce que les autorités nomment "Support Fictionnel" (livres, films, vestiges culturels d'antan, etc...) sont strictement prohibés.

Surtout ne plus songer au passé, ne pas anticiper l'avenir, ne pas céder au péril de l'imaginaire, ne jamais s'évader ailleurs. Seule compte l'immédiateté, plus rien n'existe hors la réalité de l'instant présent.

Unique divertissement autorisé, et même clairement encouragé : le visionnage en continu des sacro-saints Directs Télévisisuels (mais si, vous savez bien, ces merveilleux reportages "en immersion" auprès des Forces de l'Ordre, des Soldats du Feu, des Ugentistes, des Constructeurs du Coeur et autres Camioneurs de l'Extrême). Quel meilleur outil de propagande pour distraire et lobotomiser les foules, en faire des "moutons avides d'exemplarité citoyenne et vide de tout sursaut romanesque" ?



C'est dans ce contexte que Bastien Lebaye fait son apparition, sur le quai d'une petite gare de province. L'homme est venu pour assister au déchargement d'un matériel dont il vient de faire l'acquisition, à savoir un canon de cirque utilisé pour projeter un cascadeur dans les airs.

Problème : la petite gare en question ne voit passer que des TER, et aucun train de fret n'y livrera jamais le moindre canon. Pourtant Bastien n'en démord pas, il ne partira qu'après réception de son spectaculaire engin, et bien vite tout le voisinage s'interroge.

Qu'est-ce c'est que ce gugus, avec ses délires de saltimbanque ? Est-ce un doux rêveur ou un perfide agitateur menaçant la quiétude du village, et plus largement l'équilibre de la société enfin assagie (ou plutôt cadenassée par un arsenal législatif dementiel, biberonnée H-24 par les fameux Directs et soumise au couvre-feu planétaire) ? Comment faire pour se débarasser de ce marginal, lui qui semble prendre un malin plaisir à ignorer les mises en garde des Miliciens ? ("Il est manifeste qu'à ne rien faire comme vous le faites, vous êtes hors du moment présent, donc hors-la-loi.")



Le lecteur aussi se pose quelques questions, puis peu à peu se laisse emporter dans cette histoire subtilement absurde et néanmoins propice à la réflexion.

Si j'ai été dans un premier temps un peu désarçonné par le caractère très militant de l'ouvrage (j'avoue avoir parfois tendance à "me méfier" des oeuvres de fiction trop ouvertement engagées...), j'ai fini par y trouver un véritable intérêt et par me satisfaire complètement du style (que je trouvais d'abord assez convenu) et des dialogues parfois un peu répétitifs.

Le message de Bastien, notre fervent défenseur du droit à l'imaginaire qui a su "inventer un personnage et l'inséminer dans un cadre naturel pour qu'il s'y développe", n'en est que plus clair. Par amour de feu la littérature et par goût de la désobéissance civile, il incarne avec force un modèle de résistance original face aux dérives d'une société sous contrôle. Espérons donc qu'il soit entendu ("Il faudrait cent mille Hommes-canon dans chaque pays, alors le bloc de réalité encadrée pourrait commencer à se fissurer".)



Merci à Babelio et aux éditions du Diable Vauvert pour cette découverte, que je vais m'empresser de diffuser autour de moi avant que les miliciens du futur ne m'arrêtent pour "recel de données mémorielles différées" !
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L'homme-canon

Après Cela aussi sera réinventé en 2020, Christophe Carpentier publie un deuxième roman chez Au Diable Vauvert (après trois chez P.O.L. et un chez Denoël), encore une fois il questionne l’apport des littératures de l’imaginaire dans L’Homme-canon.



En attendant le canon

Bastien patiente en gare de Sainte-Blandine-sur-Fleury (ville fictive), il a rendez-vous avec un train de marchandises qui doit lui livrer son canon qu’est allé chercher son associé Kolya. Armé de sa détermination et d’un simple SMS affirmant que la livraison arrive bientôt, Bastien s’échine à convaincre les quelques personnes qu’il rencontre que le métier d’homme-canon dont il a fait son but, qu’il veut expérimenter, qu’il débute à peine, vaut vraiment le coup (et le coût d’ailleurs). Tout du moins, il tente d’être un minimum toléré dans une France de la fin du XXIe siècle qui a dû subir plusieurs pandémies et surtout un recadrage des libertés publiques et des manières d’aborder toute sorte de connaissances collectives. Ainsi, chaque journée est rythmée par les Directs publiés en continu par les chaînes de télévision, émissions censées mettre constamment en valeur les bienfaits de certaines catégories de la population, qui un pompier en intervention, qui une experte en plein débat, qui un péquin standard qui a réussi à attirer les caméras de télévision. Seul le direct fait foi, désormais. Or, avec son attitude étrange, Bastien fait tâche dans le paysage. Certains le brocardent, d’autres l’accueillent comme un lapin naïf perdu dans les phares d’une voiture : mais où s’arrête l’assistanat si jamais vous voyez Bastien comme un simple profiteur ? et où débute la subversion si vous le considérez comme un agitateur utile ?



Pièce de théâtre en trois actes

Dès le départ, Christophe Carpentier a fait dans l’originalité sur la forme : L’Homme-canon est une pièce de théâtre avec tout ce qu’il faut d’actes, de scènes, de didascalies très précises et de mise en page des dialogues personnage par personnage. De mémoire, en SF ou fantasy, la seule pièce de théâtre que j’ai lue est celle de Fabien Cerutti dans son recueil Secrets du premier coffre, qui était très réussie aussi. Dans cette perspective, l’auteur joue de l’astuce de dénommer chaque personnage par son rôle tout d’abord et ensuite, si jamais une ligne de dialogue nous en informe, par son prénom. Ce choix de forme fonctionne très bien, puisqu’il y a une vraie unité de lieu, de temps et d’action dans chacun des actes ; l’omniprésence des dialogues n’est pas gênante : on sent parfois que l’auteur aurait envie (notamment dans l’acte II) de développer davantage son propos, mais il se tient heureusement à ce qui tourne au plus près du personnage principal, qui passe de scène en scène (le seul d’ailleurs) comme si le plateau tournait, changeait de décor en permettant à Bastien de le traverser, évoluant à chaque étape. L’intrigue aurait pu être plus aboutie, mais cela aurait peut-être mis en danger l’unité de cette pièce de théâtre.



À quoi sert l’imaginaire ?

Même si cela ne semble pas le premier but de l’intrigue, L’Homme-canon est un roman qui se donne pour but de souligner l’intérêt de faire fonctionner constamment notre imaginaire, dans une logique de survie tout simplement. Comme Cela aussi sera réinventé, L’Homme-canon propose une vision des choses très réfléchie, mais d’une manière bien plus subtile, ou en tout cas plus subtilement intégrée à une intrigue qui est plaisante à découvrir. Ici, il s’agit de se mettre dans la position du citoyen lambda noyé dans une société française anémiée par les pandémies et les politiques sécuritaires : que ferait-on ? se laisserait-on bercer par ces Directs incessants ? ou chercherait-on à subvertir ses contemporains ? L’auteur propose avec Bastien une vision de l’imaginaire comme échappatoire de réflexion sur notre monde, car ce sont aujourd’hui les littératures de l’imaginaire les plus à même de révolutionner notre société par l’écrit.



L’Homme-canon est donc original, bien écrit, inventif et réflexif. C’est déjà un beau cocktail !



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Cela aussi sera réinventé

Cela aussi sera réinventé, c’est le drôle de titre d’un roman à paraître pour la rentrée prochaine chez Au Diable Vauvert.

Son auteur, Christophe Carpentier, n’en est pas à son coup d’essai — loin de là même — puisqu’il a déjà publié pas moins de sept ouvrages (!!) dont le remarqué diptyque du Mur de Planck aux éditions P.O.L.

Roman court mais dense, Cela aussi sera réinventé nous ressort la carte du post-apocalyptique mais imagine un angle d’attaque radical : celui de la philosophie reconstructrice… faites chauffer les neurones !



Sur les décombres de l’humanité

Cela aussi sera réinventé se découpe en trois parties.

Dans la première, le lecteur découvre un monde en ruines balayé par des catastrophes en tous genres, de la tempête de sable géante à la fuite nucléaire en passant par le tremblement de terre et le raz-de-marée, tout y passe ou presque. Pendant ce temps, l’humanité en déroute cherche une porte de sortie alors qu’elle semble succomber pour de bon à l’Accablement Climatique, une brutale prise de conscience de la responsabilité humaine dans la banqueroute écologique mondiale. Le maréchal de l’OTAN, Kleist von Greimstedt, croise la route d’une caravane de Nomades Decontextualisés, sorte de philosophie new-age à mi chemin entre anarchisme, écologie et communisme prônant un rejet de la sédentarité et de l’attachement au matériel (sous toutes ses formes) pour réinventer un monde plus libre et responsable mais qui semble terriblement froid. Parmi ces nomades, Dacia est à la fois une fervente tenante de cette pensée politico-socio-religieuse et le témoin privilégié d’un changement de paradigme complet pour les êtres humains survivants. Sa rencontre avec le maréchal permet une sorte de passation de pouvoir entre le vieux monde et le nouveau.

Et si l’on pense un temps que Christophe Carpentier va se borner à nous montrer une apocalypse par le prisme d’un catalogue de catastrophes écologiques, le français change totalement d’approche dès la seconde partie avec un long flash-back sur la naissance du mouvement de la Décontextualisation Nomade. En retraçant la pensée de sa fondatrice, Claire Kraft, et de ses premiers disciples, France Stein et Tobias Jetzitzak, l’auteur s’intéresse à la naissance d’une philosophie et sa mutation en idée politique et sociale. Ce cheminement complexe occupe la majeure partie du roman avant de se projeter dans le futur pour un petit tour d’horizon en compagnie de Julien et François, couple de Nomades Décontextualisés à l’heure du triomphe de la nouvelle société responsable libérée des attaches humaines de jadis.

Ainsi, difficile de faire plus original que Christophe Carpentier pour vivre la fin du monde puisque celui-ci met de côté l’aspect destruction au profit de la pensée nouvelle et d’un après pour le moins étonnant.



Sans contexte, pas de texte ?

Comme on l’a dit plus haut, bien davantage qu’un roman post-apocalyptique de plus, Cela aussi sera réinventé se veut un voyage philosophique vers un avenir autre où les hommes auraient enfin trouvé un moyen d’exister plus respectueux pour la planète et pour son prochain. Dès sa première partie, l’histoire fait la part belle aux échanges sur divers aspects de la vie en société et sur la nécessité fondamentale de prendre en compte le contexte lorsque l’on en vient aux notions de bien et de mal, de responsabilités et de vie collective. Christophe Carpentier se fait clairement plaisir et disserte en long, en large et en travers sur cette nouvelle philosophie de décontextualisation qui doit permettre à l’humain d’en finir avec toute forme de radicalité et/ou de violence.

Il applique cette doctrine à tous les champs possibles, du droit à l’engagement militant en passant par la nature, la sexualité, le genre ou encore l’énergie.

Malin, le français envisage surtout en sous-main les problèmes de cette nouvelle façon de penser qui comporte aussi sa part d’ombre (et de dérives, qui sont illustrées dans la dernière partie).

Pour intéressant et foisonnant qu’elle est, la pensée de l’auteur nous est cependant servie sous une forme très académique, en empruntant un ton professoral et théorique qui baigne (très) souvent dans un style aussi lourd que pompeux. En soi, ce genre de choses ne seraient pas dérangeantes dans un essai mais, puisqu’il s’agit ici d’un roman, la sauce ne prend pas.

Pire, en abusant de cette décontextualisation narrative (pour que se rejoigne le fond et la forme), Christophe Carpentier saborde ses personnages qui n’ont aucune chaleur humaine. Le lecteur se retrouve face à une sorte de démonstration magistrale historico-philosophique tendance universitaire qui laisse perplexe sur sa capacité à passionner le lecteur sur la longueur.

Évidemment, cette froideur calculée sert très bien le propos du livre et donne l’impression que l’auteur applique ses propres règles fictives à son récit… mais a-t-on vraiment envie de lire une apocalypse décontextualisée aux personnages glacés et aux enjeux dramatiques finalement inexistants ?

Pas sûr…



Curieux ouvrage que celui de Christophe Carpentier. Coincé entre son côté philosophique hardcore et son style froid et pompeux, Cela aussi sera réinventé parvient pourtant à offrir une vision convaincante et inédite de l’après. Évitant l’écueil du fatalisme et s’efforçant de trouver d’autres chemins pour le futur, l’histoire hésite entre apocalypse, dystopie et essai politique.

L’échec ou la réussite de l’entreprise dépendra de l’état d’esprit du lecteur…et du contexte de la lecture !


Lien : https://justaword.fr/cela-au..
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Carnum

Après Cela aussi sera réinventé et L’Homme-canon, Au Diable Vauvert propose à la rentrée 2022 un autre roman de Christophe Carpentier : Carnum !



Capitalisme cannibale

Jérôme Mareuil est au bout du rouleau. Il a pourtant tout réussi. Ou justement il a tout réussi, et n’en peut plus à cause de cela. Magnat du transport routier depuis des années, il décide de tout plaquer, sa femme, sa famille, ses affaires, pour s’isoler et réfléchir à sa fin. Mais c’est sans compter Edwige Müller, chirurgienne renommée, qui se passionne d’un coup pour la viande humaine depuis qu’elle a goûté la jambe amputée d’un enfant lors d’une opération. Elle offre à Jérôme une opportunité d’investir les 4 millions d’euros qu’il a récupérés de sa mirobolante entreprise : créer un tout nouveau marché de vente de viande humaine ! Mais comment faire de l’argent sur un tabou ? Comment créer un marché, de niche certes, sur une denrée difficile à trouver au premier abord, difficile à refourguer puisque la demande n’existe pas, et difficile à vendre sans essayer soi-même au risque de s’y perdre ?



La forme au service du fond

Cela aussi sera réinventé avait l’avantage de fournir un monde de science-fiction très développé, mais le défaut de vouloir trop en dire, trop faire déblatérer les personnages en de longs monologues exposant leurs motivations complexes. L’Homme-canon gagnait en vigueur en proposant un texte sous forme de pièce de théâtre sur des thématiques proches du précédent et misait sur une absurdité certaine. Carnum, lui, affine davantage la forme pour servir le propos complètement absurde du « tabou civilisationnel ultime ». Ici, d’un côté, le style est agréable, la forme théâtralisée (héritée de L’Homme-canon) fonctionne très bien avec la découverte progressive des personnages, le rendu absurde de certaines scènes et les didascalies à répétition. Toutefois, l’ensemble reste court, bon certes, mais court (moins de 200 pages). Cela ne pose pas de problème pour une pièce de théâtre, d’autant que les ellipses sont habilement utilisées, cela en pose davantage quand on s’attend à une conclusion plus dense pour ce roman. On ne peut qu’anticiper une fin tragique à cette fuite en avant, et l’amoncellement de scènes un brin gores ne pouvait de toute façon pas se répéter sur plusieurs centaines de pages sans déranger à l’excès, mais tout de même il y a une petite sensation de coupe-faim sur la fin. Dans le même ordre d’idée, mais avec un traitement davantage « zombiesque », lisez également Carne, de Julia Richard.



Décidément, Christophe Carpentier nous propose des romans théâtralisés de plus en plus barrés et ce n’est pas pour nous déplaire !

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Carnum

Avant de discuter du fond, j’aimerai commencer par quelques mots sur la forme. Le présent roman est en effet rédigé comme une pièce de théâtre. Les acteurs se donnent la réplique, le contexte, leurs faits et gestes sont brièvement décrits afin que le lecteur visualise la scène.



Adeptes de la bien-pensance et du politiquement correct passez votre chemin, ce court roman (moins de 200 pages), qui fait l’apologie d’un cannibalisme consensuel et commercial, n’est pas adaptés à vos chastes et prudes neurones… C’est au contraire délicieusement amoral et subversif, nul besoin d’adhérer au propos pour se régaler avec ce bouquin.



Je tiens d’entrée de jeu à préciser – de nouveau – que je respecte les choix alimentaires des uns et des autres… du moment que les autres en question respectent mes propres choix et ne viennent pas me faire chier avec leurs leçons de morale à deux balles. Carnivore parfaitement assumé et revendiqué, ma consommation de barbaque n’est limitée que par les prix du marché (que ce soit en boucheries ou en grandes surfaces, la viande – y compris les morceaux de consommation courante – tendrait malheureusement à devenir un luxe).



Je vous rassure tout de suite sur mon état mental : la consommation de viande humaine ne m’attire nullement. Je vais me contenter de ce qui existe déjà dans nos étals, que ce soit classique (bœuf, veau, porc, volaille et lapin) ou plus exotique (cerf, cochon sauvage, autruche, bison…).



Revenons à nos moutons et au roman de Christophe Carpentier.



Sans entrer dans les détails, le cœur de la « petite affaire » imaginée par Jérôme et Edwige repose sur le consentement, aussi bien au niveau des Donneurs que des Mangeurs. L’autre paramètre clé de l’intrigue est le côté addictif de la consommation de viande humaine. Et comme toute addiction, elle peut être lourde de conséquences et sources de dérives.



C’est en poussant à l’extrême, parfois même jusqu’aux portes de l’absurde, que Christophe Carpentier déroule sa mise en scène. S’affranchissant de tout sens moral il nous expose les débuts difficiles du marché de la viande humaine, puis son succès fulgurant malgré un prix des plus prohibitifs. Enfin il termine par les effets secondaires et les dérives autour de ce marché des plus lucratifs.



Contre toute attente le format court et le côté théâtral du bouquin sont parfaitement adaptés au récit. Un choix qui permet d’aller à l’essentiel tout en optant pour une mise en scène très visuelle (à mon avis ce n’est pas demain la veille que France Télévision diffusera une telle pièce de théâtre…).



Afin de coller à l’actualité et d’ouvrir leur marché à l’international, nos deux commerciaux de choc vont même aller jusqu’à démarcher un certain Vladimir Poutine. Telle qu’ils décrivent la rencontre à leur retour, ce n’est pas cet interlude gastronomique qui va améliorer l’image de Vlad le Rouge.



Je me suis régalé avec cette intrigue aussi subversive qu’amorale, une pépite d’humour noir qui ne plaira sans doute pas à tout le monde. Si le politiquement correct ambiant vous saoule, que vous savez apprécié le second degré et êtes doté d’une large ouverture d’esprit, je vous invite à tenter l’expérience et à vous mettre à table. Pour ma part j’avoue sans le moindre complexe l’avoir dévoré d’une traite.



Si un jour un metteur en scène est assez couillu pour faire jouer la pièce, j’espère avoir l’occasion de la voir. En live ça devrait être une tuerie (oups… encore un mauvais jeu de mot).
Lien : https://amnezik666.wordpress..
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Shelter

Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Au Diable Vauvert pour l’envoi de ce service presse !



A l’ouverture de ce roman, je ne connaissais pas Christophe Carpentier, et je connaissais mal Au diable vauvert (en dehors de leurs belles éditions de Neil Gaiman). J’étais ravie de plonger dans leur univers, ouverte que j’étais à la nouveauté.



Ce livre m’avait fait de l’œil par son résumé : un peu avant le 14 février, je m’étais dit que ce serait une manière un peu rigolote de faire une lecture thématique. Et puis, tout n’a été que surprise, et ne voulant pas vous la gâcher, je vais rester évasive !



Shelter, c’est l’histoire de la rencontre entre Terry et Shelley, deux trentenaires qui en ont marre du couple traditionnel. Shelley prône un engagement absolu, tandis que Terry est persuadé que l’avenir du couple réside dans l’abstinence. A travers une forme très théâtrale, l’auteur déroule son histoire dans le dialogue, entre les deux protagonistes d’abord puis en y ajoutant d’autres personnages ; ce dialogue est enrichi par quelques didascalies (ou en tout cas quelque chose qui s’en rapproche), précisant un contexte, une expression du visage, une action.



J’ai eu une première surprise dès la première page, la forme. Je m’attendais à un roman très introspectif, un peu long, qui s’attarde sur des ressentis ou des remises en question ; j’ai découvert un livre au rythme effréné, enchaînant les idées et les actions, me tenant en haleine jusqu’à la fin. Rien n’est de trop, tout est indispensable, et l’ennui ne s’est pas une fois invité dans ma lecture.



La surprise suivante est l’histoire elle-même. Je ne dévoilerai rien du tout, mais attendez-vous à être secoué.e ! J’ai été plus que baladée par cette quatrième de couv’, ce titre, cette illustration. Je tire un chapeau en-dessous du sol, tout est au millimètre, parfaitement exécuté, tellement malin. La fin ne fait pas exception, elle et d’une intelligence… C’est remarquable !



Et quel humour ! Christophe Carpentier m’a fait rire par bien des manières. Son côté pince-sans-rire, son humour de situation, l’absurde, le noir foncé… L’humour (ou l’ironie) est bien dosé, parfois discret, souvent subtil, toujours bien amené. On y sent toute son appréciation de la société actuelle et de nos -peut-être- dérives.



Je ne sais que dire de plus, à part que je suis encore tombée sur un OLNI. J’admire l’auteur et l’œuvre, j’ai passé un moment incroyable, et s’il n’avait fallu faire la soupe, je l’aurais lu d’une traite ! Un grand oui !
Lien : https://folitteraires.wordpr..
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Shelter

« Shelter » : voici le mélange syllabique de Shelley et Terry, qui s’apprennent l’un l’autre au détour d’un dîner, conclus sur une application de rencontres parmi tant d’autres. Mais si cette fois, c’était la bonne ? Et si cette fois, ce rendez-vous là devenait davantage qu’un repas longuet et médiocre ? Et si cet échange pour une fois empreint de sincérité et de générosité découlait sur une véritable histoire d’amour ? Peut-être même sur l’Histoire avec un grand H, celle que tout amoureux rêve de vivre, de ressentir au plus profond de soi.



Être projeté dans ce dialogue des plus intimes entre ces deux êtres qui apprennent lentement à se découvrir, procure une sensation très particulière. C’est un peu comme si nous incarnions le rôle d’un thérapeute. Un psychologue qui observerait un couple censé se redécouvrir et réapprendre ce qu’est le véritable amour.



Ce qui fait l’unicité et l’harmonie de Shelley et Terry, réside dans la vision qu’ils ont de la relation amoureuse. Celle-ci est si singulière que s’ils venaient à s’en expliquer, tous les traiteraient de fous ou d’illuminés.



Cette succession de dialogues, de morceaux de vie, cette analyse de l’amour par le biais de la différence, sont autant d’ingrédients qui rendent cette lecture totalement unique, comme si nous aussi nous faisions partie de l’expérience de ce couple.



Mais lorsque deux âmes se rencontrent, lorsqu’elles ont trouvé la plénitude et la sérénité, une limite est-elle tout de même à envisager, pour ne pas se replier essentiellement sur son couple ? Un couple qui semblerait ne faire plus qu’un ?



La tournure des événements que Christophe Carpentier orchestre à merveille, et qu’il offre à ses deux protagonistes, personne n’aurait pu le voir venir ! Le point de bascule est extrêmement réussi ! L’effet de surprise est jubilatoire ! On entre dans une nouvelle dimension de ce qu’est l’amour.



L’auteur parvient à aborder quantité de subtilités propres aux relations amoureuses, à leurs tabous, à leur complexité, à leurs extrémités ; et nous embarque dans une espèce d’expérimentation addictive et jouissive ! On passe en une fraction de seconde de l’amour et la tendresse, au danger et à la peur. Frissons de toutes sortes garantis…



Avec Shelter, Christophe Carpentier me ravit à nouveau en parvenant à écrire deux ouvrages en un. Son livre s’est transformé pour nous présenter des scènes incomparables…

Un scénario extraordinaire de bout en bout, empli d’intelligence logique et émotionnelle, de perfectionnement dans le fond, la forme et le ton ; pour laisser une empreinte assurément indélébile à tous ses lecteurs !



Si vous voulez être éberlué et épaté, foncez !
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L'homme-canon

J’ai plongé avec un mélange de curiosité et d’effroi dans ce roman atypique, entre pièce de théâtre et conte des temps modernes. Nous sommes en 2069 et le pays est dirigé par des Miliciens qui ont établi des règles étranges et non moins totalitaires. Alors que des écrans de télé diffusent partout des Directs non-stop, qu’il s’agisse d’urgences médicales ou talk-shows absurdes, nous sommes ici bien après la seconde pandémie de COVID de 2052.

J’ai beaucoup ri, tant les dialogues sont succulents, rappelant en cela le génie du théâtre de l’absurde. En modernisant le propos, Christophe Carpentier décrit notre société régie par l’image et les références aux chaînes d’info en continu où ici il s’agit d’endormir les consciences jusqu’à les abrutir. Les protagonistes représentent à eux tous les institutions et le pouvoir, qu’il s’agisse du Maire, du chef de gare, des Brigadiers et des Miliciens.

Un coup de coeur pour cette charmante balade dans un monde effrayant raconté avec beaucoup d’humour.



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Carnum

Après un changement de vie radical, Jérôme fait la rencontre d’Edwige qui va lui faire une proposition des plus dérangeantes : elle veut commercialiser la viande humaine d’une manière légale et elle a besoin d’un entrepreneur comme Jérôme pour l’y aider. D’abord réticent, Jérôme va très vite se laisser tenter…



Comme vous pouvez l’imaginer rien qu’avec le postulat de base de l’histoire, l’auteur nous propose quelque chose d’atypique et dérangeant. Mais ça fonctionne très bien !



Je ne peux pas dire que j’ai été convaincu à 100% par le récit dans la mesure où les choses ne sont pas très crédibles, que ce soit la rencontre improbable entre les deux protagonistes, la relative facilité avec laquelle ils arrivent à trouver des donneurs et des clients, ou même juste le modèle économique de leur entreprise. Pourtant, toutes ces choses ne sont pas plus gênantes que ça. Je ne pense pas que l’objectif soit vraiment de proposer un récit réaliste, mais plutôt de déranger et de faire réfléchir, et en ça, le pari est tout à fait relevé.



J’ai été assez surpris par le format (le récit se présente comme une pièce de théâtre). Le parti pris est plutôt original mais est à double tranchant. A la fois le rythme est efficace et on enchaîne les pages sans s’en rendre compte puisqu’on n’a finalement que des dialogues, mais la contrepartie est qu’on n’a pas vraiment de descriptions pour vraiment développer les idées. On a aussi des grosses ellipses qui viennent occulter des étapes clés de l’entreprise de nos personnages. C’est un peu dommage dans la mesure où on n’en sait finalement assez peu sur la façon dont les choses se mettent en place et sont perçues par le grand public, mais en même temps on arrive bien à suivre la psychologie des quelques personnages que l’on suit.



Sur le fond, on a un récit profondément immoral et on est souvent mal à l’aise de voir la nonchalance, le détachement et le cynisme avec lequel on nous parle de cannibalisme. Mais si on est aussi mal à l’aise, c’est aussi parce qu’on peut faire des parallèles avec notre société actuelle qui nous sautent d’autant plus aux yeux ici parce qu’ils sont montrés à travers le prisme d’un des actes les plus tabous qui soient. On parle ici d’addiction, de la société de consommation, du cynisme dont peuvent faire preuve les industriels, d’inégalités sociales et de ce que certains sont prêts à faire pour réussir à arrondir leurs fins de mois difficiles…



Si vous avez peur des livres qui parlent de cannibalisme parce que vous n’aimez pas l’horreur ou que vous ne voulez pas lire de scènes gores, ce roman pourrait très bien fonctionner pour vous. Il n’y a finalement pas grand chose de graphique (certes, on y déguste des tranches de mollet d’enfant amputé mais d’une manière tout à fait civilisée 👀), et la seule horreur est celle qu’on ressent lorsqu’on se dit que l’humain n’est pas vraiment au-dessus de ça, et qu’on pourrait faire face à ce genre d’entreprises un jour…
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Shelter

Deux personnes. Un homme, Terry, une femme, Shelley. Une rencontre en forme de dating. Lui est lassé des relations charnelles qu’il estime la raison principale de son célibat. Elle se remet du décès brutal de son conjoint. Ils décident de tenter une expérience : aucun acte sexuel entre eux, seulement une expérience, fusionnelle, mais de temps d’observation, main dans la main, yeux dans les yeux. Leurs amis, leurs parents ne comprennent pas. Et même si Terry, effrayé, songe un instant à tout arrêter, il sait que l’inexorable doit se produire, que leur couple, leur identité profonde, va changer.

Après Carnum, Christophe Carpentier continue de revisiter les codes de la société bienpensante et du couple, en les triturant avec une absurdité jouissive. Forcément, on pense à Ionesco, on pense à Darrieusecq et son truisme même si ici il n’est pas question de transformation en cochon. Présentée sous forme de pièce de théâtre, comme son précédent ouvrage, l’auteur inscrit Shelter dans la recherche de soi, de son identité, voire de sa trans-identité comme il est beaucoup question actuellement. Et comme dans Carnum, il achève (c’est le cas de le dire) le dernier acte de façon imprévisible, avec une certaine forme de dialogue entre deux protagonistes dans un discours qui bien involontairement fait écho à celui qui a beaucoup fait jaser récemment au sein du gouvernement.

Assurément, un énorme coup de coeur, le premier de cette année 2024 qui démarre fort. Christophe Carpentier, un auteur qu’il faut suivre. Un grand merci aux éditions Au Diable Vauvert pour leur confiance renouvelée à mon égard.



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Shelter

"Shelter", de Christophe Carpentier, est une exploration captivante et profonde de l'amour à l'ère moderne. Le roman débute avec Shelley et Terry, deux inconnus qui se rencontrent grâce à une application de rencontres. Ce qui pourrait n'être qu'un dîner banal se transforme en une connexion exceptionnelle, marquée par la sincérité et une alchimie rare.



Le livre nous invite à être les témoins privilégiés de leur relation naissante, où chaque dialogue révèle peu à peu les profondeurs de leurs âmes. Carpentier excelle dans la description de ces moments intimes, créant une expérience immersive pour le lecteur.



Avec une touche de mystère, "Shelter" défie les conventions en montrant comment deux personnes peuvent se découvrir et s'épanouir ensemble, remettant en question les idées reçues sur l'amour et les relations. Le récit est ponctué de rebondissements inattendus, conduisant le lecteur à travers un spectre d'émotions, de la tendresse à l'introspection, de la surprise à l'émerveillement.



L'écriture de Carpentier est riche et nuancée, explorant les thèmes de l'amour, de la connexion et de l'identité personnelle. "Shelter" n'est pas seulement une histoire d'amour ; c'est une réflexion sur la façon dont nous nous connectons avec les autres dans un monde de plus en plus numérisé. Avec son mélange unique de réalisme et de poésie, ce roman est une œuvre mémorable qui résonne longtemps après la dernière page.
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Carnum

Une farce théâtrale bien mois gore que je l'avais imaginé, je suis un peu déçue !

La viande humaine devient une drogue légale.

Je ne sais pas si on peut faire le raccourci (trop rapide) avec une probable légalisation du cannabis en France.

Étant végétarienne j'ai beaucoup de mal à concevoir le cannibalisme. (Bien que j'ai lu que sur le "dark net" il était courant de trouver de la viande humaine...)
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Carnum

Elisabeth et Jérôme vivent leur séparation d'une manière quelque peu étrange, bien plus étrange que l'idée que l'on se fait généralement des ruptures amoureuses. Sur le papier, Jérôme a une vie heureuse et des plus agréables. Mais Jérôme ne peut plus. Jérôme n'en peut plus. Cette vie de suractivité, d'ambition démesurée et d'échelons à gravir, de fortune à agrandir toujours plus, tout cela n'est plus possible pour lui. Une réminiscence enfantine lui souffle qu'il faut absolument qu'il s'isole et quitte cette vie qui ne lui convient plus du tout. Abandonnant tout, Elisabeth et son envie d'enfant, sa famille, ses appartements à Dubaï et à New-York, ses amis, son travail évidemment, il part.



Jérôme profite désormais de sa complète solitude pour réfléchir, pour penser. Quand on frappe à la porte, une certaine Edwige, chirurgienne, se présente et débarque avec une glacière ultra sophistiquée, s'installant sans gêne dans la cuisine de Jérôme qui n'a plus assez de sièges à disposition dans son salon. Non satisfaite d'avoir quelque peu forcé le passage à son propriétaire, Edwige annonce que sa glacière contient un mollet et un pied d'enfant, amputé à la suite d'un terrible accident. La stupeur est évidemment de mise pour Jérôme qui croit d'abord à une plaisanterie de mauvais goût. Mais il n'en est rien, et non contente d'avoir choqué son interlocuteur, cette sacrée Edwige amène l'hébétude à son paroxysme lorsqu'elle déclare avec le plus grand flegme, qu'elle a mangé deux tranches découpées dans le mollet du petit garçon. Sa confession achevée, elle poursuit en demandant à Jérôme qu'elle a reconnu à la supérette, son avis sur l'acte qu'elle a commis sur ce membre de garçonnet amputé. Elle prétend que la Providence les a liés et que son acte de cannibalisme va leur permettre de se sauver tous les deux. Mais se sauver de quoi, se demande Jérôme ! Pourquoi le délire cannibale de cette folle devrait le sauver lui de quoi que ce soit ?



Edwige annonce et explique qu'elle veut créer un partenariat afin de promouvoir un cannibalisme planétaire librement consenti, tout simplement en achetant des muscles humains pour mieux les revendre à prix d'or. Elle tente de convaincre Jérôme que son idée révolutionnaire relancerait sa carrière en un rien de temps, et par là même, relancerait sa motivation et son ambition perdues.



Le duo Edwige / Jérôme va-t-il amorcer la vente industrielle de viande humaine ? Le cannibalisme va-t-il devenir chose courante ? Sera-ce une denrée pour les ultra riches ?



Christophe Carpentier nous emmène dans son délire et c'est hilarant, passionnant et irrésistible ! Un véritable petit bijou d'humour noir !

Lu d'une traite évidemment, j'ai trouvé ce super roman bien trop court, j'en voulais encore ! Pas de viande humaine hein ? Je parle du talent de Christophe Carpentier, entendons-nous bien !

Un roman qui se dévore, qui se déguste et dont on se délecte à chaque page.

Une immense réussite !

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L'homme-canon

A la gare de Sainte-Blandine sur Fleury un homme attend. Il doit recevoir un canon pour son numéro d’homme-canon qu’il compte monter prochainement et inaugurer dans la ville. Mais il semblerait qu’aucun train de marchandises n’arrive dans cette gare contrairement aux informations que son partenaire lui a données. L’homme se met en tête d’attendre malgré tout et de retenter sa chance le lendemain. Son séjour dans la ville de Sainte-Blandine sur Fleury va causer quelques remous dans la population, éveiller la méfiance mais aussi quelques actes de sympathie.



Un livre fort étrange, mais très intéressant, que cet homme-canon. Par sa construction dans un premier temps qui va chercher du côté du texte de théâtre. L’ensemble est construit quasiment exclusivement en dialogues entre les différents personnages. Par son sujet ensuite. Nous sommes clairement dans un récit futuro-philosophique, si ce terme existe ! Christophe Carpentier place son récit en 2069, dans un monde où les “supports fictionnels” tels que les livres, les films et la musique sont interdits et où les Directs télévisés ont pris le pas sur tout autre divertissement. Ces directs ce sont des immersions auprès de pompiers sur des accidents, auprès de policiers sur des intervention, dans des hôpitaux pour assister à des accouchements ou sur des chantiers de construction.



Les personnages évoluent dans un monde totalement sous-contrôle, où les sentiments sont aseptisés, où il est interdit de s’appesantir, même en pensée, sur le monde d’avant ou sur des souvenirs. Un monde où chaque habitant se doit de contribuer au remboursement de la Dette Sanitaire mise en place après la nouvelle grande pandémie de Covid apparue en 2052. Bref un monde loin d’être idyllique que notre homme-canon, Batien Lebaye pour l’état civil, cherche à secouer et à sortir de sa léthargie avec son histoire d’homme-canon et les péripéties qui y sont liées. Par son action, Bastien revendique subtilement un droit à faire appel à l’imaginaire qui a été prohibé. Il insuffle dans les villes où il passe un léger vent de révolte et de résistance. On ne saura pas vraiment si son action militante est unique ou s’il fait partie d’un réseau plus vaste (quelques dialogues avec sa compagne nous le font supposer) mais on salue cette volonté de faire changer les choses par un moyen très inventif.



Christophe Carpentier nous décrit ici un monde qu’on imagine sans peine advenir pour les plus pessimistes d’entre nous. Ne vivons-nous déjà pas avec ces images en boucle des chaines d’information non-stop et sous l’influence de ces reportages qui, sous couvert de nous faire vivre des vies autres que les nôtres, inhibent notre pensée critique ? Serions-nous à un cheveu du monde de 2069 évoqué par l’auteur ? Souhaitons-nous que non !
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Cela aussi sera réinventé

Le commentaire de Cathy :

Deux siècles depuis que l'accablement climatique a profondément modifié le monde, les Nomades Décontextualisés transforment celui-ci en un lieu où les singularités et les affects n’existent plus.

Réussiront ils à changer les choses grâce à leurs caravanes autosuffisantes en eau et en nourriture ?

Que va finir par découvrir Claire Kraft ?

Ce roman fait partie de ceux vers lequel je ne me dirigerais pas au premier abord, mais cela aurait été une grosse erreur de ma part de ne pas le lire.

L'auteur m'a ouvert les portes d'un roman très bien écrit, qui nous plonge au cœur des problématiques très actuelles de notre monde, un monde où il est temps de changer beaucoup de choses avant de finir droit dans le mur.

Un récit qui ne peut laisser indifférent, les descriptions que ce que pourrait devenir notre monde font froid dans le dos.

Un moment de lecture intéressant, perturbant à certains moments.
Lien : http://lesmilleetunlivreslm...
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Le mur de Planck, tome 1

Publié aux Editions POL, une maison que l'on n'attend pas forcément sur le terrain de la SF, ce roman nous emmène aux confins du cosmos, où des entités subatomiques dotées de conscience ont juré de remettre l'espèce humaine sur le droit chemin... Par la force, s'il le faut. Fortement politique et follement inventif, dans le fond comme dans la forme, le Mur de Planck pose des questions profondes sur notre libre-arbitre et notre capacité à croire. Un roman dense et étonnant qui pourra même convaincre ceux qui pensent ne pas aimer la science-fiction...
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Shelter

J’ai été surprise de découvrir lors des premières lignes que le texte est un dialogue. Il y a de temps en temps, entre parenthèses, des indications sur l’intonation donnée par le personnage mais cela s’arrête là. Pas de passage d’introspection, ni de description de situation. On ne sait que ce que les protagonistes veulent bien dire à voix haute.

A cela s’ajoute un récit divisé en 3 actes. Ce qui se rapproche beaucoup de la structure que l’on peut trouver dans les pièces de théâtre.

Dans le premier on y découvre les personnages et le contexte. L’auteur nous expose la situation et les évènements antérieurs. C’est ainsi que nous faisons la connaissance de Shelly et Terry. 2 personnes qui font connaissances grâce à un site de rencontre. Lassés de leurs précédentes expériences amoureuses, ils cherchent encore la bonne personne.

Le deuxième acte permet la monté dramatique. Ils se lancent dans l’expérimentation de leur nouvelle définition du couple comme entité. On arrive donc dans la partie SF du texte.

Pour finir sur le 3ème acte qui clôture l’apogée de l’histoire.

Le dénouement est tout à fait surprenant.

Les pages se tournent facilement. Curieuse de voir ce qu’il allait se passer je n’ai pas pu le lâcher.

Une belle découverte pour ce SF français.


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Carnum

Voilà sans conteste LE roman le plus original qu’il m’ait été donné de lire depuis bien longtemps, et. c’est encore à l’éditeur Au Diable Vauvert qu’on le doit ! L’histoire ? Jérome Mareuil, magnat du transport routier européen, traverse une mauvaise passe existentielle qui le pousse à tout abandonner, lorsque son chemin crois celui d’Edwige Müller, brillante chirurgienne en traumatologie (démissionnaire) de Mulhouse. Son idée: développer le commerce de la chair humaine sur le principe du donner /receveur libre et consentant. D’abord très réticent, Jérome se laisse convaincre, et nos deux hurluberlus se lancent dans une entreprise lucrative. La viande humaine, surtout les biceps et les muscles fessiers, devient un met de choix et de luxe, au prix au kilo exorbitant, poussant aux marchés parallèles. Jamais gore, toujours amusante et totalement absurde, l’histoire que nous propose Christophe Carpentier s’incrit comme une pièce de théâtre, dont elle emprunte les codes à chaque chapitre. Un récit qui n’est pas sans rappeler l’originalité de Rhinocéros de Ionesco. Au delà de ce cannibalisme bon chic bon genre, l’auteur nous offre une belle satire de cette société de consommation qui ne sait se contenter de ce qu’elle possède et cherche par tous les moyens à posséder toujours d’avantage. Un roman particulièrement savoureux, drôle et bien plus subtile que ne pourrait le laisser croire son résumé.
Je remercie les Editions Au Diable Vauvert pour leur confiance.
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