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Citations de Christophe Claro (273)


Mais la Maison mauresque n'est pas un décor, ou plutôt elle est davantage qu'un décor, autre chose qu'une simple villa-pastiche. C'est un livre, écrit à plusieurs mains, plusieurs cœurs, où il fait bon fermer les yeux, à l'écart des rumeurs - et ici la voix de Sénac en sourdine :
L'homme couché, le jour ne peut rien contre lui
il fuit sous des remparts il invente la terre
sur son lit est un vaisseau qui n'aborde nulle part
une cellule de monastère
un music-hall
et là, celle de Camus :
Mais qui se donne au temps de sa vie, à la maison qu'il défend , à la dignité des vivants, celui-là se donne à la terre et en reçoit la moisson qui ensemence et nourrit à nouveau.
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L’époque t’interpelle ? Profite. Egare-toi, et en crabe avance, pince à pince, pas à pas, acquis à tous les heurts, toutes les vitrines, ton cœur rebelle à quelques baisers des nichons au sillon si étroit qu’y glisser l’imagination c’est déjà jouir sans entraves, alors laisse-toi éblouir par ce déluge de hasards que promet ce café, celui-là, oui !, si banal pourtant en sa bakélite inanité, avec ses pieds de chaises chromés, son zinc sale et ses œufs morts sur un carrousel d’alu, avec aussi son formidable flipper – oui, encore un ! -, ce flipper qui est un cercueil sonore au fronton duquel s’affrontent des divinités que tu donnerais éternellement gagnantes, mais qui vont perdre, oh n’en doute pas, et ce sous l’impulsion de tes deux index, soudain rusés, tel Ulysse dédoublé, vite, gagne Ithaque, empoche le spécial bonus qui claque, et reprends une bière, même tiède, même fade, ta paume toujours à l’exacte température du désir, car la nuit, la nuit qui aime à balbutier, s’entrouvre à peine à tes dépendances.
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Seule dans la rue où les passants hésitaient encore entre se hâter et s'attarder, Lucy posa sa langue sur le bout du mot sexe, puis suçota les contours du mot orgasme, faute de pouvoir savourer le relâchement majeur. Lucy en aurait pleuré, parce que trois mois sans baiser, hein, reconnaissons qu'aucune poésie n'y aurait survécu.
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::: sous terre on le sait les défunts pompéiens durent patienter sous trois mètres de terre pesante, calés voûtés pliés sous des tombereaux de lave, de pierres ponces, blanches puis gris verdâtre, de couches de sable volcanique et de lapilli, de cendre et de sable mêlés de bois calciné, et encore de la cendre, encore des lapilli, puis, enfin, couronnant le tout, la terre, rien que la terre, à fouler mille fois sous d’autres temps par d’autres hommes d’autres mémoires, d’autres mémoires d’hommes nus eux aussi,

::: et il faut attendre 1860 pour qu’une parodie de renaissance soit offerte aux cadavres vésuviens, et qu’un inspecteur des fouilles du nom de Giuseppe Fiorelli injecte du plâtre liquide sous pression dans les cavités ménagées par leurs corps défendus, travaillant ainsi à creux perdu, puisque telle est la formule de rigueur, confectionnant un moule à partir de celui, naturel, créé par l’alliage de roches et de cendres, n’ayant plus alors qu’à détruire le moule ainsi obtenu pour mettre à nu le plâtre originel, et dans ce travail à creux perdu se joue peut-être l’impossible résurrection, l’ultime avatar de la chose humaine tour à tour surprise effrayée asphyxiée ensevelie calcinée décomposée moulée exhumée démoulée et enfin exposée, son être transitoire renonçant à la vanité de sa présence sur terre pour s’épanouir dans la vacuité de son absence sous terre, renaissant alors, à la faveur d’une archéologique prestidigitation, sous forme statuaire, comme si vivant l’enterré l’était en soi-même, sa mort à jamais protégée • car c’est tout de suite, c’est à présent, c’est maintenant à chaque instant que s’accomplit sous nos yeux la tombée en cendres de nos existences • délivrés de nos souffles, [frédéric boyer]
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Quand vous n’existez pas vraiment, vos gestes vous échappent comme des asticots pressés de s’empaler sur l’hameçon de la réalité. Faut les laisser faire, ça soulage.
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Dans la rue, les fenêtres aspirent l’air chaud, l’air chaud meuble l’obscurité, l’obscurité se détache des pierres, tout est cycle et sensuel, on vit enfin le cœur de l’été.
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Lucy aurait voulu voir des expositions, explorer d'autres quartiers, rencontrer la vie ailleurs que dans sa vérité déchue, prendre le ferry, aussi, aller au cinéma, et contempler, sur la toile tendue, les visages impatients des héros, comprendre la psychologie des gorilles au cœur tendre et des extraterrestres humiliés, mais la rue, la rue trouble et lâche avec sa haine inédite et sans cesse réinventée, exigeait d'elle d'autres dévotions. Son homme n'aimait pas qu'elle rentre les poches vides et le regard fier. Et toujours, dans le musée de ses cauchemars, des touristes aux yeux globuleux commentaient son vagin promis à la noyade avant de lui concéder un quarter ou deux - elle était devenue, même en rêve, le guide de sa défunte anatomie. Quand elle rentrait au bercail, du foutre séché sur les joues, elle savait que le macaque du manque l'attendait, tapi dans l'ombre, ses crocs semblables à deux clés qui luisent mais n'ouvrent rien.
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La vérité exige que je précise que c'est moi qui avait convoqué Pranx. Je tenais à me débarrasser de mes livres, que j'avais fini par juger trop bruyants, trop chahuteurs. Tout en s'épaulant quasi religieusement sur les étagères, ils se menaient entre eux, je le sentais bien, une guerre sourde, et les souvenirs que je gardais de certaines de leurs pages émettaient en se frottant les uns contre les autres un son désagréable, papier de verre sur de la plaie fraîche, rire gras étouffé par un goulot de bouteille, bref, mes livres se manifestaient à mon insu, et je voyais venir le moment où ils finiraient par dégager une odeur d’œuf pourri. Aussi décidai-je de m'en débarrasser.
Pranx était une sorte de brocanteur que j'avais croisé à plusieurs reprises dans un café où j'allais, une ou deux fois par semaine, séduit par l'immense bloc amnésique que représentait à mes yeux le comptoir, dont le bois rayé et le zinc usé étaient comme l'abscisse et l'ordonnée d'une courbe imperceptible que ne pourraient jamais troubler les éructations des clients qui s'y greffaient. J'aimais ce contraste et, dans mon silence légèrement teinté de caféine, je me sentais complice du bois, du zinc, à mon tour pur tracé.
Mais je n'étais pas sourd et j'avais fini par comprendre que Pranx achetait et vendait des livres, vidait greniers et bibliothèques, et ce sans état d'âme, à l'inverse de ses collègues qui ne pouvaient s'empêcher de titiller quelque naïf secret clitoridien enfoui au fond du con de ces poussiéreux ouvrages qui, cela allait de soi, remplaçaient l'épouse partie depuis longtemps. Leur approche libidinale des livres m'avait toujours dégoûté, et je savais gré à ce Pranx d'être l'indifférent maquereau de leur destin.
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Elle n’avait qu’une seule gloire, celle de n’être pas devenue une pom-pom pute au cul diplômé, fatalement enculée le 15 du mois par un gentil quarterback dans ce Connecticut auquel elle avait dit adieu – adieu à sa chambre aux draps vomis par Disney, adieu à ses copines manucurées et vite déflorées, adieu au monde gras des barbecues, adieu à son frère, de trois ans son esclave, pulvérisé par un bus, son frère qu’elle avait giflé une heure avant sa mort parce que ce chérubin avait osé lire – lui qui ne lisait pas – une ou deux pages de son journal intime où fleurissaient plus de désirs que de pavots dans la vallée de Badakhchan. Et surtout : adieu aux adieux, à tous les adieux.
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Défoncée, Lucy usait ses dix-neuf ans à même la panse d’un presque inconnu, pour l’amour d’une fumée qui lui coûtait sa bouche et ce qu’elle croyait encore être son cul.
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il va sans dire que, tout ce temps, le sieur Godhison, ne cessait de les invectiver, de les fédérer par des taloches, des oeillades, châtiant l'intuition dés qu'elle prenait la forme et la vélocité d'une idée fixe ou se recroquevillait dans l'isolant du mutisme, sermonnant et croc-en-jambant les rêveurs, écartant du poing ou de l'équation tous ceux qui osaient alterner le courant ou tutoyer la dynamo, mais parfois aussi complimentant, bichonnant, parce qu'il était Godhison, le grand cerveau mille-pattes, la crotte de soufre propulsée sur le grattoir du profit, Godhison, Père et Fils, et maints esprits encore comme jamais on n'en avait subi ni détrôné, le sévère manitou, l'archigolem en personne jailli des fonts pan-électriques pour répandre non pas la lumière ou la terreur, mais l'humiliation sous toutes ses formes.
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Lucy s’effritait lentement au soleil de la rue, à l’ombre des allées, partout où s’égarer était monnayable. Ses rares amis l’avaient lâchée une fois l’argent du père dissous, noirci, injecté. Six mois vécus à force d’illusions dans un presque monde aux lumières irritables, un monde si savamment, si bêtement, si lâchement, effréné que la peau, une fois la rencontre consommée, n’était plus qu’une navrante panoplie d’ecchymoses. Six mois d’escales et d’écroulements, sous les porches, sur des matelas, dans des bars où chaque verre de bourbon cliquetait tel un reliquat de squelette mal fondu. Six mois à explorer les arcanes de la crasse et l’absence de joie, poches trouées, jupe déchirée, cheveux gras, tête lourde, pensées lourdes, cœur lourd, les yeux pareils à deux perles privées de nacre, seule ô si seule.
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Après la prière

Quant à mon père, que lisait-il ? Je ne le demande pas et Michel ne me le dit pas. Je ne saurai jamais quels livres parmi les quarante mille volumes entreposés dans ce palais niché en pleine Casbah lui permettaient d'étancher sa soif et de fonder sa rage. (p. 110)
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L'étude de l'éthylisme en milieu animal en est encore à ses bas balbutiements. Pose ton rocher, camarade bousier, et viens trinquer ! Bois donc un coup, industrieuse abeille, et fais de ta ruche un night-club bourdonnant !
C'est en 1945, à l'institut Zodnas, dans la banlieue de Bâle, que le médecin Ernst I. Stallberg - levons notre verre à sa santé, encore et encore - releva pour la première fois des symptômes de dépendance à l'alcool c'est bon pour la santé chez un représentant de l'espèce animale, plus précisément chez une araignée je vais te faire goûter un truc incroyable qui avait coutume de tisser sa toile au-dessus de sa paillasse et que l'éminent scientifique pas plus haut que le bord merci se refusait à détruire, tant ladite toile, pas dégueu ce petit blanc, captant chaque matin les timides rayons du soleil égayait ses laborieuses recherches on va peut-être en recommander une par ses complexes chatoiements tu m'en diras des nouvelles. Ivre, moustique, tu es ivre ! et tu piques l'éléphant et l'éléphant vire rose, ah comme la nature est bien faite ! L'araignée, ainsi que s'en rendit vite compte Stallberg, faisait régulièrement merci pas de glaçon un détour par les cuisines de l'institut avant de venir ravauder sa création de la veille et , apparemment, prélevait à chaque fois tu prends quoi ? quelques infimes millilitres d'alcool, sûrement disponibles sous forme de gouttelettes négligées par la femme de ménage non ça c'est mon verre qui s'enfilait un petit canon à l'aube avant d'attaquer sa matinée de travail fait gaffe t'as failli renverser la bouteille non mais fais gaffe.
Stallberg procéda alors à des analyses poussées sur l'araignée et lui découvrit un taux d'alcoolémie moi je peux en boire une dizaine sans que ça me fasse grand chose qui en faisait une fière rivale des mineurs lorrains t'as dit que tu payais ton coup.
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"Une nacelle suspendue dans le ciel "

Toutes les maisons ont leur drame. Que j'aime, il en est deux. Il y a la maison arabe. Elle cache sous d'ironiques couleurs l'importance d'une évasion vers l'idéal et l'infini. Il y a aussi la maison grise qui masque le drame capital de la médiocrité . [Camus ]

Toute sa vie, Camus rechercha la maison idéale, celle qui conjuguerait à la fois la modestie et l'éblouissement, le dénuement mesuré et la concorde créatrice. (p.34)
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Christophe Claro
Pour un traducteur, les meilleurs dictionnaires sont les livres. Si le sens n’est pas un papillon, alors c’est un moustique, et rien de tel qu’une piqûre de rappel pour s’enfiévrer de ses possibles. Quand on traduit, on est traversé, bombardé par des particules sonores, mais également visité par des bactéries signifiantes, et l’on peine parfois à les cultiver, à les laisser se propager. Rien de tel, donc, qu’une immersion dans d’autres marécages pour refaire le plein de turbulences.

Traduire c’est vider des greniers - Blog de Claro sur la traduction de Jérusalem de Alan Moore
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Écrire sur la musique c'est taper des monosyllabes : rock jazz hip-hop rap soul funk dance house grunge blues raï, et bien sûr il y a le reggae, la salsa, le gospel, le flamenco et le raggamuffin, mais si tu décomposes ça sera toujours une syllabe plus une syllabe, parce qu'écrire sur la musique c'est comme taper sur les touches d'un clavier, c'est une touche à la fois, même si tu tapes vite, tu peux aussi faire des combinaisons de touches, on appelle ça des raccourcis clavier, mais personne n'est dupe, surtout pas ton ordinateur qui plante deux fois sur trois, alors sois sage sois fou mais si tu écris sur la musique ne te prends pas trop pour Glenn Gould quand tu t'assois à ton bureau, parce que Glenn Gould n'écrivait pas sur la musique, lui, il laissait écrire la musique sur Glenn Gould et ça s'entend, tu peux l'entendre ahaner et pester, mais il aimait ça, chacun son clavier.
Si tu veux vraiment écrire sur la musique, tu sais ce qu'il te reste à faire, tu te lèves et tu montes sur l'estrade, tes mains sont dans ton dos et tu te tiens bien droit, puis tu articules en regardant un point situé quelque part entre Alpha du Centaure et Bételgeuse, tu prends ta respiration et surtout celle des autres et tu te lances, tu dis tout, tout et très vite, et dis Dallapiccola Dandrieu Danzi Daquin Davis Delibes Diabelli Dittersdorf Donizetti Dukas Dusapin Dvorak Dutilleux Dylan Dylan Dylan - c'est comme la gamme c'est comme le morse, et tu le sais oui tu le sait la révolution ne sera pas télévisée, the revolution will not be televised mais la dictée, elle, en revanche, sera musicale, si tu veux vraiment écrire sur la musique.
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Vipères et scorpions (Et mort du Corbu [Le Corbusier ] )

A chacun sa date de mort secrète, à chacun son escamotage. Nous détenons tous, dissimulé dans un compartiment du corps, un acte de décès intime que ne signale aucun agenda et que nous chérissons la nuit, quand nous nous demandons si nous avons changé-un peu ou pas, beaucoup ou trop-depuis que nous sommes morts à l'insu de nos proches. (p. 144)
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Il y a aussi Louis Miquel, un élève de mon grand-père, qui ira travailler dans l'atelier de Le Corbusier après avoir rencontré ce dernier à Alger. Tous se connaissent et échangent, s'aident et s'informent, et nul ne peut dire que cette activité de ruche est plus intense ou moins soutenue qu'une autre, même si le vague sentiment d'être "déplacé" doit jouer un rôle dans la nécessité de multiplier les concordes. (p. 47)
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Le calva moussait un peu, ce qui arracha un rire à Wen. Pisse normande ne vaut pas qu’on se pende ! décréta-t-il, fier de sa rime.
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