La mélodie du bonheur au Châtelet, critique de Christophe Mirambeau.
« La Galicie est dans la solitude du bout du monde, et cependant elle n’est pas isolée ; elle est proscrite, mais non coupée du reste de l’univers ; il y a en elle plus de culture que ne le laissent supposer ses égouts défectueux ; beaucoup de désordre, et encore plus d’étrangeté. Beaucoup l’ont connue du temps de la guerre, mais la Galicie cachait alors son vrai visage. Ce n’était pas un pays, mais une étape ou le front. Or elle a sa gaieté propre, ses chants et ses gens bien à elle, et son éclat particulier, la splendeur triste des outragés2 », écrit Joseph Roth, alors jeune journaliste en 1921, trois ans après que la Galicie est intégrée à la Pologne recomposée.
C’est en cette terre, qui fut pour beaucoup une terre de souffrances, que se trouvent les racines familiales de Barbra Streisand. Partie intégrante de l’Empire austro-hongrois de 1772 à 1918, ce petit morceau d’Europe centrale était une société multiculturelle.
Devenir actrice. C’est la seule vérité qui compte aux yeux de l’enfant.
Tout son univers tourne autour de ce désir. Presque une idée fixe. Barbra s’est peu à peu constitué un monde parallèle qui lui permet d’échapper à la brutalité de l’univers familial qui l’entoure. Barbara a un espace qui lui est presque personnel : l’entrée de l’appartement, dans laquelle elle dort – et qui comporte un sofa, mobilier que l’enfant considère comme un signe extérieur de richesse – lui est presque une chambre. Une chambre dans laquelle il y a ce fascinant objet qui lui plaisait tant chez les Berakov. Une télévision, achetée par Louis Kind. Car peu à peu l’objet se démocratise, et le prix d’achat devient accessible même aux foyers modestes. Le petit écran concurrence la radio.
Brooklyn est à New York ce que Lutèce est à Paris. Le village de Breuckelen (1646) précéda de sept ans la cité de New Amsterdam (1653). En 1683, vingt ans après le départ des Hollandais de New Amsterdam et le changement de nom de la ville, la province de New York fut réorganisée en douze comtés. Chaque comté fut subdivisé en villes. Brooklyn fut l’une des six villes qui composaient le comté de Kings, avec Bushwick, Flatbush, Flatlands, Gravesend et New Utrecht. En 1816, le Village of Brooklyn devint Town of Brooklyn, et City of Brooklyn en 1834. Au passage, Brooklyn avait annexé les cinq petites villes du comté.
Le cinéma constitue l’exacte réalité dans laquelle Barbara voudrait vivre. Bien loin de son vrai monde réel, si difficile, si dénué de fantaisie et de charme. Alors, quand Barbara s’émeut d’un film, sitôt la séance terminée, elle se précipite dans les toilettes pour se cacher. Et là, elle attend que la salle se vide. Elle sait très bien que personne ne viendra la déranger. Elle peut attendre la séance suivante et s’extasier devant ses idoles une seconde fois avec le même billet.
On pourrait croire qu’elle se consacre de toutes ses forces aux études afin de compenser la solitude qui est la sienne au sein de sa classe. Mais, à la vérité, la réussite scolaire est le seul élément de sa vie qui lui permet enfin de se sentir un peu exceptionnelle, différente, certes, mais tout aussi digne et légitime d’être ce qu’elle est que ses camarades de classe le sont.
Bien que bonne élève à l’école, Diana est tout sauf une intellectuelle. Elle représente le prototype de la nice jewish girl – la gentille petite fille juive – élevée en prévision de sa future condition de femme mariée, fournisseur agréé de ravissants marmots.