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Critiques de Christophe Perruchas (94)
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Revenir fils

Rentrée littéraire 2021 # 1



Doit-on s'obstiner dans le style voire le sujet du premier, faut-il faire toute autre chose ? C'est avec brio et caractère que Christophe Perruchas fait valdinguer la question pour survoler l'obstacle du deuxième roman. Son premier, Sept Gingembres, sorti l'année dernière, était profondément dérangeant, très clivant aussi en plongeant le lecteur dans le flux de pensées et de mouvement d'un prédateur sexuel sévissant dans le milieu de la publicité. Revenir fils est tout aussi étonnant et saisissant, mais cette fois l'auteur est parvenu à faire vibrer une corde émotionnelle qui bouleverse en confrontant un fils à la folie de sa mère, duo qui bascule à la mort prématurée du père dans un accident de voiture.



Le récit est construit en un diptyque séparé d'une longue ellipse de 20 ans. La section « 1987 » est celle de l'avant drame et de ses immédiates conséquences. le fils a une quinzaine d'années, l'âge des premières aventures sentimentalo-sexuelles que l'auteur narre avec beaucoup de fraicheur et de tendresse. Et puis le père meurt et le choc du décès fait sombrer la mère qui efface de sa mémoire son fils, « orpheliné de son vivant ». Il sera élevé par son oncle et sa tante. Dans la section 2007, on retrouve le fils à l'heure de la paternité et de la vie de famille, une force le pousse à revenir fils, à affronter son passé et son futur : revoir sa mère qui vit toujours dans la même maison, enfermée dans la même folie.



Le travail d'écriture de Christophe Perruchas est remarquable, maniant, joueur, les mots avec plasticité, et alternant deux voix très différentes ( la mère ou le fils ). La voix de la mère est saisissante d'étrangeté, ne s'exprimant que par le « on », jamais avec le «je », ce qui donne à sa narration un caractère flottant, créant une distance tout en embarquant le lecteur dans sa tête confuse. La mère est atteinte de syllogomanie, du syndrome de Diogène consiste à accumuler de façon pathologique les objets les plus hétéroclites jusqu'à un envahissement de la maison.



« La maison des parents, c'est un corps qui expulse, ça se referme et ça se modifie pour qu'on ne puisse plus y revenir. Les parents, ça efface les traces des enfants, ça neige dessus. Un jour, on revient et exit, disparue la chambre de nous, môme ».





C'est bouleversant de suivre le fils s'infiltrer dans la maison de son enfance pour retrouver une place, une autre place puisque sa mère ne le reconnait plus. Il doit dompter cette colère acide, tapie depuis 20 ans, c'est l'heure de se dépouiller de son costume de plumes de canard sur lequel tout glisse en apparence pour affronter sa mère. Et c'est formidable de le voir explorer cette maison qui a muté, entité créée par la mère. Des descriptions des objets entassés, des boîtes de Nesquik à des piles de journaux, surgissent des visions étranges, comme des concrétions fantastiques. Une boite périmée de végétaline retrouvée au fond d'un placard peut générer aussi bien nostalgie qu'inquiétude. Le fils devient l'archéologue de son enfance dans cette maison tentaculaire et angoissante qui a effacé toute trace de lui et sanctuarisé la présence morbide d'un grand frère décédé précocement, bien avant sa naissance. Le non-fils doit reconquérir sa place en tentant de supplanter le plus-fils auprès d'une mère qui n'en est plus une mais le sera toujours malgré le traumatisme ultime de l'abandon.



Un roman puissant, original sur des thématiques fortes comme la filiation, la maternité et la paternité, la mémoire. Sombre mais ouvert sur une réinvention de sa vie et souvent très drôle tant l'absurdité des situations laisse échapper des saillies cocasses, crues aussi, en tout cas bienvenues pour aérer la tristesse et la douleur qui peuvent planer au-dessus du récit, entre rires et larmes.

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Revenir fils

C’est avec deux voix et sur deux temps que Christophe Perruchas, dans son deuxième roman, raconte l’amour maladroit d’un fils pour sa mère atteinte du syndrome de Diogène. D’abord 1987, quand le fils est adolescent, puis vingt ans plus tard en 2007, alors qu’il est adulte et jeune père.

C’est donc en 1987, à quatorze ans, alors qu’il est en cours au collège, qu’il apprend le décès de son père dans un accident de voiture avec sa 504. Sa mère va alors montrer quelques troubles mentaux, se mettant à accumuler des objets de façon obsessionnelle. Le fils dont le prénom n’est jamais mentionné, préfère vivre dans la caravane désormais plus utilisée, au fond du jardin. Et les troubles vont s’aggraver, La mère se repliant de plus en plus sur elle-même jusqu’à faire revivre un premier enfant décédé de la mort subite du nourrisson : l’enfant Jean. Elle est hospitalisée. Le fils se voit contraint d’abandonner ses amis et d’aller vivre chez Robert, le petit frère de la mère et Jacqueline son épouse. « Pour l’instant, je sais juste que ma mère m’a orpheliné de son vivant, le reste n’a pas beaucoup d’importance ».

On le retrouve en 2007, un peu désabusé, à bord d’un Picasso, avec sa femme Sandrine et leurs jumeaux Sacha et Louise, se rendant en vacances chez ses beaux-parents, deux semaines pour sa femme et les enfants et une semaine pour lui. C’est alors qu’il décide lors de cette semaine, où il doit théoriquement reprendre son travail de responsable dans une agence de location de voitures, de quitter sa vie familiale et professionnelle pour revenir vers elle, vers cette mère frappée d’amnésie, l’épiant d’abord les soirs, puis revenant vivre dans la maison familiale, circulant dans les pièces entre des murailles d’objets hétéroclites et de magazines divers, où la saleté et la crasse se sont incrustées. Il a fallu pour cela beaucoup de patience pour qu’elle s’habitue à sa présence : « Il ne s’agit pas d’apprivoiser un fauve, c’est bien plus difficile. Y revenir. »

Christophe Perruchas exprime les pensées de la mère et du fils sous la forme de deux monologues, aux formes bien différentes.

La mère parle d’elle-même avec des « on », laissant apparaître cette folie qui la gagne progressivement avec toutes les pensées, les errances, les obsessions ou les craintes qui se bousculent dans sa tête.

Quant au fils, c’est à la première personne qu’il s’exprime, dévoilant d’abord ses sentiments de jeune ado, ses premières amours, ses copains, ses rendez-vous avec l’assistante sociale, son départ chez son oncle…et ensuite ses questionnements sur sa vie en général.

revenir fils est un roman puissant, l’écriture est magnifique, originale et sublime et je m’en suis délectée.

J’ai été ravie de cette plongée dans les années 80, retrouvant avec plaisir et parfois nostalgie certains de ses aspects.

L’usure des corps tout comme celle des quartiers pavillonnaires est particulièrement bien décrite et nous interroge sur le passage du temps. Le ton est juste, souvent cru mais ô combien réaliste et plein de sensibilité. À noter qu’un humour corrosif émaille le roman de bout en bout et que celui-ci permet au lecteur de ne pas être submergé par cette tragédie qu’est la folie de cette femme frappée par deux grands malheurs et ses répercussions sur la vie de son enfant.

On rit et on pleure...

Les descriptions de sites, que ce soit de la cité balnéaire ou des quartiers pavillonnaires, comme de la vie de leurs habitants sont brossées avec justesse et sans hypocrisie.

Quand le fils revient à Nantes, il ne peut s’empêcher d’ironiser sur l’invasion des ronds-points : « Nantes, capitale mondiale du rond-point, même pas sûr que ça n’attire pas des touristes curieux, on pourrait envisager un jumelage avec Konya et ses derviches. »

J’ai été touchée, émue, par l’amour filial, parfois maladroit, de ce fils revenu rencontrer sa mère qui l’ignore et par tous les efforts qu’il développe pour tenter de se rapprocher au plus près d’elle malgré tout le traumatisme vécu. Quels beaux moments pleins de délicatesse nous sont offerts en dernière partie de roman, notamment celui où le fils décide de donner un bain à sa mère ! Je citerai cette phrase qui m’a particulièrement touchée : « Les petites filles s’entraînent à devenir mère avec des poupons joufflus, pourquoi ne pas apprendre à être des fils et des filles avec des baigneurs ridés, aux cheveux rares et blancs, des poupées qui feraient pipi, qu’on devrait changer ? On pourrait même les faire parler et radoter, la fin de vie mérite bien autant d’attentions que son commencement. »

Dans revenir fils, Christophe Perruchas a su raconter avec talent et virtuosité ce qu’on pourrait nommer l’indicible ! Dur et tendre à la fois... Je remercie bien sincèrement Lecteurs.com pour cette belle découverte.


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Revenir fils

Avec revenir fils de Christophe Perruchas, les éditions du Rouergue (la brune) ont publié un roman hors normes.

Dans ce livre, deux périodes bien distinctes se partagent la vie d’une famille, avec vingt ans d’écart : 1987 et 2007. Dès le début, je sens que rien n’est tout à fait normal. Ici, on garde tout. La mère conserve les boîtes de Nesquik vides, les étiquette après les avoir habillées et c’est bien utile pour conserver épices, condiments, farine, sucre, maïzena, spaghetti…

Le père est souvent sur la route avec sa 504 qui tracte une caravane pour les vacances. C’est bien pratique. Précision : ce père est désigné par l’Homme. D’ailleurs, il disparaît vite, tué dans un accident de la route. Le fils, principal narrateur, en classe de 4e, est fasciné par les gros seins d’Isabelle, « ses montagnes », et doit voir Mme Naigre, l’assistante sociale du collège tous les jeudis.

Avec l’argent de l’assurance-vie, la mère a pu acheter une 304 mais elle est hantée de plus en plus par celui qu’elle nomme « l’enfant Jean », ce grand frère d’avant, disparu tout petit.

Quand la mère s’exprime, elle utilise « on » ou « nous », parle de l’atelier poterie et de sa manie pour récupérer tout ce qu’elle peut. Elle entasse cela à la maison. De son côté, le fils craque pour Sofia et « ses collines ». Elle lui fait découvrir les plaisirs du sexe. Il trouve cela délicieux et charmant.

Brusquement, la mère ayant perdu la tête, la décision est prise de confier le fils à l’oncle Robert et à Jacqueline, son épouse. Il quitte alors Nantes pour aller vivre à Rennes, ce qui le coupe de ses amis Marc et Abdel mais surtout de Sofia et d’Isabelle. Quand la mère revient chez elle, après son hospitalisation, elle a complètement effacé son fils de sa mémoire pour ne parler que de l’enfant Jean et de l’Homme.

2007 me met soudain en présence d’un homme marié à Sandrine, père de jumeaux, Sacha et Louise. Ils sont en vacances à Batz-sur-Mer. C’est la partie la plus intéressante et la plus émouvante qui commence.

La mère vit toujours dans sa maison encombrée au maximum et je suis pas à pas l’approche de cet homme qui tente de revenir fils auprès de cette mère vivant dans la crasse et cette multitude d’objets collectionnés, accumulés au fil des années. Moments tendres ou tendus, ce retour du fils me fait passer par tous les états car rien n’est simple pour cet homme qui laisse tout - femme, enfants, travail - pour tenter de renouer le contact et adoucir la fin de vie de celle qui lui a donnée le jour et l’a élevé.

Christophe Perruchas écrit de façon percutante, donne quantité de détails impressionnants. Il m’a fait vivre avec effroi cette approche d’un fils vers une mère bien malade. C’est à la fois émouvant et repoussant mais cela donne un roman bien rythmé que j’ai aimé lire parce qu’il ne masque rien, aborde et décrit les faits crûment, avec toujours beaucoup de réalisme et sans négliger la tendresse.

revenir fils mérite d’être lu pour la qualité de son écriture et pour ce qu’il apporte sur notre condition humaine bien fragile, un passage d’une génération à l’autre terrible et plein d’espoir malgré tout.


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Sept gingembres

C'est l'histoire d'une chute annoncée. Celle d'Antoine, quadragénaire triomphant, cadre dirigeant. Un salopard, on s'en rend compte très vite, prédateur perpétuellement en marche qui conçoit son agence de pub parisienne comme le théâtre de sa domination toxique sur les femmes. Sauf que le roman se situe dans la France post MeToo, pas dans les années 1980-90 où un tel comportement de cynique infatué et jouisseur pouvait s'exercer en toute impunité. Antoine est un personnage fini d'un monde fini et qui ne se pose pas de questions. Sa chute n'en sera que plus implacable et irréversible.



Cette lecture est perturbante car Christophe Perruchas ne met aucune barrière entre Antoine et le lecteur qui a l'impression d'être une caméra embarquée dans le flux mental, le flow de paroles et le flot d'action animant ce détestable personnage. La focalisation est brute et sans filtre, dans l'immédiateté du mouvement. Cette façon de procédé en surplomb, sans chercher à moraliser ou porter un jugement ou même expliquer pourquoi Antoine est ainsi, est profondément dérangeante.



Très contemporain aussi. Je lui ai trouvé des accents à la Bret Easton Ellis voire Chuck Palaniuk avec son deuxième degré très cinglant qui tourne en ridicule et dénonce l'ultralibéralisme des moeurs que nous connaissons aujourd'hui. Cette réification des êtres humains est brillamment décrite, abattant la différence entre un objet et les femmes qu'Antoine maltraite sexuellement tel un prédateur qui inscrit son emprise sur les corps dès qu'il en a repéré un à posséder. Antoine est un symptôme autant qu'une victime du système qui l'a porté aux nues et permis d'allègrement déraper.



Mais Sept gingembres n'est pas qu'un roman sismographe d'une époque. Il possède une vraie dimension littéraire. Par son écriture, très travaillée, souvent syncopée, ludique en jouant sur différents registres ( fil instagram, texto, conversation téléphonique ). Par sa très intelligente construction aussi qui apporte un recul nécessaire à la plongée dans la psyché d'Antoine. Le récit est structuré par sept jalons symboliques, les sept gingembres du titre. Comme le gingembre permet d'éviter de mélanger les saveurs entre deux plats japonais, ici il sert à compartimenter les différentes facettes d'Antoine ( le professionnel successfull, le prédateur sexuel, le mari aimant, le bon père etc ). Jusqu'à ce que la segmentation de sa vie s'effrite progressivement et finisse par exploser.



Un premier roman remarquablement percutant et dérangeant. A noter, la superbe couverture, réalisation de l'auteur lui-même.



Lu dans le cadre du collectif « 68 premières fois »
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Revenir fils

Celui - là, chers amis et amies , il ne faut pas le rater . Moi , je m'y suis repris en trois fois pour vraiment m'immerger dans ce texte puissant . Alors , me direz - vous , trois fois pour démarrer , ce n'est pas bon signe ça. Oui , mais si vous faites les réponses avant moi , on va pas s'en sortir , hein ? Bon , je précise , nous sommes en vacances et pendant les vacances , Il est là, le petit " prince " ? Alors jongler entre " Mini - Loup , la Pat Patrouille ( ben oui ...) ce n'est tout de même 0)pas évident ....Donc , on recommence . On recommence car ce récit , il nous happe dés le début , on sent " la qualité " et on n'a pas envie de " gâcher " . Du reste , si j'avoue l'avoir recommencé trois fois , le calme revenu , la " Pat Patrouille " ayant regagné sa base , je l'ai dévoré en moins de deux jours. Si vous voulez de l'émotion, celle qui vous vrille le corps et le coeur , aucun doute , vous êtes au bon endroit . C'est magistral .

Un roman qui compte très peu de personnages autour desquels l'intrigue va dérouler ses tentacules .

Le narrateur , c'est un jeune ado , comment dire , un peu comme tous les ados , quoi . Attachiant ...Les copains et copines , les premières bières, les premières expériences, l'ouverture à l'amour et à la découverte des " plaisirs charnels ", la vie dans une caravane , sorte de havre de paix dans un monde personnel tourmenté : la perte d'un frère, la perte d'un père, une mère poussée vers la folie ..... Un oncle , une tante ...qui en font "l'enfant qu'il n'ont jamais eu "

Et vingt ans plus tard , " revenir fils " ....Une partie à " couper le souffle " , une partie dans laquelle , sans doute , nombre d'entre vous se reconnaîtront. Dur . Sans concession . Terrible quand on s'appesantit ... mais trop en dire serait vraiment dommage donc je vais " passer là - dessus " non sans vous avoir dit que cette partie du roman a été, pour moi , un moment de lecture si personnel et si douloureusement humain que je garde jalousement mes petites réflexions...Je vous connais , vous êtes si curieux que vous allez vouloir savoir et moi , je serai satisfait de vous avoir guidés sur un chemin ...qui ne sent pas la noisette .

Ce n'est pas Oliver Twist ou David Copperfield , non , c'est une " histoire " contemporaine qui pourrait bien....

Le style , l'écriture...C'est du " bon , très bon , même " . De toute façon, pour faire passer les émotions à ce niveau là, il faut " savoir faire " , comme on dit . Chapitres longs , chapitres courts , voire très courts , phrases du " même tonneau " , capacité à décrire l'indicible en faisant appel à nos souvenirs visuels , olfactifs , auditifs ....Décrire la saleté ( vous comprendrez ) mieux qu'un peintre avec son pinceau, rien qu'avec des mots ....Cet auteur m'a vraiment séduit. Le fils et On . Mais qui est On ? Non parce que quand on dit " On " pour désigner un personnage....J' en dis trop , même si on aimerait bien savoir ...

Moi , je sais .Et, si j'en crois la teneur des critiques , de nombreux lecteurs et lectrices aussi ...Quoi que ...Jean Gabin a bien dit "qu'on ne savait jamais...." Oh , et puis , " ON s'en fout " , les librairies ferment dans deux heures , vous avez encore le temps....Aprés , vous me connaissez , ce n'est que mon avis .A bientôt.
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Revenir fils

Orphelin de père, le narrateur, âgé de quatorze ans, grandit tant bien que mal auprès d'une mère de plus en plus inaccessible. Réfugiée dans un monde où revit son premier né, que la mort subite du nourrisson a emporté, elle présente des signes croissants du syndrome de Diogène et accumule maladivement les objets. Deux décennies plus tard, devenu père à son tour après avoir été finalement élevé par son oncle et sa tante, le fils tente désespérément d'établir le contact avec sa mère, désormais terrée dans une maison débordante d'immondices.





Le roman commence par la genèse du drame, lorsqu'au décès du père dans un accident de voiture, se met en place un nouveau trio, constitué de la mère, du fils adolescent et, cette fois, du fantôme de plus en plus envahissant d'un bébé mort bien avant. La narration se partage entre le « je » du garçon, progressivement évincé par ce frère qui n'est plus, et le curieux « on » de la mère, qui, dans sa confusion croissante, s'est mise à dériver à distance du monde réel, abordant les rivages d'une folie sur le point de l'engloutir. Plus l'adolescent, à l'âge des premières expériences sexuelles et sentimentales, se lance à la découverte de la vie, plus la mère se replie dans un cocon peuplé de fantasmes, matérialisé par les objets qu'elle accumule en barricades protectrices et rassurantes.





Vingt ans plus tard, c'est au plus épais de la tragédie que le récit nous projette directement. « Orpheliné de son vivant », le fils rayé de l'univers maternel, mais décidé à forcer les barrages que sa mère a construits entre elle et lui, tente de retrouver une existence pour cette femme. A ses côtés, l'on découvre avec effroi l'état de décrépitude dans lequel elle est désormais plongée. Le narrateur se retrouve spéléologue lorsqu'il pénètre la maison de son enfance, devenue le sarcophage d'un esprit malade. Il n'y déterrera guère que les bribes vivaces de ses propres souvenirs, enfouis sous les montagnes de déchets puants qui ont colonisé tout l'espace.





Bouleversant quant à sa thématique, le roman ne se lit paradoxalement pas le coeur lourd. Car, si le récit a le tranchant d'un réalisme parfois cru, il l'amortit le plus souvent avec une pudeur pleine de tendresse et d'humour. Et c'est avec la même affection pour l'un comme pour l'autre que le lecteur entre dans la tête des deux personnages principaux, emportés dans leur vie et leur souffrance sans jamais s'appesantir sur eux-mêmes. Face à l'impossibilité du deuil, tout s'efface pour cette mère, rendue à un tel état de confusion que seul y surnage un prénom, celui de l'enfant mort. Elle-même n'a plus de consistance que celle de ce « on » par lequel elle se désigne, aux côtés d'autres concepts génériques comme « l'Homme » pour le mari mort et « le fils » pour le garçon vivant, tous trois ayant perdu pour elle leur réalité concrète. Abandonné pour un fantôme, le fils vivant tente d'exister. Dans sa colère, perdra-t-il lui aussi l'équilibre ?





Avec ses scènes marquantes, sa construction autour du ressenti de deux personnages, et son écriture modelée sur leurs modes d'expression et de pensée, ce roman désenchanté à l'ironie mordante possède une vraie originalité, en même temps qu'une parfaite justesse. C'est dans un grand frisson que l'on s'empresse de regagner la surface, après cette plongée dans les eaux troubles de la maladie mentale. Coup de coeur.


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Revenir fils

Je referme ce livre bien pensive, en me disant qu’on n’imagine pas les situations des familles, parfois.



Ce roman raconte l’histoire poignante d’un adolescent pratiquement abandonné à lui-même à un âge où l’on a tant besoin de l’épaule de l’adulte, de la communication et du dialogue, même si on ne le montre pas. L’histoire d’un adolescent contraint au deuil, deuil du père qui le laisse seul, deuil d'une mère qui elle-même, n’a pu faire le celui d’un enfants mort en bas âge et qui a fait de la chambre du bébé, un sanctuaire, une mère qui à sa façon a fui la réalité en se réfugiant au milieu des objets qu’elle récolte et conserve. Un adolescent contraint à tourner le dos à sa vie d'adolescent, à quitter ses amis, son activité de théâtre qui lui permettait de s'exprimer, sa petite amie, son collège...



Puis on retrouvera le fils devenu adulte et père de famille, un fils qui des années après, ressent le besoin de faire ces deuils, et qui cherchera à se libérer de ce passé qui l’emprisonne.



Ecrit dans un style qui colle parfaitement aux personnages, le fils d’abord ado, s’exprime comme le ferait un jeune homme de 15 ans, ce qui n’est pas sans rappeler l’attrape-cœur et ses réflexions pouvant faire sourire, puis devenu homme, se livre en adulte.



La mère, sortie d’elle-même, emploie pour parler d’elle, le « on » impersonnel, ne nomme pratiquement personne et emploie comme dénominatif, l’homme pour parler de son mari, le fils, pour parler de son enfant vivant.



Un beau roman magnifiquement écrit et traduisant parfaitement le ressenti du personnage principal, son errance et son cheminement.



Je remercie Babélio et les éditions du Rouergue pour ce partenariat
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Revenir fils

Il a quinze ans. Les copains, les filles, le collège rythment sa vie, et si des silences tiennent lieu d’échanges à la maison, l’ordre des choses est respecté. C’est lorsque le destin, la malchance ou un malaise plus profond enroule la 304 familiale autour d’un platane, que tout bascule.



Son discours alterne avec celui de sa mère, alors que les premiers symptômes apparaissent, un refus de jeter ce qui pourrait encore servir, des piles de journaux, des objets récupérés. Le syndrome de Diogène n’est que la partie émergée de l’iceberg, jusqu’au jour où celle qu’on n’appelle plus maman, s’échappe sur l’autre rive, et le voilà « orpheliné » de son vivant !





Vingt ans ont passé et nous le retrouvons père de famille, chargé d’âmes, uni à Sandrine dans une relation complexe. Les vacances aux confins de la Bretagne conduisent presque involontairement ses pas vers la maison de son enfance…



Un roman magnifique, une histoire de piété filiale, l’amour maladroit d’un garçon pour une mère qui l’ignore, les pensées figées sur un petit lit blanc et vide.



L’écriture est sublime, virtuose. Les petites phrases qui éclairent un objet, un décor d’une lumière telle qu’elle révèle une évidence que les mots ont créés, sont réjouissants. Même un téléphone mobile peut s’animer d’une vitalité insoupçonnable !



J’adore aussi les témoins d’un époque pas si lointaine, mais tout de même révolue, le SUMA, l’Antésite ….



Un coup de coeur pour ce deuxième roman.


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Revenir fils

Le fils a quatorze ans et se trouve au collège quand il apprend la mort de son père. Il nous raconte cet évènement et les autres, ses sentiments. Il voit sa mère changer et pense qu'elle a un grain. Il constate l'accumulation d'objets en tous genres, ferme la porte de sa chambre à clé, vit ses premiers émois sentimentaux et sexuels, finit par déménager dans la caravane garée dans le jardin pour pouvoir vivre à peu près normalement et recevoir ses copains et petite amie. Jusqu'au jour où l'assistante sociale du collège lui annonce que cette vie là n'est plus possible. Il devra se construire loin de sa mère.



Sa mère nous raconte aussi mais d'une drôle de façon, elle a perdu le je et parle avec le on. Elle est bien seule cette femme et comble le vide laissé par l'homme et l'enfant Jean comme elle peut, avec des objets, des emballages, des journaux. Elle s'active toute la journée pour ne pas penser, surtout que l'enfant Jean est revenu sur le dessus de sa mémoire, son aîné mort bébé, il y a bien longtemps. Elle fait des piles, les déplace, range, marche beaucoup et part ramasser en ville ce qui peut encore servir, Jusqu'au jour du drame, elle revit l'accouchement de l'enfant Jean dans une église, elle expulse des tas de vêtements d'enfants et se retrouve amnésique et internée.



Vingt ans passent et nous retrouvons le fils (dont j'ai cherché le prénom tout le long du livre), marié mais plus encore pour longtemps, deux enfants, en vacances chez ses beaux-parents. Plus à sa place ou pas encore à sa place, les pensées intrusives fusent. Il décide de revenir dans sa vie et part retrouver les lieux de son enfance et apprivoiser sa mère.



Un roman sur le syndrome de Diogène et la filiation, puissant, envoûtant, sublime dans le chaos et la souffrance, mais aussi l'amour. le ton est parfois cru, parfois cocasse, mais toujours juste, aussi bien pour le fils que la mère.



Un livre à lire d'une traite, ce que j'aurais aimé faire, si la vie courante ne m'avait pas rappelée à l'ordre.



Ces deux-là resteront longtemps dans ma mémoire, comme un hommage à toutes ces familles que j'ai connues, impuissantes, priant pour la fin de ce cauchemar à vie.



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Sept gingembres

Antoine, la quarantaine, une famille unie et heureuse si l’on en croit les instantanés idylliques qui ponctuent les événements de leur vie quotidienne sur les réseaux sociaux, approuvés par autant de likes dont la signification pourrait être l’objet d’un débat.



Pourtant quand on fait sa connaissance, il est pensionnaire à l’hôpital psychiatrique ! Comment en est-il arrivé là ? C’est toute la question.



En fait, derrière la vitrine au décor soigné se cache une tout autre réalité. Antoine aime les femmes, sa femme, sans doute, mais aussi beaucoup d’autres. Y compris sur son lieu de travail, dans une boîte de pub. Les regards qui jaugent, les sous-entendus, les blagues sexistes, mais aussi les messages coquins, Antoine fait feu de tout bois pour bien asseoir son statut de mâle dominant. Jusqu’à ce que le vent tourne et qu’une de ses cibles porte plainte, encourageant ainsi d’autres collègues à révéler les sévices subis, qu’ils soient moraux ou physiques. Un comble pour ce cadre responsable d’une boîte qui a signé une charte anti-harcèlement. Comme si cet engagement était un argument en faveur de son innocence ! Et c’est la descente aux enfers.



Le gingembre est là entre chaque chapitre, jouant le même rôle de repos des papilles traditionnel dans la gastronomie japonaise. Le mari, le prédateur, le fou, autant de facettes d’un même personnage.



Le portrait à charge du personnage est sans appel, son arrogance, son assurance quant une impunité, renforcent encore l’image négative. Et sous ses traits à peine caricaturaux, il n’est pas difficile d’en superposer d’autres, qu’on a pu croiser dans la vraie vie, tant l’histoire est, hélas, banale.



Ce premier roman bouscule, dénonce, avec beaucoup d’assurance, les abus d’un pouvoir injuste, dans une langue musclée et directe. Impressionnant.
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Sept gingembres

Tu finiras à Sainte-Anne



Pour son premier roman, Christophe Perruchas a choisi le milieu qu’il connaît le mieux, celui de la publicité, pour dresser le portrait d’un directeur de création, d’un mari, d’un père, d’un amant et… d’un prédateur sexuel. Glaçant!



«Je m’appelle Antoine, je vis depuis quelques semaines au milieu du 14e arrondissement de Paris, dans cet endroit que j’ai toujours regardé avec fascination avant d’avoir à y dormir. L’hôpital Sainte-Anne ne comporte plus aujourd’hui que deux pavillons dédiés à l’accueil permanent.» Les premières lignes de «Sept gingembres» racontent le quotidien d’un pensionnaire de l’hôpital psychiatrique le plus célèbre de Paris et permettent à Christophe Perruchas de construire son premier roman autour de la question qui va dès lors tarauder l’esprit de ses lecteurs: comment en est-on arrivé là? Car ce patient a bien réussi, il est publicitaire, directeur de création dans une agence parisienne. Il a une femme, deux enfants et une solide culture générale, cherchant dans les murs qui l’entourent les traces de ses prédécesseurs, Antonin Artaud et Louis Althusser…

Peut-être faut-il voir dans son appétit sexuel la cause première de son dérapage. On imagine qu’il n’est pas le premier à tromper sa femme avec son assistante. Sauf que dans un monde post #metoo la question du consentement revient comme un boomerang. A-t-elle vraiment eu le choix? A-t-il joué de sa position dominante? Au fil des pages le portrait du cadre dynamique dont les idées rapportent gros va se brouiller. De meetings en séminaires, de chasse aux gros contrats aux ambitions de plus en plus démesurées, il va se transformer en prédateur. S’il est bien conscient des enjeux et de la nécessité de valoriser la femme – surtout dans un milieu considéré comme machiste, créateur et développeur du concept de la femme-objet – il y voit surtout un défi à la hauteur de sa capacité de séduction. Après les SMS très crus adressés à sa maîtresse, il va fantasmer sur les femmes qui vont croiser sa route, au bureau, dans le train, au restaurant. Son imagination déborde, son sexe se durcit, ses paroles s’enrichissent de sous-entendus de plus en plus explicites, d’allusions déstabilisantes. Il est pris dans un engrenage infernal qu’il s’évertue consciencieusement à huiler pour accélérer frénétiquement. Jusqu’à éveiller les soupçons d’un inspecteur du travail. Dont il est persuadé qu’il ne fera qu’une bouchée. N’est-il pas signataire de la charte anti-harcèlement? N’a-t-il pas approuvé la politique d’égalité salariale?

Un aveuglement qui rendra sa chute encore plus brutale. Car désormais les rumeurs enflent, les femmes se méfient, la Direction le lâche. Et les journalistes s’en donnent à cœur joie…

Le contre-feu, ces sept gingembres qui donnent son joli titre au livre et qui sont autant d’épisodes qui racontent la famille unie mise en scène via les réseaux sociaux, ne pourra éviter l’embrasement. Et le retour à Saint-Anne.

Refermant ce premier roman, raconté par le prédateur sexuel, on se dit que le publicitaire a parfaitement réussi son pari, fidèle à sa maxime «faire du quelque chose avec du rien et du quelque chose transgressif, toujours. Dans un cadre fort.»






Lien : https://collectiondelivres.w..
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Revenir fils

Les explorateurs 2021 lecteurs.com - Rentrée littéraire 2021



Au volant de sa voiture, le père aime voir défiler les kilomètres. Que ce soit sur les routes bretonnes ou lors des longs voyages où il tracte la caravane familiale, cet homme prend plaisir à conduire sa Peugeot. Si on lui demande pourquoi avoir choisi cette marque de véhicule, il répondra "Peugeot, c'est pas beau, mais c'est increvable" oui "increvable et ça fait aussi travailler la France".

Pourtant, malgré sa confiance inébranlable dans son véhicule, lors d'une sortie le père de famille termine sa route dans un poteau de ciment. A partir de là tout change. Il laisse dans le deuil une épouse et un fils de quatorze ans.

Malgré le chagrin, la vie doit reprendre. Seuls dans la maison familiale, la mère et l'adolescent doivent continuer à avancer. Chacun doit poursuivre ses activités. Le fils retourne au collège, retrouve ses amis et participe le mercredi à des cours de théâtre pendant que la mère qui reste à la maison passe le temps en suivant des ateliers de poterie.

Rapidement un fossé va se créer entre cette mère et son fils. Alors que lui est en pleine découverte de la vie et ressort plus fort de cette tragédie, la jeune veuve endeuillée sombre petit à petit dans la folie.

Au début, rien ne paraît anormal. La mère commence à conserver et à recycler les objets. Pourquoi pas, si cela peut l'occuper... Mois après mois la maison ne se désemplit pas, même si cela n'est pas évoqué, cette femme montre les signes d'un syndrome de diogène. A cela s'ajoutent d'autres troubles psychologiques la replongeant dans un lointain passé avant le décès prématuré de son premier enfant, Jean, touché par la mort subite du nourrisson.

Néanmoins, malgré les pathologies grandissantes de sa mère, le fils reste présent au domicile familial et s'acclimate à la situation. Ne souhaitant pas rester dans sa chambre, il décide d'emménager dans la caravane entreposée dans le garage au milieu des accumulations de sa mère. Ce lieu plein de beaux souvenirs va devenir son échappatoire.

Un nouvel événement soudain va chambouler le quotidien de la mère et du jeune homme et qui va marquer une coupure d'une vingtaine d'années entre eux...

Le lien entre une mère et son fils est indéfectible mais peut-il survivre à toutes les épreuves?



Cet ouvrage où se mélangent de nombreux sentiments et émotions est une très belle réussite.

Il y a quelques mois, j’avais lu le premier roman de Christophe Perruchas "Sept gingembre" sans accrocher, ici l'auteur a su complètement réinventer son style.

A la lecture de "revenir fils" j'ai senti une évolution dans l'écriture et une sensation de lâcher-prise de la part du romancier. Malgré l'évocation de sujets difficiles ou de thèmes graves, le récit est vivant. On s'identifie et s'attache très facilement aux personnages alors que ceux-ci ne sont identifiés que comme étant "la mère" et "le fils". Cela a été rendu possible par le beau travail d'écriture à deux voix réalisé par Christophe Perruchas qui a su se substituer parfaitement à ses personnages et soigner ses transitions.



Je tiens à remercier les Editions "La Brune" et ce choix de lecture qui m'a été proposé par le comité des Explorateurs 2021 de chez Lecteur.com car le deuxième roman de Christophe Perruchas "Revenir fils" est une très belle découverte pour cette rentrée littéraire d'automne 2021...
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Revenir fils

Il aurait pu être un ado comme des millions d’autres, à la fois ordinaire et unique.

Sa vie aurait dû être banale se partageant entre sa passion pour le théâtre, ses potes Marc et Abdel, sans oublier Isabelle avec « les montagnes sous son pull » qui le font fantasmer.

Oui, tout ça aurait dû lui permettre de se construire, sauf que la vie prend parfois des chemins que l’on n’a pas forcément envie de suivre.

Pour le garçon, il y eu le petit frère Jean qui oublia de respirer et devint tellement plus présent que lui dans le cœur et la tête de sa mère qui s’enfonce peu à peu dans la folie :



« Pour l’instant, je sais juste que ma mère m’a orpheliné de son vivant, le reste n’a pas beaucoup d’importance. »



« Orpheliné », il l’était ce jeune garçon qui n’a pas de nom. Son père mort dans un accident de voiture, la solitude devient son quotidien.

Bientôt l’espace commence à manquer lorsque la mère atteinte du syndrome de Diogène envahit le moindre recoin avec une accumulation d’objets inutiles, le garçon se réfugie dans une vieille caravane.



La deuxième partie du livre m’a particulièrement émue. L’auteur trouve les mots justes pour expliquer le retour du fils. Devenu père à son tour, il revient sur les lieux de son enfance auprès de sa mère.



Roman à deux voix, celle du garçon et celle de la mère qui parle d’elle avec des « on », comme si à travers sa folie, le « je » n’existait plus.



« Revenir fils » construit en alternance entre le présent et l’enfance avec des images saisissantes de réalisme est un roman poignant, parfaitement maîtrisé, parfois violent dans lequel Christophe Perruchas nous parle de la mort, de la solitude, de la difficulté de se construire pour un ado qui ne trouve pas sa place lorsqu’un bébé mort devient vivant à sa place dans la tête de sa mère.



Je remercie très vivement Babelio et les Editions du Rouergue.

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Sept gingembres

Antoine S. est un cadre dirigeant d’une agence de publicité prospère de taille moyenne. Volontiers lourd avec les femmes, et même bien pire, il va être submergé par la vague #metoo. ● Nous sommes dans la tête du harceleur-prédateur : c’est une position dans laquelle on ne place pas fréquemment le lecteur. Ce n’est pas inintéressant de voir de l’intérieur comment fonctionne un pervers narcissique, par ailleurs fort intelligent et pourvu d’un regard aiguisé sur la société actuelle, qu’il critique tout en avouant faire partie de ce qu’il y a de pire dedans. ● Les phrases sont volontiers elliptiques, c’est ce qui fait leur charme, et c’est la signature du style de l’auteur, mais je ne peux pas dire que j’aie vraiment accroché à ce qui est pourtant une vraie littérarité. ● Les bonheurs d’expression pullulent, comme dans la scène du matin avec les enfants, ou bien dans la mise à mort du lapin par le fermier. ● Le titre nous est expliqué par la phrase en exergue : dans la gastronomie japonaise, le gingembre est ce qui permet de retrouver la neutralité du palais entre deux plats. De même, entre les groupes de chapitres s’intercale sept fois un gingembre permettant au lecteur de se rendre compte du bonheur conjugal et familial du narrateur, qui s’amenuise à mesure que ses frasques sont connues. C’est une assez belle idée. ● En conclusion, c’est un excellent roman que je n’ai que modérément apprécié.
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Sept gingembres

**,*



Antoine a 43 ans, il est directeur général dans une belle agence de publicité. Il aime ce qu’il fait, à Paris, cette ville dans laquelle il se rend au bureau à vélo. A la maison aussi, tout est à son bonheur : sa femme, son pilier depuis 20 ans, et leur deux enfants. Mais sa vie n’est pas aussi lisse. Véritable prédateur sexuel, il aime les femmes, les dominer, qu’elles lui appartiennent... Les forcer aussi, parfois. Et ces petits jeux malsains vont causer sa chute...



Christophe Perruchas n’a pas choisi la simplicité pour son premier roman. Mettre ses lecteurs dans la peau de cet homme est plutôt inconfortable et dérangeant. Évoluer dans cet univers dangereux et sombre n’est pas des plus plaisant...



Mais l’auteur a sacrément du talent ! Parce qu’on ne lâche pas le livre, on s’attend au pire mais on s’étonne tout de même de cette chute.

Le roman est court. L’auteur ne s’épuise pas à nous décortiquer l’âme et la pathologie d’Antoine. Pas de jugement, quelques détails salaces histoire qu’on le déteste vraiment...



Et puis ces courts intermèdes. Ceux qui montrent l’autre facette de ce prédateur, de ce père et mari aimant... Loin d’atténuer notre dégoût, ce portrait est encore plus glaçant. Car Antoine, finalement, peut être n’importe qui...



Merci aux 68 premières fois de m’avoir fait découvrir cette lecture vers laquelle, c’est sûr, je ne serais jamais allée seule...
Lien : https://lire-et-vous.fr/2021..
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Revenir fils

***,*



A quatorze ans, pas facile d’affronter le décès brutal de son père. Pas plus simple d’ailleurs que de voir sa mère sombrer dans un deuil impossible, ravivant atrocement la mort d’un premier enfant. Alors, cet adolescent perdu s’enferme dans sa caravane, s’entoure de ses amis et se fond dans les premiers amours. Vingt ans plus tard, il est devenu père et sait qu’il doit affronter son passé… Revenir fils et enfin avancer…



J’ai lu le premier roman de Christophe Perruchas, Sept gingembres, grâce aux 68 premières fois. Un roman dérangeant qui signait nettement une écriture travaillée et un talent certain. Parce que croyez-moi, il en faut du travail et du talent pour emporter son lecteur dans la tête d’un prédateur sexuel !



Dans son second roman, Christophe Perruchas confirme qu’il est un conteur à part entière. Son univers, décalé et particulier, ne peut pas laisser indifférent.

Ici, l’histoire tourne autour d’un narrateur et de sa mère. Déjà, il y a comme une barrière, un mur, un espace froid : on ne connaîtra jamais le prénom de ce garçon et sa mère parle d’elle avec ce « on » dépersonnalisé et distant. L’auteur ne joue pas sur les émotions. Mais c’est là toute la force de son écriture ! Encore une fois, il nous entraîne dans son monde sans qu’on ne s’attache à rien. On est happé par la détresse de ses deux personnages, par l’abîme qui se creuse entre eux, sans pour autant être ému aux larmes. Nous sommes les spectateurs invisibles d’un univers qui s’écroule…



Et puis on ferme le roman, on tourne la dernière page. Et alors qu’on pensait être éloigné de ses personnages, qu’on s’estimait touché mais pas bouleversé, qu’on croyait avoir lu de simples mots, on est frappé par cet homme qui cherche sa place, qui la devine, qui la regarde bien en face et qui la gagne. Cette victoire est à lui seul, il ne peut la partager. La fera-t-il avancer ? Sombrer ? Se relever ?



Merci aux 68 premières fois pour cette lecture toute aussi déroutante que poignante…
Lien : https://lire-et-vous.fr/2022..
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Revenir fils

1987 « La mère a touché les fils, elle a fondu les plombs », (p.94) cette expression revient plusieurs fois dans la bouche du narrateur, un ado qui voit sa vie exploser une seconde fois. Après le décès du père, le voilà confronté à un second drame, la folie de sa mère, qui simule un accouchement sur un parking de supermarché, celui de son frère aîné, Jean, décédé bien des années plus tôt d’une mort subite du nourrisson.

Passé ce terrible épisode, ce sont ses fils (ses enfants) qui sont fondus dans l’esprit de la mère pour ne plus faire qu’un, le problème étant que sa mémoire a rayé de la carte son fils bien vivant pour ressusciter celui décédé.

2007 L’ado n’en est plus un, il est maintenant, marié, père de jumeaux, d’ailleurs il n’aime pas ce mot, utilisé par sa femme pour s’adresser à leurs enfants, qui fond le frère et la sœur en une unique entité indistincte tel un monstre hybride.

Sur un coup de tête, il décide d’écourter ses vacances avec femme, enfants et beaux-parents, il part sans rien dire, en expédition, revoir sa mère après toutes ces années écoulées.

La mère, non contente de continuer à prendre son fils pour l’enfant Jean, a développé le syndrome de Diogène, et stocke objets et ordures ramassés dans les poubelles dans toutes les pièces de la maison.

J’ai regretté que cette maladie n’occupe pas une place plus centrale dans le roman, car ce thème m’interpellait et m’avait fait placer ce livre en haut de ma pile.

Le récit est tout en émotions, c’est parfois très fort, surtout lorsque le fils tente maladroitement de se rapprocher de sa mère, de s’occuper d’elle, sans avoir le mode d’emploi d’une vieille femme démente. Toutefois, je suis restée parfois un peu trop à la surface de ces émotions.

J’ai aimé être dans la tête de la mère et du fils, et j’ai trouvé que c’était un vrai tour de force de Christophe Perruchas de rendre si crédibles les pensées de la mère, de retranscrire la logique de sa folie. Cependant, la voix de l’ado a résonné moins juste à mes oreilles, les expressions m’ont semblées moins fluides.

La fin du roman m’a dérangée, explosion de haine, de folie, de ressentiment, le narrateur veut-il également fondre ses fils ? … un petit gout d’inachevé pour moi …

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Revenir fils

Eblouissement ! Ce livre est étonnant, détonnant, innatendu et surprenant.

C'est merveilleux de provoquer la surprise chez de vieux lecteurs qui en ont lu, tant d'autres..

C'est une histoire folle qui ne peut que rendre fou.

La mère a perdu un fils , puis son mari.

Il lui en reste un, de fils, mais il parait invisible.

Elle a abandonné le "je", elle devient "on" pour...ne plus être seule, refuser la perte, l'abandon .



Le fils, a essayé la colère, le déni, la vie de famille pour fuir" tout ça"

Mais "tout ça " le rattrape un jour de grisaille et il replonge dans ce grand bazar utérin.



Si vous n'avez jamais pénétré un lieu sous la coupe de Diogène, vous ne connaitrez jamais ce "dépaysement absolu" sans visa . J'ai vécu cette expérience deux fois. L' auteur a travaillé le sujet avec un psychiatre, il réussit parfaitement à nous planter cette scénographie.

Même l'odeur "moribonde" décrite m'est revenue... Ces constructions pharaoniques, ces chemins d'hommes entre les édifices, le sol qui fait" chouic"...



Une belle écriture où les images carambolent, l'art de la formule et de l'observation ..

Merci pour la surprise !
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Revenir fils

Ce roman raconte un terrible drame psychologique au sein d’un duo familial. Il offre son histoire par petites touches dans son début. Un peu de patience est peut-être nécessaire avant de rentrer dans l’histoire, mais une fois que l’on a compris le rythme et la façon de parler des deux protagonistes, c’est très facile. Le langage est parlé, à la fois drôle et bouleversant. Ça réveille des émotions profondes.



L’auteur explore les pensées et les comportements de deux personnages qu’on oublie mal et qui cohabitent autour d’un vide qui les sépare, une mère et son fils 14 ans. Ils ne se croisent presque pas, et communiquent assez peu. Le désespoir plane dans leur maison, et ils préfèrent soit se replier sur les objets vides, quant à la mère, soit s’enfermer dans la caravane au fond du jardin, ou aller au cours de théâtre, quant au fils.



L’ombre du père, dit « L’homme », récemment décédé est encore là, traumatisme que « la mère » a rangé sur un autre plus ancien, celui de la perte de son premier bébé, de « L’enfant Jean ».



Le récit alterne ainsi dans une routine familiale, les voix de ce duo qui semble délaissé par la vie. Quand la mère fait son rituel de tri et qu’elle récupère les boîtes, les bouteilles, j’ai pensé au début que c’était de la récupération normale, comme tout un chacun peut faire dans cette société de récup, mais au cours des pages, il commence à se dégager un sentiment d’oppression et de malaise.



La mère aime lire la rubrique nécrologique avec son fils, c’est un rituel qui semble les unir, d’une certaine façon. Ils aiment aussi manger des pizzas surgelées, et la mère en garde les boîtes, encore…



Jusqu’au jour où elle « touche les fils », selon les mots du fils, et après ce choc, celui-ci doit quitter la maison… Leur histoire n’en est pas finie là pour autant.



L’auteur restitue très bien dans ce roman l’incommunicabilité au sein d’une famille abimée. Ses personnages sont si attachants et si analysés que la folie semble y avoir sa propre raison.

Je suis heureuse d’avoir découvert cet auteur avec ce très beau livre. Il vaut le détour.

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Sept gingembres

Un récit qui m'a laissée vaguement sonnée, et comme convalescente...



Car quel malaise de se glisser dans la peau de ce quadra parisien, DG dans une boîte de pub... Un milieu professionnel à gerber soit dit en passant, ce qui est parfaitement rendu dans le livre : ce cynisme, cette vacuité, cette nuisance dont fait preuve cette engeance... non vraiment, passer ses journées, remplir sa vie avec ce genre d'activité me dépasse et me laisse un arrière-goût de mépris désagréable.



Le cœur de l'affaire étant évidemment le rapport aux femmes de cet homme, dont l'aisance et le statut social lui laissent croire qu'il est irrésistible.



Etre ému par l'ombre d'un sein, par la rondeur d'une épaule dénudée ou par une cambrure de reins, oui. S'en exciter, fantasmer, pourquoi pas. Mais Antoine S. va plus loin, il est insatiable : il scrute, analyse, décortique les femmes qui l'entourent, puis, il passe à l'attaque. Pression, séduction, surprise, tout est bon pour arriver à ses fins, sans jamais se préoccuper du libre arbitre de ses victimes. Réification.
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