À l'occasion de l'événement Babelio, nos trois auteurs (Nicolas Druart, Frank Leduc et Christophe Vasse) répondent à nos questions. Un beau moment d'échange et de partage.
C'était une débauche de lumières et les joueurs grouillaient autour des bâtiments scintillants, enfiévrés par l'épileptique désir de s'y brûler les ailes. Les sonorité hypnotiques des machines à sous imposaient malicieusement à la conscience le cliquetis des pièces qu'elles laissaient occasionnellement dégringoler dans les gobelets en plastique. Le bruissement aigu des mécaniques sournoises dévoyait patiemment l'esprit des joueurs. Tentation, envie, tromperie et illusion, et au final, châtiment et punition, exactement comme dans un tableau de Bosch.
Des dômes de verdure perdus dans le brouillard, saupoudrés çà et là d'une fine couche de neige. Quelques toits recourbés irisent par endroits le vert uniforme de petites touches de couleur, mais la civilisation est loin. Le paysage défile et bientôt, le dos de ce prodigieux dragon vert, qui tour à tour plonge et émerge de l'immobile mer de brume, s'orne d'une crête millénaire. Les yeux s'émerveillent devant cette fabuleuse échine de pierre qui semble enserrer le champ de vision. Le regard suit la courbe tortueuse des kilomètres et des kilomètres. Elle se rompt par endroits, se reforme aussitôt, disparaît sous la végétation, reparaît plus puissante pour poursuivre son chemin, implacable.
Trois clients, deux femmes et un homme, la (Rebecca, cartomancienne) consultèrent dans l'après-midi. Sa clientèle était majoritairement féminine - sans doute les femmes se posaient-elle plus de questions que les hommes et éprouvaient-elles systématiquement le besoin d'y répondre.
- J'ai une bombe lacrymogène à portée de main et je te rappelle que je suis toujours assidûment mes cours de taekwondo.
- Ah oui ? Et à quoi te serviront tes cours de taekwondo quand tu tomberas sur un gars qui fera le double de ton poids ?
- Si je tombais sur un gros costaud comme toi, ce serait beaucoup plus facile : je courrais autour d'une table et j'attendrais qu'il s'essouffle.
- C'est drôle, ça... Il faudrait déjà que tu aies une table sous la main.
Un rayon de lumière frappa un instant son visage. Séverin n'avait pu contenir sa surprise en entrant. C'était une espèce d'amalgame entre un masque de carnaval bon marché et un portrait d'une créature de Bosch, l'oeuvre d'un chirurgien qui aurait commencé avec les meilleures intentions, mais qui aurait perdu la raison en cours de route.
Son corps et son esprit étaient littéralement anesthésiés. Il avançait comme une machine inconsciente de sa propre existence, ignorante du sens même que ce mot revêtait.
A quoi sert de se recueillir au-dessus d’une dalle de pierre grise sous laquelle ne subsistent plus qu’un amas d’os désarticulés que le temps finira par réduire en poussière ? L’âme, l’esprit, l’énergie vitale, toutes ces conneries sont imaginées pour donner de l’espoir à l’homme et éviter qu’il ne passe sa vie dans l’angoisse de son trépas. Ses parents sont auprès d’elle, dans son cœur et dans sa tête, et pas dans une caisse de bois posée au fond d’un trou creusé dans la terre.
La vie ne s’embarrasse pas de délicatesse, il faudra que tu choisisses : être philosophe ou malheureuse. (Geneviève, la grand-mère à Gabrielle)
Il avait souvent entendu dire que la souffrance était source d’inspiration chez beaucoup d’écrivains. Il lui devait sûrement beaucoup en effet, mais au-delà d’une certaine limite, elle devenait carrément destructrice.
A plusieurs reprises, elle est tentée d'ouvrir les yeux, mais elle tient bon : c'est ainsi dans la vie, on ne voit pas les coups arriver et lorsqu'ils tombent, il faut continuer à avancer.