Christopher Clarey

L'Espagne a produit plus d'une star du tennis depuis que Manolo Santana a remporté quatre tournois majeurs dans les années 1960. Mais Nadal était sa première superstar : un véritable prodige, une alliance irrésistible de charisme volontaire et de valeurs à l'ancienne comme l'humilité et la famille...

Et Nadal a su toucher le grand public à grands coups de "vamos".

Pierre Paganini est le préparateur physique de Federer. Il l'a rencontré à Ecublens en 1995 et a rejoint son équipe personnelle en 2000, ce qui signifie qu'il en reste de loin un membre le plus ancien.

Dès le début, Paganini avait une vision sur le long terme concernant la santé et le parcours de Federer, ainsi que l'assurance et la crédibilité nécessaires pour l'aider à tout mettre en oeuvre.
Le message principal était qu'il fallait travailler dur et constamment, tout en réservant des plages de repos et d'évasion, afin de perdurer dans un sport dont les rythmes et schémas répétitifs peuvent finir par émousser la joie de vivre d'un joueur. Il était essentiel de se sentir frais et dispos physiquement, mais aussi mentalement.

"On me le dit tout le temps, m'a répondu Paganini. Avoir du potentiel est une chose, mais l'exprimer pendant soixante-dix matchs par an en est une autre. C'est le but de Roger : rester constant à chacun de ses matchs et séances d'entraînement. Je crois qu'on sous-estime tout le travail qu'il fait, et c'est un problème. Un très beau problème. Quand on le voit jouer, on voit l'artiste qui s'exprime. On en oublie presque qu'il a dû trimer pour en arriver là, comme on regarde un danseur de ballet, et on voit la beauté, mais on oublie tout le travail derrière. Il est nécessaire de travailler très, très dur pour devenir un aussi beau danseur."

Il a renforcé sa prise sur la première place pendant l'année 2004, où il a atteint onze finales en simple, qu'il a toutes remportées. Il a gagné sur les trois surfaces principales : sept fois sur des courts en dur, deux fois sur terre battue, et deux fois sur gazon. Il a triomphé sur quatre continents, l'Australie, l'Asie, l'Amérique du Nord et l'Europe. En tout, il a atteint un bilan global de 74 victoires pour 6 défaites.

"Il rebondit vraiment très vite, Paul Annacone, un de ses entraîneurs de longue date, m'a t-il appris. Oui, il est démoralisé, mais à la fin de la soirée ou le lendemain matin, il est de nouveau d'attaque. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui parvenait aussi bien à trouver un véritable équilibre entre la capacité à apprécier les choses en cas de victoire et celle de tourner la page quand ça se passe mal."

"En athlétisme, le type qui a de l'endurance fait le marathon et celui qui est explosif fait les sprints, affirme Paganini. Au tennis, il faut avoir de l'endurance et de l'explosion, deux qualités antagoniques. C'est ce qui rend ce sport si fascinant, et c'est aussi pour ça que je pense qu'il est bien plus difficile qu'on ne se l'imagine."

Le débat fait rage depuis longtemps : est-ce qu'on naît champion, ou est-ce qu'on le devient ? Ou alors, ce qui paraît plus logique, s'agit-il un peu des deux
En ce qui concerne le tennis, je pencherais pour la formule hybride de Martina Navratilova : "On naît champion, et puis il faut avoir le bon environnement pour le devenir."

"Paganini est un type intelligent qui n'a aucune envie de se mettre en avant, de jouer les vedettes, décrit Bresnick. Il préfère se tenir à l'arrière-plan. Si Federer est sur le devant de la scène, le vrai cerveau resté dans l'ombre ces vingt dernières années est sûrement Paganini."

Federer joue chez lui à peu près partout, et même à l'approche de minuit des centaines de fans se bousculaient encore devant le stade.